Inclassables : Biolay, Rattle et Joséphine M.

Un article pour évoquer trois inclassables : un film, un chef, une femme.

Un jeudi au cinéma

J’avais quelques heures devant moi, jeudi dernier, avant le deuxième des concerts de l’intégrale Sibelius à Radio France (voir mon dernier article Mes symphonies de Sibelius). J’ai choisi un film dont je ne savais rien, parce que la salle et l’horaire me convenaient, et je suis très bien tombé.

Le pitch : Arthur Berthier (Benjamin Biolay), critique rock relégué aux informations générales après avoir saccagé une chambre d’hôtel, découvre que le journalisme est un sport de combat. Envoyé à l’hôpital par un CRS en couvrant l’évacuation d’un camp de migrants, il tombe sous le charme de Mathilde (Camille Cottin) la responsable de l’association Solidarité Exilés et accepte d’héberger Daoud, un jeune Afghan, pour quelques jours croit-il.« 

Pour son premier film, Julie Navarro réussit à traiter un sujet casse-gueule sous la forme d’une comédie romantique : ce n’est pas un faux documentaire militant sur ces pauvres migrants, impossibles à loger à Paris – même si tout sonne et résonne juste dans la description de ces bénévoles confrontés aux urgences du quotidien. Aucun personnage n’est caricatural, et si la fin, un peu trop attendue, vire à l’eau de rose, on n’a pas le sentiment de s’être fait avoir ni sur le contenu ni sur le contenant.

Sir Simon à Berlin

Après avoir « emboîté » sa nombreuse discographie à Birmingham, Warner vient de faire de même pour la période berlinoise de Simon Rattle

Je n’avais pas beaucoup de ces disques. Ce coffret comme le précédent me laisse perplexe quant à la trace que le chef anglais a laissée à Berlin. Peut-on imaginer discographie plus disparate, avec des redites de Birmigham à Berlin qui n’apportent rien de neuf ? Pourquoi des poèmes symphoniques de Dvorak ? une Symphonie fantastique qui manque complètement de folie ? On aime bien les Haydn qui suivent un triptyque (60,70,90) déjà gravé à Birmingham, une Carmen surprenante avec Mme Rattle dans le rôle-titre… On va essayer d’écouter le reste sans préjugés

D’autant que les quelques fois où j’ai entendu Simon Rattle en concert, je n’ai pas mesuré mes éloges : voir Berlin à Paris, Vérifications. Encore récemment à la Philharmonie, j’avais chroniqué pour Bachtrack sa Sixième de Mahler « suffocante ».

Hommage à Joséphine Markovits

Qui dans le microcosme musical parisien ne connaissait pas Joséphine Markovits, disparue ce 18 avril à l’âge de 77 ans ? Le portrait que Radio France fait d’elle est assez juste (Figure historique du Festival d’automne) mais il ne dit pas l’incroyable ténacité qui animait celle qui fut consubstantielle au Festival d’automne. Il y a trente ans quand je dirigeais France Musique, elle était déjà incontournable, en bisbille permanente avec toutes les autres institutions musicales de la place, a fortiori Radio France, dès lors qu’on lui résistait ou qu’on ne partageait ses enthousiasmes souvent coûteux. Sa technique, très bien rodée, pouvait se résumer à : « Je commande, vous exécutez (et vous payez !) ». J’en ai encore fait les frais comme directeur de la Musique, en octobre 2014… Mais Joséphine soulevait les montagnes, et finissait toujours par obtenir ce qu’elle voulait en faveur des créateurs et de la création. C’était de surcroît une commensale très agréable et dotée d’un sens de l’humour ravageur y compris à ses dépens !

Je ne suis pas sûr qu’il y ait encore dans notre univers culturel des personnages aussi clivants, entiers, voués tout entiers à leur passion.

Hommage !

2890 jours : ils ont fait Montpellier (I) en blanc et noir

J’ai quitté la direction du festival Radio France à la fin de l’été 2022, j’y avais été nommé il y a dix ans en juillet 2014. Mais je n’avais pas eu le temps jusqu’à maintenant de remercier tous les artistes que j’ai eu le bonheur d’inviter à Montpellier et dans la région Occitanie entre 2015 et 2022 pour les huit éditions que j’ai organisées.

Mon outil statistique comme ma mémoire n’étant pas infaillibles, je prie par avance ceux que j’aurais oubliés de me pardonner. Je rectifierai autant que possible !

Les claviers – piano, clavecin, orgue – se sont logiquement taillés la part du lion. Avec quelques fidélités assumées à des artistes qui, très souvent, ont fait leurs débuts au festival. Et des absences tout aussi assumées, sachant que je ne me suis jamais laissé imposer qui que ce soit.

