La victoire de la musique

Je me suis souvent exprimé ici sur les Victoires de la musique classique, avec d’autant plus de liberté que c’est moi qui avais jadis décidé d’associer France Musique à cette manifestation. Je note d’ailleurs qu’aujourd’hui le président de ces Victoires n’est autre que le directeur de France Musique, Marc Voinchet . CQFD !

Victoires 2024

Je n’ai pu suivre que la fin de la cérémonie d’hier – j’avais une bonne excuse, un concert à la Maison de la radio (critique à suivre sur Bachtrack) – mais ce que j’en ai vu et les récompenses attribuées m’ont fait bonne impression. Juste une remarque quant à la présentation : quand Frédéric Lodéon tenait la barre de ces soirées (il l’a fait jusqu’en 2018), peu importait le ou la comparse qu’on lui adjoignait, il dominait le sujet sans conteste possible. Depuis lors, comme pour toutes les manifestations musicales, on nous impose un Stéphane Bern plus guindé que jamais dans un style qui n’est plus supportable pour parler de musique et de musiciens classiques. Quel contraste hier soir avec Clément Rochefort, l’un des meilleurs producteurs que France Musique ait recrutés et formés depuis longtemps ! Que n’a-t-on laissé ce dernier piloter seul la soirée !

(Avec Clément Rochefort dans les studios de France Bleu Hérault à Montpellier en 2019)

Joie de revoir ma chère Karine Deshayes, plus éblouissante que jamais en ce 29 février – jour anniversaire de Rossini ! – avec son complice Florian Sempey. Dommage qu’il y ait eu quelques soucis de micro dans cet extrait, mais cela ne gâche pas notre plaisir… et notre admiration pour ces chanteurs.

Pas beaucoup de surprise à l’annonce des lauréats comme soliste instrumental – Alexandre Kantorow ne quitte guère les sommets qu’il a atteints depuis sa m&daille d’or au Concours Tchaikovski 2019 – ou soliste vocal – le ténor Benjamin Bernheim qui doit chanter Roméo et Juliette au Metropolitan Opera de New York dans quelques jours. Heureux que Marie Jacquot soit distinguée comme « révélation chef d’orchestre », quoique cet intitulé me paraisse à la limite du ridicule s’agissant d’une musicienne à qui sont déjà confiées d’importantes responsabilités.

Comme le public, je découvre les talents de la compositrice Florentine Mulsant, de la gambiste Salomé Gasselin ou encore de la jeune mezzo-soprano Juliette Mey.

Plus étrange est la nomination dans la catégorie « Enregistrement » du coffret d’hommage à Nicholas Angelich. On se demande d’ailleurs si cette récompense attribuée à un seul disque classique est pertinente : il y a une telle production qui n’est plus et de loin l’apanage du seul CD qu’il est illusoire de prétendre distinguer « le meilleur enregistrement . Ici, il eût été ô combien plus pertinent que ce coffret soit placé hors catégorie.

Le génie de Moussorgski

Mercredi soir, j’assistais à la première de la série de représentations de Boris Godounov proposées jusqu’au 7 mars par le théâtre des Champs-Elysées. J’ai rendu compte pour Bachtrack de cette production créée à Toulouse en décembre dernier : Les grosses ficelles d’Olivier Py dans Boris Godounov au théâtre des Champs-Elysées.

Mais si l’on fait abstraction de ces trucs de mise en scène, et de la relative déception d’une direction assez banale, il faut louer sans réserve tous les chanteurs de cette production (ce sont les mêmes à Toulouse et à Paris), dont la star aurait dû être Mathias Goerne dans une prise de rôle pour lui. Le baryton allemand ayant déclaré forfait, il a été, très avantageusement, remplacé par Alexander Roslavets dans le rôle-titre

Au cas où on n’aurait pas compris la fine allusion au tsar Boris (Poutine) recevant au Kremlin le prince Chouiski (Macron)

Comme je l’écris dans Bachtrack, je songeais en écoutant Roslavets à ce qui s’était passé, il y a 111 ans, sur cette même scène : pour la saison inaugurale du théâtre construit par Auguste Perret, c’est le grand Fiodor Chaliapine qui reprenait le rôle-titre du chef-d’oeuvre de Moussorgski, qu’il avait chanté cinq ans plus tôt au Châtelet.

