L’épidémie de Covid-19, la fermeture des lieux de culture, l’annulation des festivals, la mise au chômage de milliers d’artistes, ont éclipsé le 250ème anniversaire de la naissance de Beethoven. Le génie universel du natif de Bonn n’a, en réalité, nul besoin d’un anniversaire pour être célébré.
En guise de bouquet final, à quelques heures de la fin de cette sinistre année 2020, ces quelques pépites tirées de ma discothèque.
Les mêmes solistes que dans la célèbre version Karajan, mais sous la baguette moins figée de Kirill Kondrachine à Moscou (une version disponible dans le gros coffret Richter/Melodia: Edition limitée)
5. Quatuor op.59 n°1 « Razumovsky » : Incontournable dans Beethoven le Quatuor Alban Berg
6. Sonate pour piano et violon op.24 « Le Printemps » : Alina Ibragimova, Cédric Tiberghien
L’une des plus réjouissantes intégrales des sonates pour violon et piano.
7. Symphonie n°7 / William Steinberg, Pittsburg Symphony Orchestra
8. Concerto pour violon / Wolfgang Schneiderhan, Eugen Jochum, orchestre philharmonique de Berlin
L’une des moins connues et pourtant l’une des plus belles versions du concerto pour violon, enregistrée à Berlin en 1962 par Wolfgang Schneiderhan et Eugen Jochum (auteur de trois intégrales des symphonies, comme celle qui a été captée à Amsterdam : Beethoven 250 Jochum Amsterdam)
9. Fantaisie chorale op.80 : Rudolf Serkin, Leonard Bernstein, New York Philharmonic
La version la plus survoltée de cette préfiguration de la 9ème symphonie :
10. Rondo a capriccio « pour un sou perdu » : Evgueni Kissin
Une pièce souriante (il n’y en a pas tant que cela !) de Beethoven, faussement facile, le bis favori du jeune Evgueni Kissin
S’il y a bien un terme tout à fait abusif pour décrire ce qui s’est passé ce 15 décembre en France, c’est bien celui de « déconfinement ». Certes, les autorisations pour se déplacer ont disparu, mais comment peut-on oser parler de déconfinement, lorsque la vie culturelle – et sportive – reste interdite, lorsque les lieux de vie et de convivialité essentiels que sont les cafés et les restaurants sont fermés pour plusieurs semaines encore ?Cette série n’est donc pas près de s’arrêter !
Deux disparitions : Ivry Gitlis, Fou Ts’ong
Je ne me suis pas cru obligé d’en rajouter sur la mort d’Ivry Gitlis, que même l’Elysée a honoré d’un long communiqué de presse. Moi aussi je l’ai souvent vu ces dernières années s’inviter au concert, dans les loges, jouer dans de mauvais films, moi aussi j’aime certains de ses enregistrements, mais je m’en tiendrai là, pour ne pas rompre l’unanimité des éloges à son sujet.
Une autre disparition me touche plus, celle, annoncée hier par François-Frédéric Guy, du pianiste britannique d’origine chinoise Fou Ts’ong.
Je l’ai quelquefois aperçu à Bruxelles, lorsqu’il siégeait au jury du Concours Reine Elisabeth, je l’ai surtout aimé par le disque, même si sa discographie est cahotique. Rassembler ses disques ressemble à un parcours du combattant ! Chopin d’abord – Sony serait bien inspiré de rééditer ses introuvables Mazurkas, Nocturnes et autres Barcarolle ou Polonaise-Fantaisie
Magnifiquement captées sur un piano Erard, on ne se lasse pas des Mazurkas gravées par Fou Ts’ong pour l’édition nationale polonaise de l’oeuvre de Chopin.
Mais on cherchera tout autant les Scarlatti, Haydn, Mozart, Schubert, Debussy, disponibles notamment sur le label Meridian
Dans ma discothèque beaucoup de passionnantes versions de la IXème symphonie. L’une d’elles est rarement citée comme une référence, et pourtant, du début à la fin – l’Ode à la joie de Schiller – Charles Munch crée et maintient une tension exceptionnelle ! et quel quatuor de solistes ! et quel merveilleux Boston Symphony Orchestra
17 décembre : Geza Anda et Chopin
À l’époque où il y avait à Paris et dans les grandes villes de nombreux magasins de CD et DVD à tout petit prix, on trouvait, dans le classique, d’improbables collections, où se côtoyaient le pire et le meilleur, comme cette collection « Ermitage » qui reprenait, plus ou moins officiellement, des captations réalisées par la Radio suisse italienne, souvent lors du Festival de Lugano. Depuis que j’ai acheté ce récital de Geza Anda (1921-1976), et en particulier les Etudes op. 25 de Chopin, c’est devenu l’un des disques auxquels je reviens souvent. Je ne connais pas version plus admirablement poétique de la première des études op.25.
18 décembre : Beethoven et Kondrachine
#Beethoven 250
S’il y a un grand chef qu’on n’associe pas à Beethoven – à tort ! – c’est bien Kirill Kondrachine (1914-1981) – lire Le Russe oublié – : un seul enregistrement officiel à Moscou en 1967 de la Quatrième symphonie, un « live » à Cologne de la Deuxième symphonie en 1979, et le 11 mars 1979, magnifiquement captée au Concertgebouw d’Amsterdam, une Eroica d’anthologie : lire Kondrachine l’Héroïque.
