Inclassables : Biolay, Rattle et Joséphine M.

Un article pour évoquer trois inclassables : un film, un chef, une femme.

Un jeudi au cinéma

J’avais quelques heures devant moi, jeudi dernier, avant le deuxième des concerts de l’intégrale Sibelius à Radio France (voir mon dernier article Mes symphonies de Sibelius). J’ai choisi un film dont je ne savais rien, parce que la salle et l’horaire me convenaient, et je suis très bien tombé.

Le pitch : Arthur Berthier (Benjamin Biolay), critique rock relégué aux informations générales après avoir saccagé une chambre d’hôtel, découvre que le journalisme est un sport de combat. Envoyé à l’hôpital par un CRS en couvrant l’évacuation d’un camp de migrants, il tombe sous le charme de Mathilde (Camille Cottin) la responsable de l’association Solidarité Exilés et accepte d’héberger Daoud, un jeune Afghan, pour quelques jours croit-il.« 

Pour son premier film, Julie Navarro réussit à traiter un sujet casse-gueule sous la forme d’une comédie romantique : ce n’est pas un faux documentaire militant sur ces pauvres migrants, impossibles à loger à Paris – même si tout sonne et résonne juste dans la description de ces bénévoles confrontés aux urgences du quotidien. Aucun personnage n’est caricatural, et si la fin, un peu trop attendue, vire à l’eau de rose, on n’a pas le sentiment de s’être fait avoir ni sur le contenu ni sur le contenant.

Sir Simon à Berlin

Après avoir « emboîté » sa nombreuse discographie à Birmingham, Warner vient de faire de même pour la période berlinoise de Simon Rattle

Je n’avais pas beaucoup de ces disques. Ce coffret comme le précédent me laisse perplexe quant à la trace que le chef anglais a laissée à Berlin. Peut-on imaginer discographie plus disparate, avec des redites de Birmigham à Berlin qui n’apportent rien de neuf ? Pourquoi des poèmes symphoniques de Dvorak ? une Symphonie fantastique qui manque complètement de folie ? On aime bien les Haydn qui suivent un triptyque (60,70,90) déjà gravé à Birmingham, une Carmen surprenante avec Mme Rattle dans le rôle-titre… On va essayer d’écouter le reste sans préjugés

D’autant que les quelques fois où j’ai entendu Simon Rattle en concert, je n’ai pas mesuré mes éloges : voir Berlin à Paris, Vérifications. Encore récemment à la Philharmonie, j’avais chroniqué pour Bachtrack sa Sixième de Mahler « suffocante ».

Hommage à Joséphine Markovits

Qui dans le microcosme musical parisien ne connaissait pas Joséphine Markovits, disparue ce 18 avril à l’âge de 77 ans ? Le portrait que Radio France fait d’elle est assez juste (Figure historique du Festival d’automne) mais il ne dit pas l’incroyable ténacité qui animait celle qui fut consubstantielle au Festival d’automne. Il y a trente ans quand je dirigeais France Musique, elle était déjà incontournable, en bisbille permanente avec toutes les autres institutions musicales de la place, a fortiori Radio France, dès lors qu’on lui résistait ou qu’on ne partageait ses enthousiasmes souvent coûteux. Sa technique, très bien rodée, pouvait se résumer à : « Je commande, vous exécutez (et vous payez !) ». J’en ai encore fait les frais comme directeur de la Musique, en octobre 2014… Mais Joséphine soulevait les montagnes, et finissait toujours par obtenir ce qu’elle voulait en faveur des créateurs et de la création. C’était de surcroît une commensale très agréable et dotée d’un sens de l’humour ravageur y compris à ses dépens !

Je ne suis pas sûr qu’il y ait encore dans notre univers culturel des personnages aussi clivants, entiers, voués tout entiers à leur passion.

Hommage !

Beethoven à l’américaine, Haydn à l’anglaise

C’est le printemps et les coffrets pleuvent comme les averses d’avril !

Haydn à Londres

Voici des disques que tout bon Haydnien thésaurisait, au fil de parutions aléatoires, sans imaginer qu’un jour – et ce jour est arrivé ! – paraîtrait un coffret de 18 CD, dont plusieurs inédits !

Au début des années 80, le violoniste et chef anglais Derek Solomons, impressionné par la première intégrale des symphonies de Haydn entreprise par Antal Dorati avec le Philharmonia Hungarica durant les années 70, se dit qu’il revisiterait bien ce corpus gigantesque, ou tout au moins une partie substantielle, à la lumière des éléments d’interprétation « historiquement informés » qui investissent la capitale anglaise, comme d’autres à Vienne (Harnoncourt) ou Amsterdam (Leonhardt).