Y croire encore

Qu’elles paraissent lointaines, presque dépassées, ces fortes lignes :

« L’émotion submerge Paris, la France, le monde. Nous savions depuis longtemps que, renaissant sans cesse de ses cendres, la barbarie était à l’œuvre. Nous avions vu des images insoutenables de cruauté et de folie. Une compassion, encore lointaine, nous avait tous emportés. La sauvagerie, cette fois, nous frappe au cœur. La guerre est parmi nous. Chacun de nous désormais, sur les marchés, dans les transports, au spectacle, à son travail, est un soldat désarmé. Nous avions des adversaires. Désormais, nous avons un ennemi. L’ennemi, c’est la barbarie se servant d’un islam qu’elle déshonore et trahit...

La force des terroristes, c’est qu’ils n’ont pas peur de mourir.

Nous sommes tous des républicains et des démocrates attachés à leurs libertés« 

C’était Jean d’Ormesson dans Le Figaro du 8 janvier 2015, c’était trois jours avant la manifestation monstre qui avait rassemblé les chefs d’Etat du monde entier, Israël et Palestine compris, et plus d’un million de personnes dans les rues de Paris (relire Le silence des larmes et Je chante avec toi Liberté

Je n’ai pas le souvenir qu’à l’époque on ait tergiversé, argumenté, usé et abusé de mauvaise foi, avant de participer à cette réaction unanime et universelle.

Mais c’était il y a 8 ans, une éternité…

Et pourtant, toujours, jusqu’à mon dernier souffle, croire encore à la liberté et à la fraternité !

Les Ex écrivent

Peut-être plus que des romans, j’aime lire essais, mémoires, témoignages de ceux qui pensent, analysent ou, mieux encore, ont été ou sont encore dans l’action publique.

Surtout quand ce sont des personnalités dont je ne partage pas les tendances, a fortiori l’idéologie.

J’ai été gâté ces dernières semaines avec trois ouvrages de très inégal intérêt.

Commençons par celui qu’un vieil et stupide a priori m’eût normalement empêché de lire, le définitivement « droit dans ses bottes » Alain Juppé.

C’est d’abord – et de loin – le mieux écrit des trois livres en question (de beaux restes du normalien qu’il fut !) et c’est surtout le plus intéressant pour comprendre les quarante dernières années de la politique française. A quelques paragraphes près – où l’on sent un peu trop les contributions extérieures – c’est du Juppé dans le texte, moins « techno » que l’image qu’il a donnée tout au long de sa carrière active, plus personnel, et d’une hauteur de vues qui est devenue rare, très rare, dans le paysage politique français. Je n’ai jamais voté pour Juppé ni pour Chirac, même si j’ai pu avoir de l’estime, voire de l’amitié pour tel ou tel de leurs ministres ou successeurs (je pense à Jean-Pierre Raffarin). Mais cette « histoire française » vaut vraiment d’être lue.

Ensuite Edouard Philippe, ex-Premier ministre lui aussi, dont il se murmure qu’il a 2027 en ligne de mire. Lui aussi sait écrire, mais les chantournements dont il use et abuse dans l’expression de sa pensée finissent par lasser et par noyer son message. Les premiers chapitres de son dernier-né, dont tout le monde aura perçu l’aimable contrepèterie du titre – qu’on peut aussi lire comme « Des dieux qui lisent » ! mélangent de longs, trop longs souvenirs personnels et familiaux (parents enseignants), et, comme s’il y avait rapport de cause à effet, de longs développements sur la nécessité de réformer l’école et le système d’enseignement français.

Je préférais de loin l’auteur de romans faussement policiers, ou les confessions sur ses goûts de lecteur écrits en duo avec son complice Gilles Boyer. Mais ce nouvel ouvrage doit s’inscrire dans la stratégie de communication pré-présidentielle de l’homme politique préféré des électeurs de droite…

Je n’avais jamais lu Nicolas Sarkozy, mais j’ai pensé que les souvenirs d’un ancien président de la République, portant sur la deuxième partie de son unique quinquennat, pouvaient avoir de l’intérêt.

