La mère Noël

Depuis un certain 6 décembre (Il y a cinquante ans), Noël, la fin de l’année, ont un peu perdu leurs airs de fête. Pour les enfants, pour les petits-enfants, pour le plaisir d’être en famille, on fait comme si, mais la vérité est qu’on a hâte d’être à l’année prochaine. Rien ne me démoralise plus que les chalets et autres marchés de Noël, les rues des villes inondées de mauvais Jingle bells et Mariah Carey, ces grands magasins débordant de foie gras, champagne, chocolats à prix coûtants…

Bref je me replie sur ma discothèque (lire White Christmas) et je rêve aux soirées heureuses de l’enfance.

Sauf quand, missionné par Bachtrack, je me pointe – c’était mercredi soir – à la Maison de la Radio et de la Musique pour un concert de l’Orchestre philharmonique de Radio France, un « concert de Noël » dont la tête d’affiche est Marie-Nicole Lemieux. Eh oui, en pleine éruption de wokisme, notre Québécoise préférée ose chanter le Noël des chrétiens (Minuit chrétiens !), les anges dans nos campagnes, Adoremus Dominum…Dans les églises, on n’ose plus, mais à Radio France oui !

Un concert plein de belles surprises, et en bis un Petit papa Noël d’anthologie. Comme je l’écris dans mon papier, Tino Rossi et Mariah Carey n’ont plus qu’à aller se rhabiller ! : Marie-Nicole Lemieux en Mère Noël à Radio France.

J’invite fortement ceux qui ont manqué le concert qui était diffusé en direct sur France Musique et Arte TV, à écouter sur francemusique.fr et surtout regarder ArteTV.

https://www.arte.tv/fr/videos/104533-014-A/concert-de-noel/

Un chef à suivre

Mikko Franck s’étant fait porter pâle, c’est le jeune chef français Adrien Perruchon, directeur musical depuis l’an dernier de l’orchestre des Concerts Lamoureux, qui l’a très avantageusement remplacé, comme je l’ai relevé dans mon billet.

J’ai un souvenir particulier avec celui qui était encore timbalier solo du « Philhar ». C’était en décembre 2014, j’étais directeur de la musique de Radio France. Un jeune chef, français lui aussi, devait diriger deux programmes avec l’Orchestre philharmonique, et pour des raisons que j’ai oubliées, il avait dû déclarer forfait pour le premier d’entre eux. Il fallait trouver d’urgence un remplaçant. en accord avec la représentation permanente de l’orchestre, je décidai de faire confiance à Adrien Perruchon qui se déclarait prêt à reprendre l’essentiel du programme. Ce fut une belle réussite…Je viens de découvrir sur YouTube que non seulement ce concert avait été filmé (ce n’était pas encore systématique dans un auditorium de Radio France tout juste inauguré) et mis en ligne.

Vacances 2022 : Intrigue à la Villa Médicis

Rome, la Villa Médicis

Avant-dernier épisode de la série Vacances 2002, la Villa Médicis, où je n’ai pas mis les pieds cette année, mon séjour romain fut relativement bref – il m’en reste à raconter notamment sur les trésors du Vatican.

Ma première fois à Rome c’était en mars 1995 à l’occasion d’un week-end – qui a failli rater – de France Musique à la Villa Médicis. Week-end dont j’avais conservé un souvenir contrasté.

Le futur ministre ?

Je n’ai compris que bien plus tard le véritable enjeu de ce moment où France Musique n’était qu’un prétexte. Je suis tombé par hasard sur les mémoires de Jean-Pierre Angremy (de son nom de plume Pierre-Jean Rémy) où l’on comprend que le déplacement en grand appareil du PDG de Radio France Jean Maheu, du directeur de la musique Claude Samuel, du directeur de France Musique l’auteur de ces lignes, de quelques autres personnes forcément importantes, tous accompagnés de leurs conjoints, au prétexte d’assister à des concerts de pensionnaires de la Villa Médicis, dont l’écrivain à succès était alors le directeur transmis sur France Musique bien évidemment, ce déplacement donc avait pour objectif non avoué pour l’état major de la radio publique de se mettre au mieux avec celui qu’une rumeur insistante et récurrente présentait comme le probable, possible futur ministre de la Culture de Jacques Chirac bientôt élu président de la République. On était à un mois du premier tour de l’élection présidentielle de 1995, tandis que s’achevait la cohabitation Mitterrand-Balladur.

Extraits choisis de ce « Journal de Rome » :

« Noter l’arrivée de Jean Maheu et de sa femme, Isabelle. Nous nous embrassons, nous nous tutoyons. Il aurait souhaité lui-même venir à la Villa Médicis comme directeur. Un jour, brisant la glace, il m’a dit qu’il n’en était rien. Je n’en pense pas moins.
Ai-je dit que Stéphane Martin, qui fut longtemps son directeur adjoint de cabinet (1) et à qui je dois ma place ici, s’est fait l’écho, comme beaucoup d’autres, du bruit qui a couru selon lequel j’intriguerais, toujours dur et ferme, pour me retrouver à la Culture ? Claude Samuel me parlera également de l’affaire. Sophie Barrouyer de France Musique (2), aussi, comme Sophie Barruel (3), petite énarque au jeune mari aussi, comme également Jean-Pierre Rousseau.
Rumeur ou calomnie ? Je n’ai pas que des amis, c’est le moins que je puisse dire !
« 

(1) Stéphane Martin, qui a été un temps le bras droit de Claude Samuel à Radio France, est à l’époque directeur adjoint du cabinet de Jacques Toubon, ministre de la Culture. Il sera, de 1998 à 2020, le président du musée du Quai Branly

(2) J’ai l’impression que Pierre-Jean Rémy s’emmêle dans ses souvenirs, en évoquant la présence de Sophie Barrouyer…à qui j’avais succédé deux ans plus tôt (lire L’aventure France Musique)

(3) Erreur de PJR, il s’agissait de Sophie Barluet, prématurément emportée par une cruelle maladie en 2007, son « jeune mari » étant Alain Barluet, actuel correspondant du Figaro à Moscou. J’avais beaucoup apprécié Sophie Barluet comme directrice de cabinet de Jean Maheu et comme complice toujours bienveillante.