Il réunit un orchestre de chambre qu’il nomme « L’estro armonico » en référence à la la série éponyme de concertos pour violon de Vivaldi. La liste des musiciens qu’il réunit donne le vertige : ce sont tous les grands noms qui brilleront au firmament de la musique baroque dans les décennies suivantes : Catherine MacIntosh, Elisabeth Wallfisch, Monica Huggett, Pavlo Beznoziuk, Roy Goodman (qui lui-même gravera une bonne cinquantaine de symphonies de Haydn !), Elisabeth Wilcock, dans les vents Stephen Preston, Liza Beznosiuk, Paul Goodwin, Alastrair Mitchell, Anthony Halstead, Timothy Brown, Michael Laird, etc. Excusez du peu !

L’ensemble décide d’abord d’enregistrer, en 1980, ce que les spécialistes appellent les Morzin Symphonies – j’invite fortement à lire l’excellent article (Symphonies pour le comte Morzin) ô combien documenté, paru sur le blog Passée des arts, naguère tenu par Jean-Christophe Pucek, qui officie aujourd’hui dans le magazine Diapason. Solomons et L’estro armonico complètent en 1986 cette première publication.Puis ils vont se consacrer au corpus central des symphonies de Haydn, qu’on regroupe par commodité sous l’étiquette de « Sturm und Drang« , même si toutes ne ressortissent pas exactement à ce mouvement littéraire et musical si important au XVIIIe siècle. Mais elles datent toutes de la période particulièrement féconde que Haydn passa au service du prince Esterhazy.

L’ensemble a bénéficié d’une remastérisation bienvenue. C’est un coffret indispensable. On conseille vivement de l’acquérir sur Amazon.it où il est proposé à 50 € au lieu des 70 et plus affichés sur les sites français !

Juste pour le plaisir, le finale d’une de mes symphonies préférées, la 39e en sol mineur – oui il y a bien une parenté évidente avec une autre « sol mineur » la 25e de Mozart !

Beethoven à Pittsburgh

Deutsche Grammophon a regroupé en un seul coffret de 17 CD les enregistrements réalisés dans les années 60 pour le label Command par William Steinberg et l’orchestre symphonique de Pittsburgh. Je renvoie à l’article très complet que j’avais consacré à une intégrale des symphonies de Beethoven, longtemps méconnue, car pas distribuée en Europe (Beethoven 250 : William Steinberg), qui est intégrée à ce coffret comme les 4 symphonies de Brahms déjà rééditées.

… et à Washington

Plus inattendue, une autre intégrale des symphonies de Beethoven enregistrée « live » ces deux dernières années par un chef qu’on ne connaissait pas dans ce répertoire et qu’on a toujours beaucoup aimé au concert- la dernière fois c’était avec l’Orchestre de Paris en février 2018 (Le tonnerre et les cloches) – l’Italien Gianandrea Noseda.

Je viens de recevoir ce coffret, et j’ai commencé d’en écouter des extraits. Le bel orchestre « national » de Washington, jadis dirigé par Antal Dorati, Rostropovitch, Leonard Slatkin ou Ivan Fischer, est depuis 2017 sous la houlette du chef milanais, et on comprend que Noseda ait souhaité marquer son mandat de ce corpus symphonique essentiel.

C’est d’ailleurs, à ma connaissance, la première fois que l’orchestre de la capitale fédérale des Etats-Unis livre une intégrale des symphonies de Beethoven.

Et Resurrexit…

Pour les chrétiens, la fête de Pâques commémore la résurrection du Christ. Il y a treize ans, j’étais en Russie le jour où la Pâque orthodoxe coïncidait avec les Pâques catholique et protestante (lire La grande pâque russe).

Musicalement, la Résurrection est inscrite dans toutes les messes « ordinaires », et la proclamation « Et resurrexit » est le moment d’une exultation, d’une joie extraordinaire.

Comme dans la Messe en si de Bach :

Et bien sûr dans la Missa solemnis de Beethoven, dans l’interprétation pour moi insurpassée d’un Otto Klemperer survolté :

Puisqu’on a brièvement évoqué le coffret Warner consacré à Neville Marriner, en attendant d’y revenir en détail, cet extrait de l’une des messes de Haydn enregistrées par le chef anglais à Dresde :

Parfois l’évocation de Pâques se cache dans les oeuvres les moins attendues, comme ce carillon de Première suite pour deux pianos de Rachmaninov :

On ne peut faire l’impasse sur le finale de la 2e symphonie de Mahler, dite « Résurrection », surtout après vu le film Maestro (Bernstein ou le génie à vif) où Bradley Cooper reproduit de manière saisissante cette fin de concert dirigée par Leonard Bernstein à Londres en 1974.

L’effet de printemps : Ravel, Fauré, Marriner, Haydn etc.

Quand le blogueur ne se sent pas de traiter un sujet en particulier, il fait un panier fourre-tout de ce qui l’a touché, de ce qu’il va lire, écouter, de préférence sous un titre en forme de mauvais jeu de mots (cf. Faits d’hiver).