19 décembre : Harold en Italie
Aucun voyage, ni proche ni lointain, à l’horizon de la fin de cette année ! On continue donc le voyage au coeur de ma discothèque, et on accompagne aujourd’hui Harold/Berlioz en Italie. J’ai déjà raconté les circonstances de la composition de cette oeuvre pour alto principal et orchestre : Harold en Russie
Et malgré la richesse de la discographie de cette oeuvre, je continue de placer tout en haut de mes références personnelles, un disque jadis acquis en vinyle, et très longtemps demeuré non réédité en CD. Une version 100% russe, où l’alto de Rudolf Barchai (1924-2010) – définitivement bien meilleur instrumentiste que chef d’orchestre – incarne véritablement Harold, et où la direction fiévreuse de David Oistrakh (1908-1974) épouse toutes les humeurs du génie berliozien
20 décembre : Le ténor magnifique
Les clichés ont la vie dure, en musique comme en art en général. Aux voix méditerranéennes l’opéra italien ou les chansons espagnoles, aux autres Wagner ou Sibelius Dans ma discothèque, le ténor magnifique Fritz Wunderlich (1930-1966) mort à 36 ans, occupe une place à part. Et lorsqu’il chante, même en allemand, la chanson du Mexicain Agustin Lara, Granada, tout le soleil du monde est dans sa voix !
21 décembre : Shéhérazade et Armin Jordan
C’est une rareté dans la discographie considérable du chef-d’oeuvre de Rimski-Korsakov (1844-1908) Shéhérazade que l’enregistrement réalisé en 1990 par Armin Jordan et l’Orchestre de la Suisse romande, paru à l’époque sous étiquette Virgin. C’est une vive émotion, pour moi, de découvrir la captation télévisée qui avait été faite – j’étais dans la salle du Victoria Hall – de cette Shéhérazade, et de retrouver, outre mon cher Armin Jordan (lire Etat de grâce) tant de visages familiers : Abdel Hamid El Shwekh violon solo, François Guye violoncelle solo, Bruno Schneider au cor, et bien d’autres que j’avais, pour certains, revus il y a quatre ans.
22 décembre : le maître de ballet
Abondance de raretés, de trésors cachés, de répertoires inconnus, de musiques douces, légères et dansantes dans ce coffret hommage au chef d’orchestre Richard Bonynge (né en 1930) : lire Le Maître de ballet
23 décembre : White Christmas ?
Si comme moi vous ne supportez plus d’entendre de mauvaises versions de chants de Noël – comme Jingle bells – dans les rues commerçantes ou les grandes surfaces, revenez à la tradition des Boston Pops et de leur chef légendaire Arthur Fiedler (1894-1979). Comme à cette pièce qui évoque d’abord l’hiver de Leroy Anderson, écrite en 1948 : Sleigh Ride
24 décembre : Rêves d’hiver
La première symphonie de Tchaikovski est une invitation : Rêves d’hiver. C’est avec Lorin Maazel (1930-2014) et l’Orchestre philharmonique de Vienne que je l’ai découverte, puis j’ai aimé le jeune Michael Tilson-Thomas à Boston… et Karajan à Berlin : Les rêves d’hiver de Tchaikovski
25 décembre : Noël suédois
Ce fut d’abord un vinyle – paru en 1976 – puis un CD en 2003, un ensemble suédois inconnu (http://www.oscarsmotettkor.se), un disque de démonstration pour audiophiles.Cela reste, en 2020, une des plus originales compilations de chants de Noël. Ecoutez, par exemple :
26 décembre : Saint Etienne
Le 26 décembre est la fête des Etienne, Stéphane (et dérivés !). En 1811, pour l’inauguration du grand théâtre de Pest (actuelle partie de Budapest), dont la construction a été décidée par l’empereur François Ier d’Autriche, Beethoven met en musique un texte de Kotzebue : Le Roi Etienne, qui célèbre Etienne Ier, le fondateur de la Hongrie en l’an 1000. Cette musique de scène créée le 9 février 1812, est en dix parties.
Peu de versions intégrales, à la très médiocre version Chung, on préfèrera Michael Tilson Thomas avec l’Orchestre symphonique de Londres
27 décembre : Le Groupe des Six
Seule oeuvre collective du Groupe des Six (lire Groupe de Six), Les Mariés de la Tour Eiffel est un ballet créé en 1921 auquel ont contribué Georges Auric, Arthur Honegger, Germaine Tailleferre, Francis Poulenc et Darius Milhaud, et bien sûr Jean Cocteau
28 décembre : Les Dossiers de l’écran
C’est devenu l’un des plus célèbres génériques de la télévision française (« Les Dossiers de l’écran« ), une des musiques du film de Melville, L’Armée des ombres, et accessoirement de « Papy fait de la résistance » ! Morton Gould (1913-1996) – lire Le dossier Gould – compose ses Spirituals en 1941 : le quatrième mouvement est intitulé Protest.
Voilà des semaines que je n’ai rien dit ici de mes lectures. Six livres achetés ou reçus ces dernières semaines, cadeaux ou non. Sur la musique et la politique, deux de mes passions avouées.
Cocteau l’insupportable
Ce n’est pas le premier ouvrage sur ce que, par facilité, on a appelé Le Groupe des Six, mais c’est assurément le plus savoureux.
Le Groupe des Six ? Voilà les musiciens qui ont occupé le devant de la scène artistique parisienne dans l’immédiat après-Première Guerre mondiale. Parrainés par Erik Satie et soutenus par Jean Cocteau, à la fois leur imprésario et leur éminence grise, les Six furent les porte-drapeaux de l’Esprit Nouveau qui soufflait alors sur Paris. Voix intermittentes du néoclassicisme hexagonal pour les uns, simples farceurs embobinant dans leurs canulars un public crédule et une critique complaisante pour les autres, ils ont marqué comme peu cette période d’effervescence, où tout semblait possible. Les Six, donc : Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre
C’est ainsi qu’Actes Sud présente le dernier opus de Pierre Brévignon.
