Le prince Igor et la reine Lear

Le grand art d’Evelyn Lear

Commençons par un petit bijou, une fois de plus signalé par J-C.H. sur Facebook. Aucune actualité particulière, mais, pour ce qui me concerne, une découverte.

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Je l’avoue, j’avais une connaissance relative de cette grande soprano américaine (1926-2012°

Evelyn Lear naît dans l’arrondissement de Brooklyn à New-York sous le nom d’Evelyn Shulman dans une famille juive originaire de Russie. Elle étudie le piano, le chant.. et le cor à la Juilliard School.

Après un premier mariage avec le physicien Walter Lear dont elle divorce, elle découvre l’opéra pour la première fois à Washington D.C. avec Down in the Valley de Kurt Weill. 

Elle se remarie avec le baryton-basse américain Thomas Stewart (1928-2006), rencontré à la Juilliard School. Ils décrochent une bourse Fulbright qui permet au couple de s’envoler pour l’Europe à la « Hochschule für Musik » de Berlin où la chanteuse étudie avec Maria Ivogün. C’est en Allemagne que sa carrière dans l’opéra décolle. En 1958, elle est engagée au Städtische Oper Berlin où elle chante Ariadne auf Naxos de Richard Strauss

Entre 1959 et 1992, elle va chanter plus de quarante rôles différents, interprétant même les trois rôles féminins (La Maréchale, Sophie, Octavian) du Chevalier à la rose de Richard Strauss. E n1955, tout juste sortie de la Juilliard, Evelyn crée le rôle de Nina, dans Reuben, Reubende de Marc Blitzstein. La légende raconte que Leonard Bernstein a prénommé sa fille Nina en référence à cette œuvre. En 1961, elle crée le rôle-titre de Alkmene de Giselher Klebe à Berlin. À la même époque, elle aborde Lulu d’Alban Berg, son rôle fétiche, au Theater an der Wien, sous la baguette de Karl Böhm, dont elle sera une interprète d’élection

En 1963, à l’occasion de la réouverture du Théâtre National de Munich, elle est la première Jeanne dans Die Verlobung in San Domingo de Werner Egk.

En 1965, à Covent Garden, elle est Donna Elvira dans Don Giovanni. L’année suivante, elle fait ses débuts à l’Opéra lyrique de Chicago dans Le Couronnement de Poppée

Puis elle intègre le Metropolitan Opera de New-York et chante Lavinia Mannon lors de la première de Mourning Becomes Electra, opéra de l’américain Marvin David Levy. En dépit de problèmes vocaux qui affectent la clarté de sa voix, elle continue de créer des rôles jusque dans les années 1990. Elle meurt le dans une maison de repos à Sandy Spring, dans le Maryland, à l’âge de 86 ans.

La discographie d’Evelyn Lear est bien pauvre, en dehors de quelques albums DGG et de « live » heureusement récupérés par le label américain VAI. Celui que je salue aujourd’hui illustre la versatilité d’un art que j’ai eu bien tort de méconnaître jusqu’à ce j’écoute, fasciné, ce disque où Berlioz côtoie Berg et Strauss !

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Extrait des Nuits d’été, dirigé par Dean Dixon à Francfort en 1972

Troisième des Vier letzte Lieder de R. Strauss, capté à Vienne en 1964, Karl Böhm dirigeant les Wiener Philhamoniker !

Le Prince Igor à l’assaut de Bastille

Double première hier soir à l’Opéra Bastille : l’entrée du Prince Igor de Borodine au répertoire de l’Opéra de Paris (!) et première de la nouvelle production mise en scène par Barrie Kosky et dirigée par Philippe Jordan.

On est un tout petit peu moins enthousiaste que Laurent Bury sur Forumopera (Fais moi mal, Barrie !sur la direction du maître des lieux.

Rien à redire à la formidable qualité d’ensemble de l’orchestre et des choeurs (qui auraient pu être mieux coachés pour la prononciation du russe), mais quelque chose de l’ordre de la couleur si profondément russe de la musique de Borodine m’a manqué, comme si Philippe Jordan s’en tenait à distance.

Pour le reste, je souscris complètement à la critique de Laurent Bury. Cette « actualisation » du Prince Igor est tellement téléphonée, qu’on n’en est même pas surpris.

On avait évidemment gardé un tout autre souvenir lorsque Valery Gergiev était venu donner au Théâtre des Champs-Elysées toute une série d’opéras russes, dont Le Prince Igor, en février 1996.

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Les mystères du public

Il y a une quinzaine de jours, on se désolait qu’un artiste comme Peter Rösel n’ait pas attiré plus de monde à la salle Gaveau (L’évidence de la simplicité) et on soulignait le courage qu’il fallait à un organisateur privé, en l’occurrence Yves Rieselpour programmer à Paris une série de récitals avec de grands pianistes qui, pour de bonnes ou surtout mauvaises raisons, ne sont pas sous les feux des projecteurs.

