Eh oui ! Serge Gainsbourg, mort il y a trente ans, le 2 mars 1991, était un emprunteur. Il n’a jamais renié son amour de la musique classique (« J’aime la grande musique. Moi je fais de la petite musique. De la musiquette. Un art mineur. Donc j’emprunte »), ni a fortiori les sources d’inspiration de plusieurs de ses chansons (une vingtaine au moins).
Il en parle dans le beau documentaire – Gainsbourg, toute une vie – diffusé vendredi dernier sur France 3 (qu’on peut encore revoir sur france.tv).
Max Dozolme en parlait ce matin sur France Musique : Gainsbourg au piano avec Chopin.
Nous l’avions illustré à Liège, lors d’une fête de la musique mémorable, en 2009 (lire l’article de Sylvain Rouvroy sur ResMusica : Salut Gainsbourg !) : dans la même soirée, une quinzaine de chanteurs s’étaient succédé sur la scène de la Salle Philharmonique de Liège, puis l’Orchestre philharmonique de Liège dirigé par Jean-Pierre Haeck avait joué cinq extraits « classiques ».
Je ne vais pas me livrer à une recension exhaustive des « emprunts » classiques de Gainsbourg, mais plutôt souligner les moins connus ou les plus originaux.
- Poupée beethovénienne
La plus célèbre des chansons de Gainsbourg pour France Gall, Poupée de cire, Poupée de son (1965)
a un furieux air de parenté avec l’un des thèmes du dernier mouvement de la 1ère sonate pour piano de Beethoven. La preuve : écouter Daniel Barenboim à 0’38
2. My Lady sur un marché persan
Gainsbourg, pour son sulfureux Lady Heroïne, va chercher une mélodie chez le Britannique Albert Ketelbey (1875-1959), auteur à succès de musiques « exotiques », comme Sur un marché persan à écouter à partir de 1’45 »
3. La chanson perdue de Solveig
Enregistrée en concert, dans la ville natale de Grieg, par l’excellent orchestre de Bergen et son excellent chef Edward Gardner, la chanson de Solveig, faisant partie de la musique de scène de Peer Gynt, est à entendre à 14’50.
4. Jane et Frédéric
Chopin a inspiré plusieurs des mélodies de Gainsbourg, et pas nécessairement les pièces les plus connues. Ainsi le 4ème des Préludes op.28, si mélancolique, donne Jane B. en 1969
5. La Tristesse de Charlotte
Lemon Incest s’inspire directement de la plus célèbre des Etudes de Chopin, la 3ème de l’opus 10, surnommée « Tristesse »
6. Chopin dépressif
Toujours Chopin dans Dépression au-dessus du jardin
Cette fois c’est la 9ème des études de l’opus 10 qui est convoquée. Ici sous les doigts inimitablement poétiques d’Artur Rubinstein
7.8. Son Nouveau Monde
Gainsbourg utilise, à deux reprises, des thèmes de la Symphonie n°9 dite « du Nouveau monde » de Dvorak.
Le moins évident des emprunts – dans le 4ème mouvement de la symphonie – se trouve dans le film Le Pacha de Georges Lautner (1968) et la chanson Requiem pour un con que Gainsbourg chante et joue devant Jean Gabin
à partir de 0’22 »
Pas non plus immédiate la référence au Nouveau monde dans Initials BB
on repère l’emprunt à 4’45 »
9. Lou Appassionnata
Le rapport entre cette chanson et Beethoven ? Pas évident du tout. Mais Gainsbourg qui connaissait ses classiques trouve le thème du refrain de cette chanson dans l’un des thèmes de la sonate n°23 dite « Appassionata » de Beethoven…
Et pour finir cette liste non limitative, le plus célèbre des emprunts gainsbourgiens à la musique classique :
Brahms et le charme mélancolique du troisième mouvement de sa 3ème symphonie ne pouvaient pas ne pas séduire Gainsbourg.
J’ai pour cette intégrale viennoise de John Barbirolli une tendresse toute particulière, même s’il y a bien des versions plus idiomatiques (lire Barbirolli le Viennois)