Liaison fatale ?

Suite du journal de Pierre-Jean Remy :

« SAMEDI 25 MARS. Toute la journée en direct, donc, de France Musique. En réalité, depuis vingt-quatre heures, les trois techniciens de France Musique se battent avec les Télécoms italiens, car on n’arrive pas
à obtenir les canaux pour transmettre vers la France via… eh bien via Rome, tout simplement ! En 1995. il est tout de même paradoxal de voir qu’il n’y ait pas moyen de lier la Villa Médicis, au-dessus de Rome, au
centre de la RAI, à Rome même. Les autres liaisons sont possibles, mais pas celle-là. Il est vrai que l’on ne travaille plus par liaison hertzienne, mais par liaison numérique câblée. Ceci expliquerait cela. Pendant vingt-quatre heures, on s’arrache progressivement les cheveux. Le 24 au soir, on est persuadé que rien ne pourra se résoudre. Samedi 25 au matin, rien ne fonctionne encore alors que la première émission en direct est prévue à 11 heures À 11 heures moins dix : miracle ! apothéose! Les canaux sont rétablis »

Pierre Jean Remy on the set of TV show « Vol de Nuit ». (Photo by Eric Fougere/VIP Images/Corbis via Getty Images)

Ce n’est faire injure à la mémoire de personne que de relater que cette situation a donné lieu à des énervements et des comportements proches du ridicule. Je savais, comme responsable de l’antenne, que les techniciens de Radio France faisaient tout leur possible pour trouver une solution (au pire on pouvait enregistrer les émissions et concerts prévus et les diffuser ultérieurement de Paris). Mais il fallait bien que le PDG de Radio France justifiât sa présence à Rome et manifestât son autorité. Il se mit en tête après avoir copieusement engueulé ses proches, dont moi évidemment, d’interpeller les plus hautes autorités du pays, en commençant tout de même par l’ambassadeur de France à Rome, son homologue de la RAI (je doute qu’il l’ait joint), voire le ministre italien des télécommunications, pour leur faire valoir l’imbroglio diplomatique qui résulterait de l’impossibilité pour France Musique de diffuser en direct de Rome… Pierre-Jean Rémy considérait tout cela avec un certain amusement, habitué qu’il était aux moeurs italiennes (il avait été en poste à Florence), surtout un week-end.

Finalement le direct

« C’est donc la première émission, le concert des Nouveaux interprètes, que je présente depuis le
grand salon. Un froid polaire me caresse les côtes. Le concert,c’est le trio Schumann, trois jeunes gens de Turin. Tout à fait honorable. On joue, entre autres, du Kreisler et un trio de Brahms. Entre les morceaux, je parle de la Villa, je décris le paysage : beaucoup d’amis de France m’entendront, qui me le diront.
Déjeuner, sieste rapide, puis, toujours en direct de la Villa, l’émission Les Imaginaires de
Jean-Michel Damian. Damian erre comme un malheureux heureux, souriant, barbu et ventripotent, mais pas plus
« .

S’ensuit un long développement sur les invités de Jean-Michel Damian, dont l’essentiel de l’émission est consacré à Ingres, le grand peintre originaire de Montauban, très lié à Rome et en particulier à l’Académie de France à Rome dont il est le directeur de 1835 à 1840. Damian laisse les spécialistes disserter en roue libre, le concert qui devait conclure l’émission sera réduit à portion congrue.

L’auteur à succès, Callas, Karajan

On a oublié aujourd’hui la place qui était celle de Pierre-Jean Rémy dans la vie intellectuelle, culturelle et mondaine française. Auteur à succès, il était de tous les cercles influents, recherchant les honneurs, mais sans être dupe de la comédie humaine, à laquelle il participait avec une manière de distance et d’auto-dérision. Dans ce Journal de Rome, il évoque, parlant de lui, une « culture superficielle, un vernis qui se craquèle comme les murs peints par Balthus dans la Villa Médicis », et on va le voir plus loin à propos de ses livres. Brillant, chaleureux, réservant ses flèches à ceux qui ne pourraient plus lui nuire, il veillait à entretenir ses réseaux. Après la Villa Médicis, j’ai eu quelques occasions de revoir PJR devenu en 1995 non pas ministre de la Culture, mais président de la Bibliothèque Nationale de France.

Suite de la journée France Musique à la Villa Médicis relatée par Pierre-Jean Rémy :

« La fin de la soirée sera encore plus chaotique dans la mesure où je donne simultanément un dîner pour vingt-cinq personnes et où je présente une soirée de France Musique de trois heures consacrée à Maria Callas. Pour me remettre dans le bain de Callas, j’ai été amené à relire mon livre : Dieu, qu’il était bon !

Et combien j’ai tout oublié… Je m’émerveille encore d’avoir été capable d’écrire ce livre, finalement si foisonnant et assez bien écrit, malgré des tics qui m’apparaissent à présent insupportables, des attendrissements ridicules ou des exclamations superfétatoires/…/ Donc, émission sur Maria Callas au cours de laquelle je présente d’une part la grande Tosca de Serafin, puis une série de cinq ou six enregistrements, dont La Gioconda, l’Elvire des Puritains, la mort d’Isolde, Traviata et Norma. Quelques discours attendris, quelques références subtilement piquées dans mes propres œuvres.« 

Et, dans le même temps, j’essaie de faire de timides apparitions à l’une des trois tables où je suis censé être assis. Présence de Massimo Bogianckino, terriblement fatigué. Présence du vieux compositeur Petrassi, quatre-vingt-onze ans à présent, l’une des dernières grandes figures vivantes de la musique européenne. Il est sourd et heureux d’être à la Villa Médicis. Sa femme, grande cavale de trente ou quarante ans de moins que lui, se dit heureuse aussi. Elle promet de nous inviter chez elle, de nous faire une pasta. La soirée se terminera tard. dans l’allégresse, on boira beaucoup.. »

Précisions : Bogianckino (1922-2019) a été, à l’instigation de Jack Lang, le directeur de l’opéra de Paris de 1983 à 1985, avant d’être maire socialiste de Florence. Quant au vieux Goffredo Petrassi (1904-2003), il ne m’avait pas semblé si sourd que cela….

