#Confinement Jour 30
Nous avons entamé hier, en France, notre cinquième semaine de confinement, après avoir écouté l’allocution du président de la République lundi soir.
Le moment venu, je dirai (ou pas) ce que j’ai sur le coeur, mes doutes et mes espoirs, mais j’ai résolu de ne participer à aucun débat, aucune polémique sur rien ni personne durant cette crise inédite.
Les médias, les réseaux sociaux en débordent, comme si nous n’avions pas assez à faire de nous débrouiller de nos vies confinées.
La responsabilité
Chacun sait, de ceux qui me font l’amitié de me suivre, que j’ai la responsabilité d’un beau et grand festival de musique.
Permettez que je prenne ce soir le temps de la confidence.
De toutes parts, je suis assailli de questions, de conseils (?), de réflexions, de pressions m’incitant à annoncer sur-le-champ l’annulation, le report, la re-programmation de « mon » festival. Démarches qui n’ont rien d’illégitime, quand elles viennent de journalistes qui doivent informer, de responsables locaux qui veulent assumer leurs responsabilités, plus contestables quand elles expriment le tout-venant de la pensée schématique, et le flux ininterrompu des tenants du « y a qu’à » « faut qu’on »…
Parce qu’Olivier Py a annoncé lundi soir l’annulation du festival d’Avignon, il eût fallu que je réagisse dans la foulée, que je m’inscrive immédiatement dans la cohorte des réactions à cette décision, un silence de ma part ne pouvant être interprété que négativement. J’ai écrit ceci sur la page Facebook du Festival Radio France :
Chers amis,
Nous espérons que vous vous portez bien.
A la suite de l’allocution du président de la République, et dans l’attente des décisions gouvernementales à venir, nous étudions plusieurs scénarios quant à l’édition 2020 du Festival, en lien avec nos partenaires, les pouvoirs publics et les artistes invités. Votre sécurité, le respect des consignes sanitaires, sont notre première préoccupation.
Pour le moment nous suspendons les ventes de billets.
Si vous avez déjà acheté des places, vos billets seraient automatiquement remboursés en cas d’annulation du ou des concerts.
Nous restons à votre écoute et comptons sur vous et votre fidélité.
Prenez soin de vous,
Ce n’est en rien une manoeuvre dilatoire, encore moins une incapacité à décider ou à choisir.
Le Figaro a repris mes propos, et j’en sais gré au journaliste de les avoir rapportés avec les nuances qu’ils contenaient :
Festival Radio France Occitanie Montpellier
Maintenu – Du 10 au 30 juillet
Créée en 1985 à l’initiative de Georges Frêche et du président de l’époque de Radio France (Jean-Noël Jeanneney), la manifstation ‘est imposée comme le premier grand rendez-vous de la musique classique en juillet dans le Sud de la France (hors lyrique). Berceau de nombreuses redécouvertes, accueillant plus de 100 000 spectateurs pour quelques 150 évènements (dont plusieurs en dehors de Montpellier), le festival dédié cette année aux musiques en Méditerranée aurait dû débuter le 10 juillet en région. Le premier concert prévu à Montpellier a lieu le 15 juillet.
Jean-Pierre Rousseau, directeur . « Pour le moment, notre ligne n’a pas changé : le festival aura lieu tant qu’il pourra avoir lieu. Il serait présomptueux pour moi de faire des plans sur la comète comme si j’en savais plus que le Président de la République lui-même, alors qu’il nous reste trois mois avant le début du festival. Pour les quelques dates que nous avions en région avant le 14 juillet, j’étudie en ce moment la possibilité de reports. La situation du festival Radio France Occitanie Montpellier est très différente de celle d’Avignon ou des Nuits de Fourvière. La majorité de nos concerts importants dans Montpellier a lieu au Corum, nous n’avons pas de contrainte de montage technique spécifique, et je serais techniquement en capacité d’annuler même une semaine avant. Pour autant, la date fixée par le président de la mi-juillet nous laisse avec beaucoup d’incertitudes. Nous n’avons pas cette année d’artistes ou d’orchestres extra-européens mais des orchestres qui viennent d’Italie ou d’Espagne, et nous ignorons s’ils seront en capacité de circuler. Nous ne savons rien des possibles conditions d’accueil du public. Un maintien avec des réductions de jauges est naturellement envisageable à condition qu’elles ne soient pas complètement rabougries. Nous allons aussi nous concerter avec les Chorégies d’Orange et le festival de La Roque d’Anthéron, dont nous sommes proches. J’étudie absolument tous les scénarios possibles afin de les soumettre dans les quinze jours à venir à nos partenaires et cofinanceurs… Même celui d’un maintien symbolique avec quelques dates en huis-clos, sans public, filmées pour la télévision et retransmises à la radio. Une chose est sûre : nous ne prendrons aucune décision hâtive. Même s’il me semble que la date du 30 avril est une échéance raisonnable pour retenir l’un ou l’autre de ces scénarios. » (Le Figaro : festivals annulés ou maintenus)
Peut-on croire qu’on décide d’une sort d’une manifestation qui prévoit 165 événements, dans 60 communes différentes de la deuxième région de France en superficie (l’Occitanie), en 80 lieux de concerts différents, sur un coup de tête ou pour aller dans le sens du vent médiatique ?
Comme je l’écrivais il y a quatre semaines (Confinement) je m’efforce au sang-froid, à l’analyse rationnelle des événements.

Mes amis musiciens
Il n’est pas un jour, une heure, où je ne pense à mes amis musiciens, et au-delà d’eux à tous ceux qui font métier d’artiste.
Je me suis toujours demandé, depuis que j’ai la chance de travailler avec vous, pour vous, comment vous faisiez pour supporter l’incertitude, l’insécurité, qui est votre lot commun. Votre carrière, vos engagements, vos ressources, votre vie en somme, dépendent de tellement de facteurs que vous ne maîtrisez pas.
Aujourd’hui, et depuis plusieurs semaines, qui que vous soyez, célèbre ou débutant, riche ou pauvre, vous êtes doublement confinés, vous voyez s’annuler tous les projets, tous les engagements qui formaient votre horizon.
Et vous lisez sur les réseaux sociaux les pires nouvelles, colportées comme vérités d’évidence… Comme s’il fallait rajouter du désespoir à la morosité ambiante.
Oui c’est à vous, amis musiciens, que je pense en premier lorsque je dois prendre, lorsque je devrai prendre des décisions quant à la réalisation du festival que je dirige. Pourquoi baisser les bras avant même qu’on y soit, peut-être, contraint ? Pourquoi ne pas imaginer d’autres solutions que le tout ou rien ? Il y a tant de manières de vivre, de faire vivre la musique. Ce ne sont pas les idées qui nous manquent. Nous ne renoncerons jamais à explorer toutes les pistes, et à vous permettre de nous réenchanter.
C’est la promesse que je vous fais.
Là où il y a une volonté, il y a un chemin (William Hazlitt)