Il y a deux jours, Yves Riesel annonçait, sans donner de raisons, que le récital du pianiste russe Evgueni Sudbin prévu ce 27 novembre, était purement et simplement annulé. Hier matin on lisait dans Le Figaro ce papier de Christian Merlin

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On peut imaginer à quel déchaînement de « commentaires » se sont livrés les vrais et faux amis d’Yves Riesel sur Facebook.

D’abord un mot sur le pianiste que le public parisien n’aura pas la chance d’entendre. Je l’avais, pour ma part, découvert à New York, il y a plus d’une dizaine d’années, dans le cadre du festival Mostly Mozart qu’anime le chef français Louis Langrée. J’avais beaucoup aimé un artiste impérial dans son jeu, mais si modeste et élégant dans son allure.

Les Parisiens n’entendront donc pas ce musicien si raffiné, libre, dégagé des contingences d’une technique infaillible. L’éditeur BIS lui fait une confiance absolue, de longue date. Et la critique lui fait fête à chaque nouvelle parution.

 

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Mais cela ne suffit manifestement pas à attirer l’attention d’un public que je crois moins blasé qu’on ne le dit. Certes quand je voyais l’autre soir les auditeurs s’agglutiner dans la Philharmonie de Paris, pour écouter un pianiste célèbre, mais usé (Maurizio Pollini). je mesure le défi que doit relever une organisation indépendante, défi parfois impossible comme en témoigne cette annulation.

Et pourtant, c’est grâce à des amoureux de musique, audacieux, intrépides, enthousiastes, on les nommait jadis imprésarios, aujourd’hui agents, organisateurs, animateurs de festivals, que des musiciens de talent peuvent toucher, conquérir de nouveaux publics, développer leur carrière, prendre leur essor.

Le Monde rendait compte, le 22 novembre, d’un concert de Michel Dalbertoà Lyon, et évoquait en ces termes le succès d’une entreprise née il y a quinze ans :

« En quinze ans, Jérôme Chabannes, fondateur et directeur artistique de la saison de concerts « Piano à Lyon », a fait de la capitale des Gaules un haut lieu du piano en France. Chaque année, la Salle Molière, écrin de 586 places à l’acoustique idéale, se fait repaire de talents, accueillant en récital ou en musique de chambre la fine fleur du clavier international. Un mérite d’autant plus grand que la manifestation, dont le taux de financement par la billetterie atteint les 70 %, n’a jamais obtenu de subventions publiques » (Marie-Aude Roux, Le Monde, 22/11/19).

71KordYM8RL._SL1200_Le dernier double album de Michel Dalberto a été enregistré à Lyon.

 

Les lettres de Maria C.

Il y a deux ans, j’écrivais (Callas intime) :

Je ne me suis jamais rangé dans la catégorie des admirateurs absolus de celle qu’on appelle « la » Callas  J’ai même souvent été agacé par la surexploitation médiatique, discographique, d’une légende qui a fini par occulter la vraie personnalité et l’art singulier de la chanteuse.

….J’ai acheté le très bel ouvrage que le commissaire de cette exposition, Tom Volfle très jeune homme qui est littéralement « tombé en amour », comme disent nos amis canadiens, de celle dont il ne savait rien il y a encore cinq ans.

C’est vraiment un ouvrage exceptionnel, je n’en connais pas d’équivalent sur un musicien ou même un interprète. On trouverait presque la présentation de l’éditeur trop modeste :

« A l’occasion des 40 ans de la disparition de la cantatrice, cet ouvrage nous invite à marcher dans les pas de la Callas, femme fragile et artiste acharnée de travail, en parcourant ses archives personnelles : photos inédites issus de ses albums privés, extraits de sa correspondance et de ses carnets, entretiens redécouverts où elle se livre sans fard sur sa vie, son art, les scandales qui ont jalonné son parcours. Une expérience bouleversante, au plus près de la femme que fut Maria Callas. »

On doit être reconnaissant à Tom Volf d’avoir réuni dans ce livre beau et lourd autant de témoignages, de documents – les quelques entretiens, peu nombreux, donnés à la presse par la cantatrice – de photos intimes, inédites, en évitant le piège du voyeurisme ou de l’idolâtrie. Comme un chant d’amour à une femme qui en a tant manqué derrière le masque de la légende. (30 octobre 2017)

On pensait que Tom Volf avait tout dit, fait le tour de la question Callas. Et on tombe, dans l’excellente librairie Les Mots à la boucheà Paris, sur un nouvel ouvrage :

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Peut-être plus passionnant encore que le précédent ouvrage de Tom Volf.