En matière de musique, Pierre-Jean Rémy savait surfer sur les sujets grand public Après Callas, il a été le premier à publier une biographie en français du chef autrichien, Herbert von Karajan (1908-1989). Comme pour Callas, la critique aura beau jeu de repérer les inexactitudes, les approximations, le côté compilation brouillonne d’un ouvrage qui sort souvent de son sujet, pour déborder sur les goûts personnels de l’auteur en matière symphonique ou lyrique.

Je vais sans doute le feuilleter à nouveau…

Vacances 2022 : retour à Ambronay

Sur la route des vacances halte ce week-end dans l’Ain, et retour en des lieux jadis familiers où je n’avais plus eu l’occasion de remettre les pieds depuis presque trente ans !

Ambronay

Ambronay, c’est cette ancienne abbaye bénédictine dans l’Ain, où en 1980, un fou de musique – Alain Brunet – décida de créer un festival de musique baroque et une académie. Quarante-deux après, il en a abandonné la direction mais en préside toujours ce qui est devenu, en 2003, un Centre Culturel de Rencontres. J’ai rarement rencontré personnage plus passionné, obstiné, déterminé, qui a toujours fini par convaincre les meilleurs musiciens de le suivre dans son aventure.

Mes premiers souvenirs d’Ambronay sont des émissions de radio – la Radio Suisse romande n’est pas loin, et Disques en Lice, l’émission de critique de disques, aujourd’hui disparue, de la RSR, était venue au moins deux fois dans mon souvenir. Une fois, c’était Jordi Savall autour des suites de Bach. Une autre fois, avant un concert où nous devions entendre le Stabat Mater de Vivaldi, j’étais assis à la tribune à côté de Gérard Lesne. Dans l’écoute comparative à l’aveugle, le jeu consistait évidemment à essayer de reconnaître les interprètes. Ecoutant la version que nous ne savions pas être celle de Nathalie Stutzmann, Gérard Lesne comme moi étions incapables de discerner le sexe de l’interprète, homme ou femme, tant la voix de Nathalie portait une superbe ambiguïté.

Autre souvenir, cette fois comme directeur de France Musique, et dans le cadre d’un partenariat qu’Alain Brunet avait obtenu sans problème de ma part, mais avec les réticences d’usage de la technique de Radio France, j’étais revenu en 1994 notamment pour un concert de l’académie animée alors par William Christie, David et Jonathas de Marc-Antoine Charpentier, qui révéla une jeune soprano qui allait faire son chemin : Patricia Petibon.

Je n’ai pu m’empêcher, revenant en ces lieux, de penser à l’ami Jacques Merlet, qui n’avait pas été le dernier à croire à l’aventure d’Ambronay et qui y installait ses quartiers d’automne. Il y a ainsi des ombres heureuses qui peuplent les mémoires et les pierres.

Pérouges

C’est pendant ce bref séjour de l’automne 1994 que je découvris Pérouges, à une vingtaine de kilomètres d’Ambronay, cette cité médiévale bien préservée. Un déjeuner à l’Hostellerie de Pérouges me fit côtoyer William Christie et son commensal. Quelques amabilités échangées. Ce fut le seul et dernier contact sympathique que j’eus avec ce personnage qu’il m’est arrivé d’apprécier comme musicien.

L’Hostellerie de Pérouges
Pérouges la porte Sud

Immortel requiem

Après quelques semaines d’interruption (Une expérience singulière), pendant lesquelles je n’avais suivi l’activité des formations musicales de Radio France que par l’intermédiaire de France Musique, j’avais souhaité retrouver l’Orchestre national de France et le Choeur de Radio France en concert, en vrai ! C’était hier au Théâtre des Champs-Élysées.

Quel bien fou pour le moral que ce public nombreux se pressant avenue Montaigne, et cette salle comble pour un programme, il est vrai, exceptionnel : rien moins que le Requiem de Verdi dirigé par Daniele Gatti, l’ancien directeur musical du National (de 2008 à 2016) si injustement sali (Remugles) et heureusement depuis réhabilité.

(de gauche à droite, dans l’ordre inverse du concert pour les saluts de la fin : la basse Riccardo Zanellato, le ténor Michael Spyres, Daniele Gatti, Alessandro di Stefano masqué, qui a préparé le Choeur de Radio France, Marie-Nicole Lemieux, la soprano Eleonora Buratto)

En soi le concert est déjà un miracle : le Covid-19 et son trop fameux variant Omicron continue à faire des ravages notamment à l’opéra de Paris. Il aurait pu avoir des conséquences sur le Choeur de Radio France, qui continue de chanter masqué, mais le renfort des hommes du Choeur de l’armée française (dirigé par l’excellente Aurore Tilliac), a permis les répétitions et finalement la tenue du concert. On n’en a que plus admiré l’homogénéité, la précision et la puissance de ces forces chorales !

L’autre miracle, c’est celui que produit la direction de Daniele Gatti, qui se refuse aux effets spectaculaires, traite l’orchestre de Verdi comme je l’ai très rarement entendu – et Dieu sait si cuivres, bois et cordes de l’Orchestre national de France se couvrent de gloire. – fait de ce requiem une vibrante messe des morts et non un opéra. Ses quatre solistes sont à l’unisson de cette conception, au point d’être parfois chez les hommes un peu en retrait. Marie-Nicole Lemieux bouleverse, tandis que la soprano Eleonora Buratto se sort admirablement du Libera me final.

