18 mai : Arming, François, Bâle

Le centenaire de Samson

Je l’avais anticipé le 17 mars dernier – Rédécouvrir Samson – c’est aujourd’hui le centenaire de la naissance du pianiste Samson François. On ne manquera pas le nouveau Portrait de famille que Philippe Cassard lui consacre aujourd’hui sur France Musique

Il y a dix ans (II) : halte à Bâle

Comme je le rappelais dans le premier épisode de la série Il y a dix ans, l’Orchestre philharmonique royal de Liège entreprenait au printemps 2014 une nouvelle tournée en Suisse et en Autriche, qui avait commencé à Bâle le 18 mai.

A propos de cette belle ville frontalière de la France et de l’Allemagne, je ne peux m’empêcher de raconter à nouveau une anecdote vécue sur l’antenne de France Musique, il y a heureusement bien longtemps. Un présentateur devait annoncer puis désannoncer un disque enregistré par Armin Jordan dirigeant l’orchestre symphonique de la ville suisse. En anglais comme en allemand, Bâle se dit Basel. Et la dénomination allemande de l’orchestre est : Basler Sinfonie-Orchester. Ce qui donna sur France Musique : « Armin Jordan(e) dirige l’orchestre Basler » ! Rien de grave franchement, juste amusant.

Donc, le 18 mai 2014, l’OPRL était à Bâle, et j’en avais profité pour dresser le portrait d’une personnalité exceptionnelle liée à l’industrie pharmaceutique qui a fait la fortune de la cité suisse, Paul Sacher. Lire Le mécène musicien.

On pourrait suggérer à Warner de rééditer le legs discographique passionnant de ce monument du XXe siècle :

La fidélité à un chef

Il y a cinq ans, j’avais assisté à Liège au dernier concert de Christian Arming en sa qualité de directeur musical de l’OPRL (lire Fidélité). C’est lui qui très logiquement dirigeait la tournée de l’orchestre au printemps 2014, j’en reparlerai dans quelques jours à propos de l’étape viennoise.

C’est encore Christian Arming que j’accueillerais plusieurs fois à Montpellier (voir Ils ont fait Montpellier : Top chefs), notamment en 2018 avec les Liégeois et en ouverture de programme le chef-d’oeuvre du compositeur Guillaume Lekeu (1870-1894)

Le miracle Kempff

Il y a bien longtemps que j’éprouve une admiration sans limite pour Wilhelm Kempff, le grand pianiste allemand qui a fini ses jours à Positano (lire Le pianiste de Positano), sur la côte amalfitaine. Je me ressource régulièrement à ses enregistrements – Bach, Mozart, Beethoven, Schubert, Schumann –

J’avais trouvé, lors d’un voyage à Tokyo en 2013, ce triple CD des concertos de Beethoven captés au Japon.

Et grâce à l’ami Philippe Cassard et à sa récente chronique dans Le Nouvel Obs,

j’ai acheté et reçu tout récemment un coffret de 9 CD qui sont d’authentiques merveilles. L’éditeur Meloclassic a réuni des captations de radio d’excellente qualité.

Tout est admirable, mais j’ai eu un véritable coup de coeur pour le CD 4, en particulier le 1er concerto de Brahms qui, sous bien des doigts, même les plus illustres, me semble monumental, empesé, alors que c’est l’oeuvre d’un jeune homme de 30 ans. Kempff fait sonner son piano comme personne, et restitue la fougue, l’élan du jeune Brahms avec cette patte qui n’était qu »à lui.

Heureusement, on peut réécouter toute l’émission que Philippe Cassard a consacrée à Wilhelm Kempff et précisément à ce coffret samedi dernier sur France Musique : Wilhelm Kempff en concert.

Je précise qu’il est très facile d’acquérir ce coffret pour un prix très raisonnable directement sur le site de Meloclassic, que les frais de port sont très modestes. Et l’éditeur assure lui-même le suivi des commandes et le service à ses clients ! Ajoutons que le livret inclus dans le coffret est une mine d’informations et de documents sur Kempff.

Il y a dix ans (I) : l’annonce

J’entreprends cette nouvelle série d’articles dix ans après une année – 2014 – qui a été un tournant dans ma vie professionnelle, et donc dans ma vie tout court. Pour y raconter des souvenirs personnels que le temps a tamisés, rétablir parfois certaines vérités, dire sans fard mon opinion sur les gens que j’ai côtoyés. Mais qu’on ne s’attende pas à un grand déballage, je n’ai aucun compte à régler, j’ai toujours l’admiration plus active que l’inimitié.