Brévignon règle son compte à un personnage que je ne suis jamais parvenu à lire, ni donc à apprécier, l’ineffable Jean Cocteau. J’ai l’âge d’avoir connu des gens qui ont connu, approché – parfois de très près – celui qui s’est toujours piqué d’être l’ami des grands de ce monde, voire leur inspirateur ou leur impresario. Ainsi Le Groupe des Six serait une invention de Cocteau… une de plus ! Invention, dans toutes les acceptions du terme ! :
« De son propre aveu, Cocteau s’est toujours rêvé Paganini du violon d’Ingres. Parmi ses nombreux dons, le plus remarquable était d’imprimer sa marque dans tous les domaines où il s’aventurait, unifiés sous le même label de « poésie » (de roman, de théâtre, de journalisme, graphique, critique, cinématographique)… Son sens de la publicité et sa prolixité lui valaient autant d’admirateurs que d’adversaires, la frontière entre les deux étant souvent fluctuante comme purent l’expérimenter un Gide, un Picasso, un Stravinsky ou un Mauriac/…../ Ce désir de se trouver au coeur du mouvement et de la vie des arts constitue l’impetus coctaldien par excellence. Cocteau se défendra souvent de courir après l’avant-garde…. Si quelque chose de neuf doit voir le jour sur la scène artistique, il faut qu’il ait un rôle à y jouer. Quitte à s’y inviter par effraction. »
S’agissant de la seule femme membre du Groupe des Six, on doit à la vérité philologique de préciser que Germaine Tailleferre est née Marcelle Taillefesse!
Le directeur artistique du Festival de Nohant, écrivain, philosophe et critique Jean-Yves Clément n’en est pas à son coup d’essai sur Chopin. Depuis cet essai paru au printemps, il a même récidivé avec ce Voyage de Majorque qui se présente comme un « faux journal » de Chopin et de son séjour dans l’île espagnole (voir Chez George et Frédéric)
L’auteur nous invite à réentendre Chopin hors des clichés répandus, à partir de sa musique seule, encore insuffisamment comprise dans sa singularité et ses audaces. Il brosse un portrait inédit de l’âme divisée du compositeur: » Chez Chopin, seule la musique répond à la musique. Son oeuvre, à proprement parler, ne figure rien. Ni l’amour, ni la nature, ni l’humanité. Seul le vase clos et infini de la musique. » Indépendante de sa vie même, l’oeuvre de Chopin se dérobe, par sa nature, aux circonstances qui la voient naître. Elle s’affirme ainsi comme l’expression la plus affirmée de la solitude absolue du créateur. Elle révèle la dualité de son être comme de son expression – de son génie même : français et polonais, classique et romantique, révolutionnaire et conservateur, sociable et renfermé, mondain et secret… Toute sa vie, le musicien restera un exilé du monde. Chaque chapitre du livre s’appuie sur les oeuvres les plus importantes de Chopin, liées aux périodes essentielles de son existence, de la Pologne à Nohant, en passant par Majorque et Paris, comme autant de cheminements significatifs de son évolution. (Présentation de l’éditeur)
C’est à une discussion sur Facebook à propos du pianiste Youri Egorov (La nostalgie des météores) que je dois d’avoir découvert (et acheté par correspondance) un ouvrage atypique, curieux mélange de journal intime, autobiographie, manifeste politique. Qui constitue surtout un passionnant témoignage sur la vie musicale du temps de l’ex-URSS. Celui du pianiste Andrei Gavrilov, né en 1955 à Moscou.
« Scènes de la vie d’un artiste » c’est bien de cela qu’il s’agit, sans ordre apparent. On peut prendre un chapitre au hasard, puis un autre, sans risquer de perdre le fil d’un récit qui n’en a pas. Quelque chose me dit que c’est l’auteur lui-même qui a écrit cette « présentation de l’éditeur » (précisons d’emblée que la traduction française est souvent approximative)
En 1974, à l’âge de 18 ans il remporte le cinquième Concours Tchaïkovski. La même année il fait ses débuts sur la scène internationale par un triomphe au fameux Festival de Salzbourg où il remplace Sviatoslav Richter malade. Depuis lors, il a connu une impressionnante carrière internationale et s’est produit avec les plus grands orchestres du monde. Persécuté par le KGB depuis 1979, Andrei Gavrilov échappe à quatre tentatives d’assassinat. En 1984 il parvient à fuir l’URSS, il s’établit d’abord en Angleterre, puis en Allemagne, et définitivement en Suisse en 2001. Nous publions dans ce livre les souvenirs des incroyables événements qui se sont produits au cours de sa vie entre 1973 et 1985. L’artiste partage avec nous ses analyses philosophiques sur les principaux problèmes du monde moderne qui ne se limitent pas au totalitarisme et à la décadence de notre culture. C’est un regard perçant de l’homme à travers la musique. On y trouve également de nombreuses anecdotes sur les grandes célébrités internationales, comme Malkovich, Richter, Rostropovitch et beaucoup d’autres. Gavrilov se penche sur son passé et nous livre avec bonheur et amertume un regard inédit sur la fin de l’Union sovietique, à travers un récit où la caricature la plus grotesque se mêle étroitement à la tragédie et aux épreuves que traverse un jeune homme sincère et un artiste de génie. Ce livre hors norme et bouleveversant est un témoignage historique de première importance.«
Ce qui retient d’abord l’attention c’est l’amitié qui a lié le jeune pianiste de 23 ans à son glorieux aîné de quarante ans, Sviatoslav Richter, Fira dans l’intimité. A en juger par la violence de certains commentaires de la discussion sur Facebook (cf. supra), on ne touche pas impunément à une statue comme Richter.
« En 1978 Richter et moi avons eu un véritable coup de foudre. Ce ne fut pas une année ordinaire, mais la lune de miel de notre amitié. Se fréquenter était pour nous fascinant et captivant. Lorsqu’on se voyait, nous sautions tous les deux de joie comme des singes (sic) ».