Longue, très longue ovation finale ! Un second concert est prévu demain samedi. Il est diffusé en direct sur France Musique.

D’autres requiems

J’ai déjà raconté ma rencontre – discographique -avec le Requiem de Verdi : Sacrés Mozart et Verdi. Mais jamais mes souvenirs de concert. Assez peu nombreux finalement.

D’abord à Genève, en juin 1988, Armin Jordan dirigeait l’Orchestre de la Suisse romande. Je ne me rappelle plus les détails du quatuor de solistes, sauf de Margaret Price, et pour une raison bien précise. Deux concerts étaient prévus, mais je n’ai jamais su le fin mot de l’histoire, la soprano galloise n’a chanté que le premier, le lendemain matin elle avait quitté son hôtel sans prévenir. Affolement du côté de l’OSR. Je crois que finalement elle fut remplacée pour la deuxième soirée par Rosalind Plowright, qui chantait alors au Grand Théâtre de Genève.

J’ai retrouvé un extrait de ce concert sur YouTube :

Puis, dix ans plus tard, c’est à la Salle Pleyel à Paris, que j’entends à nouveau le requiem de Verdi, pour ce qui restera l’un de mes très grands souvenirs de mélomane, une sorte de testament du grand Carlo-Maria Giulini. J’ai déjà raconté cet épisode dans l’article Julia Varady #80, où l’on peut entendre également un inoubliable Libera me capté par les micros de France Musique.

Puis en 2016 au Théâtre des Champs-Élysées, avec les mêmes forces qu’hier soir – Orchestre national, Choeur de Radio France), sous la direction de Jérémie Rhorer. Voici ce que j’en écrivais : Le classique c’est jeune, et ce qu’en avait écrit à l’époque Christophe Rizoud sur Forumopera : Ô certitudes.

Et tout récemment, je faisais, justement pour Forumopera, la critique d’un enregistrement miraculeux de 1981, Riccardo Muti dirigeant les forces de la Radio bavaroise : Le requiem bavarois de Muti.

La mer, le cinéma et des livres

Le rythme des jours, des soirs et parfois des nuits d’un directeur de festivalQue la fête commence ! – serait intenable si je ne prenais pas le temps de m’extraire d’un maelström incessant.

La mer

Premier bain de mer dimanche matin. À Villeneuve-lès-Maguelone avant l’invasion. Sensation d’une eau glacée, à 20° pourtant.

Une salade fraîche au Carré Mer, la paillote la plus courue de l’endroit, pas de réservation, mais un accueil comme toujours parfait – c’est une constante des établissements des frères Pourcel – et l’on se retrouve parfaitement placé avec vue sur la mer. Recharge complète des batteries pour retrouver la belle programmation d’une Fiesta Latina dans le fabuleux parc départemental du Château d’O, et le soir le concert de l’Orchestre philharmonique de Radio France (on en reparlera !)

Le cinéma

Suivi de loin en loin le Festival de Cannes, la remise de la palme d’Or à Julia Ducournau pour Titane. Irai-je voir le film ? Rien n’est moins sûr.

En revanche, première séance de cinéma depuis le déconfinement, en milieu d’une journée de 14 juillet très venteuse et nuageuse, au Diagonal à Montpellier. Un film qui se laisse regarder, à la condition d’oublier les modèles, de ne pas chercher la vraisemblance ni a fortiori le rapport à la réalité : Présidents d’Anne Fontaine

Impeccables Jean Dujardin, Grégory Gadebois, et peut-être plus encore leurs conjointes dans le film, Doria Tillier et Pascale Arbillot.

Des livres

Tout arrive, même qu’on se prenne de sympathie pour le Français qui fait la course en tête des bestsellers – Marc Lévy – et qu’on trouve non seulement du plaisir mais de l’intérêt à la lecture de son dernier roman… qui fait froid dans le dos tant il semble inspiré d’une inquiétante réalité

Fini un autre livre, dont le titre est inutilement grandiloquent. Giesbert ou son éditeur n’ont pas trouvé mieux sans doute. Je ne sais pas, à l’heure où j’écris ces lignes, dans quel état se trouve Bernard Tapie. Quoi qu’on pense de lui, on peut au moins admirer son courage à affronter le cancer qui le mine. Mais ce que ce bouquin révèle et nous apprend – car Frantz-Olivier Giesbert rétablit bien des vérités – ce sont toutes les facettes, ombres et lumières, franchise et ambiguïté, moine-soldat et voyou, d’un personnage qu’il est impossible d’aimer ou de détester absolument.

J’ai quelques autres romans sous le coude, ce sera pour plus tard.

Et comme je ne suis jamais loin de la musique, je viens de commencer un essai, dont quelque chose me dit que je ne devrais pas trouver trop de points de désaccord avec l’auteur. Lionel Esparza fait partie des voix et des têtes pensantes de France Musique (je n’ai jamais regretté, bien au contraire, de l’avoir « recruté » jadis sur la chaîne).

« Le génie des Modernes est une réflexion de fond sur le devenir de la musique classique dans les sociétés occidentales, notamment européenne. Partant du constat du dépérissement de cet univers (public vieillissant mal renouvelé, image élitiste persistante malgré les efforts des acteurs concernés, éducation à la pratique amateur ou professionnalisante de plus en plus ténue, survie sous perfusion – subventions -), il tente d’en établir les causes en questionnant notamment le rapport de l’homme au sacré (l’art fut-il et est-il encore sacré ? et l’artiste ?), à la culture savante et populaire. Ne se posant jamais en censeur ou en défaitiste, mais en prenant un recul pour observer la crise actuelle du monde musical classique (y compris celle due au Covid-19) à l’aune des siècles et de l’Histoire.« 

La fête du civisme ?

Et si ce jour de Fête Nationale pouvait réhabiliter ce beau mot et cette belle idée de civisme ?