L’attente

Dans les premières semaines de 2014, j »avais été mis en contact avec un homme jeune, qui avait défrayé la chronique audiovisuelle en étant nommé, en 2010, président de l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) à 33 ans seulement, par Nicolas Sarkozy sur proposition du ministre de la Culture de l’époque, Frédéric Mitterrand. Mathieu Gallet était candidat, dans un secret qui a été très bien gardé, à la présidence de Radio France. Des amis communs avaient pensé que je pourrais l’aider à « porter » (je déteste vraiment ce terme mis à toutes les sauces) sa candidature sur ses aspects musicaux, le devenir des formations musicales de Radio France, etc. J’étais à vrai dire un peu surpris qu’on songe à moi, parti à Liège depuis bientôt quinze ans, même si j’avais, semble-t-il, laissé quelques bons souvenirs de mon passage à la direction de France Musique (lire L’aventure France Musique)

Le contact se fit d’abord par téléphone, puis nous convînmes d’un déjeuner le 5 mars à Paris. Tout le monde fut pris de court par la décision du Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA) prise le 27 février : Mathieu Gallet le choix du CSA. (Le Monde, 27 février 2014).

(Photo AFP BERTRAND LANGLOIS)

J’envoyai un message de félicitations au nouvel élu, qui me confirma le rendez-vous prévu. Au cours de ce déjeuner, le premier d’une série de rencontres qui allaient jalonner les semaines suivantes, j’explicitai ma vision des choses, et Mathieu Gallet me fit comprendre qu’il pourrait envisager de me nommer à la direction de la Musique de Radio France. A vrai dire, je n’y croyais pas trop – comme d’ailleurs je n’y avais pas cru lors de ma nomination à France Musique – parce que ce jeune président serait inévitablement sollicité de toutes parts par des candidats disposant de réseaux puissants, bien implantés dans les rouages politico-administratifs de la capitale. J’aurais quelques mois plus tard la confirmation du mépris que nourrissaient un des chefs de la place et sa clique (*) pour le provincial venu de Liège (quelle horreur !) que j’étais. Nous nous revîmes plusieurs fois dans le salon de thé d’un grand hôtel parisien, je le mis à l’aise en lui disant que je comprendrais qu’il choisisse finalement quelqu’un d’autre, mais Mathieu Gallet tint bon. Et le secret fut bien gardé. Le nouveau PDG prit ses fonctions le 12 mai 2014 dans la Maison ronde.

L’annonce

Il se trouve que le 14 mai, je devais annoncer à Liège, d’une part la nouvelle saison de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, d’autre part le renouvellement du contrat de Christian Arming comme directeur musical. Il était impossible que je ne parle pas de Radio France… J’avais prévenu le président de l’Orchestre, le jour même avant la conférence de presse, j’avais réuni les collaborateurs et les musiciens de l’orchestre pour leur dire… ce que j’allais annoncer.

Il fallait bien sûr que, à Paris, la communication du côté de Radio France soit concomitante. J’eus une petite idée de ce qui m’attendrait une fois en poste, en mesurant la complexité des circuits de décision et de validation pour la seule rédaction du communiqué de presse annonçant ma nomination. Je passe sur les allers-retours, les coups de téléphone qui furent nécessaires… Jusqu’à ce sorte « le » communiqué : Jean-Pierre Rousseau nommé à la direction de la Musique de Radio France

Le matin même ma boîte Messenger et ma page Facebook avaient été envahis de messages de félicitations, Mathieu Gallet ayant vendu la mèche en visitant les bureaux de la direction de la musique et de France Musique.

Et Liège ?

Comme les médias belges allaient le relater – Le directeur de l’OPRL part à Radio France – la surprise de mon départ de Liège fut totale et en partie source d’inquiétude. J’étais convenu avec mon nouvel employeur comme avec le conseil d’administration de l’Orchestre que j’assumerais mes responsabilités jusqu’à ce que mon successeur soit trouvé. Ce fut fait en novembre.

(*) J’ai pris le parti de ne jamais nommer ce personnage. Le devoir de réserve auquel je suis tenu m’interdit d’en dire plus à son sujet, et pourtant…

Sur les basques de Ravel

C’est à croire que toute la touristerie s’est donné rendez-vous sur la côte basque coté français durant ce viaduc de l’Ascension. Biarritz inatteignable, Guéthary invisitable, et finalement non sans bouchons, l’accès à un nouveau parking de Saint-Jean de Luz peu avant qu’il affiche complet. Mais en sortant, la récompense : la vue directe sur la maison natale de Ravel de l’autre côté du port sur la commune de Ciboure (l’étrange façade flamande qui détonne au milieu des maisons en pur style basque.