Parmi mille anecdotes et aventures racontées ici, on relève un projet étonnant, qui a débouché sur une série d’enregistrements (en partie réalisés à la Grange de Meslay si je ne me trompe) : une intégrale des Suites pour clavier de Haendel au piano, partagée entre Richter et Gavrilov.
De Gaulle intime
Sur De Gaulle on a tout dit, tout écrit, mais pas forcément tout montré. Le cinquantenaire de sa mort (lire Le chêne abattu) a donné lieu à d’opportunes publications, comme cet ouvrage de Raphaëlle Bacqué, qui permet d’accéder à quantité de manuscrits, brouillons, notes écrites ou annotées par celui qui fut président de la République de 1959 à 1969. J’ai toujours été fasciné par le contraste entre la taille imposante du personnage (1m96) et son écriture très penchée.
L’homme qui lit
L’ancien Premier ministre d’Emmanuel Macron, remercié en juin dernier, m’a toujours paru sympathique, avec ce quelque chose de décalé dans l’allure, dans l’expression, une sorte de distinction assez british. Et dans la gestion des débuts de la crise du Covid, un sang-froid, une maîtrise, qui contrastaient heureusement avec les emballements – pour user d’un euphémisme – d’autres responsables publics. Pour autant je n’avais rien lu de lui ni sur lui. Ce n’est que récemment que j’ai découvert ce livre, paru en juillet 2017 : un essai politique de plus ? Réponse de l’auteur :
« Lorsque je regarde ma bibliothèque, je vois ce que j’ai appris et une bonne partie de ce que j’aime. Ces livres m’ont construit. Des romans, des essais, des manuels, des bandes dessinées, le tout mélangé, muri ou oublié, redécouvert et discuté. Une bibliothèque est comme le « lieu de mémoire » de notre existence. Elle nous chuchote d’anciennes joies, murmure nos lacunes et trahit des promesses de lecture. Les livres relient les hommes. Derrière ce qui ressemble à une formule, il y a une réalité, particulièrement évidente dans mon histoire familiale, dans ma vie. Dans ma relation avec mon père mais aussi dans le parcours de mon grand-père, dans la vie de ceux qui m’entourent et qui comptent pour moi. »
On a la certitude en le lisant que nul n’a tenu la plume à sa place. L’homme sait lire; et écrire. Bien écrire.
Le lion de Belfort
Dans un tout autre genre, mais d’une plume tout aussi alerte, quoique plus traditionnelle, les Mémoires de Jean-Pierre Chevènement se dégustent à petites lampées mais avec gourmandise. L’ancien ministre de Mitterrand a un art du récit, de la mise en scène des événements auxquels il participe ou qu’il engendre, doublé d’un talent d’écrivain, qui ont peu d’équivalents dans le monde politique actuel.
L’avantage d’un tel ouvrage, c’est qu’à 80 ans, le fondateur du CERES n’a plus rien à prouver, plus personne à convaincre ou à flatter, encore moins à combattre. Sans s’interdire quelques belles formules, quelques bons mots, les portraits que JPC dresse de ses contemporains, de ceux avec qui il a travaillé, qu’il a côtoyés ou combattus, la relation qu’il fait de son action et de celle des gouvernements et assemblées auxquels il a participé, ne sont suspects d’aucune exagération, d’aucune omission. Le pavé fourmille de détails, mais aucun n’est négligeable.
Un peu de nostalgie étreint le lecteur quand il referme l’ouvrage. Qui, aujourd’hui, dans le monde politique français en activité, a l’envergure, la densité, la culture, d’un Chevènement ?
Comme je l’ai raconté dans le premier billet de cette série – La découverte de la musique (I) – j’ai, adolescent, en grande partie constitué ma discothèque classique grâce à une filiale de la puissante coopérative suisse Migros, Ex Libris, qui était à la fois un club et une chaîne de magasins culturels. C’est grâce à Ex Libris que j’ai eu ma première version d’une oeuvre qui a toujours puissamment résonné en moi (Musiques climatiques) : la première symphonie « Rêves d’hiver » de Tchaikovski
Cette symphonie, commencée au printemps 1866, est sans doute celle qui va donner le plus de mal à son auteur, qui traverse de graves crises nerveuses : « Mes nerfs sont à nouveau complètement détraqués. Les raisons en sont les suivantes :
1) les difficultés dans la composition de la symphonie ;
2) Rubinstein et Tarnovski, remarquant à quel point je suis susceptible, passent leur temps à me faire enrager ;
3) la pensée omniprésente que je mourrai bientôt sans avoir eu le temps d’achever ma symphonie.
J’attends l’été et Kamenka comme une terre promise. Depuis hier, je ne prends plus de vodka, de vin ni de thé fort. Je hais l’humanité et voudrais me retirer dans un désert. J’ai déjà pris mon billet de diligence pour le 22 mai… »
Il faudra à Tchaikovski surmonter les refus, les sarcasmes, pour enfin atteindre le succès, deux ans plus tard, lorsque sa symphonie est créée par son dédicataire, Nikolai Rubinstein, le 15 février 1868, à Moscou, lors d’un concert de la Société musicale russe. Ce n’est pourtant que, quinze ans plus tard, le 1er décembre 1883, qu’on pourra la réentendre à Moscou et lire dans Les Nouvelles russes cette critique qui résume bien l’oeuvre : « C’est une symphonie authentiquement russe. Dans chaque mesure, on sent qu’ellen’a pu être écrite que par un Russe« . Tchaikovski lui-même écrit à Nadiejda von Meck: « Même si elle demeure à bien des égards d’une immaturité évidente, elle a pourtant au bout du compte plus de substance et s’avère bien plus réussie que beaucoup de mes œuvres ultérieures« .
C’est donc avec Lorin Maazel – lire Un Américain de Paris – et l’Orchestre philharmonique de Vienne (ah ces couleurs du hautbois solo, des cors !) que je découvre ces Rêves d’hiver, une version qui ne m’a jamais quitté et que je place toujours en tête de ma discographie personnelle de l’oeuvre !