Après les annonces du président de la République lundi soir, je me suis tenu à l’écart des réseaux sociaux, d’abord parce qu’en tant que responsable de festival, j’ai les mains dans le cambouis. Bien sûr ça ne nous arrange pas de devoir changer tout notre dispositif d’accueil et d’organisation des concerts à partir du 21 juillet – je n’ai toujours pas compris le pourquoi de cette date, alors que les cafés, restaurants et autres lieux accueillant du public sont soumis au nouveau régime à partir du 1er août – voir ici ma déclaration à France 3 (à 4’38)

Mais nous allons tout mettre en oeuvre pour que les concerts du Festival restent une fête, un plaisir. Dans une sécurité sanitaire maximale.

Dictature ?

Le fait de se soumettre à une obligation vaccinale constituerait, selon certains, une atteinte intolérable aux droits de l’homme, voire la manifestation d’une dictature.

J’ai relevé hier deux textes qui n’émanent pas, c’est le moins qu’on puisse dire, de soutiens d’Emmanuel Macron. Ils n’en revêtent que plus de force.

Du sénateur socialiste de l’Hérault Hussein Bourgi :

« Vous avez dit Dictature?

Depuis hier je vois fleurir les posts enflammés et indignés signifiant que la France aurait basculé dans la dictature (sic). Rien que ça !

J’ai beau guetter et tendre l’oreille. Je n’ai entendu aucun coup feu. Je n’ai pas vu l’armée déployée plus que de raison dans les rues. Je n’ai pas aperçu de dépouilles sur les trottoirs.Je n’ai pas connaissance de cohortes d’opposants au régime qui seraient exécutés séance tenante ou arrêtés par je ne sais quelle milice. J’ai beau scruter les chaînes de TV et de radios, elles débitent toujours les mêmes mièvreries. Point de chants nationalistes, ou glorifiant le président de la République.

Mieux il semblerait qu’il n’y ait ni pénurie, ni rationnement, ni file d’attente devant les commerces. Alors de quelle dictature, parle-t-on ? On m’aurait menti ? Ou aurais-je mal compris ?

J’estime que tous ceux et toutes celles qui utilisent le terme de dictature sont des salauds qui piétinent la mémoire et les corps des victimes des vraies dictatures. Ces dictatures d’hier et d’aujourd’hui qui ont fait des dizaines de millions de morts. Par respect pour ceux-ci, personne ne peut et ne doit galvauder le terme de dictature au risque de basculer dans le relativisme et le révisionnisme.

Alors de grâce, chers complotistes, chers révolutionnaires de salon, chers résistants intermittents de Facebook, rappelez-vous que les mots ont un sens.Ne rajoutez pas l’indignité à l’outrance qui est devenue votre seconde nature !La langue française est riche, cherchez bien, et vous trouverez assurément d’autres mots plus appropriés que le mot dictature.

Je terminerai par un message spécial à destination de tous les salopards qui osent faire un copier coller d’un message mettant en garde contre la Shoah vaccinale .Je classe systématiquement votre courriel dans la corbeille et vous place dans la poubelle car c’est la bonne et juste place pour les ordures. » (Facebook, 13 juillet 2021)

Du député européen Raphael Glucksmann :

En voyant la révolte contre le pass sanitaire au nom des « libertés », on comprend qu’il y a un immense malentendu dans notre pays sur la liberté et la contrainte en démocratie.

Je suis libre tant que ma liberté individuelle ne nie pas celle des autres ou de l’ensemble. Simple.

Or, dans ce cas précis, ne pas me faire vacciner condamne potentiellement toute la nation au confinement à moyen terme. Donc voir mes droits d’accès limités parce que je décide de faire peser un risque sur l’ensemble, ce n’est pas attaquer mes droits, c’est normal. Basique.

Depuis des mois, j’écoute attentivement les arguments de celles et ceux qui doutent des vaccins anti-covid. Délai d’autorisation de mise sur le marché jugé trop rapide, défiance légitime vis à vis de « Big Pharma », défiance vis à vis des autorités de régulation, etc. Le doute n’est pas une mauvaise chose, au contraire: il constitue le point de départ de toute interrogation intéressante sur le monde et la base de la citoyenneté.

Mais quand le doute se transforme en suspicion généralisée, ce n’est plus du doute. Cela devient un rejet de toutes les contraintes collectives qui nous permettent de faire société. Au Parlement européen, je combats les multinationales, « Big Pharma » , le scandale que constitue la privatisation de notre santé… Donc je connais la nocivité de ces labos. Mais je connais aussi le processus de validation scientifique d’un vaccin et je peux vous dire que les vaccins en question ont subi un grand nombre d’essais cliniques et de vérifications indépendantes.

La vaccination est aujourd’hui la seule manière de nous sortir de la pandémie et de son cortège de morts, de malades, de faillites, de dépressions, d’effondrements. Si nous ne voulons pas d’un nouveau confinement, il n’y a pas d’autre solution. Alors s’il vous plaît, si vous êtes en âge de le faire : vaccinez-vous. Pour arrêter la transmission du virus et par souci des autres et de l’intérêt général.

P.S : Je dis ce que je pense, je ne suis là pour flatter personne et ne cours après aucune voix. Vous n’êtes pas obligé d’être d’accord et vous pouvez évidemment le dire. Par contre on doit rester dans le cadre d’un échange poli, sans insulte et sans haine.

Sur cette histoire de vaccin, rappelons deux ou trois faits :

Les personnels soignants sont déjà obligés d’être vaccinés contre l’hépatite B.

Quand un voyageur se rend dans certains pays, il est soumis à l’obligation de certains vaccins (contre la fièvre jaune par exemple)

Enfin les gens de ma génération ont dû se faire vacciner contre des maladies aujourd’hui éradiquées (polio, tuberculose, variole), les enfants d’aujourd’hui sont soumis à une obligation de 11 vaccins !