C’est amusant, ici je n’ai aucune hésitation quant au véritable auteur du livre. C’est tellement mal écrit, gauche (!), autosatisfait, que c’est vraiment N.S. qui l’a écrit. Il écrit comme il parle, et là où quelques pages serrées pourraient utilement nous éclairer sur les décisions qu’il a dû prendre, les rencontres à haut niveau qu’il a vécues ou organisées, on a droit, systématiquement, à des confidences, délayées jusqu’au ridicule, sur ses sentiments, ses impressions, ses sensations. Et il s’étonne tout du long d’être la cible favorite des médias, de ses adversaires comme de ses amis politiques, et bientôt d’une écrasante majorité de Français… Le contraste avec Juppé est sidérant : là où l’ancien Premier ministre lâche parfois une flèche non pas sur les personnes mais sur les idées ou les comportements de ceux qu’il côtoie ou affronte, Sarkozy n’est que fiel et vinaigre. Personne n’y échappe…

Au moment de clore ce billet, j’entame la lecture du Journal d’Agnès Buzyn.

J’ai toujours eu du respect, et même de l’admiration pour Agnès Buzyn. La manière dont elle a été traitée pendant et après la crise du COVID m’a toujours scandalisé. Et encore maintenant qu’elle fait le tour des plateaux télé pour la promotion de son livre, j’entends et je lis des choses ahurissantes, y compris de la part de journalistes qui n’ont pas lu le bouquin.

Elle le dit elle-même, il s’agit d’un journal qui comprend toutes les pièces, tous les documents, déjà versés à la Cour de justice de la République, mais aussi et surtout non pas d’une auto-justification, encore moins d’une revanche, mais d’un récit passionnant, palpitant même, de ce qui s’est passé au sommet de l’Etat au début de la pandémie. Mais c’est aussi le récit de tous les autres sujets – la réforme des retraites, tiens déjà ! – les déserts médicaux, la crise hospitalière, la loi sur la bioéthique, la fin de vie – que devait gérer simultanément la ministre de la Santé. C’est souvent cash – comme l’était celle qui fut la belle-mère d’Agnès Buzyn, Simone Veil – c’est parfois touchant lorsque le grand médecin qu’elle est toujours restée dans l’âme s’oppose au politique qu’elle est devenue.

Personnellement, ce livre m’a vraiment aidé à mieux comprendre les enjeux de notre système de santé, la crise qui secoue tout le secteur médical et hospitalier. Il révélera à ses lecteurs la complexité de l’action politique, à l’heure des réseaux sociaux, et, comme les mémoires d’Alain Juppé, les vertus de la modération et de la réflexion.

Les bonnes raisons

Mon père, qui aurait eu 95 ans hier, si la grande faucheuse ne l’avait brutalement emporté il y a cinquante ans, me disait toujours quand je critiquais un camarade d’école ou de collège : « Il y a toujours quelque chose de bon à trouver chez chacun, dans chaque situation ». Vision angélique ou naïve ? Je me demande ce que le professeur adoré de ses élèves qu’il était aurait pensé du monde d’aujourd’hui. Mais je n’ai jamais oublié son injonction, qui continue de me guider. Pourquoi perdre son temps et son énergie à détester, combattre, se fâcher? Les bonnes raisons d’espérer existent en ce début d’année 2023. À nous de les préférer à la résignation.

Inutile méchanceté

Mais puisque mon dernier billet – Même pas drôle – a suscité quelques commentaires, je confirme et signe ce que j’ai écrit à propos de Roselyne Bachelot et de son passage plus que controversé au ministère de la Culture. Le Monde (Michel Guerrin) n’est pas moins sévère que moi : « Si Roselyne Bachelot pose une bonne question – à quoi sert une politique culturelle aujourd’hui ? –, ses réponses sont un peu courtes ». Le Point relève : Roselyne Bachelot règle ses comptes avec la culture, ce qui est quand même un comble pour une ministre qui était censée défendre et aider le monde de la culture.

En fait, ce bouquin est la pire des publicités qu’on puisse faire à la Culture, Comme si nous avions besoin de tomber encore plus bas… Imaginons seulement la même chose de la part d’un ancien ministre de l’Intérieur ou de la Justice qui passerait « à la sulfateuse » – c’est l’expression employée par les médias pour Bachelot – les magistrats, policiers, gendarmes, hauts responsables dont il avait la charge. Ce serait un scandale ! Mais puisque c’est la Culture, allons-y gaiement. Non merci Roselyne !