La maison natale de Ravel à Ciboure sur le port de Saint-Jean-de-Luz

En rentrant je me replongerai dans les écrits de Ravel. Où il évoque sa « basquitude », ses fréquents retours au pays. J’ai trouvé ceci, un témoignage de Gustave Samazeuilh sur « les nombreux étés que nous avons passés ensemble en ce Pays Basque… Nous voisinions quotidiennement, soit dans les logis qu’il habita successivement à Ciboure ou dans la grande rue de Saint-Jean-de-Luz, soit sur ce coteau de Bordagain, où les miens et moi-même avions fixé nos pénates. Ravel aimait le vaste horizon de mer et de montagne qu’on y découvre. Il goûtait la douceur de l’air, la lumière affectueuse et vive. Que de fois sommes-nous montés en haut de la tour de l’ancienne abbaye de Bordagain pour voir se coucher le soleil ou monter la lune au zénith, quitte à prolonger ensuite notre soirée en la maison voisine aux volets rouges, dont l’isolement nous permettait de musiquer ou de deviser jusqu’à des heures fort avancées ? En descendant vers Saint-Jean-de-Luz le matin, je passais devant la maison de Ravel. Un siffle de ralliement bien connu de ses amis d’alors : le thème initial de la Seconde Symphonie de Borodine… Ravel se mettait à sa fenêtre, souvent  en pittoresque costume de bain.

D’autres fois, j’entendais son piano, je grimpais ses étages, et j’avais souvent de précieuses surprises. Une autre fois – beaucoup plus tard – je goûtais le savoureux spectacle de voir Ravel en peignoir jaune et en bonnet rouge écarlate, me jouant d’un doigt, avant d’aller prendre notre bain matinal, le thème du Boléro, et me disant : « Mme Rubinstein me demande un ballet. Ne trouvez-vous pas que ce thème a de l’insistance ? Je m’en vais essayer de le redire un bon nombre de fois sans aucun développement en graduant de mon mieux mon orchestre. » On sait avec quelle étourdissante virtuosité il sut réussir cette gageure.

D’autres jours, nous allions faire de longues promenades pédestres ou des randonnées automobiles en Béarn, sur la côte espagnole jusqu’à Santander, en Navarre, en Soule. Je me souviens, en particulier, de celle qui nous amena, par l’admirable route du col de Lesaca, de Pampelune à Estella, et retour par Roncevaux, Saint-Jean-Pied-de-Port et Mauléon. Ravel en avait rapporté le plan d’une œuvre basque pour piano et orchestre, « Saspiak bat », dont il m’a souvent parlé, et que seule la difficulté qu’il éprouva à trouver l’idée pour la pièce expressive du milieu, à laquelle il tenait particulièrement, lui fit abandonner. J’ai toujours pensé que les éléments des pièces vives, notamment de la première et la dernière : une fête sur la place de Mauléon, avaient été utilisées dans les pièces correspondantes du Premier Concerto de piano… »

Saint-Jean-de-Luz et Louis XIV

Saint-Jean-de-Luz est entrée dans la grande histoire de France pour avoir hébergé le mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne, Marie-Thérèse d’Autriche le 9 juin 1660 en l’église Saint-Jean-Baptiste.

L’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz

La maison, construite en 1643, où Louis XIV séjourna durant un mois en 1660, aujourd’hui appelée Maison Louis XIV

Donnant sur le port, la demeure où résida l’Infante d’Espagne avant son mariage avec Louis XIV.

L’attrait principal de Saint-Jean-de-Luz est bien entendu son bord de mer, qui n’est pas, comme d’autres de la côte basque, envahi par les terrasses et les échoppes.

Ce que j’ai découvert, en longeant l’élégant bâtiment de La Pergola, qui abrite le Casino, c’est que c’est l’oeuvre de l’architecte Robert Mallet-Stevens en 1927

Saint-Jean-Pied-de-Port et les pèlerins de Compostelle

Sans le savoir, j’ai emprunté les routes qu’aimait parcourir Ravel avec son ami Samazeuilh, dans ce pays basque pyrénéen si charmant. Ainsi cette halte à Saint-Jean-Pied-de-Port, où l’on a vu nombre de pèlerins en chemin vers Saint-Jacques-de-Compostelle.

La porte du Roy qui donne accès à la citadelle qui surplombe la ville.

On aurait pu emprunter le col de Roncevaux, se remémorer la Chanson de Roland, mais une manifestation apparemment sportive nous a privé de cet itinéraire. Pour s’en consoler, on peut écouter cet air extrait d’un opéra dont j’ignorais même jusqu’à l’existence avant que le Palazzetto Bru Zane ne l’exhume – Roland à Roncevaux – d’Auguste Mermet, un ouvrage de 1864.