Le 14 juillet en musique

Ce soir à Montpellier, c’est la fête partout, sur le parvis de l’Hôtel de Ville, au nord de la ville à l’amphithéâtre du Domaine d’O (tout le programme ici)

Quel bonheur de retrouver Isabelle Georges et Roland Romanelli pour la création de 17 nouvelles chansons en ce soir de fête nationale ! Souvenez-vous, ils étaient déjà présents au Festival le 15 juillet 2018 – le soir de la victoire des Bleus !

Schumann et la Marseillaise

Dans l’article que j’avais écrit il y a sept ans sur Mozart et la Marseillaise, je n’avais pas exploré tous les avatars de notre hymne national, ce que Max Dozolme avait, au contraire, très bien fait pour France Musique (La Marseillaise dans la musique classique).

En 1851, Schumann compose cette ouverture Hermann und Dorothea en référence au récit épique de Goethe. Les citations de La Marseillaise sont explicites.

Riccardo Muti en a donné la version de référence (lire Riccardo Muti, la quarantaine rugissante)

Le retour au concert

On ne pensait pas que le seul fait d’aller au concert constituerait un événement ! Et pourtant c’est ce que j’ai ressenti jeudi soir en revenant à la Maison de la Radio (et de la Musique!), huit mois après le concert inaugural (lire Inauguration) du chef roumain Cristian Măcelaru, le nouveau directeur musical de l’Orchestre National de France.

Peu de monde dans l’Auditorium de Radio France (jauge à 35 % oblige), un programme sortant vraiment des sentiers battus.

J’ai aimé retrouver cette très belle salle, dont j’ai eu naguère la charge de préparer l’inauguration – en novembre 2014 – .

Le concert – sans entracte – s’ouvrait par le Concerto pour piano et vents de Stravinsky (1924).
Bertrand Chamayou était le soliste – parfait – d’une oeuvre qui n’est jamais parvenue à me passionner, ni même à m’intéresser.
On parle de période « néo-classique » pour Stravinsky, comme une manière d’expliquer, d’excuser la baisse, voire l’absence d’inspiration pour l’auteur glorieux, dix ans plus tôt, d’une trilogie fondatrice de la musique du XXème siècle (L’Oiseau de feu, Petrouchka et, plus encore, le Sacre du Printemps). Pupitres de bois et cuivres resplendissants du National.

La deuxième oeuvre au programme est une rareté absolue, peut-être même une première française ? Les Trois pièces pour cordes sont l’oeuvre d’un très jeune homme : le chef d’orchestre roumain Constantin Silvestri (1913-1969) a 17 ans lorsqu’il compose cette partition, qui se situe dans l’orbite d’un Bartok ou d’un Kodaly, d’inspiration populaire, et qui agit en parfait révélateur de la cohésion d’un orchestre. Si Cristian Măcelaru voulait nous prouver que l’entente entre le National et lui est plus que cordiale, alors c’est réussi. Avec un atout-maître pour le chef roumain, la présence au pupitre de premier violon solo de sa compatriote Sarah Nemtanu)

En septembre 2020, pour son premier concert (Inauguration), Cristian Măcelaru avait déjà choisi une symphonie de Saint-Saëns. Jeudi c’était la toute première, oeuvre d’un adolescent, pleine de belles intentions, de mélodies et de rythmes entraînants, pleine aussi de maladresses et de lourdeurs.

À connaître bien sûr, même si le jeune Saint-Saëns en 1853 est loin d’un Georges Bizet qui écrit, lui, son unique Symphonie en do majeur, à 17 ans lui aussi en 1855. La promesse d’un côté, une juvénilité déjà accomplie de l’autre.

Un concert, celui de jeudi soir, à réécouter sur le site de France Musique : Concert en trois temps.

On peut aussi revoir avec plaisir la Symphonie n°2 donnée en septembre dernier :

L’Orchestre National, Bertrand Chamayou et Cristian Măcelaru seront à Montpellier, le 20 juillet prochain, dans le cadre du Festival Radio France Occitanie Montpellier. A découvrir absolument : lefestival.eu

Les Belges sur France-Musique

Vive le podcast !

Dimanche dernier, l’ami Christian Merlin – lire. – consacrait son émission dominicale – Au coeur de l’orchestre – sur France Musique aux orchestres belges ! Et je l’ai manquée, mais on ne manque plus rien ni en radio ni en télévision grâce au podcast.

On peut donc entendre ou réentendre iciLes orchestres belges – la totalité de cette émission qui dresse un panorama aussi exhaustif qu’équilibré des formations orchestrales belges, mais on ne pourra m’empêcher de penser que, connaissant Christian Merlin, il a gardé le meilleur pour la fin. Il ne s’en cache d’ailleurs pas, et à partir d’ 1h36, il évoque l’Orchestre philharmonique royal de Liège (qui célèbre ses 60 ans cette année : Anniversaires public/privé).

Christian Merlin rappelle la glorieuse histoire d’une phalange, à laquelle je reste fier d’avoir consacré quinze ans de ma vie, de 1999 à 2014 – lire Liège à l’unanimité -, à laquelle me lient, pour toujours, tant de souvenirs, d’amitiés, d’émotions (Les beaux jours). Crise sanitaire oblige, j’aurai manqué, en cette triste année 2020, à la promesse que je m’étais faite de retourner, une à deux fois par an, rendre visite à mes amis liégeois, mais ce n’est que partie remise !

Pour illustrer son propos à propos de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, Christian Merlin propose deux extraits musicaux : l’étude symphonique n°2, Ophélie, de Guillaume Lekeu, dirigée par Pierre Bartholomée.

et le finale de la Symphonie en ré mineur de César Franck, dirigée par Louis Langrée.

Merlin rappelle qu’une Tribune des critiques de disques de France Musique, à laquelle il participait d’ailleurs, avait, à l’issue d’une écoute à l’aveugle, distingué cette version comme la nouvelle référence interprétative dans une discographie surabondante.