Les jeunes Siècles

L’année musicale a bien commencé pour moi. Il y a une semaine c’était le concert-anniversaire des 20 ans des Siècles au Théâtre des Champs-Elysées. J’ai écrit pour Bachtrack un compte-rendu enthousiaste : Les Siècles ont vingt ans : une fête française.

Le même programme avait été capté le 5 janvier à Tourcoing. A déguster sans modération, surtout pour la première suite de Namouna de Lalo.

Les fabuleux Pražák

Depuis que je suis rentré de vacances, je prends un plaisir non dissimulé à découvrir le contenu d’un fabuleux coffret : celui que le label Praga consacre au plus célèbre quatuor tchèque du siècle dernier, les Pražák (prononcer Pra-jacques)

Une somme admirable, un enchantement sur chaque galette

La comédie de la culture

Non je ne vais pas commencer à balancer sur ce qui fut – et reste très largement – mon milieu, mon terrain de jeu, pendant presque quarante ans (Libre) !

Le titre de ce billet est une référence et un hommage à un personnage très singulier, Michel Schneider (1944-2022) disparu le 22 juillet dernier, et à son ouvrage La comédie de la culture paru il y a presque trente ans.

Je l’avais lu, dégusté, savouré, à sa sortie, d’abord pour la qualité de l’écriture de celui qui fut le directeur de la musique et de la danse du ministère de la Culture de 1988 à 1991, et son redoutable talent de polémiste que les téléspectateurs purent découvrir un soir qu’il était invité chez Bernard Pivot dans Bouillon de culture. Pierre Boulez n’y révéla pas son meilleur visage…

Altercation entre Michel Schneider et Pierre Boulez

Je suis en train de relire l’ouvrage, en téléchargement puisque j’ai perdu l’original, il n’y a pas une ligne à changer, ni même à actualiser. Michel Schneider, en 1993, écrivait, décrivait un état des lieux avec infiniment plus de pertinence et de justesse que je ne l’avais fait dans un billet ici, qui m’avait valu quelques reproches, à l’orée de la campagne présidentielle de 2017 : L’Absente.

Le résumé que faisait l’auteur lui-même de son essai sur la quatrième de couverture ne traduit qu’imparfaitement l’essence et le sens de ce livre. Il faudrait pouvoir citer des passages entiers, les flèches décochées aux puissants du jour, ceux d’hier comme d’aujourd’hui.

« Il y a en France un ministère de la Culture, singularité dans une démocratie. Depuis 1981, ses interventions se multiplient : événements, marchandises, consommations, la culture semble diverse et vivante. N’est-ce pas l’inverse ? La fièvre indique un malaise. Au-delà d’une critique de la culture de cour, avec ses mœurs, grimaces, travers et ridicules, il faut analyser les tensions qui toujours existent entre art et politique, culture et pouvoir. Car, menée par la gauche ou la droite, la politique culturelle recèle des risques. Les arts ont peut-être le ministère qu’ils méritent, et le ministère les artistes qui le justifient. Que l’art divorce d’avec le sens, la forme, le beau, qu’il ne dise plus rien à personne, qu’il n’y ait plus d’œuvres ni de public, qu’importe, du moment qu’il y a encore des artistes et des politiques, et qu’ils continuent de se soutenir : une subvention contre une signature au bas d’un manifeste électoral. Le rideau tombe, il faut juger la pièce. Ministère de la Culture ? Non, gouvernement des artistes. Mais on ne gouverne pas la culture, et elle n’est pas un moyen de gouvernement. Rien n’est pire qu’un prince qui se prend pour un artiste, si ce n’est un artiste qui se prend pour un prince » (Michel Schneider).

(Photo JOEL SAGET / AFP)

Cette Comédie de la Culture aurait tout aussi bien s’intituler La Comédie du pouvoir si Françoise Giroud n’avait pas déjà emprunté la formule en 1977.

En attendant Borne I

Qu’est-ce que c’est agaçant ce président, cette nouvelle première Ministre, qui s’obstinent à faire durer le supplice ! Que, dans les pays voisins – Belgique, Allemagne – il ait fallu plusieurs semaines voire mois pour constituer le gouvernement fédéral, peu nous chaut à nous les Français.