Pablo de Pamplona

Il y a 25 ans, j’avais fait une brève escale dans la capitale de la Navarre, Pampelune, dont j’avais gardé un souvenir très particulier consigné dans mon blog : le Russe de l’orchestre

J’ai découvert en ce jour de l’Ascension – qui n’est pas férié dans la pourtant très catholique Espagne ! – une jolie ville moins spectaculaire que d’autres cités ibériques mais fière de son passé.. comme en témoignent les remparts et les fortifications largement dus à un disciple de Vauban, Verboom.

Plaza del Castillo

La cathédrale Santa Maria la Real

La Mairie de Pampelune et sa superbe façade du XVIIe siècle

Le roi des virtuoses

En dehors d’une belle avenue arborée du centre ville, je n’ai pas trouvé d’hommage tangible de sa ville natale à l’un de ses plus illustres enfants, le violoniste et compositeur Pablo de Sarasate, né le 10 mars 1844 à Pampelune et mort pas très loin, à Biarritz, le 20 septembre 1908.

C’est grâce à Pablo de Sarasate que la littérature concertante pour le violon s’est enrichie de plusieurs chefs-d’oeuvre à la fin du XIXe siècle. Rien moins que la Symphonie espagnole de Lalo, le 3e concerto pour violon, ainsi que l’Introduction et rondo capriccioso de Saint-Saëns, ou encore le 2e concerto de Wieniawski ou la Fantaisie écossaise de Bruch ! Lui-même est l’auteur de plusieurs pièces brillantes que les virtuoses du violon ont toujours à leur répertoire, que ce soit les redoutables variations sur des thèmes de Carmen de Bizet ou les Airs bohémiens.

J’ai souvent exprimé sur ce blog mon admiration pour Nathan Milstein (Le violon de mon coeur) qui a laissé une version jamais surpassée du 3e concerto de Saint-Saëns

Des Airs bohémiens de Sarasate, il y a bien sûr nombre de belles versions. Peu atteignent le charme et la virtuosité décomplexée d’un météore du violon, le fabuleux Michael Rabin (1936-1972)

Pivot et la Neuvième

Bernard Pivot (1935-2024)

Tout le monde a rendu ou va rendre hommage à Bernard Pivot et ce n’est que justice.

J’ai moi-même raconté sur Facebook mon seul souvenir d’une rencontre avec lui :

« J’ai un seul souvenir, minuscule, d’un contact direct avec Bernard Pivot. Il y a une quinzaine d’années, je fréquentais le Balzar, à côté de la Sorbonne, à l’époque où l’on pouvait encore y manger convenablement. Il y avait des habitués, célèbres ou moins. Un jour on m’assied à côté de la table de Jean Tulard (qui se plaçait toujours face au miroir de dos à la salle). A peine étais-je installé que je vois s’approcher Bernard Pivot, qui prend place à ma droite. Inévitablement j’entends la conversation entre Pivot et Tulard et un troisième convive que je n’ai pas identifié. Je vois que Pivot regarde souvent en ma direction. Apercevant Le Monde du jour sur un coin de ma table, il en prend prétexte pour me demander où j’ai pu me procurer le journal normalement pas disponible en kiosque avant 14 h. C’est ainsi que nous avons échangé de délicieuses banalités et que j’ai eu l’impression que mon illustre voisin aurait bien aimé poursuivre la conversation avec l’inconnu que j’étais, plutôt qu’avec ses commensaux. J’eus aussi à ce moment-là la confirmation de l’influence du « Roi Lire » sur le monde des lettres, lorsque deux autres hôtes du Balzar s’en vinrent le saluer respectueusement : Jean-Noël Jeanneney et l’académicien Marc Fumaroli, tout en remerciements d’un article qu’avait dû lui consacrer Pivot.

La dernière apparition de Bernard Pivot à la télévision – dans C à vous je crois – m’avait profondément attristé. D’une absolue lucidité sur son état – ces mots qui désormais lui manquaient, s’absentaient – je m’étais dit que ce soir-là il prenait congé de nous. »

Mais on pourra voir et revoir bien sûr ses grandes émissions et ses interviews mythiques avec les plus grands auteurs du XXe siècle. Et surtout si l’on veut retrouver ce personnage si profondément sympathique, relire cette manière d’autobiographie

« Mots autobiographiques, mots intimes, mots professionnels, mots littéraires, mots gourmands… Tous ces mots forment un dictionnaire très personnel. Mais les mots de ma vie, c’est aussi ma vie avec les mots. J’ai aimé les mots avant de lire des romans. J’ai vagabondé dans le vocabulaire avant de me promener dans la littérature » (Bernard Pivot)

La Neuvième a 200 ans

Renaud Machart nous rappelle opportunément dans Le Monde que la Neuvième symphonie de Beethoven a été créée le 7 mai 1824 : ‘Il allait de soi qu’Arte, chaîne franco-allemande, fasse honneur à la Symphonie n9 de Ludwig van Beethoven (1770-1827), créée voici deux siècles exactement, le 7 mai 1824 : le compositeur allemand avait cru dans les promesses des Lumières et de la Révolution française avant de devenir – par-delà le bien et le mal – un symbole national allemand puis européen. » A suivre donc ce soir sur Arte et sur Arte.tv une soirée exceptionnelle.