Quelques mois plus tard, je découvrirai l’un des premiers disques du jeune Michael Tilson Thomas :
Et lorsque Karajan, qui a si souvent enregistré les trois dernières symphonies, grave les trois premières pour Deutsche Grammophon, cela donne une Rêves d’hiver intensément lyrique, tragique parfois, comme dans le mouvement lent, d’une abyssale nostalgie :
Au moment de clore ce billet, j’ai une pensée toute particulière pour Patrick Davin, tragiquement disparu au début de l’automne (Un ami disparaît) qui avait magnifiquement dirigé, à ma demande, cette symphonie qu’il ne connaissait pas, à la tête de l’Orchestre philharmonique royal de Liège.
90 ans depuis septembre, cet Australien ne restera pas dans l’histoire de la musique et du disque que comme l’époux de la Stupenda – c’est ainsi qu’on surnommait sa compatriote, disparue il y a dix ans, la cantatrice Joan Sutherland, dont il a dirigé quasiment tous les enregistrements d’opéras.
Une idée pour Roselyne Bachelot : s’il y a un chef d’orchestre qui mériterait la Légion d’honneur, c’est bien Richard Bonynge.
Le superbe coffret que Decca édite en cette fin d’année en témoigne à la perfection : aucun chef n’a autant servi et enregistré la musique française que lui.
Entendons-nous, Richard Bonynge n’a jamais cherché à concurrencer Munch, Paray, Martinon et autres hérauts de Berlioz, Ravel, Debussy, mais le travail de recherche qu’il a inlassablement entrepris pour mettre au jour, réhabiliter, éditer tout un trésor de partitions oubliées du XIXème siècle français, est proprement hallucinant
Personne ne prétend, lui moins encore, que tout ce répertoire n’est fait que de chefs-d’oeuvre, l’inspiration tire souvent à la ligne, et il ne faut pas chercher autre chose que du divertissement, de l’écoute agréable et légère, dans ces ballets, connus (Delibes, Tchaikovski) ou inconnus. Mais que tout cela est fait avec un chic, une allure, magnifiées par des prises de son dans la plus pure tradition Decca.
Il faut aussi louer l’éditeur Decca : les rééditions de cette qualité se font rares, les galettes sont parées de leurs couvertures d’origine, le livret est richement documenté et permet de s’y retrouver très facilement dans les compositeurs, les oeuvres, les interprètes.
Merci Monsieur Bonynge !
Le contenu de ce coffret de 45 CD :
Adam: Le Diable à quatre; Giselle (2 versions); Le Corsaire Auber: Marco Spada; Gustave III – Ouverture & ballet; Concerto pour violoncelle Delibes: Coppelia; Sylvia (2 versions) Leoni: Prayer and the Sword Burgmüller: La Peri Chopin: Les Sylphides Thomas: Hamlet Verdi: Le trouvère, ballet Massenet: Manon (ballet); Le Carillon; Scènes Alsaciennes et Dramatiques; Fantaisie pour violoncelle et orchestre; La Cigale; Valse tres lente; Le Cid; Meditation de Thais (Nigel Kennedy) Berlioz: Les Troyens, ballet Weber/Berlioe: Aufforderung zum Tanz Lecocq: La Fille de Madame Angot Donizetti: La Favorita, ballet Messager: Les deux Pigeons Minkus / Delibes: La Source Drigo: La Flûte magique Minkus / Lanchbery: La Bayadere Gounod: Faust, ballet Offenbach: Le Papillon Popper: Concerto pour violoncelle (Silverstein) J. Strauss II: Aschenbrödel/Cendrillon; Ritter Pasman; Le beau Danube (Désormière); Die Fledermaus, Ouverture et ballet Tchaikovski: Casse-Noisette, Le lac des cygnes, La Belle au bois dormant Händel: Alcina, ballet Rossini / Respighi: La Boutique fantasque Rossini/Britten: Soirées musicales, Matinees musicales Meyerbeer: Les Patineurs Ouvertures du XVIIIème siècle Ouvertures d’opéras français L’art de la Prima ballerina Hommage à Pavlova Entractes et ballets d’opéras français
Orchestre de la Suisse Romande / London Symphony Orchestra / Covent Garden / National Philharmonic Orchestra / English Chamber Orchestra
Dimanche dernier, l’ami Christian Merlin – lire. – consacrait son émission dominicale – Au coeur de l’orchestre – sur France Musique aux orchestres belges ! Et je l’ai manquée, mais on ne manque plus rien ni en radio ni en télévision grâce au podcast.
On peut donc entendre ou réentendre ici – Les orchestres belges – la totalité de cette émission qui dresse un panorama aussi exhaustif qu’équilibré des formations orchestrales belges, mais on ne pourra m’empêcher de penser que, connaissant Christian Merlin, il a gardé le meilleur pour la fin. Il ne s’en cache d’ailleurs pas, et à partir d’ 1h36, il évoque l’Orchestre philharmonique royal de Liège (qui célèbre ses 60 ans cette année : Anniversaires public/privé).
Christian Merlin rappelle la glorieuse histoire d’une phalange, à laquelle je reste fier d’avoir consacré quinze ans de ma vie, de 1999 à 2014 – lire Liège à l’unanimité -, à laquelle me lient, pour toujours, tant de souvenirs, d’amitiés, d’émotions (Les beaux jours). Crise sanitaire oblige, j’aurai manqué, en cette triste année 2020, à la promesse que je m’étais faite de retourner, une à deux fois par an, rendre visite à mes amis liégeois, mais ce n’est que partie remise !