Qu’accessoirement l’on tienne compte des erreurs du passé – des ministres obligés de démissionner sitôt nommés, parce que en délicatesse avec les règles de transparence de la vie publique ou avec les impôts, voire cités dans des procédures – qu’on prenne donc du temps pour vérifier que les nouvelles/nouveaux ministres sont blancs comme neige, et voilà que la machine médiatique s’emballe et reproche à l’exécutif tout à la fois indécision, procrastination, voire mépris pour le peuple français !

Mais, à l’heure où j’écris ces lignes, on nous annonce cela pour cet après-midi !

Les chariots de Vangelis

Peut-être moins célèbre que son contemporain Jean-Michel Jarre, Vangelis Papathanassiou est mort hier à 79 ans. J’ai comme beaucoup d’autres écouté sans déplaisir ses bandes son de films comme Les Chariots de feu ou 1492, qui sont la signature d’une époque, ce qui n’est déjà pas si mal pour laisser une trace dans l’histoire !

Une demoiselle rajeunie

Heureux de saluer, sur Forumopera, un disque bienvenu, qui témoigne d’affinités électives évidentes entre Debussy et le chef finlandais de l’Orchestre philharmonique de Radio France : Lignes claires

Le piano irlandais

Je n’encombre pas mon blog de pub pour le prochain Festival Radio France, ça viendra peut-être ! Pourtant je suis fier que, pour parler comme les techno, dans un contexte budgétaire contraint, on offre au public une édition 2022 très British : lefestival.eu

Fier en particulier du récital qu’y donne l’un des pianistes les plus intéressants, l’Irlandais Barry Douglas, le 16 juillet prochain.

Teresa et Narcisse

Berganza l’unique

La disparition, à l’âge respectable de 89 ans, de Teresa Berganza, a suscité un légitime flot de louanges. La presse spécialisée rappelle les grands rôles qui ont marqué sa carrière sur scène et au disque. Pour ma part, j’ai un seul souvenir d’elle au concert. C’était l’été, au début des années 90, un concert au Victoria Hall, avec l’Orchestre de la Suisse romande dirigé par le regretté Jesus Lopez-Cobos. J’ai le souvenir d’un programme original – y avais-je contribué ? ma mémoire est floue. En première partie la symphonie n°60 « Il Distratto » de Haydn, en seconde partie des airs de zarzuelas chantés par… Teresa Berganza.

Teresa Berganza n’avait plus chanté depuis longtemps à Genève. A la sortie du concert, les terrasses autour du Victoria Hall étaient pleines. Lorsque nous passâmes devant pour aller dîner avec le chef et la chanteuse, nombre de gens se levèrent et l’applaudirent. Elle en fut bouleversée, pensant que les gens l’avaient oubliée…

Narcisse en son miroir

Il y a exactement huit ans Mathieu Gallet, qui avait pris ses fonctions de PDG de Radio France le 12 mai 2014, me nommait directeur de la musique de Radio France avant de m’en écarter un an plus tard parmi une quinzaine de hauts cadres de la Maison ronde qui devaient, semble-t-il, payer la longue grève du printemps 2015.

C’est dire si j’étais impatient de lire ce qui était annoncé comme un recueil de souvenirs de l’ex-PDG limogé par le CSA en janvier 2018, un an avant le terme normal de son mandat.

Les années passées par Mathieu Gallet à la tête de Radio France, de 2014 à 2018, semblent avoir été écrites pour un scénario de série. Coups tordus, trahisons : tous les ingrédients d’une intrigue qui s’est jouée dans le monde impitoyable des médias et de la politique se trouvent ici réunis. À quoi s’est ajoutée, pour pimenter le tout, la rumeur tenace d’une liaison cachée entre le futur chef de l’État, Emmanuel Macron, et le président du premier groupe radiophonique de France. Après s’être imposé une longue période de silence, Mathieu Gallet évoque pour la première fois publiquement cette histoire retentissante dans laquelle divers protagonistes ont essayé de l’impliquer en l’instrumentalisant à ses dépens. 
Des ors de la République jusqu’aux bancs du palais de Justice en passant par la Maison de la radio, ce livre retrace le parcours d’un jeune provincial qui réussit son ascension dans la société parisienne en accédant à de hautes fonctions dans le domaine de l’audiovisuel, avant de payer le prix d’un succès qui a heurté les intérêts de certains et dérangé les calculs des autres. 
Mathieu Gallet rappelle son action à la tête de Radio France, marquée par un profond mouvement de transformation qui, après des débuts chahutés, a permis à l’entreprise de se mettre en ordre de marche pour se trouver aujourd’hui dans la situa tion enviable de leader. À l’heure où les médias publics sont mis en cause et fragilisés, il dessine des perspectives pour que ce bien commun soit préservé et renforcé. 
Cette période de sa vie a correspondu au temps d’une relation amoureuse, étrangère à celle que la rumeur lui prê tait. Elle aura beaucoup compté dans la prise de conscience de ce qu’il doit à ses origines sociales et à sa vie personnelle : la capacité de tout affronter dans un univers où règne trop souvent la violence des jeux de pouvoir.
(Présentation de l’éditeur)