La charge symbolique et politique de l’ultime symphonie de Beethoven reste puissante. On se rappelle tous ce concert extraordinaire au lendemain de la chute du Mur de Berlin, et les choeurs rassemblés sous la houlette de Leonard Bernstein transformant le texte de Schiller en « Ode à la Liberté« 

Wolfgang S. : les retards d’un centenaire

J’ai vérifié, le copyright des deux coffrets est bien daté 2024 ! Ce n’est donc pas une publication retardée. Pourquoi, comment a-t-on pu rater d’un an chez les deux grands éditeurs concernés, le centenaire… en 2023 du grand chef allemand Wolfgang Sawallisch (1923-2013) ?

Comme pour se rattraper de ce retard, Warner et Decca nous proposent deux forts pavés – avec un troisième annoncé – qui nous restituent un legs discographique longtemps resté en retrait ou sous-estimé.

En réalité, c’est le chef lui-même qui est resté en retrait, un peu comme un autre grand chef allemand, Karl Böhm (à propos de qui j’avais écrit un billet qui m’avait valu quelques indignations : Faut-il être sexy pour être un grand chef ?). Du temps des Karajan, Bernstein, Abbado, Kleiber, Muti qui brillaient sur les podiums, l’allure austère, le maintien sérieux de Wolfgang Sawallisch ne manquaient pas d’influer, consciemment ou non, sur la considération que lui portaient la critique et le grand public : un honnête Kapellmeister, disait-on avec cette condescendance qui n’appartient qu’aux ignorants.

Si l’on fait abstraction de cette « impression », et que l’on se fie à ses seules oreilles – ce que j’ai toujours fait pour lui comme pour d’autres – on (re)découvre un chef qui sans être ni un révolutionnaire ni un visionnaire est, stylistiquement, un modèle dans le répertoire classique et qui, dans les grandes fresques chorales et/ou lyriques, fait mieux que nous révéler l’essence du romantisme allemand. La seule réserve en effet qu’on peut faire sur ce legs discographique, c’est qu’il ne sort quasiment jamais de la sphère germanique. Mais, que ce soit avec les formations dont il a été le directeur musical (Wiener Symphoniker, Philadelphie, Opéra de Bavière) ou qu’il a régulièrement dirigées (Dresde, Londres, Amsterdam) Wolfgang Sawallisch est, au sens premier du terme, magistral. Et il se niche dans ces deux coffrets, de bien belles surprises.

Sawallisch chez Philips

Cyrus Meher-Homji, le responsable de la collection Eloquence, a repris tous les enregistrements réalisés pour Philips et DG, y compris les disques où Sawallisch se fait compagnon au piano de Fischer-Dieskau, Prey, Schreier. Avec quelques inédits et surtout une remasterisation qui redonne un air bienvenu à des intégrales symphoniques de Schubert (à Dresde) et Brahms (à Vienne) qui souffraient jadis de prises de son qui sentaient le renfermé.

Avec le Concertgebouw, auquel il reviendra dans les années 80 pour une intégrale Beethoven, il grave une Pastorale et une 7e de toute beauté :

Et plus surprenant, puisqu’il n’y reviendra plus – en dehors des ballets – Tchaikovski et une Cinquième symphonie exemplaire qui bénéficie de ce son si spécifique au Concertgebouw (la salle comme l’orchestre)

A une époque où elles étaient plutôt rares, les cinq symphonies de Mendelssohn ont trouvé en Sawallisch un interprète magnifique, auquel on doit joindre la version de référence de l’oratorio Elias :

Et puis, outre les récitals de Lieder, l’ajout considérable de ce coffret (par rapport à un précédent qu’on avait trouvé et acheté au Japon), ce sont les opéras de Wagner captés à Bayreuth dans un son somptueux et avec des équipes glorieuses : Le Vaisseau fantôme, Lohengrin, Tannhäuser.

Peu d’inédits en dehors de quelques extraits en mono de Lortzing et Mascagni, et surtout un second disque de polkas et valses de Strauss que j’ignorais. En écrivant ces mots; je trouve sur YouTube ce document étonnant, où Sawallisch explique l’esprit de la valse viennoise au piano puis à la tête de l’orchestre de la RAI :

Sawallisch Warner vol. 1

EMI et Wolfgang Sawallisch, c’est une histoire qui a commencé à la fin des années 50, le chef était tout jeune, à l’instigation du grand patron du label anglais Walter Legge. Il y en a quelques traces dans ce coffret Warner présenté comme un 1er volume (orchestre, oeuvres chorales) qui devrait être suivi d’un coffret comportant tout le legs lyrique, en particulier les opéras de Richard Strauss.