Eliminons d’emblée une actualité qui produit toujours les mêmes effets de meute (lire La dictature de l’émotion) : j’ai rencontré quelques fois dans ma vie professionnelle Frédéric Mitterrand, il m’est arrivé de le lire, de le regarder à la télévision, j’ai aimé son film sur Madame Butterfly, mais comme tout été dit, et maintenant le contraire de tout, à son sujet, je ne me suis pas cru obligé de proclamer mon hommage sur les réseaux sociaux, où l’odieux le dispute à l’excès dans l’admiration comme dans la détestation.

Encore un effort pour M. Haydn

Mercredi soir, j’assistais à un concert de l’Orchestre de chambre de Paris, dont j’ai rendu compte sur Bachtrack (voir Le génie de Haydn).

J’y ai entendu une 80e symphonie de Haydn de toute beauté, un orchestre dans une forme olympique et me suis une fois de plus interrogé sur les raisons de l’absence du plus grand symphoniste de l’histoire des programmes de concert. La dernière fois que j’avais entendu du Haydn en concert, c’était au Louvre, avec et grâce à Julien Chauvin et son Concert de la Loge, lui aussi en forme olympique !

Comme si Haydn était trop difficile, trop exigeant, pour les orchestres comme pour les chefs…

Après avoir donné les Variations Rococo de Tchaikovski, Nicolas Altstaedt a eu l’excellente idée de donner en bis – il aurait dû l’annoncer au public ! – ce faux concerto pour violoncelle qu’est l’adagio cantabile de la 13e symphonie de Haydn.

Vivement que le nouveau chef de l’Orchestre de chambre de Paris nous donne, à tout le moins, les Symphonies parisiennes : il a l’orchestre idéal pour cela !

Le Boléro d’Anne Fontaine

J’ai profité de la relative grisaille de dimanche dernier pour aller enfin voir « le » film du moment, le Boléro d’Anne Fontaine.

En dehors du papier ‘d’Ivan Alexandre dans le dernier Diapason, je n’avais lu aucune critique du film. J’en suis ressorti ni emballé ni déçu (et pourtant je ne suis pas normand !). Dans ce genre de film sur, autour de la musique, il y a presque systématiquement des erreurs que le musicien ou le mélomane averti repère immédiatement. Rien de tel ici, et c’est un point très positif : quand Ravel/Raphaël Personnaz pose ses mains sur un clavier, même si on sait qu’il est doublé, il fait illusion. Quand le même dirige un orchestre, il ne paraît pas emprunté dans sa gestique. Quant à l’incarnation des différents rôles, Raphaël Personnaz est presque à contre-emploi, dans la froideur, la timidité figées que la réalisatrice lui a demandé de composer, Dora Tillier fait une Misia Sert plutôt conforme à l’image qu’on a d’elle, Jeanne Balibar n’a aucun mal à caricaturer une Ida Rubinstein sur le retour – exigeante commanditaire d’un Boléro que Ravel a bien du mal à accoucher. Quant à Emmanuelle Devos, elle fait oublier l’ingratitude des traits de Marguerite Long !

Le film d’Anne Fontaine vaut aussi beaucoup par le fait qu’il a été en grande partie tourné dans la maison de Ravel à Montfort-l’Amaury, maison toujours difficile d’accès, puisque son exiguïté ne permet pas de l’ouvrir à la visite, sauf sur réservation à l’avance, et par tout petits groupes !

Centenaires

En dressant la liste, en début d’année, des anniversaires que 2024 allait permettre de célébrer, j’avais évoqué Gabriel Fauré, mort le 4 novembre 1924, mais oublié le chef anglais Neville Marriner, né lui il y a cent ans, le 15 avril 1924.

Je viens de recevoir deux coffrets, commandés il y a plusieurs semaines. Je vais mettre à profit quelques jours de vacances pour les découvrir (Fauré) ou les redécouvrir (Marriner).

C’est Lucas Debargue qui a voulu, conçu cette intégrale du piano de Fauré, et qui a lui-même rédigé le texte de présentation. Le peu que j’ai entendu me rend impatient d’écouter la suite.

Même en anglais, Lucas Debargue est tout à fait convaincant !

Dans le cas de Neville Marriner, on a affaire à un recordman du disque pour plusieurs grands labels (Philips, Argo/Decca, EMI). Ce coffret rassemble 80 CD (!) réalisés pour la plupart à partir des années 80 pour EMI. On y reviendra bien sûr pour détailler toutes les pépites de ce coffret, et du même coup restituer au chef anglais sa vraie place dans l’histoire de l’interprétation au XXe siècle.

Parmi les surprises de ce coffret, un disque dédié à Manuel de FallaLe Tricorne et les Nuits dans les jardins d’Espagne avec Tzimon Barto au piano !), qu’on trouvera peut-être trop élégant, pas assez rugueux !