En ce qui concerne le domaine dont j’étais chargé, l’ex-PDG de Radio France se met à son avantage et révèle à tout le moins une naïveté, d’autres diront candeur (Lire : Ma part de vérité).

« Forcément autocentrées, pleines de détails intimes dont l’auteur aurait pu se passer, ces Illusions perdues à la première personne décrivent avec un certain cran un petit monde politico-médiatique, dont le jeune provincial fut un temps un des rois éblouis pour en devenir, selon lui, une victime expiatoire » (Le Point, 12 mai 2022)

Dans un livre de 324 pages qui aurait pu aisément tenir en cent, si l’auteur avait évité de très longues et inutiles digressions sur sa famille, ses parents, ses grands-mères, et nous avait épargné les voyages et week-ends en amoureux qui rythment son récit, on en apprend finalement peu sur la réalité et le contenu des missions dont Mathieu Gallet avait été chargé à la tête de l’INA et bien sûr de Radio France. En revanche, l’auteur s’y entend en name dropping, et les people avec qui il dînait ou festoyait ne seront peut-être pas très heureux de retrouver tant de détails personnels.

Et bien sûr le livre tourne et retourne autour de la fameuse « rumeur » de sa liaison supposée avec le futur (et l’actuel) président de la République. Tout a été dit depuis 2017 sur le sujet, le seul reproche que MG puisse se faire c’est d’avoir alors traité le sujet avec la désinvolture qui fait une partie de son charme.

Le livre a un mérite : celui de prouver qu’un provincial, peu diplômé, qui n’est passé par aucune grande école ni la fonction publique, peut accéder à des postes importants – les quatre années qu’il a passées à la tête de Radio France peuvent vraiment être mises à son crédit -, de prouver aussi que, faute d’appartenir aux grands corps, aux réseaux puissants qui tiennent les lieux de pouvoir, on peut se retrouver du jour au lendemain déchu de tout.

Printemps qui commence

Une semaine après le second tour de l’élection présidentielle, je ne change pas une ligne à ce que j’écrivais ici : Gagnants et perdants. Le feuilleton Mélenchon continue, à l’heure où j’écris ces lignes, après les écolos, ce qu’il reste du parti socialiste et du parti communiste semble tout près d’une complète reddition. Quelques sièges de députés valent bien le reniement de quelques principes.

Reine de la nuit

Je l’aimais bien, Régine, disparue ce 1er mai. J’ai un vague souvenir du New Jimmy’s, sa boîte mythique, à la fin des années 70.

La morte oubliée

J’avais consacré, il y a plus de deux ans, un billet à une artiste est-allemande dont la notoriété n’a jamais franchi le rideau de fer, bien à tort : Le piano venu de l’Est, Annerose Schmidt.

Personne n’a relevé le décès, le 10 mars dernier, d’Annerose Schmidt, de son vrai Annerose Boeck. Il nous reste heureusement, sur les sites de téléchargement, et sous le label Berlin Classics, une belle documentation discographique de l’art de cette pianiste, notamment une intégrale des concertos de Mozart, que je chéris particulièrement.

Contrairement à ce qui est mentionné sur le bandeau inférieur, ce n’est pas le 21ème mais le 22ème concerto de Mozart qui est à entendre ici.

Kurt Masur, un héritage

Cette intégrale mozartienne avec Annerose Schmidt révèle un aspect peu connu de la carrière et de l’art du chef allemand Kurt Masur (1927-2015), qu’on ne retrouve pas dans l’intégrale que Warner publie de ses enregistrements réalisés pour Teldec et EMI, pour l’essentiel avec l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig, dont Masur fut le directeur musical de 1970 à 1996 – fameux bail ! -, et dans une mesure plus limitée avec le New York Philharmonic et le London Philharmonic qu’il dirigea après Leipzig.