Pour illustrer son propos à propos de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, Christian Merlin propose deux extraits musicaux : l’étude symphonique n°2, Ophélie, de Guillaume Lekeu, dirigée par Pierre Bartholomée.
et le finale de la Symphonie en ré mineur de César Franck, dirigée par Louis Langrée.
Merlin rappelle qu’une Tribune des critiques de disques de France Musique, à laquelle il participait d’ailleurs, avait, à l’issue d’une écoute à l’aveugle, distingué cette version comme la nouvelle référence interprétative dans une discographie surabondante.
Une anecdote – il y a prescription ! – : j’ai évidemment suivi, de bout en bout, la conception, l’enregistrement et la fabrication de ce disque qui regroupe les symphonies de Chausson et Franck. Je me rappelle une visite dans les bureaux d’Universal France, juste derrière le Panthéon à Paris, pour valider la pochette du disque… et mon étonnement lorsqu’on me présente un visuel ainsi rédigé : Franck CHAUSSON : Symphonies. Le graphiste devait penser qu’après Frank Michael, une gloire belge de la chanson, Franck Chausson devait être la nouvelle star promue par Universal !! J’ai quand même dû insister un peu pour qu’on rétablisse une parfaite égalité graphique entre les deux compositeurs… et rappeler que Chausson se prénommait Ernest !
Pour être complet sur cette Symphonie de Franck, qui est l’emblème de l’OPRL, rappelons que la dernière version enregistrée en 2012 par Christian Arming a obtenu un Diapason d’or (lire L’or des Liégeois)
Et puisque Christian Merlin le cite dans son émission, mentionnons le Diapason d’or 2019 décerné à Jean-Luc Votano pour ce très beau disque, en particulier pour son superlatif concerto pour clarinette de Lindberg.
Avant la fin de cette année de célébration des 250 ans de la naissance de Beethoven, je ne veux pas oublier de célébrer un immense chef qu’on n’a jamais – à tort – associé à Beethoven, le Russe oublié, Kirill Kondrachine (1914-1981).
Il faut dire que les témoignages beethovéniens au disque de Kirill Kondrachine sont très rares : une Quatrième symphonie enregistrée à Moscou en 1967
et une exceptionnelle « Héroïque » glorieusement captée avec et au Concertgebouw d’Amsterdam
Ci-dessous l’enregistrement audio de la Troisième symphonie, à partir de ma discothèque.
On trouve aussi sur You une Deuxième symphonie captée à Cologne :
Tout cela ravive nos regrets de ne pas disposer de plus de témoignages de Kondrachine dans Beethoven. Nous sommes un peu consolés de l’entendre « accompagner » – le terme est impropre s’agissant des concertos de Beethoven – Oistrakh, Richter ou Gilels.
S’il y a bien un terme tout à fait abusif pour décrire ce qui s’est passé ce 15 décembre en France, c’est bien celui de « déconfinement ». Certes, les autorisations pour se déplacer ont disparu, mais comment peut-on oser parler de déconfinement, lorsque la vie culturelle – et sportive – reste interdite, lorsque les lieux de vie et de convivialité essentiels que sont les cafés et les restaurants sont fermés pour plusieurs semaines encore ?
Résultat peut-être du premier confinement ? la naissance hier de mon troisième petit-enfant, une jolie princesse prénommée Adèle. Ses grands frère (7 ans) et soeur (5 ans et demi) sont déjà impatients de jouer les nounous.
6 décembre
Le 6 décembre 1917 le parlement finlandais votait l’indépendance de la Finlande, durant des siècles tantôt rattachée au royaume de Suède tantôt dominée par la Russie tsariste. Le 6 décembre marque la fête nationale finlandaise.Une curiosité – peu connue – dans l’abondante discographie du chef japonais Seiji Ozawa (85 ans) : tout un disque d’hymnes nationaux du monde entier enregistré avec le NEW JAPAN PHILHARMONIC, orchestre qu’il fonda en 1972 et que Christian Arming dirigea de 2003 à 2013. Dans ce disque évidemment l’hymne national finlandais !
7 décembre
L’Orchestre Philharmonique Royal Liège fête ses 60 ans. On se rappelle les concerts exceptionnels donnés le 7 décembre 2000 pour ses 40 ans et surtout le 7 décembre 2010 pour ses 50 ans (lire: Anniversaires privé/public). Dans le coffret de 50 CD publié pour les 50 ans de l’Orchestre, il y a plusieurs raretés : comme ce 2ème concerto pour piano d’Erwin Schulhoff (1894-1942), ici sous les doigts de Claire-Marie Le Guay et sous la baguette de #LouisLangrée
Souvenir du tout premier disque acheté de Nathalie Stutzmann chanteuse, après une écoute comparée d’un Disques en Lice, la défunte émission de critique de disques de la RADIO TELEVISION SUISSE (RTS), à laquelle participait Gérard Lesne : lui comme moi étions envoûtés par la beauté et le mystère de cette voix androgyne.
9 décembre
Envie d’évoquer aujourd’hui l’une des grandes chanteuses françaises, la soprano Andréa Guiot (née en 1928), originaire de Nîmes; qui n’a pas la notoriété, la célébrité même, que mériteraient son talent et la splendeur de sa voix. J’avais eu la chance de la rencontrer au début des années 90 dans une émission – Disques en Lice – de la Radio Suisse romande, à laquelle l’avait conviée François Hudry. Nous avions passé un merveilleux moment et beaucoup sympathisé. Quelques mois plus tard, je me trouve au festival d’Aix-en-Provence dans la cour de l’Archevêché, assis juste derrière elle. Nous nous saluons comme des amis qui se seraient quittés la veille, et me voilà incapable, de toute la soirée, de me rappeler son nom et de la présenter à la personne qui m’accompagnait ce soir-là… Ici, c’est peut-être la meilleure Micaela de toute la discographie au côté de l’impérial Don José de Nicolai Gedda : la Carmen de Maria Callas était décidément bien entourée !