Le mépris du public (suite)

Des amis m’ont fait passer un article pleine page paru dans La Dépêche du Midi le 23 février sous un titre on ne peut plus explicite : Gautier Capuçon, les soeurs Berthollet, ces musiciens classiques qui abusent de grosses ficelles pour vendre des disques. Le sous-titre est encore plus explicite : « La musique classique fait désormais l’objet de produits marketing qui s’assurent les meilleures ventes. Gautier Capuçon en est l’exemple le plus flagrant. Son frère Renaud et le Toulousain Bertrand Chamayou analysent le phénomène de façon virulente« .

Je continue de citer l’article de Jean-Marc Le Scouarnec : Après «  Intuition  », «  Emotions  » et «  Sensations  », le violoncelliste Gautier Capuçon a intitulé son dernier album «  Destination Paris  ». Sorti en novembre, il a réussi, comme les précédents, à se placer dans les meilleures ventes d’albums… et pas seulement de musique classique. On y trouve des tubes, des tubes et encore des tubes, issus de la chanson («  La foule  », «  Champs Elysées  », «  Les feuilles mortes  », «  Les copains d’abord  »…), du cinéma («  Un été 42  », «  Chi Mai  », «  Le mépris  »…) et quand même un peu de son univers d’origine («  La veuve joyeuse  », «  Les contes d’Hoffmann  », «  Roméo et Juliette  », etc.) Comment le dire sans fâcher personne : c’est tellement peu original que cela en devient carrément gnangnan. Et atteint même le plus grand ridicule avec une reprise d’  », de Jean-Jacques Goldman et un inédit tout aussi épouvantable du même, intitulé «  Pense à nous  » (avec chœur d’enfants – aïe, aïe, aïe !).

Déambulant naguère dans le rayon classique d’une FNAC parisienne, j’entendis justement un arrangement bien sirupeux des Feuilles mortes joué par un violoncelle qui me semblait en défaut de justesse, capté de trop près : vérification faite, c’était bien Gautier Capuçon.

J’ai connu – et invité – en mars 2002 à Liège, un tout jeune homme de 20 ans, qui faisait un joli duo avec son frère aîné Renaud. Ils avaient joué le double concerto de Brahms. J’ai réinvité Gautier une ou deux fois par la suite (un 2e concerto pour violoncelle de Chostakovitch bouleversant, le concerto en do Majeur de Haydn durant la saison anniversaire 2010-2011 de l’OPRL). En 2021 j’écrivais ceci : Servir plutôt que se servir. C’était à la veille du Festival Radio France. Le « divorce » si l’on peut parler ainsi entre les deux frères était consommé depuis pas mal de temps, même si seul le milieu musical le savait.

Dans La Dépêche, Renaud Capuçon ne fait pas directement allusion à son frère, mais le propos est transparent :  » C’est très bien parfois de proposer des albums de ce type, comme je l’ai fait moi-même avec Un violon à Paris. Le danger – et je parle de façon générale – est d’être obsédé par la vente des disques et d’oublier l’essentiel : jouer les pièces du grand répertoire…. La musique n’est pas une autoroute sans surprises : prenons donc des risques !« 

Dieu sait si Renaud C. a pu agacer, apparaissant en toutes circonstances comme une sorte de musicien officiel de la République, il a nettement pris du champ depuis quelque temps. Mais nul ne peut lui dénier une curiosité toujours en éveil pour la création. Je l’ai entendu jouer Rihm à Liège, créer les concertos de Dusapin à Paris, de Matthias Pintscher à Genève. Le journaliste de La Dépêche rappelle, quant à lui, que le violoniste jouait l’aride concerto de Schoenberg à Toulouse en décembre dernier (« Pas de Goldman ou de Morricone à l’horizon, pas de Joe Dassin en version fade et passe-partout »)

Renaud Capuçon et Matthias Pintscher (Photo JPR)

L’autre musicien cité dans cet article est le Toulousain Bertrand Chamayou : « Ce n’est pas en soi un problème pour un musicien classique de jouer des musiques de films, de la variété ou de la pop… si c’est bien fait, ce qui est rarement le cas ! C’est souvent de la soupe. Les maisons de disques (*) encouragent à utiliser les mêmes ficelles, les recettes toutes faites » Le pianiste remarque qu’en voulant toucher ainsi un public plus large, on risque d’aseptiser la musique ,alors que « on peut incarner de belles choses avec de la grande musique, sans être forcément un odieux snobinard traitant le public avec arrogance »

Le dernier album de Bertrand Chamayou est une nouvelle preuve de la curiosité de l’interprète, mêlant Satie et John Cage : « Erik Satie et John Cage sont des ovnis dans le monde de la musique, car ils ont envisagé la musique à travers un prisme complètement différent », explique le pianiste. « Ce sont des pionniers dans le sens où, pour beaucoup, ils ont changé l’idée même de ce que doit être la musique »

(*) Ce qui est plutôt amusant, c’est que les trois musiciens, Gautier, Renaud Capuçon et Bertrand Chamayou sont édités par le même label, Erato/Warner Classics !