Tous les détails de ce coffret à retrouver ici : Kurt Masur, l’héritage Teldec Warner.

Parmi les rééditions notables, une intégrale un peu oubliée, à tort, des poèmes symphoniques de Liszt.

Cécile Ousset introuvable

Dans ce coffret Masur, et dans d’autres, on trouve une pianiste, française, Cécile Ousset, contemporaine d’Annerose Schmidt, que j’avais rencontrée il y a quelques années (Frontières), à qui Warner consacre également une belle boîte :

Je suis pour le moins perplexe, après avoir écouté les enregistrements que je ne connaissais pas (Debussy, Chopin, Rachmaninov). Du piano solide, au fond du clavier, mais qui me semble bien court d’inspiration et de feu.

Bouquet d’hommages

Michel Bouquet ou l’ambiguïté

C’est très certainement à juste titre que Michel Bouquet ploie sous les hommages unanimes et je n’aurai pas l’outrecuidance d’exprimer une voix divergente. M’en voudra-t-on si je ne suis pas un admirateur béat de l’acteur de théâtre des dernières années, ai-je le droit de trouver qu’à la fin Michel Bouquet faisait du Michel Bouquet, sans que son talent soit le moins du monde en cause ?

Pour tout dire, j’aime plutôt me rappeler l’exceptionnel acteur de cinéma, ces personnages d’une féroce ambiguïté que lui confièrent Truffaut, Chabrol et quelques autres plus oubliés dans les années 70.

Avant et après

J’avais oublié de signaler dans mes devoirs de vacances ce livre de poche commencé nonchalamment il y a quelques semaines, et achevé avant-hier. Alain Duhamel a publié cet essai au début de 2021, et comme toujours celui-ci ne se résume pas à son titre. C’est beaucoup moins un portrait, certes vif, acéré, sans complaisance aucune, du président-candidat, qu’une analyse particulièrement affinée de l’évolution des forces politiques… et des candidatures, alors vraisemblables, à l’élection présidentielle.

C’est un exercice très amusant que de commencer ce type de livre avant une élection et de le terminer une fois le résultat partiellement connu. Ce que Duhamel dit des candidats et candidates qui ont concouru est à la fois impitoyable et d’une justesse impérieuse (Hidalgo, Pécresse, Bertrand, Jadot, Mélenchon, etc.).

L’évidence

Je n’ai besoin d’aucun soutien, d’aucune justification, d’aucune excuse, pour affirmer que, le dimanche 24 avril, le choix, mon choix, est clair : je vote Macron. Même pas parce que je ne supporte pas, n’ai jamais supporté ni l’extrême droite, ni l’extrême gauche. Mais tout simplement parce qu’Emmanuel Macron c’est le seul qui défie la comparaison avec tous ses concurrents. Il est plein de défauts, d’oublis, de tout ce que les éditorialistes adorent reprocher à un président de la République. Mais c’est le seul. Aujourd’hui. Donc c’est lui dimanche prochain.

Les jours d’après

On va éviter les clichés. Quand on sort debout de l’hôpital, on se dit qu’on a eu de la chance, mais il y a tellement d’autres souffrances plus longues, plus graves, qu’on va éviter de s’attarder sur son propre sort. Il y a certes des choses qu’on doit apprendre (ou réapprendre) : la patience, le repos, le goût des moments simples. Il y en a d’autres qui me sont familières, comme faire confiance à l’équipe qui travaille auprès de moi pour faire tourner la boutique, avancer sur les projets. Nul n’est irremplaçable, et la durée de mon absence au travail n’est pas de nature à compromettre l’avenir.

Ce qui n’est pas cliché en revanche, c’est le goût qu’on retrouve, pas à pas, pour les joies du quotidien, le premier restaurant, le premier cinéma, bientôt j’espère le premier concert.