« Un jour, j’écrirai mon autobiographie, je voudrais l’écrire moi-même afin de mettre les choses au clair. Il y a eu tellement de mensonges dits sur moi…»
Sont ici réunies plus de 350 lettres inédites couvrant trois décennies (1946-1977) et les Mémoires inachevés de Maria Callas.
De son enfance modeste à New York aux années de guerre à Athènes, de ses discrets débuts à l’opéra aux sommets d’une carrière planétaire entachée par les scandales et les épreuves personnelles, de l’amour idéalisé pour son mari à sa passion enflammée pour Onassis, la légende Callas se dévoile, tantôt Maria, la femme vulnérable, déchirée entre la scène et sa vie privée, tantôt Callas, l’artiste victime de son exigence, en perpétuelle bataille avec sa voix, et qui, malgré la solitude parisienne des dernières années, continue de travailler sans relâche jusqu’à son dernier souffle, à l’âge de 53 ans.

Toutes les lettres ne sont pas d’un égal intérêt, mais elles expriment si bien, si justement, la réalité d’une vie d’artiste, l’isolement de la star parvenue au faîte de sa gloire, qui voit sa confiance trahie par ses plus proches, son besoin d’amour (magnifiques pages sur Aristote Onassis) bafoué, et son inquiétude fondamentale jamais apaisée. Un ouvrage nécessaire. Salutaire.

 

Crépuscule

Chacun, dans notre panthéon personnel, nous avons nos écrivains, nos artistes, nos compositeurs, ceux que nous aimons, chérissons, parce qu’ils nous sont indispensables.

Et puis il y a ceux que nous admirons, respectons, parce que ce sont des personnalités, des créateurs, des interprètes, qui comptent.

Maurizio Pollini appartient, pour moi, à cette seconde catégorie. Je ne vais pas me donner le ridicule de nier que c’est un grand pianiste, j’ai, dans ma discothèque, l’intégrale de ses enregistrements pour Deutsche Grammophon, dont beaucoup en leur temps ont été récompensés des plus hautes distinctions. Et jamais pourtant, ce musicien n’a parlé à ma sensibilité, à ce que j’entends et attends dans les oeuvres qu’il interprète.

 

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Jusqu’à hier, je n’avais jamais assisté à un concert ou un récital du pianiste italien. Voyant qu’il était programmé à la Philharmonie de Paris, je me suis avisé que je n’aurais peut-être plus beaucoup d’occasions de l’entendre « en vrai », et peut-être, grâce à la magie du concert, de changer d’avis, d’être surpris, accroché par cet artiste au soir de sa vie.

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J’étais très bien placé, au parterre de la grande salle Pierre Boulez – comble – de la Philharmonie, à quelques mètres du piano et du pianiste.

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Ce n’est bien sûr pas sans émotion que j’ai vu entrer, à petits pas rapides, un homme qui paraît plus que son âge (77 ans) – en comparaison, Peter Rösel à Gaveau, avait l’air d’un jeune homme avec ses 74 ans.

Pollini avait choisi un programme qu’il a donné (et donnera sans doute encore) dans toute l’Europe : les trois dernières sonates de Beethoven. Un programme court mais dense. En bis deux Bagatelles de l’opus 126.

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Au moment d’écrire, avec le plus d’honnêteté possible, ce que j’ai entendu et ressenti, je tombe sur ce papier de l’amie Sylvie Bonier dans le quotidien suisse Le Temps : Pollini, grande âme au clavier fragilisé. 

C’était en mars dernier après un récital au Victoria Hall, avec exactement le même programme, bis compris.

« Pour tous les mélomanes, musiciens ou pianistes des trois dernières générations, Maurizio Pollini restera une icône. Sa rigueur stylistique, sa perfection méticuleuse de jeu, sa virtuosité droite et implacable, son art de l’architecture musicale ainsi que sa hauteur de vue artistique ont placé très haut la barre pianistique pendant des décennies.

A l’issue de ce concert exigeant, un ami cher me soufflait: «J’ai une telle gratitude pour tout ce qu’il nous a donné que je prends congé de lui sur ce sentiment.» Il ne peut mieux exprimer les choses. Car c’est bien de révérence qu’il s’agissait là. Aux deux sens du terme. Celui d’un profond respect teinté d’admiration. Et aussi d’une forme d’au revoir à un interprète d’exception, dont le concert avait des airs crépusculaires.`

Maurizio Pollini est une grande âme et un artiste intransigeant, dont on sent toute la volonté de traduire avec force des idées musicales essentielles. Mais la mémoire s’est absentée dès les premières notes, et les doigts maîtrisaient mal les écueils des ultimes Sonates de Beethoven, apogée de son expression pianistique en solitaire. Beaucoup de pédale et un survol digital prudent n’ont pas empêché une sensation de flottement général, à part peut-être dans la structure de la phénoménale 32e, qui a semblé tenir solidement le pianiste entre ses portées (Le Temps, 5 mars 2019)

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Hier soir, la mémoire n’était pas en cause. Mais quelle hâte à se jeter dans les oeuvres, comme pour conjurer le risque de la défaillance ! Je ne sais pas ce qu’auront entendu les auditeurs placés dans les hauteurs de la salle, en dehors d’une grisaille uniforme, noyée dans la pédale.