Saint Nicolas en musique

Le 6 décembre n’est jamais une date heureuse pour moi, depuis un autre 6 décembre – c’était aussi un mercredi, en 1972 (Il y a cinquante ans).

Pourtant c’est, pour tous les pays du nord de l’Europe, un jour de célébration de Saint-Nicolas, un personnage confondu sous d’autres latitudes avec le Père Noël ou devenu Santa Claus aux Etats-Unis

J’ai des souvenirs de défilés festifs dans les rues de Maastricht, à quelques encablures de Liège où j’ai vécu et travaillé jusqu’en 2014.

Etrangement, ce Saint-Nicolas a donné lieu à peu d’oeuvres musicales. Il y a bien une messe de Joseph Haydn, composée en 1772, révisée en 1802, en six parties, mais nettement moins jouée et enregistrée d’autres plus célèbres.

Benjamin Britten, au XXe siècle, est le seul à ma connaissance à consacrer une cantate à ce saint qui enchante les enfants: sur un texte d’Eric Crozier, il compose une oeuvre, achevée en 1948, que peuvent s’approprier les choeurs amateurs, et particulièrement les choeurs d’enfants.

Dans la tradition américaine, on célèbre Santa Claus, et son arrivée dans les foyers : Santa Claus is coming to Town, un chant de Noël diffusé pour la première fois à la radio en 1934, qui est aujourd’hui un tube des fêtes de fin d’année

Les quinquas du piano : Vogt, Andsnes etc.

J’ignore comment on (et qui) programme les sorties chez Warner Classics, mais comme je l’écrivais ici « l’avalanche d’automne n’est pas terminée« , puisque coup sur coup sortent deux coffrets consacrés à deux magnifiques musiciens, nés à cinq mois d’écart en 1970, le Norvégien Leif Ove Andsnes et l’Allemand Lars Vogt tragiquement disparu le 5 septembre 2022 vaincu par le cancer.

On attendait cet hommage au pianiste allemand, on est plus surpris par celui du Norvégien qui est toujours, heureusement pour lui et nous, en pleine activité (mais qui a changé d’éditeur depuis quelques années !).

Lars Vogt ou la musique en famille

Avant qu’il ne devienne l’éphémère directeur musical de l’Orchestre de chambre de Paris, le pianiste Lars Vogt n’avait pas en France la notoriété qu’il avait tôt acquise dans la sphère germanique et au Royaume-Uni. Toujours les mystères des programmations….

Etrangement – à moins que ce ne soit délibéré – ce coffret récapitulatif comporte assez peu de pièces pour piano solo, un seul disque Beethoven, un seul Schumann, Brahms est mieux servi, comme Haydn et Mozart, quasiment pas de concertos, en dehors de ceux que le jeune Allemand grava avec Simon Rattle à Birmingham (Grieg, Schumann, Beethoven 1 et 2, dont 2 versions du n°1, l’une avec les cadences de Glenn Gould). En revanche, l’évidence apparaît, aveuglante : Lars Vogt faisait, aimait la musique en famille. Ses partenaires s’appellent Christian et Tanja Tetzlaff, Boris Pergamenchikov – et après la mort de ce dernier – Gustav Rivinius.

Pour moi, les noms de Lars Vogt, Christian et Tanja Tetzlaff sont à jamais liés dans ma mémoire à une date tragique – le 9 janvier 2015 : lire Le silence des larmes

On l’a compris, tout cet admirable coffret – disponible à petit prix – est absolument indispensable. Et on ne peut évidemment pas faire abstraction de ce que Lars Vogt nous a laissé à Paris, faisant jusqu’au bout triompher la musique…

Leif Ove Andsnes ou le clavier impérial

Ce qui frappe d’emblée à l’écoute des disques du coffret Warner – beaucoup d’entre eux m’étaient inconnus, à moins que je n’y aie pas porté intérêt à leur sortie – c’est la qualité de la prise de son, de la captation d’un piano somptueux, ce qui est loin d’avoir toujours été le cas chez cet éditeur.

Grieg bien sûr, ses Rachmaninov avec Pappano, les quelques sonates et concertos de Haydn, mais ses Schubert si simplement éloquents – et un partenaire qui en dérange plus d’un, Ian Bostridge – , la redécouverte d’un Chopin – les trois sonates pour piano – si poétique.

Encore un indispensable de toute discothèque d’honnête homme !