La première sortie au cinéma c’était pour voir Aline de et avec Valérie Lemercier

La critique avait loué à peu près unanimement la qualité de ce film qui n’a rien d’un biopic ordinaire. J’ai un peu craint, en début de séance, que Valérie Lemercier ne fasse un peu trop du… Valérie Lemercier, dans les scènes de début où elle joue Céline Dion, pardon Aline Dieu, enfant puis adolescente. Et puis le film est tellement bien écrit et délicatement réalisé – rien n’est jamais trop, too much – qu’on se laisse entraîner sans réserve dans cette belle histoire de vie, d’amour, de réussite, d’hommage à un destin hors du commun. Je n’étais pas fan de Céline Dion avant ce film, j’ai l’impression de l’être un peu devenu.

Cela m’a rappelé une très brève rencontre, un salut échangé, il y a une quinzaine d’années : j’allais entrer chez Bofinger, la célèbre brasserie de la place de la Bastille, il y avait une belle limousine, moteur ronronnant, portes ouvertes, juste devant. J’eus juste le temps de m’écarter pour laisser sortir du restaurant… Céline Dion, qui se répandit en mille sourires d’excuses pour sa sortie un peu brusque. Céline comme un coup de vent !

Résolutions

Ce n’était qu’un conseil de sa part, mais j’ai décidé de suivre la recommandation du cardiologue : j’ai commencé hier toute une série de séances de « rééducation » cardiaque, autrement dit pour l’essentiel du sport, quotidien, encadré, surveillé, mesuré. Je faisais déjà du sport avant mon accident, mais le faire, dans le cadre apaisant d’un superbe domaine, qui, au XVIIIème siècle, accueillait les malades et les fous incurables, avec quelques partenaires qui ont subi la même épreuve, c’est un bonheur qui ne se refuse pas.

J’ai résolu aussi non seulement de ne jamais évoquer, pas plus demain qu’hier, ni même suivre certains candidats à l’élection présidentielle. Ni le ridicule ni la honte ne tuent, sinon on compterait déjà au moins 6 victimes. Liste non limitative…

Quand on lit les souvenirs de Catherine Nay, on est malheureusement conforté dans le triste constat d’une effrayante baisse de niveau du personnel politique depuis une vingtaine d’années.

C’est aussi, égoïstement, pour me préserver, pour réserver mes capacités d’indignation à des causes qui en valent vraiment la peine, que je me suis abstenu et que je m’abstiendrai de suivre des « débats » qui n’en sont pas. Comme les médias, les sondeurs, n’ont rien appris du passé – qu’une élection présidentielle se joue dans les dernières semaines, qu’aucun sondage n’a jamais donné l’ordre d’arrivée, a fortiori le vainqueur, six mois avant l’échéance – autant éviter d’entrer dans un jeu sans issue et sans intérêt.

Redécouvertes

L’avantage du repos forcé qui m’est imposé, c’est le temps qui m’est donné de redécouvrir mes -thèques : bibliothèque, discothèque, DVD, de petits bijoux cachés dans un documentaire, ou annexés à un concert filmé.

Au moment où j’écris ce billet, je finis de regarder le film Moscou, quartier des cerises (1963) : Moskva Cheryomushki est une délicieuse comédie musicale, écrite par Chostakovitch en 1959, dont l’action se situe dans la banlieue de Moscou. Le compositeur souhaitait rendre un hommage à Broadway (West Side Story avait connu un succès mondial dès 1957) 
Datant de 1963, le film est basé sur cette comédie musicale, qui connut à l’époque un important succès populaire et commercial. Satire de la vie et des aspirations de trois jeunes couples vivant en Union Soviétique – qui se débattent avec l’administration, la bureaucratie, la corruption et toutes les complications possibles pour acquérir des appartements de rêve dans le nouveau Quartier des cerises – le film possède à la fois le charme d’une comédie musicale hollywoodienne ainsi qu’une bande son irrésistible avec des chansons excellentes et des séquences dansées très réussies.

J’avais beaucoup aimé la production de la comédie musicale donnée à l’opéra de Lyon en décembre 2010, dirigée par Kirill Karabits, avec une quasi-débutante Olga Peretyatko, dans la mise en scène délurée et inventive de Jérôme Deschamps et Macha Makeieff.

Riccardo Chailly en a enregistré une version de grand luxe pour le disque avec l’orchestre de Philadelphie.

L’hommage à Josephine

J’ai aimé hier la cérémonie simple, belle, réussie, de l’entrée de Josephine Baker au Panthéon. Les musiques qui l’ont accompagnée.