Une anecdote – il y a prescription ! – : j’ai évidemment suivi, de bout en bout, la conception, l’enregistrement et la fabrication de ce disque qui regroupe les symphonies de Chausson et Franck. Je me rappelle une visite dans les bureaux d’Universal France, juste derrière le Panthéon à Paris, pour valider la pochette du disque… et mon étonnement lorsqu’on me présente un visuel ainsi rédigé : Franck CHAUSSON : Symphonies. Le graphiste devait penser qu’après Frank Michael, une gloire belge de la chanson, Franck Chausson devait être la nouvelle star promue par Universal !! J’ai quand même dû insister un peu pour qu’on rétablisse une parfaite égalité graphique entre les deux compositeurs… et rappeler que Chausson se prénommait Ernest !

Pour être complet sur cette Symphonie de Franck, qui est l’emblème de l’OPRL, rappelons que la dernière version enregistrée en 2012 par Christian Arming a obtenu un Diapason d’or (lire L’or des Liégeois)

Et puisque Christian Merlin le cite dans son émission, mentionnons le Diapason d’or 2019 décerné à Jean-Luc Votano pour ce très beau disque, en particulier pour son superlatif concerto pour clarinette de Lindberg.

Bonne écoute : France Musique, Au coeur de l’Orchestre avec Christian Merlin : Les orchestres belges

Un ami disparaît

C’est par un communiqué, tombé à 17h45 aujourd’hui, du théâtre de La Monnaie à Bruxelles, qu’on apprend l’impossible nouvelle :

« Nous avons l’immense tristesse de vous annoncer que le chef d’orchestre Patrick Davin est décédé cette après-midi, juste avant d’entamer une répétition de l’opéra Is this the end ? Les musiciens, les chanteurs et les collaborateurs de la Monnaie en sont profondément affligés. Les répétitions qui étaient prévues ont été immédiatement annulées. Les membres du comité de direction et le personnel de la Monnaie adressent leurs sincères condoléances et leur profond soutien à la famille de Patrick Davin ainsi qu’à ses proches« 

Dans ce métier, on a peu de véritables amis. Patrick en était un, et de longue date. Sa mort soudaine m’afflige et me renvoie à de tristes souvenirs personnels

Il y a quelques jours encore il me disait sa fierté d’avoir été nommé à la direction du Conservatoire de Liège

Les souvenirs affluent en pagaille à ma mémoire, qui peineront cependant à restituer la richesse de sa personnalité et le lien qui nous unissait.

Besançon

En 1992, je siégeais au jury du Concours international de chefs d’orchestre de Besançon. C’est la première fois que je vis et entendis Patrick Davin, et que je compris que c’était un musicien exceptionnel, même sous des dehors brouillons: sa gestique quelque peu expansive lui a alors probablement coûté le Premier prix, qui est allé à un concurrent qui imitait mieux Karajan et dont on n’a guère plus entendu parler par la suite.

Liège

Nommé à la direction de l’Orchestre philharmonique – pas encore royal – de Liège en octobre 1999, je retrouve le chef belge dès mon premier contact avec la Cité ardente et son orchestre, puisque, comme je l’ai raconté – Liège à l’unanimité – c’est Patrick Davin qui dirigeait le concert de rentrée de l’Orchestre le 24 septembre 1999.

C’était le début d’une aventure humaine, amicale et musicale qui allait durer… jusqu’à ce que le coeur de Patrick en décide autrement.

Quand de nombreux chefs et musiciens s’empressaient de se « positionner » – rien que de très normal et légitime ! – auprès du nouveau directeur de l’OPL, Patrick Davin ne me demanda jamais de rendez-vous. C’est moi qui le sollicitai, quelques mois après mon arrivée et ce concert de « rentrée ». Pour un projet, puis d’autres, il y en eut tant de magnifiques.

Il faudrait que je feuillette l’ouvrage que nous avions réalisé pour le cinquantenaire de l’orchestre. Pour ne rien oublier de tout ce que Patrick a fait avec et pour l’orchestre.

Une infinie curiosité

Patrick Davin partageait – me voici à parler déjà de lui au passé ! – avec un autre grand chef – Rudolf Kempe – une caractéristique physique qui frappait au premier contact : de petits yeux vifs curieusement enfoncés dans les orbites.

Que de déjeuners ou dîners où nous avons refait le monde, imaginé d’audacieux programmes, organisé des enregistrements.

Me reviennent ainsi les trois symphonies de Rachmaninov, une phénoménale Septième symphonie de Mahler, de la musique contemporaine – même si lui comme moi étions soucieux de ne pas l’enfermer dans une étiquette de spécialiste (qu’il était), la musique française bien sûr, les compositeurs belges

C’est le même Patrick Davin à qui je propose, pour la saison du 50ème anniversaire de l’Orchestre, de diriger le tube des tubes, Carmina Burana de Carl Orff et qui, au lieu de se récrier, accepte d’enthousiasme en glissant dans son programme Shaker Loops de John Adams. C’était tout Patrick ça !

A l’opéra

Mon ami Jean-Louis Grinda avait fait de Patrick le premier chef invité de l’Opéra royal de Wallonie. Chaque année, jusqu’au départ de Jean-Louis en 2007, ce furent de nouvelles productions, et non des moindres, comme le somptueux Mefistofele de Boito qui marqua la fin du mandat de Grinda. Ou encore un Roi d’Ys mémorable

A la Monnaie de Bruxelles, où il est mort aujourd’hui, Patrick Davin avait associé son nom et son talent en particulier à notre cher Philippe Boesmans. Impossible d’être exhaustif. On dira ailleurs et plus tard la carrière magnifique qui fut celle de Patrick Davin.

Mon dernier projet avec lui, c’était à la fois pour la saison de Radio France et le Festival Radio France – La Jacquerie de Lalo – en juillet 2015 à Montpellier et en mars 2016 à Paris.

et la dernière fois que je l’ai applaudi à l’opéra, c’était à l’Opéra Comique pour un fameux Domino Noir

Pardon si j’oublie tant de moments, de concerts, de soirées d’opéra.