Comme un formidable disque d’ouvertures de Weber :

Autant que dans le coffret Decca, il y a dans cette boîte Warner de magnifiques documents, notamment tout ce que le chef allemand a gravé avec le somptueux orchestre de Philadelphie, dont il a assumé la direction musicale de 1993 à 2003, à la suite de Riccardo Muti. Les Hindemith et Richard Strauss sont splendides, tout comme l’étonnant disque de transcriptions de Stokowski.

Dans les sommets de cette discographie, il y a la version jamais dépassée des Symphonies de Schumann, avec une Staatskapelle de Dresde en état de grâce.

Les symphonies de Beethoven – rebelote avec le Concertgebouw – sont à remettre très haut dans la liste des références, alors qu’elles avaient été peu remarquées à leur sortie.

De même les symphonies de Brahms, enregistrées cette fois à Londres, avec deux extraordinaires concertos pour piano avec Stephen Kovacevich en soliste

On devrait consacrer tout un article à Sawallisch pianiste, accompagnateur recherché par les plus grands chanteurs de son temps. Je le ferai certainement.

Jeux de vagues

Je n’avais pas prévu que ce billet viendrait compléter, ou plutôt illustrer, mon dernier article autour de La Mer et les chefs. Je n’avais pas non plus prévu d’aller à Giverny un 1er Mai, mais la possibilité de dîner enfin au Jardin des Plumes chez David Gallienne, l’étoilé qui affiche systématiquement complet tous les week-ends, était une raison suffisante pour affronter la foule qui se presse pour visiter les jardins et la maison de Claude Monet. En fin d’après-midi, avec la menace de Météo France de violents orages sur la région, cette foule était nettement moins nombreuse que redouté.

Le Musée des Impressionnismes de Giverny présente une exposition qui ne pouvait que me séduire : L’Impressionnisme et la Mer :

Pierre-Auguste Renoir : Petit Port (1919)

Camille Pissarro : L’Anse des pilotes, Le Havre, matin, soleil, marée montante (1903)

Johan Barthold Jongkind : Le port d’Anvers (1855)

Eugène Boudin : Port de Camaret (1872)

Eugène Boudin : Le bassin de l’Eure au Havre (1888)

Jacques-Emile Blanche : La plage de Dieppe

Gustave Courbet : Les bords de mer à Palavas (1854)

Charles-François Daubigny : Coucher de soleil près de Villerville (1878)

Claude Monet : Falaises à Pourville (1882)

Claude Monet : La pointe du Petit Ailly (1897)

Jean-Francis Auburtin : Les pêcheries, Falaises de Pourville

Eugène Boudin: Coucher de soleil à marée basse (1884)

Claude Monet : Les rochers à Pourville, marée basse (1882)

Claude Monet : Marée basse aux Petites Dalles (1884)

Gustave Courbet : La Vague (1870)

Gustave Courbet : La Vague (1873)

Armand Guillaumin : Rocher à la pointe de la Baumette (1893)

Maxime Maufra : La plage du Pouldu, rivage breton à marée basse (1891)

Paul Gauguin : Sur la plage de Bretagne (1889)

La série des « Vagues » de Courbet résonne directement avec le 2e mouvement de La Mer de Debussy « Jeux de vagues ».

Qui dit Giverny pense évidemment Monet, et l’on est heureux de voir quelques-unes de ses toiles à quelques mètres de sa maison (ce qui n’est pas le cas de Van Gogh à Auvers-sur-Oise !). On peut aussi voir à côté de la petite église du village la tombe du peintre et d’une partie de sa famille.

Mais, comme je l’ai écrit plus haut, j’avais aussi un objectif gastronomique en venant à Giverny. un dîner au Jardin des Plumes.

En un mot bravo à David Galienne pour tout : l’accueil, le service et bien sûr et surtout l’assiette d’une copieuse originalité.

Ces artichauts délicatement braisés : une merveille !

La Mer et les chefs

J’aurais préféré écrire une meilleure critique sur le concert auquel j’ai assisté jeudi dernier (le jour où on annonçait le nom du successeur de Louis Langrée à CincinnatiUne semaine pas très ordinaire). A lire sur Bachtrack : La Mer trop calme du National avec Cristian Măcelaru à Radio France.

