« John Le Carré est un grand écrivain qui a donné des chefs d’œuvre au roman d’espionnage et en a fait un genre littéraire majeur »
« Dans Le tunnel aux pigeons, ses mémoires, John Le Carré raconte la mémorable émission d’Apostrophes qui lui était consacrée et pour laquelle il avait pris des cours de français à l’Alliance française de Londres pour rafraîchir son usage de notre langue. Perfectionniste! »

On a appris hier soir le décès, ce samedi 12 décembre, de David John Moore Cornwell, dit John le Carré, dont Le Monde dresse un portrait conforme à ce que, depuis mes jeunes années, j’ai aimé du personnage, de l’écrivain et de son oeuvre :
« Depuis ma plus tendre enfance, j’étais un espion », a-t-il dit un jour. Avant d’ajouter : « J’ai toujours eu l’impression d’être né en territoire ennemi. Mon enfance a été plombée par une incertitude constante. Sans cesse, il fallait être sur le qui-vive, flairer les embrouilles, les mensonges, décoder les discours à double fond, faire semblant d’être un garçon “normal” de la classe moyenne. »
Et c’est à Berne, dans ces années 1948-1949, qu’il est approché pour la première fois par les services secrets britanniques. Il expliquera plus tard :
« L’espionnage, c’est comme les histoires d’amour, tout tient au hasard des rencontres. Un jour que je me sentais particulièrement seul et mélancolique, je m’étais rendu à l’église. Il y avait là un couple étrange qui, me voyant à ce point désemparé, m’a invité à prendre une tasse de thé, puis m’a convaincu que mon pays avait besoin de moi. J’étais trop jeune pour avoir connu la seconde guerre mondiale, mais j’étais habité par un fort sentiment de patriotisme. Et surtout, le monde du secret m’attirait. Je dois dire qu’en le pénétrant, j’y ai découvert un refuge ! »
De 1959 à 1964, secrétaire d’ambassade à Bonn, puis consul à Hambourg, il assiste à la partition de l’Allemagne. Sous sa couverture de diplomate, il transmet des messages à des agents, visite discrètement des appartements, lance des opérations de désinformation contre le camp ennemi. Sa carrière d’espion est vraisemblablement ruinée le jour où le fameux agent double, Kim Philby, passé à l’Est, révèle au KGB le nom de l’agent secret Cornwell et de quelques dizaines d’autres…
En 1961, il s’était rendu à Berlin aux premières heures de la construction du mur.
« J’avais vu la Friedrichstrasse hérissée de fils de fer barbelés, les chars russes et américains se faire face en se menaçant. En rentrant chez moi, je me suis mis à écrire “L’Espion qui venait du froid”. Je noircissais des carnets en allant au travail ou pendant les heures creuses à l’ambassade. Ma famille devenait folle. Tous les matins, je me levais vers 4-5 heures pour écrire. J’avais l’impression de vivre une chose qui n’arrive qu’une fois dans une vie : une combinaison unique de circonstances politiques, d’appétit féroce d’écriture, de naufrage complet de la vie privée. » (Franck Nouchi, Le Monde, 13.12.2020)
J’ai beaucoup lu John Le Carré, chaque été avant de partir en vacances, je glissais un de ses gros romans dans mes bagages. Et je confirme ce que Bernard Pivot et bien d’autres avec lui ont dit : Le Carré c’était une écriture, un style – il fallait parfois s’accrocher pour surmonter, dépasser des premières pages touffues, labyrinthiques – !



Et puis John Le Carré ce sont beaucoup d’excellents films : je pensais en avoir vu l’essentiel. A en consulter la liste, je m’aperçois que j’en ai encore à découvrir.
Je reste encore sous le coup du dernier que j’ai vu au cinéma quand il est sorti en 2012 : La Taupe, avec un formidable Gary Oldman,

Bien sûr L’Espion qui venait du froid


Et puis encore The Deadly Affair (en français MI5 demande protection) de Sidney Lumet en 1966, peut-être parce que Simone Signoret y joue la veuve d’un agent secret qui, accusé à tort de sympathies communistes, s’est suicidé.
Mais tous les films tirés de John Le Carré sont à voir ou à revoir. Aucun n’est médiocre ou inintéressant.
Et les bandes-sons !
Quincy Jones pour The Deadly Affair
Sol Kaplan pour L’Espion qui venait du froid : ce piano si mélancolique, intrigant…
J’avais manqué cette Grande Librairie de François Busnel il y a deux ans ! Formidable et bouleversant témoignage, l’acuité d’une pensée, d’un regard impitoyable sur le monde et l’actualité.
Pour ceux qui veulent retrouver ces atmosphères typiques de la Guerre froide, le Berlin des années 70… et d’après la chute du Mur, ces photos prises lors de mes séjours à Berlin : Le Mur de Berlin