L’homme qui doute

Je veux garder de Patrick, au-delà de son legs musical, le souvenir d’un homme de bien, comme on le disait au XVIIIème siècle.

A chaque étape d’une vie professionnelle et aussi personnelle, qui n’a jamais été pour lui un long fleuve tranquille, où que nous soyions lui et moi, mon téléphone sonnait, souvent tard le soir. Et nous parlions de tout, des choix devant lesquels il était placé, de programmation bien sûr, mais plus souvent du sens des choses, de la vanité de certains aspects d’une « carrière » de chef, et même assez récemment, de l’opportunité de poursuivre dans cette voie. Je n’étais pas alors le directeur d’un orchestre (ou d’un festival) susceptible de le réengager, j’étais juste – mais quelle responsabilité ! – un ami à qui on peut tout dire, confier doutes et désirs, dont il attendait écoute, conseils, réconfort.

So long Patrick….

Italie 2020 (IX) : Parme, Toscanini, Verdi, hommages

Je l’évoquais (voir Modène, Luciano et Mirella), je n’ai pu faire qu’une courte visite à pied de la ville de Parmepour cause de handicap pédestre !

IMG_2711Pas de visite de l’imposant Palazzo della Pilotta (ci-dessus) qui vous saisit dès la sortie du parking.

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Une rapide traversée du pont Verdi qui enjambe la rivière

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IMG_2666le temps d’apercevoir les grands jardins du Parco Ducale.

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Direction la Cathédrale de Parmel’un des chefs-d’oeuvre d’architecture religieuse d’une région qui n’en est pas avare !

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IMG_2675Le contraste entre la splendide simplicité extérieure et la foisonnante décoration intérieure de l’édifice est spectaculaire.

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Le Baptistère Saint-Jean qui jouxte la cathédrale, étant en travaux, n’était malheureusement pas visitable.

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Verdi, Toscanini et quelques autres

Plusieurs noms de la musique sont liés à Parme. C’est la ville natale d’Arturo Toscanini, né à Parme le 25 mars 1867, mort à New York le 16 janvier 1957.

D’honorables compositeurs y naissent, comme Ferdinand Paër, ou y meurent, comme Giovanni Bottesini, le virtuose de la contrebasse. D’autres, comme Paganini, y jouent un rôle important – on y reviendra dans un prochain article.

Mais c’est évidemment Verdi (lire Livres d’été : Verdi et Rossini), la célébrité du duché de Parme, puisqu’il naît à une trentaine de kilomètres de Parme, à Roncole – sous domination française ! – le 10 octobre 1813, et qu’il fait sa formation et occupe ses premières fonctions à Busseto.

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Hommages

L’actualité de ces derniers jours a été marquée par deux disparitions qui m’ont touché.

Dominique Ogermort à 73 ans des suites d’une maladie foudroyante, était le type même du mécène amoureux de la musique et des musiciens. Homme d’affaires avisé, il mettait sa fortune au service de cette passion. C’est chez lui à Paris qu’avec quelques amis et musiciens, on avait fêté le 60ème anniversaire de Michel Dalberto en juin 2015

img_2858(Déchiffrage à six mains! Michel Dalberto, Ismaël Margain et Thomas Enhco)

Quant à Micheline Banzet-Lawton ,disparue à 97 ans, on a évidemment plus évoqué le duo qu’elle forma auprès de Maïté dans la Cuisine des mousquetaires de 1983 à 1997, que sa carrière de musicienne, de femme de radio – les débuts de France Musique et d’organisatrice de concerts.

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J’ai eu la chance de rencontrer à deux ou trois reprises Micheline Banzet. J’en conserve un souvenir ému, celui d’une personnalité rayonnante, cultivée, chaleureuse.

Renaud Machart en a dressé un juste portrait dans Le Monde du 26 août 2020.

« Si, pour le grand public, la notoriété de Micheline Banzet reste liée principalement à cette émission de télévision devenue légendaire, elle avait auparavant connu une tout autre carrière, celle d’une brillante étudiante en musique au Conservatoire de Paris (où elle obtient plusieurs prix dans les classes de violon et d’écriture) devenue violoniste professionnelle, puis productrice d’émissions de radio….

A la Radiodiffusion française, Micheline Banzet collabore au Groupe de musique concrète de Pierre Schaeffer (1910-1995), puis au Club d’essai de Jean Tardieu (1903-1995) et au Programme spécial en modulation de fréquence, lancé en 1954 par le même Jean Tardieu, qui prendra pour nom, en 1963, France Musique.

Grâce à son fameux programme « Trois jours avec… » (quelque 1 200 émissions), elle mènera des entretiens radiophoniques avec de grands noms de la musique, dont Maria Callas (1923-1977) et Herbert von Karajan (1908-1989) (les deux ont été reportés sur CD dans les collections INA/Radio France et INA, « Mémoire vive », en 2007 et 2008). Contrairement à ce qui est souvent répété depuis l’annonce de la mort de Micheline Banzet, les propos de Maria Callas n’ont jamais été publiés en livre : « Elle m’avait fait promettre que ces entretiens ne paraîtraient jamais sous forme écrite. Je lui ai donné ma parole », devait-elle confier en 2007.

Micheline Banzet se remarie au négociant de vin Hugues Lawton (1926-1999), cesse ses activités radiophoniques en 1970 et s’installe à Bordeaux, où son vaste réseau de connaissances parmi les vedettes de la musique classique profitera aux manifestations de la région (Mai musical de Bordeaux, Musiques en Côte basque), qu’elle contribuera à fonder ou à accompagner de son expertise »

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Moins connus que ses entretiens avec Maria Callas, ceux que Micheline Banzet a eus avec Karajan en 1964 sont au moins aussi passionnants… Karajan s’y exprime en français notamment sur les symphonies de Brahms !

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