Être et avoir été

Puisque j’évoque des pianistes quinquagénaires, je rappelle l’hommage rendu il y a quelques semaines à un autre musicien trop tôt disparu, Nicholas Angelich (lire Hommage incomplet)

Mais je m’interroge aussi sur le devenir de pianistes qui ont connu très jeunes la célébrité, qui nous ont éblouis par leurs dons précoces, leur talent hors norme, et qui aujourd’hui, la cinquantaine passée, semblent assumer difficilement les avancées de l’âge. Leur jeu s’est crispé, la technique est de plus en plus souvent prise en défaut, comme en témoignent leurs derniers concerts ou enregistrements.

A propos d’Evgueni Kissin, je n’avais rien dit de sa prestation au Festival Radio France 2019, malgré l’intense déception que j’en éprouvai alors. Alain Lompech a parlé tout récemment dans Bachtrack de ses « errements« . J’écrivais moi-même à l’occasion de la publication de ce DVD : « Pour fêter ses 50 ans, l’enfant prodige du piano russe, Evgueni Kissin, donnait au festival de Salzbourg le 14 août 2021 un bien curieux récital : aucune grande pièce du répertoire, aucune grande sonate, une juxtaposition bien disparate de pièces courtes, censées évoquer ses propres souvenirs. Après la sonate de Berg bien pauvre en couleurs, que venaient faire ici quatre pièces totalement insipides d’un compositeur que le jeune Kissin se trouvait naguère obligé de jouer notamment lors de tournées à l’étranger, le tout puissant secrétaire de l’union des compositeurs de l’Union soviétique de 1948 à 1998 ( !) Tikhon Khrennikov. Totalement inutiles et inaudibles. Les préludes de Gershwin sont mieux venus, même s’ils sont bien peu idiomatiques. Les six pièces de Chopin qui suivent, dont la Polonaise « héroïques » rappellent le fabuleux interprète qu’en fut Kissin dans sa jeunesse, mais elles sonnent ici plus dur que virtuose. Les bis qui terminent cet étrange récital agissent comme une libération sur le pianiste qui ne s’est jusqu’alors jamais départi d’une réserve qu’on ne lui connaissait pas, notamment un amusant « tango dodécaphonique » de son cru » (Clicmusique).

L’autre célèbre quinquagénaire est Hélène Grimaud, qui fait la promotion de son nouveau livre. Je viens de visionner un nouveau DVD enregistré à Hambourg.

J’aurais tellement aimé louer la poésie de son jeu dans les concertos de Mozart (n°20) et Schumann, je n’en ai malheureusement retenu qu’une crispation, une dureté, parfois une précipitation, qui témoignent d’une fragilité, d’une incertitude, qui ne sont pas en soi répréhensibles dans le cas d’une artiste comme elle.

Est-ce à dire – je ne suis pas loin de le penser – qu’avoir été un musicien précoce, très tôt exposé à la célébrité, peut poser problème à certains de ces artistes, à qui on n’excuse aucune faiblesse, aucune difficulté ? Il y aurait tout un sujet à développer, avec exemples (des prodiges qui ont abandonné la carrière) et contre-exemples (comme une Martha Argerich, qui à 80 ans passés, continue d’être ce qu’elle était à 20 ans !)

Doráti l’Américain (suite)

Les affaires reprennent… Même si j’ai toujours un peu la tête dans les hautes vallées de l’Himalaya (Les peupliers du Ladakh).

J’avais déjà poussé un coup de gueule au début de l’année à propos d’un coffret de CD rassemblant les enregistrements réalisés par Antal_Doráti à Detroit. Cette fois c’est à propos d’une réédition des enregistrements mono et stéréo du même chef à Minneapolis :

Le premier scandale est le prix de ces coffrets, certes « remastérisés » (alors que l’essentiel était déjà paru dans les trois coffrets Mercury), et plus encore les minutages ridicules… d’origine de ces galettes présentées dans leurs couvertures elles aussi d’origine.

Totalement incompréhensible, même si on a souvent ici dit notre admiration pour Cyrus Meher-Homji qui procède à ce travail d’exploration des riches fonds de catalogue de Deutsche Grammophon, Mercury, Philips et Decca.

Jean-Charles Hoffelé évoque, admiratif, le sorcier de Minneapolis sur son blog (artalinna.com). François Laurent, dans le Diapason de septembre, est beaucoup plus réservé. S’en est comme d’habitude suivie une discussion passionnée sur Facebook. Les uns et les autres ont fini par admettre que les réussites du chef américain d’origine hongroise se limitaient au répertoire d’Europe centrale – et encore doit-on faire abstraction de la sécheresse de l’acoustique de Minneapolis et de la pauvreté de timbres de cet orchestre !, et que tout le répertoire germanique et viennois manquait singulièrement de charme.

Comme cet arrangement de valses et polkas de Johann Strauss réalisé par Doráti lui-même, le ballet Graduation Ball, qui sonne sec comme un coup de trique :

Le nouveau coffret comprend quelques valses de Strauss qui n’avaient pas été rééditées. On aurait finalement pu s’en passer… comment peut-on rater à ce point l’un des chefs-d’oeuvre du roi de la valse, Roses du Sud ? Phrasés d’une banalité à pleurer, et l’impression que le chef n’aime pas du tout ce répertoire. Alors pourquoi l’enregistrer ?