10 décembre
Je ne me suis jamais rangé dans la catégorie des admirateurs absolus de celle qu’on appelle « la » Callas J’ai même souvent été agacé par la surexploitation médiatique, discographique, d’une légende qui a fini par occulter la vraie personnalité et l’art singulier de la chanteuse » C’est ce que j’écrivais – lire Callas intime – à l’occasion des 40 ans de la disparition de la cantatrice. J’évoquais hier Andréa Guiot (et Nicolai Gedda) partenaires de Maria Callas dans l’enregistrement de Carmen dirigé par Georges Prêtre
Je (re)découvre pas à pas l’artiste exceptionnelle, la voix si singulière, l’incroyable charisme qui se dégage de sa présence sur scène, comme dans cet extrait de Médée de Cherubini, capté le 10 décembre 1953 à la Scala, avec un Leonard Bernstein de 35 ans dans la fosse ! Inouï !
11 décembre
Cette rubrique est malheureusement appelée à se prolonger, si l’on en croit les dernières annonces gouvernementales ! Une si longue, trop longue, attente pour la musique vivante,qu’aucune vidéo, aucun disque, ne remplacera jamais.Soutien et solidarité avec tous les artistes, tous ceux qui font vivre la culture !
Puisque nous sommes encore dans l’année Beethoven, une découverte pour moi, une rareté de ma discothèque :
#Beethoven250 C’est par hasard que j’ai redécouvert quelques symphonies de Beethoven, enregistrés par Karl Münchinger à la tête de l’orchestre de la radio (et non de son orchestre de chambre) de Stuttgart. Depuis que j’ai pu acquérir les symphonies 2, 3, 6, 7 (en attendant d’en trouver d’autres ?), je vais de bonne surprise en émerveillement. Lire la suite : Beethoven 250 : Karl Münchinger, la grandeur classique.
12 décembre
Ne pas désespérer malgré tout…Cette célèbre chanson de Leoncavallo – Mattinata – écrite en 1904 pour la Gramophone Company, ancêtre d’EMI, dédiée à Caruso, qui en fait le premier enregistrement avec le compositeur au piano, fait partie d’un disque du ténor Franco Bonisolli (1938-2003) dont les frasques firent autant que sa voir d’or pour sa réputation. Un disque réédité dans un coffret Orfeo intitulé : Legendary Voices (lire Légendaires)
13 décembre
La Sainte-Lucie (Sankta Lucia en suédois, Lucia en raccourci) est célébrée le 13 décembre en l’honneur de sainte Lucie de Syracuse. Elle marque, avec l’Avent, le début de la saison de Noël. Traditionnellement une fête importante dans toute la Chrétienté occidentale, elle est aujourd’hui célébrée en Scandinavie et en Europe méridionale, particulièrement en Suède, au Danemark, en Norvège, en Finlande, en Italie, en Islande et en Croatie.La fête correspond au premier jour à partir duquel le soleil se couche plus tard que la veille dans l’hémisphère nord. Le dicton « à la sainte-Luce, le jour avance du saut d’une puce » correspond à cette observation (la forme Luce est employée pour la rime).La fête de Sainte-Lucie est attendue par les petits et les grands au coeur de l’hiver scandinave (lire Etoiles du Nord)
Santa Lucia c’est aussi l’une des plus célèbres chansons napolitaines, écrite en 1849 par Teodoro Cottrau – elle évoque la vue sur le golfe de Naples du haut du Borgo Santa Lucia. Il est assez savoureux de l’entendre ici chantée en suédois !
14 décembre
Le jour où l’on devient grand-père pour la troisième fois et qu’on pense déjà à ce qu’on chantera doucement pour endormir la petite princesse née cet après-midi, on se remémore un disque précieux de sa discothèque et cette sublime Berceuse de Brahms chantée par Victoria de Los Angeles, accompagnée par Rafael Frühbeck de Burgos et le Sinfonia of London (EMI, 1964)
15 décembre
On célèbre en ce mois de décembre les 60 ans de l’Orchestre philharmonique royal de Liège. L’un de mes meilleurs souvenirs, et une fierté aussi, de mes années passées à la direction de l’orchestre, est incontestablement la discographie construite au fil des ans, comme par exemple cette intégrale de l’oeuvre concertante d’Edouard Lalo (ce compositeur que j’avais décrit jadis, dans une pochette de disque, comme L’éternel second).
« John Le Carré est un grand écrivain qui a donné des chefs d’œuvre au roman d’espionnage et en a fait un genre littéraire majeur »
« Dans Le tunnel aux pigeons, ses mémoires, John Le Carré raconte la mémorable émission d’Apostrophes qui lui était consacrée et pour laquelle il avait pris des cours de français à l’Alliance française de Londres pour rafraîchir son usage de notre langue. Perfectionniste! »
On a appris hier soir le décès, ce samedi 12 décembre, de David John Moore Cornwell, dit John le Carré, dont Le Monde dresse un portrait conforme à ce que, depuis mes jeunes années, j’ai aimé du personnage, de l’écrivain et de son oeuvre :
« Depuis ma plus tendre enfance, j’étais un espion », a-t-il dit un jour. Avant d’ajouter : « J’ai toujours eu l’impression d’être né en territoire ennemi. Mon enfance a été plombée par une incertitude constante. Sans cesse, il fallait être sur le qui-vive, flairer les embrouilles, les mensonges, décoder les discours à double fond, faire semblant d’être un garçon “normal” de la classe moyenne. »
Et c’est à Berne, dans ces années 1948-1949, qu’il est approché pour la première fois par les services secrets britanniques. Il expliquera plus tard :
« L’espionnage,c’est comme les histoires d’amour, tout tient au hasard des rencontres. Un jour que je me sentais particulièrement seul et mélancolique, je m’étais rendu à l’église. Il y avait là un couple étrange qui, me voyant à ce point désemparé, m’a invité à prendre une tasse de thé, puis m’a convaincu que mon pays avait besoin de moi. J’étais trop jeune pour avoir connu la seconde guerre mondiale, mais j’étais habité par un fort sentiment de patriotisme. Et surtout, le monde du secret m’attirait. Je dois dire qu’en le pénétrant, j’y ai découvert un refuge ! »
De 1959 à 1964, secrétaire d’ambassade à Bonn, puis consul à Hambourg, il assiste à la partition de l’Allemagne. Sous sa couverture de diplomate, il transmet des messages à des agents, visite discrètement des appartements, lance des opérations de désinformation contre le camp ennemi. Sa carrière d’espion est vraisemblablement ruinée le jour où le fameux agent double, Kim Philby, passé à l’Est, révèle au KGB le nom de l’agent secret Cornwell et de quelques dizaines d’autres…
En 1961, il s’était rendu à Berlin aux premières heures de la construction du mur.