J’ai plusieurs fois entendu, dans ma vie de mélomane (et d’organisateur) des musiciens âgés, voire très âgés, pour n’évoquer que les pianistes, des personnages comme Mieczyslaw Horszowskiquasi centenaire, à Evian, ou bien sûr Menahem Pressler (à Montpellier, au lendemain de l’épouvantable attentat de Nice en 2016)

CC680DF/SdCard//DCIM/103LEICA/L1031114.JPGCe qu’ils avaient perdu en technique, ils le restituaient en inspiration, en rayonnement, atteignant à l’essentiel.

Je n’ai malheureusement entendu hier qu’un homme à son crépuscule.

 

 

Théâtres

On ne résiste pas à Feydeaudont les origines, la vie et la mort sont d’invraisemblables scènes de théâtre.

Georges Feydeau est officiellement le fils de l’écrivain Ernest Feydeau et de Léocadie Boguslawa Zalewska, en réalité selon les dires de sa mère, le fils de Napoléon III. Ou du demi-frère de l’empereur, le duc de Morny, lui-même descendant illégitime de Talleyrand  !

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Il puise son inspiration de sa vie de noctambule triste, notamment chez Maxim’s, au cours de laquelle il perd beaucoup d’argent au jeu, prend de la cocaïne dans l’espoir de stimuler ses facultés créatrices et trompe son épouse avec des femmes et, peut-être, des hommes. Il écrit plusieurs pièces en collaboration, notamment avec Maurice Desvallières7.

Après le succès de Tailleur pour dames en , Feydeau connaît une autre période difficile. Ses œuvres suivantes, (La Lycéenne, Chat en poche, L’Affaire Édouard…), ne reçoivent au mieux qu’un accueil tiède. La consécration vient en avec le succès retentissant des pièces Monsieur chasse !, Champignol malgré lui et, dans une moindre mesure, Le Système Ribadier, œuvres qui lui valent le titre de « roi du vaudeville ». Dès lors, Feydeau enchaîne les réussites : L’Hôtel du libre échange et Un fil à la patte en , Le Dindon en , La Dame de chez Maxim en , La main passe en , Occupe-toi d’Amélie en 4.

Collectionneur d’art, il fera notamment l’acquisition du tableau La Neige à Louveciennes d’Alfred Sisley lors de la vente Armand Doria par la Galerie Georges Petit en

En septembre 1909, après une violente dispute avec la coquette Marie-Anne, qui a pris un amant, il quitte le domicile conjugal du 148 rue de Longchamp (cette séparation aboutit au divorce en février 1916) et prétextant les embarras d’un déménagement, s’installe pour quelques jours dans un palace tout proche de la gare Saint-Lazare, le Grand Hôtel Terminus, chambre 189, rue de Londres. 

Ce lieu devient son domicile pour une dizaine d’années et les murs de sa chambre accueillent des œuvres d’artistes devenus à la mode comme Van Gogh ou Utrillo mais il a vendu la majeure partie de son importante collection. Dans cet hôtel, il commence à s’intéresser aux petits grooms de service et en fait apparaître dans ses pièces.

À la suite de sa séparation conjugale, Feydeau renouvelle le genre du vaudeville par une étude plus approfondie des caractères dans ses comédies de mœurs en un acte, montrant notamment la médiocrité des existences bourgeoises dont il trouve l’origine dans son propre environnement et qu’il tourne en ridicule : On purge bébé (), Mais n’te promène donc pas toute nue ! (). Il est le plus souvent question d’intrigues tournant autour du trio du mari cocu, de la femme infidèle et de l’amant, dont les turpitudes divertissent les spectateurs.