La comparaison avec Karl Böhm (et Vienne certes!) est éloquente :

Ecoutons donc Doráti pour ce qu’il nous a donné de meilleur, essentiellement à Londres. Et bien sûr plus tard avec ses intégrales irremplacées des symphonies et des opéras de Haydn !

Et je ne saurais oublier tout ce que j’ai découvert grâce à Antal Doráti, comme cette rareté de Respighi

La musique pour rire (X) : quand ils se détestent

Je suis friand de mémoires de musiciens, de compositeurs, de leurs témoignages, de leurs lettres : Mozart, Berlioz, Debussy, Honegger, liste non limitative

Dans le numéro de juillet de Diapason, Ivan Alexandre et François Laurent se sont amusés à sélectionner quelques-uns de ces écrits dont la première caractéristique n’est pas vraiment la bienveillance. Quand les compositeurs ne s’aimaient pas, ils ne l’envoyaient pas dire, et quand ils avaient un talent de plume, ça donne des formules parfois assassines, toujours réjouissantes.Et révèle souvent les aspects cachés de certaines personnalités.

Le gentil Mendelssohn

De qui l’élégant et aimable Felix Mendelssohn peut-il parler dans une lettre du 28 mars 1831 :

« Il est d’une vanité incommensurable et traite avec un superbe dédain Mozart et Haydn, de sorte que tout son enthousiasme m’est suspect/…./ Cet enthousiasme purement extérieur, ces airs désespérés qu’on prend auprès des dames, ces génies qui s’affichent en grosses lettres, tout cela m’est parfaitement insupportable » ?

Réponse ci-dessous *1

Il faut croire que l’orchestre dont Felix Mendelssohn fut le premier directeur musical, celui du Gewandhaus de Leipzig, n’a plus à l’égard de ce compositeur d’une « vanité incommensurable » les préventions de son chef, comme en témoigne cette étonnante captation de la Symphonie fantastique, réalisée en 2018, où pour une noble cause des musiciens de Dresde et de Leipzig avaient été réunis sous la houlette d’Herbert Blomstedt.

Le haineux Wagner

Sans aucune référence à un récent épisode politique, comment ne pas trouver complètement injuste et déplacé ce commentaire :

« Dans la musique instrumentale de Haydn, nous croyons voir le démon enchaîné de la musique jouer devant nous avec la puérilité sénile d’un vieillard de naissance » (1870)

C’est peu dire qu’on ne partage absolument pas ce jugement qui n’honore pas son auteur… Richard Wagner !

Rappelons tout le bien qu’on a dit de la réédition du legs discographique du quatuor Pražák :

Pauvre Boris

De qui cette réflexion ? : « J’ai étudié à fond Boris Godounov… Je méprise sincèrement la musique de Moussorgski : c’est la parodie la plus méchante et la plus vulgaire de l’art musical »

L’auteur de ce jugement a-t-il été dérouté par la modernité de Boris ? Qu’aurait-il pensé de cette mise en scène (qui date de 2018) filmée à Saint-Pétersbourg et qui résonne étrangement avec l’actualité russe de ces dernières semaines ?

Réponse *2

Bruckner le détraqué

« La musique de Bruckner n’a ni queue ni tête et cela ne souffre aucune discussion, pas plus que sa personne. C’est un pauvre détraqué que les moines de Saint-Florian ont sur la conscience » (12 janvier 1885)

Ce n’était manifestement pas l’avis de Karajan qui s’est rendu plusieurs fois à l’abbaye bénédictine de St.Florian. Ici une captation réalisée en 1979 de la Huitième symphonie – la plus longue – de Bruckner

Réponse *3

Encore une dernière, la plus célèbre sans doute de ces « vacheries » que la petite histoire de la musique a retenues :

« Monsieur Ravel refuse la Légion d’honneur, mais toute sa musique l’accepte »

Pierre Boulez est lui-même cité à plusieurs reprises dans l’article de Diapason. Il est très présent dans ce remarquable et dejà ancien ouvrage de l’ami Alain Surrans, l’actuel directeur de l’opéra de Nantes et Angers.

Réponse *1 : Mendelssohn parle de… Berlioz qui lui-même n’a jamais été avare d’une vacherie à l’égard de ses contemporains

Réponse *2 : Celui qui parle de vulgarité à propos de Moussorgski n’est autre que son contemporain Tchaikovski

Réponse *3 : On savait que Bruckner avait subi plus de quolibets que d’encouragements de la part du monde musical, on ignorait que Brahms eût la dent aussi dure contre lui !