« J’avais vu la Friedrichstrasse hérissée de fils de fer barbelés, les chars russes et américains se faire face en se menaçant. En rentrant chez moi, je me suis mis à écrire“L’Espion qui venait du froid”. Je noircissais des carnets en allant au travail ou pendant les heures creuses à l’ambassade. Ma famille devenait folle. Tous les matins, je me levais vers 4-5 heures pour écrire. J’avais l’impression de vivre une chose qui n’arrive qu’une fois dans une vie : une combinaison unique de circonstances politiques, d’appétit féroce d’écriture, de naufrage complet de la vie privée. » (Franck Nouchi, Le Monde, 13.12.2020)
J’ai beaucoup lu John Le Carré, chaque été avant de partir en vacances, je glissais un de ses gros romans dans mes bagages. Et je confirme ce que Bernard Pivot et bien d’autres avec lui ont dit : Le Carré c’était une écriture, un style – il fallait parfois s’accrocher pour surmonter, dépasser des premières pages touffues, labyrinthiques – !
Et puis John Le Carré ce sont beaucoup d’excellents films : je pensais en avoir vu l’essentiel. A en consulter la liste, je m’aperçois que j’en ai encore à découvrir.
Je reste encore sous le coup du dernier que j’ai vu au cinéma quand il est sorti en 2012 : La Taupe, avec un formidable Gary Oldman,
Et puis encore The Deadly Affair (en français MI5 demande protection) de Sidney Lumet en 1966, peut-être parce que Simone Signoret y joue la veuve d’un agent secret qui, accusé à tort de sympathies communistes, s’est suicidé.
Mais tous les films tirés de John Le Carré sont à voir ou à revoir. Aucun n’est médiocre ou inintéressant.
Sol Kaplan pour L’Espion qui venait du froid : ce piano si mélancolique, intrigant…
J’avais manqué cette Grande Librairie de François Busnel il y a deux ans ! Formidable et bouleversant témoignage, l’acuité d’une pensée, d’un regard impitoyable sur le monde et l’actualité.
Pour ceux qui veulent retrouver ces atmosphères typiques de la Guerre froide, le Berlin des années 70… et d’après la chute du Mur, ces photos prises lors de mes séjours à Berlin : Le Mur de Berlin
J’ai assez peu évoqué ici une figure familière du monde de la musique classique de la seconde moitié du XXème siècle, le chef d’orchestre allemand Karl Münchinger (1915-1990). Brièvement – Timbres d’or et d’argent – à l’occasion de la réédition, très bienvenue, d’une quasi-intégrale des symphonies de Schubert glorieusement captée à Vienne (et pour la Neuvième à Stuttgart). Mais c’est tout et c’est trop peu.
J’aurais pu le faire lorsque Decca/Eloquence a ressorti deux coffrets dont le contenu – et l’utilité – m’ont laissé perplexe.
Je suis, d’ordinaire, le premier à m’enthousiasmer pour le travail éditorial de la branche, jadis australienne, de la collection Eloquence de Decca, mais là j’avoue que je n’ai pas compris la nécessité de rééditer trois versions des Quatre saisons de Vivaldi.
Beethoven : La grandeur classique
J’avais le vague souvenir d’avoir vu, lors de séjours en Allemagne, et lorsqu’il y avait encore des magasins de disques classiques (!), des enregistrements de Münchinger dans des collections très bon marché. Mais je ne les avais pas achetés pour autant. C’est par hasard que j’ai redécouvert quelques symphonies de Beethoven, enregistrés par Karl Münchinger à la tête de l’orchestre de la radio (et non de son orchestre de chambre) de Stuttgart. Depuis que j’ai pu acquérir les symphonies 2, 3, 6, 7 (en attendant d’en trouver d’autres ?), je vais de bonne surprise en émerveillement
J’entends un chef nourri aux meilleures sources, qui fait chanter éperdument l’orchestre beethovénien, qui ne cherche à imiter personne de ses illustres contemporains, encore moins à imposer ses « relectures » (lire Prétention). Qui est simplement éloquent, qui sait conduire un discours, nous tenir en haleine. Des tempi confortables ? écoutez les surprises que le chef ménage dans le premier mouvement de l’Héroïque, et quelle magistrale coda (et quelle splendide prise de son!) qui ne confond pas vitesse et précipitation.
Et cette Pastorale (qui contrairement à ce qu’indique la pochette du disque porte le numéro d’opus 68 et non 88 !) si poétique? Si fidèle dans la lettre et l’esprit aux indications du compositeur sur la partition : 3ème mouvement Joyeuse assemblée de paysans, 4ème mouvement L’orage
En cherchant un peu sur le Net, j’ai réussi à me procurer un coffret de 3 CD qui regroupe ces enregistrements beethovéniens de Münchinger à Stuttgart.