Très aimé de ses contemporains et des autres auteurs, il est témoin avec Sarah Bernhardt, le , au mariage d’Yvonne Printemps et Sacha Guitry, un ami qui le visitera quand il sera interné pour des troubles psychiques dus à la syphilis contractée par le biais d’une jeune travestie dans la clinique du docteur Fouquart à Rueil-Malmaison, pavillon des Tilleuls

Durant un séjour de deux ans dans ce sanatorium où il est soigné par le docteur Bour, Feydeau est atteint tour à tour de surmenage, de délire, de mégalomanie, de paranoïa, il parle aux objets… On essaie de le traiter avec les moyens de l’époque : douches froides, bromure, chloral, sédatifs. Puis on grillage la fenêtre de sa chambre. Il meurt à l’âge de 58 ans, ses funérailles ont lieu à l’église de la Trinité et il est enterré au cimetière Montmartre auprès de son père.

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On ne résiste pas à Feydeau, mais Feydeau résiste à l’usure du temps, aux changements d’époque, parfois même aux « adaptations » qu’on lui fait subir.

Le traitement que Zabou Breitman réserve à La Dame de chez Maxim, qui fait salle comble depuis des semaines au théâtre de la Porte Saint-Martin à Paris, m’a laissé partagé.

D’abord le rôle de la Môme Crevette confié à Léa Drucker ! Un contre-emploi où personne ne l’attendait. Plutôt réussi. Chapeau l’artiste !

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On s’interroge, en revanche, sur les coupures qu’aurait pratiquées la metteuse en scène, et surtout sur le recours au travestissement qu’elle opère pour la scène de la noce à la campagne. 74597731_10157688036583194_6477029588261142528_n

Pourquoi rajouter des effets comiques à une mécanique déjà parfaitement réglée par Feydeau lui-même? On ne voit pas ce que cela apporte, en dehors de faire sourire – timidement – la salle.

En revanche, toute la distribution est à louer, à commencer par Anne Rotger, impayable épouse, bigote, trompée, par son grand dadais de mari, Micha Lescot. André Marcon campe un général que sa propre caricature finit par entraîner dans un fou rire communicatif. Tous les autres à l’avenant.

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Autre théâtre humain, celui dont la reine Elizabeth est le coeur, celui que dépeint l’excellente série The Crown dont on attendait avec impatience la saison 3.

Il va de soi que The Crown court continûment le risque de verser dans l’élégie ou l’apitoiement à l’égard de personnages que rien ne porte à plaindre a priori. Mais son créateur, Peter Morgan, parvient la plupart du temps à contourner cet écueil, que ce soit par l’humour, la peinture des défaillances des personnages royaux ou, plus encore, au travers du spectre politique britannique que le premier ministre vient dépeindre chaque semaine à la reine. Par ailleurs, la structuration des épisodes et l’intelligence de la mise en scène (notamment dans l’épisode 1) en font une série qui n’innove en rien, mais reste remarquable. (Le Monde, 16 novembre 2019)

RellikL’actrice Olivia Colman incarne Elizabeth II parvenue à la quarantaine.

 

Rach 3

Dans le jargon des pianistes, on a ses raccourcis pour désigner certaines oeuvres du répertoire, surtout si ce sont des must des grands concours internationaux. Ainsi le 3ème concerto pour piano de Rachmaninov est-il appelé le Rach 3 ! (On fait de même pour la Rhapsodie sur un thème de Paganini du même Rachmaninov qu’on désigne en abrégé par Rach Pag).

J’évoque aujourd’hui ce sommet de la littérature concertante pour piano parce que je viens, coup sur coup, d’en entendre deux versions extraordinaires.

La première c’était hier soir, à Montpellier, lors du concert qui célébrait le 40ème anniversaire de l’Orchestre National Montpellier Occitanie. Je retrouvais mon très cher Nelson Goerner, six ans après que je l’eus invité à Liège à jouer ce même Rach 3 dans le cadre du festival I love Rachmaninov qui présentait l’intégrale des concertos (avec Bertrand Chamayou dans le 2ème, Benedetto Lupo dans le 1er et Claire-Marie Le Guay dans le 4ème).

IMG_7200(Michael Schonwandt, Nelson Goerner et l’Orchestre National Montpellier Occitanie le 15 novembre 2019)

Ce n’est pas un hasard si, lors de plusieurs écoutes comparatives, la version, captée en concert il y a une vingtaine d’années, du pianiste genevois d’origine argentine est toujours arrivée en tête.

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Nelson Goerner y est souverain, dans cette manière supérieure de faire oublier la technique – un concentré de difficultés redoutables – pour ne donner à entendre que le chant, les élans rhapsodiques, la densité d’une partition qui n’est pas qu’un numéro d’esbroufe. Le soliste me confiait à l’entracte : « Tu es d’accord, on ne doit pas « taper » dans ce concerto ». 

On ne manquera pas d’écouter ce concert le 3 janvier sur France Musique.