La formule est schématique, mais elle traduit bien l’impression de statisme qu’on a éprouvée à l’écoute d’une interprétation qui ne manquait pas de qualités. Le National et son chef avaient déjà donné le triptyque debussyste en 2022 comme en témoigne cette captation :

J’ai pensé que c’était l’occasion de faire le point non pas sur la discographie de l’oeuvre – des centaines de versions ! – mais d’une part en comparant l’Orchestre national de France à lui-même sous les différentes baguettes qui l’ont dirigé, d’autre part en tirant de ma discothèque des versions qui m’accompagnent depuis longtemps

La Mer et le National

La fausse symphonie de Debussy est bien évidemment l’un des piliers du répertoire de l’orchestre radiophonique qui célèbre ses 90 ans d’existence cette année. Ce qui est doublement fascinant, c’est d’une part la constance dans les couleurs si françaises de « notre » Orchestre national, et d’autre part la marque qu’y impriment les différents directeurs musicaux, leurs tempéraments, et quelques invités prestigieux :

2018 : Emmanuel Krivine (2017-2020)

2012 Daniele Gatti (2008-2014)

Evgueni Svetlanov (1998) au festival Radio France Montpellier

1984 : Seiji Ozawa

1974 : Jean Martinon (1968-1973)

1956 : Charles Munch (1962-1967)

Je n’ai pas trouvé d’enregistrement disponible de La Mer sous la direction de Lorin Maazel et Charles Dutoit qui se sont succédé à la tête de l’Orchestre National entre 1977 et 2001.

Les chefs de La Mer

Souvent les versions citées comme des « références » perdent de leur superbe au fil des années et de l’accroissement de la discographie d’une oeuvre. En l’occurrence, pour La Mer de Debussy, ces fameuses références demeurent inchangées, voire insurpassées.

Ernest Ansermet (1883-1969)

On ne sait pas toujours que le chef suisse, fondateur de l’Orchestre de la Suisse romande, a non seulement connu Debussy, mais le jeune homme qu’il était alors s’était même permis de suggérer au compositeur quelques corrections dans sa partition ! Le lien entre Ansermet et Debussy était tel que le programme inaugural de l’orchestre genevois était tout entier dédié à Debussy

J’ai beau la connaître par coeur, la version d’Ansermet de La Mer me paraît indépassable. Quand je dis à propos du dernier concert du National que les tempi sont trop lents, ce n’est pas seulement affaire de métronome, mais aussi et surtout de mouvement. Et Ansermet savait de qui et de quoi il parlait !

Pierre Boulez (1925-2016)

Avec d’autres moyens, et un luxe orchestral supérieur, qu’Ansermet, Pierre Boulez réalise avec Cleveland, deux fois pour Sony et DG, une version passionnante.

Herbert von Karajan (1908-1989)

Les deux seules fois où j’ai eu le privilège d’entendre Karajan en concert, en 1974 à Lucerne et en 1985 à Genève, La Mer était au programme. C’est dire si le chef autrichien aimait l’oeuvre. Il en a laissé pas moins de trois versions officielles au disque.

Ma liste n’est évidemment pas exhaustive, mais il y a ici pour l’amateur quelques heures passionnantes d’écoute en perspective !

Une semaine pas très ordinaire

Je me dis régulièrement que je devrais revenir à la raison première de ce blog : un journal. Comme je le faisais naguère, y relatant mes impressions, les grands et surtout les petits événements du jour.

J’avais commencé au début de la semaine un article sobrement intitulé Un dimanche à Paris. Et nous voici vendredi ! Je suis bon pour une récapitulation hebdomadaire…

Une création décevante

Comme j’ai tout raconté sur Bachtrack, je ne vais pas détailler ici ma soirée de vendredi passé à la Philharmonie. L’amitié, voire l’admiration qu’on éprouve pour un interprète ou un créateur, doivent-elles prendre le pas sur le devoir du critique ? J’ai déjà répondu ici : L’art de la critique.

Au théâtre ce soir

Je me suis laissé entraîner, samedi soir, au théâtre Edouard VII, où je n’avais pas remis les pieds depuis un bon bout de temps. Je n’avais pas repéré cette pièce – L’amour chez les autres – ni ses interprètes, encore moins son auteur Alyn Ayckbourn.

Quel bonheur de pouvoir rire presque continûment grâce à la mécanique implacable du texte et au burlesque débridé du jeu des acteurs et de la mise en scène de Ladislas Chollat. Mention particulière pour le couple de folie formé par Jonathan Lambert et l’impayable Virginie Hocq, naguère découverte à Liège.