Kaija, Otto, Martha en juin

Kaija Saariaho (1952-2023)

Les dernières fois où un orchestre (en l’occurrence l’Orchestre de Paris) avait joué une de ses oeuvres, je ne l’avais pas vue dans le public ni pour saluer sur scène. J’ai compris pourquoi en apprenant son décès et en lisant l’excellent article que Vincent Agrech a consacré à Kaija Saariaho sur Forumopera : Kaija ou l’indiscipline des spectres. Je me suis rappelé maints souvenirs de la compositrice finlandaise qui avait élu domicile en France depuis tant d’années, comme le concert d’ouverture du Festival Présences en 2017.

Otto Klemperer (1885-1973)

Pour honorer le grand chef allemand Otto Klemperer, disparu le 5 juillet 1973, Warner publie, cinquante ans après sa mort, deux coffrets magnifiques, reprenant l’intégralité des enregistrements du chef de… 1927 à sa mort !

Premier de ces coffrets reçu ce 2 juin, l’héritage symphonique et concertant :

Première remarque, la remasterisation à partir des bandes originales, réalisée par le studio Art et Son d’Annecy, est aussi spectaculaire que réussie, même si les précédentes (ré)éditions restituaient correctement la qualité des prises de son londoniennes d’EMI.

J’ai écrit plusieurs articles sur Otto Klemperer, comme celui-ci : Klemperer ou la fausse lenteur. Parce que nous avons gardé l’image d’un géant marmoréen, atteint par la maladie, dirigeant assis.

Bien sûr on retrouvera dans ce coffret des Concertos brandebourgeois et des Suites de Bach ni faites ni à faire, en tout cas difficilement audibles aujourd’hui. On trouvera sans doute des menuets de symphonies de Mozart, Haydn ou Beethoven qui prennent tout leur temps. Mais la question chez Klemperer n’est pas la lenteur, voire la lourdeur, c’est toujours le rapport entre mouvement et architecture, et au sein d’une symphonie, le rapport entre les différents mouvements. Et puis il y a surtout l’extraordinaire tension, la ligne qu’il dessine et anime, là où tant de jeunes baguettes se contentent de battre – vite – la mesure, en croyant que cela suffit à faire une interprétation.

Faites le test, commencez l’écoute d’une symphonie, quelle qu’elle soit, et laissez-vous conduire, sans préjugé, vous irez jusqu’au bout et finirez convaincu de ce vers quoi Klemperer vous a entraîné. Et puis, je l’avais déjà indiqué dans de précédents articles (Klemperer ou la fausse lenteur), le vieux chef nous réserve quelques surprises : outre une 25ème symphonie de Mozart survitaminée, enlevée en moins de vingt minutes, des symphonies de Bruckner où il ne s’attarde pas dans les mouvements lents, des symphonies de Tchaikovski creusées, puissantes, mais écrasantes.

Le plus bel exemple de l’art souverain de Klemperer, c’est probablement la 9ème symphonie de Schubert, la justesse des rapports de tempo entre les mouvements et à l’intérieur même des mouvements (la perfection des mesures introductives, le phrasé du cor solo, un andante battu à 2/4).

Klemperer et Mahler

Il est assez étrange que, dans les discographies comparées consacrées à Mahler, on omet presque systématiquement de citer Otto Klemperer, comme d’ailleurs on oublie qu’il a été, comme Bruno Walter beaucoup plus souvent cité, sinon un disciple, au moins un ami du compositeur – qui avait recommandé le jeune chef pour le poste de directeur de l’opéra allemand de Prague.

Je tiens les quatre symphonies (2,4,7,9) et le Chant de la Terre (avec Ludwig et Wunderlich) que Klemperer a gravés parmi les piliers de toute discographie mahlérienne. La Septième est suffocante :

Le « Ruhevoll » de la 4ème symphonie me tire des larmes à chaque écoute. Et pourtant – nouvelle preuve de ce qu’on écrivait plus haut – c’est l’un des tempi les plus rapides de la discographie…

Le second coffret Klemperer est attendu à l’automne, il comprendra les opéras et oeuvres chorales et vocales.

Bon anniversaire Martha

Il y eut des moments, ces quinze dernières années, où tous ceux qui l’aiment et l’admirent craignaient pour sa carrière, et même pour sa vie. Mais Martha Argerich – 82 ans aujourd’hui – est increvable, tombée qu’elle est, toute petite, dans le chaudron de l’éternelle jeunesse. Rares sont les interprètes qui ont écrit leur légende de leur vivant. Elle en fait partie. Lire Les printemps de Martha A.

Diapason d’Or pour ce disque, où l’on retrouve la pianiste argentine dans des concertos qu’elle joue depuis toujours et a maintes fois enregistrés, et où sa virtuosité naturelle, cette « patte » si caractéristique sur le clavier, sont comme densifiés par l’expérience. Plus rien à prouver, juste l’essence de la musique.