Seconde version extraordinaire écoutée ce matin. Hier, Bruno Fontaine écrivait sur sa page Facebook : Ébloui…fasciné …mais surtout ému à l’écoute de ce nouveau Rach 3…
Nul besoin de s’étendre sur la fabuleuse technique de Daniel Trifon.ov .mais plutôt sur sa merveilleuse maîtrise des lignes, du contrepoint…jamais entravée par sa virtuosité …et puis…et j’allais dire, surtout…!!!
La beauté absolue de l’orchestre de Philadelphie, dirigé avec une science admirable des équilibres et des couleurs par Nézet-Séguin…!!!

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Je n’écrivais pas autre chose quand étaient parus les 2ème et 4ème concertos : Quand Rachmaninov rime avec Trifonov. « … le tandem Trifonov/Nézet-Séguin est d’une telle qualité d’écoute réciproque, de liberté poétique, qu’on accepte sans réticence leurs tempi buissonniers. Et pour le Quatrième concerto l’on tient certainement la meilleure version de la discographie rachmaninovienne (malgré les beautés du piano d’Arturo Benedetti Michelangeli, si pâlement secondé par Ettore Gracis dans la légendaire version EMI de 1957).

On imagine que le Troisième concerto suivra bientôt ». 

Voeu exaucé, ô combien. A écouter absolument ! Cette nouvelle intégrale des concertos de Rachmaninov due au trio magique que constituent Trifonov, Nézet-Séguin ET l’orchestre de Philadelphie se hisse dans le peloton de tête de la discographie pléthorique de ce corpus (où figure le légendaire tandem Peter Rösel / Kurt Sanderling)

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Un souvenir me revient, que j’avais naguère évoqué sur un précédent blog. Il y a presque trente ans j’avais été convié à un dîner à Chamonix par une relation professionnelle qui m’avait promis une surprise, quelqu’un qu’elle voulait me présenter ! Pour une surprise c’en fut une ! A peine arrivé dans le bel hôtel où se tenait ce dîner, j’eus l’impression de me trouver face à… Rachmaninov !

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Mêmes traits, même stature.

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Il s’agissait du petit-fils du compositeur, Alexandre Rachmaninoff (il tenait à cette orthographe usitée hors de Russie) – 1933-2012 – Alexandre était le fils de Tatiana Rachmaninova (1907-1961), la cadette des deux filles de Rachmaninov, Tatiana avait épousé Boris Conus (prononcer Ko-niouss), fils du violoniste et compositeur Julius Conus   (1869-1942), auteur d’un concerto pour violon jadis joué par les plus grands, aujourd’hui un peu oublié. Alexandre était né Conus et avait relevé le nom de son grand-père.

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La grande Catherine

On sait ma dilection pour les mémoires des acteurs ou des témoins de l’Histoire.

J’avais suivi avec gourmandise l’impressionnante somme publiée par Michèle Cotta :

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Je me régale depuis quelques jours d’un livre dont la banalité du titre et de la couverture dissimule mal la richesse, la qualité d’écriture, le fourmillement de détails et de témoignages, ces Souvenirs, souvenirs de Catherine Nay

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 » Je serai journaliste « , se promet très tôt la jeune provinciale de Périgueux. Pourquoi ce métier ? Par goût de l’écriture ? Pour partir en reportage et raconter le monde ? Non, pour être libre.
Après une enfance heureuse au sein d’une famille aimante et protectrice, Catherine Nay accomplit peu après son arrivée à Paris un rêve qui fut celui de tous les journalistes débutants dans les années 1960 : entrer à L’Express, la meilleure école de presse à cette époque, sous la double houlette de Jean-Jacques Servan-Schreiber et, surtout, de Françoise Giroud. Elle y trouve une sorte de seconde famille. La figure de Françoise Giroud, dont elle nous révèle ici des aspects inattendus, domine ces années. Elle incarne pour elle un modèle à la fois d’observatrice des moeurs de son temps et de femme de caractère.
Catherine Nay a obéi dans sa propre existence à ce même désir de liberté et d’indépendance. Elle évoque ici pour la première fois sa rencontre en 1968 avec l’un des grands acteurs de la Ve République, Albin Chalandon, resté cinquante ans plus tard le grand amour de sa vie.
Devenue familière des coulisses du monde politique, elle nous offre dans le premier volume de ses mémoires, entre portraits à vif et anecdotes savoureuses, un récit original et perspicace, plein d’humour, d’intelligence et de vivacité, des règnes successifs de Pompidou, Giscard et Mitterrand, jusqu’à l’élection de Jacques Chirac, une chronique intime de cet univers de passions où s’affrontent des personnages hors normes dont elle recueille les confidences, décrypte les facettes les plus secrètes ou les mieux dissimulées.
Sous le regard de cette enquêtrice aguerrie, le pouvoir apparaît tel qu’il est, avec ses rites, ses pratiques, ses grandes et petites rivalités : une comédie romanesque faite de sensibilités particulières, par-delà les idées et les convictions. Catherine Nay la raconte sans cacher ses coups de coeur ni ses partis pris.
Librement ! (Présentation de l’éditeur).