Un tour chez le libraire

Lorsque je passais mes dimanches à Paris, ce qui m’arrive de plus en plus rarement, l’étape obligée après le petit déjeuner au Café Charlot, c’était, juste en face, le libraire de la rue de Bretagne. Je n’y vais plus que pour voir les nouveautés, mais je n’y achète plus rien depuis qu’on a signifié aux clients fidèles qu’on n’avait plus besoin de leur fidélité… Mais j’ai repéré deux ouvrages que j’ai finalement téléchargés, non sans avoir eu d’abord de sérieux doutes quant à leur intérêt.

L’agent suédois

Je pense que c’est bien la première fois, en tout cas dans cette collection Actes Sud, qu’un ouvrage est consacré non à un compositeur ou un interprète illustre, mais à un agent, organisateur de festival. Je ne dirai rien des sentiments que j’ai éprouvés jadis, lorsque je travaillais sur le même territoire que lui, la Suisse romande, ou plus récemment lors d’une mission à l’OSR, envers Martin Engström. Le fait même que ce livre existe décrit assez l’importance que le personnage a de lui-même ! Mais c’est aussi, à ma connaissance – et c’est pour cela que ce livre m’a intéressé – la première fois qu’un responsable important de la vie musicale classique raconte le dessous des cartes, les coulisses du métier. Avec cette sorte de décontraction, de désinvolture même, qui lui fait nommer et donner des détails parfois intimes sur des personnes encore vivantes et actives. Je ne suis pas sûr que les artistes, les sponsors, les élus qui ont soutenu l’aventure du Verbier Festival soient très heureux de ces révélations….

Encore Mitterrand ?

Encore un bouquin sur Mitterrand, presque trente ans après sa mort ? Au moins celle qui fut la secrétaire générale adjointe de l’Elysée à la fin du second septennat du président socialiste ne s’est pas précipitée, comme tant d’autres, pour raconter ses souvenirs. Et finalement on se laisse prendre par un récit qui ne fait aucune révélation à proprement parler, mais qui complète la vision, la compréhension qu’on avait d’un personnage complexe. On est obligé de croire – ou pas – l’auteure sur parole, puisque de la plupart des confidences que fait Anne Lauvergeon, nul ne peut plus attester la véracité.

C’est évidemment tout à fait secondaire, et sans aucun intérêt pour l’histoire contemporaine, mais j’ignorais jusqu’où était allé le premier amour de Mitterrand, pour la dénommée Marie-Louise Terrasse, plus connue sous son nom de télévision. Catherine Langeais et son mari Pierre Sabbagh avaient élu domicile dans la commune voisine de la mienne, Valmondois. Elle est morte deux ans après son premier fiancé. Et sa tombe au cimetière de Valmondois est bien mal entretenue…

Encore le concerto de Schumann ?

Lundi le temps de faire un aller-retour entre Paris et le Val d’Oise pour tenir ma permanence de conciliateur de justice, j’étais de retour à la Philharmonie, toujours pour le compte de Bachtrack : Martha Argerich dans le concerto de Schumann, l’orchestre symphonique de Londres et son nouveau directeur musical le chef bien anglais Antonio Pappano et la Deuxième symphonie de Rachmaninov. Le cocasse dans l’histoire, c’est que l’organisateur de ce concert, l’infatigable André Furno, créateur de la série Piano ****, avait voulu rendre hommage par ce programme à Claudio Abbado, disparu il y a dix ans, en même temps qu’à Maurizio Pollini. Les liens Abbado/Argerich, Abbado/LSO sont évidents, mais la 2e de Rachmaninov est l’une des seules symphonies qu’Abbado n’a jamais dirigées…

De ce concert, j’ai tout dit sur Bachtrack : Martha Argerich réinvente le concerto de Schumann.

Et dans mon précédent billet je rappelais quelques-uns de mes souvenirs de la pianiste argentine : Martha Argerich à Tokyo.

Cincinnati – Paris

J’ai été un peu surpris par l’annonce de la nomination de Cristian Măcelaru comme successeur de Louis Langrée à la tête de l’orchestre symphonique de Cincinnati.

Je savais qu’il faisait partie des « possibles », mais compte-tenu de ses engagements en Europe (la WDR à Cologne, et l’Orchestre national de France à Paris), je doutais qu’il soit retenu pour une fonction exigeante et chronophage. On sait qu’il quittera Cologne à la fin de la saison prochaine. Pas d’information pour l’heure du côté du National…

On était justement jeudi soir à l’auditorium de Radio France pour un programme tout français dirigé par Măcelaru. Un compte-rendu bientôt sur Bachtrack.

En attendant on va prendre le temps ce week-end d’écouter une nouveauté discographique d’importance : les trois symphonies et les deux rhapsodies roumaines d’Enesco. On est encore impressionné par le souvenir de la 3e symphonie donnée à Bucarest l’automne dernier (lire Pourquoi pas Enesco ?)