Catherine Nay, c’est un style, une plume (même si Françoise Giroud, qui l’avait recrutée à L’Express, avait confié à Etienne Mougeotte, qui allait faire entrer la journaliste à Europe 1, qu’elle ne « savait pas écrire » !). C’est surtout une capacité à restituer des moments d’histoire tels qu’enfant, adolescent, étudiant, et plus tard engagé en politique, j’ai vécus, avec un effet de zoom sur des événements, des situations, des personnages que j’avais approchés. C’est souvent croustillant, bien envoyé, jamais blessant ni méchant.

On attend avec impatience la suite de ces Souvenirs !

La belle époque

Autant le dire d’emblée, le personnage que jouait Nicolas Bedos dans les émissions où on l’invitait pour faire le pitre ou le philosophe à deux balles, m’avait toujours passablement irrité. Même s’il avait des côtés sympa et une virtuosité certaine dans le maniement des mots et des concepts dans l’air du temps.

Et puis j’ai beaucoup aimé, vraiment aimé son premier film il y a deux ans, Monsieur et Madame Adelman (lire Histoires juives).

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Je n’ai pas pu échapper au matraquage intensif qui a accompagné la sortie du deuxième film de Nicolas Bedos, La Belle époque. Pas une émission de radio ou de télévision ces dernières semaines, où l’on ne retrouve le réalisateur et ses principaux interprètes, Fanny Ardant, Daniel Auteuil, Doria Tillier, Guillaume Canet.

Hier, échappant à la pluie qui tombait dru en ce 11 Novembre, j’ai repris le chemin du cinéma où j’avais vu le dernier Woody Allen – Un jour de pluie à New York.

Etrangement (ou pas!), j’ai retrouvé dans La Belle époque, certaines atmosphères, un charme, des personnages très Woody Allen,

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et j’ai passé deux heures de vrai bonheur cinématographique, sans me poser toutes les questions de contexte, de sous-texte, que j’ai lues ensuite sous la plume de critiques éminents qui n’ont apparemment pas tous vu le même film que moi.

C’est probablement parce que, comme spectateur lambda, j’accroche ou pas, je marche ou pas à ce qu’on me montre, je suis « bon public » comme on dit. Et là j’ai marché dans cette histoire improbable et en même temps très connectée (!) – revivre un jour de sa vie qu’on a beaucoup aimé – traitée avec une virtuosité, un luxe de détails, de personnages, de répliques (la patte Bedos !) inouis, rires et émotions jamais surlignés, et ces allers-retours incessants entre fiction (le passé) et réalité (le présent).

Daniel Auteuil et Fanny Ardant sont éblouissants, libres, vivants, comme s’ils inventaient leurs personnages, leur histoire sous nos yeux. Les autres, tous les autres, sont parfaits.

 

 

Le piano venu de l’Est (II) : Annerose Schmidt

J’avais ouvert avec Peter Rösel une série sur ces remarquables musiciens nés, éduqués en Allemagne de l’Est, dont la carrière a été, politique oblige, confinée dans la sphère orientale de l’Europe : Le piano venu de l’Est

Le concert et la présence à Paris de Peter Rösel (L’évidence de la simplicité), ses interventions sur les antennes de France Musique et de France Inter, à l’occasion du trentième anniversaire de la chute du Mur de Berlin, ont rappelé à nos oreilles occidentales ce qu’il en était de l’organisation de la vie musicale à l’est du Rideau de fer.

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(Peter Rösel et Jean-Baptiste Urbain à France Musique le 7 novembre / Photo Yves Riesel)

Autre exemple d’une carrière brillante qui n’a jamais rencontré les faveurs du public occidental, sauf par le disque et encore !, celle de la pianiste Annerose Schmidt, de son vrai nom Annerose Boeck.

Annerose Schmidt naît le 5 octobre 1936 à Wittenberg au nord de Leipzig. Son père est le directeur de l’école de musique et commence à lui enseigner le piano en 1941. Elle donne son premier concert en public en 1945 et reçoit en 1948 un diplôme de concert et un permis professionnel en tant que pianiste de concert officiellement reconnu dans ce qui était zone d’occupation soviétique. Elle donna le premier de ses concerts à la radio berlinoise en 1949. Après avoir passé son examen de fin d’études (« Abitur »), Annerose Schmidt part étudier à l’Académie de musique de Leipzig entre 1953 et 1957.

En 1955, elle reçoit une mention spéciale au Concours international de piano Chopin à Varsovie. L’année suivante elle remporte le tout premier concours international Robert Schumann pour pianistes et chanteurs, qui se tient à Berlin. Ces succès lancent efficace sa carrière internationale… en Pologne, Roumanie, Hongrie, Bulgarie et en Union soviétique.

Son répertoire comprend près de quatre-vingts concertos pour piano, dont ceux de Mozart, Beethoven, Bartók, Chopin et Ravel. Elle joue tout le répertoire pour piano de Schumann et Brahms, mais aussi de la musique contemporaine.

À partir de 1958, elle peut se rendre épisodiquement en Allemagne de l’Ouest et se produire avec des chefs et des orchestres renommés en Finlande, en Suède, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg et en Autriche.  Jamais en France !

En 1985, elle est nommée professeure au Conservatoire Hanns Eisler de Berlin, qu’elle dirige entre 1990 et 1995. Annerose Schmidt a mis fin à sa carrière d’interprète pour raisons de santé en 2006.

ums_photos_01735J’ai d’abord connu Annerose Schmidt par la formidable intégrale des concertos de Mozart qu’elle a gravée au mitan des années 70 avec Kurt Masur et l’orchestre philharmonique de Dresde (le concurrent de la Staatskapelle). J’aime ce jeu franc, direct, qui donne à entendre toutes les facettes de Mozart, un piano très bien enregistré avec des partenaires qui ne surchargent pas d’intentions les ombres et lumières de l’orchestre mozartien.

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Puis j’ai recherché les quelques autres rares disques disponibles en Occident, les concertos de Chopin, toujours avec Masur (et Leipzig) – nettement moins convaincants – les Schumann et Brahms pour le piano seul, qui réservent de belles surprises.

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L’évidence de la simplicité

IMG_7061Il n’y avait pas foule à Gaveau hier soir, malgré tous les efforts déployés par l’organisateur des Concerts de Monsieur Croche, l’enthousiaste Yves Riesel, et le support de France Musique à cette série de récitals garantis produits « sans subvention ».

Peter Rösel, le pianiste venu de l’Est, 74 ans, bardé de prix, n’avait pas joué à Paris en récital depuis quarante ans. Et il proposait rien moins que les dernières sonates de Haydn, Beethoven, Schubert. Frilosité, manque de curiosité, du public parisien ? Les absents auront eu bien tort… Ils pourront se rattraper bientôt en écoutant France Musique qui a capté le concert.

Quand on est familier d’un interprète, mais qu’on n’a toujours écouté qu’au disque (lire Le piano venu de l’Est), on peut craindre l’expérience du concert. Craintes vite levées hier soir dès l’attaque de la pré-beethovénienne Sonate n° 62 Hob.XVI.52 de HaydnLe son est rond, chaud, le style authentiquement classique, et la technique pianistique infaillible. Aucune esbroufe, pas de forte foudroyants, de pianissimi murmurés, juste un magnifique piano qui chante et un musicien qui dit la partition sans se hausser du col.

Mêmes qualités suprêmes dans la 32ème sonate de Beethoven. 

Peter Rösel a joué et enregistré plusieurs fois les sonates de Beethoven (comme ici au Japon l’an dernier). Peu comme lui, et comme lui hier soir à Gaveau, parviennent à unifier le si complexe second mouvement de cette ultime sonate, comme s’il en avait percé tous les secrets.

Quant à la dernière sonate de Schubert, j’avais, il y a deux mois, exprimé l’admiration que je porte à l’interprétation, pour moi idéale, de Peter Rösel : lire Ma non troppo.

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D’un bout à l’autre de cette longue, très longue sonate, Rösel nous captive, épouse les mouvements d’humeur, les échappées soudaines, les répétitions obsessionnelles d’un Schubert de 31 ans qui mourra moins de deux mois après avoir achevé son ultime sonate. Et toujours cette évidente simplicité, cette absence d’épate.

Trente ans après la chute du Mur de Berlin, cette soirée parisienne venait rappeler que les berceaux de la musique allemande, les grands centres d’enseignement et de diffusion de la musique que sont Dresde, Leipzig, Weimar, Berlin, pour ne citer que les principaux, n’ont pas cessé de vivre et de prospérer dans ce qui a été l’Allemagne de l’Est sous le joug communiste. Mais que les grands artistes qui y sont nés (comme Peter Rösel), y ont grandi et appris, sont, à quelques rares exceptions près, restés confinés dans la sphère orientale de l’Europe.

Au moment de clore ce billet, je vois la critique qu’Alain Lompech vient d’écrire sur Bachtrack : Le chant serein de l’architecte Peter Rösel.

Il me semble qu’avec d’autres mots, lui et moi disons la même chose : admiration.