En blanc et noir

Behzod Abduraimov (21)

Benjamin Alard (15)

Magda Amara (15)

Piotr Anderszewski (15)

Deux pianistes surpris en pleine conversation : Piotr Anderszewski et François-Frédéric Guy (Montpellier 2015)

Kristina Balanas (16)

Margarita Balanas (18)

Guillaume Bellom (17, 18)

Boris Berezovsky (17)

Beatrice Berrut (22)

Gabriel Bianco (21)

David Bismuth (15, 21)

Florent Boffard (17, 19)

Florian Caroubi (18)

Philippe Cassard (16)

Bertrand Chamayou (16, 18, 19, 21)

Emmanuel Christien (16)

Geoffroy Couteau (19)

Michel Dalberto (16, 18, 21)

Lucas Debargue (16)

Romain Descharmes (21)

Barry Douglas (22)

François Dumont (17, 18, 21)

Frank Dupree (19)

Nicolas Elmer (21)

Thomas Enhco (16, 19)

Yuri Favorin (15)

Theo Fouchenneret (19)

Lukas Geniušas (16, 17, 19)

Filippo Gamba (15)

Jean-Paul Gasparian (17, 18)

Nelson Goerner (15, 18)

Jorge Emilio Gonzalez-Buajasan (19)

Véronique Goudin-Léger (15)

Nathanael Gouin (18, 21)

Benjamin Grosvenor (21, 22)

Alexander Gurning (21)

François-Frédéric Guy (15)

Judith Jaurégui (15)

Paavali Jumpannen (19)

David Kadouch (15, 18)

Alexandre Kantorów (16, 21)

(Bien avant sa victoire spectaculaire au Concours Tchaikovski de Moscou en 2019, Alexandre Kantorow donnait son premier récital au festival, à 19 ans, le 25 juillet 2016)

Nikolai Khoziaynov (15)

Irina Kirpicheva (22)

Evgueni Kissin (19)

Andrei Korobeinikov (15, 17)

Paloma Kouider (17)

Lukas Krupinski (19)

Natacha Kudritskaia (19)

Katia et Marielle Labèque (15, 17)

Avec David Chalmin, Katia et Marielle Labèque

Olivier Latry (22)

Florian Lattuga (22)

Ingmar Lazar (20)

Eric Le Sage (16)

Yoav Levanon (21)

Yoav Levanon, 17 ans, joue Gershwin (Montpellier 2021)

Jan Liesicki (19)

Magnus Lindberg (19)

David Lively (18)

Lily Maisky (21)

Ismael Margain (17)

Denis Matsuev (16)

Selim Mazari (21)

Rodolphe Menguy (22)

Dominique Merlet (15)

Natalia Milstein (17)

François Moschetta (19)

Vincent Mussat (19, 21)

Nicolas Namoradze (22)

Florian Noack (16)

Marie-Ange Nguci (19, 21)

Maki Okada (19)

Ferhan & Ferzan Önder (16)

(Les pianistes jumelles Ferhan et Ferzan Önder, les percussionnistes Alex Georgiev, et Martin Grubinger père et fils)

Aimo Pagin (19)

Alexander Paley (15)

Alexander Panfilov (19)

Janos Palojtay (17)

Cédric Pescia (15)

Cédric Pescia, Philippe Cassard, Nelson Goerner (2015)

Aline Piboule (18,22)

Alain Planès (22)

Menahem Pressler (16)

Annabelle Weidenfeld, Menahem Pressler, JPR, Michel Dalberto (18 juillet 2016)

Gabriel Prokofiev (22)

Beatrice Rana (16, 18)

(C’est à Montpellier, en ouverture du festival 2016, que Beatrice Rana joue pour la première fois en public les Variations Goldberg avant de les enregistrer pour un disque qui sera multi-récompensé)

Mūza Rubackytė (15, 16, 19)

Kärt Rüubel (19)

Carlos Sanchis (19)

Nima Sarkechik (15)

Fazil Say (15, 17, 18)

Herbert Schuch (17)

Louis Schwizgebel (15, 18)

Dmitri Shishkin (21)

Edna Stern (15)

Gabriel Stern (21)

Frederik Steenbrink (17)

Emmanuel Strosser (15)

Dania Tchalik (16)

Cédric Tiberghien (21)

Simon Trpčeski (17)

Mikhail Turpanov (16)

Varvara (18)

Vassilis Varvaresos (16, 19)

Lukáš Vondráček (17)

Tanguy de Williencourt (16, 21)

À suivre : la folle aventure Scarlatti 555

Les voyages de Mozart et la famille Adams

Raconte-nous Mozart

J’ai connu Thierry Geffrotin lorsqu’il officiait à Europe 1, comme l’une des rares voix à bien parler de musique classique sur une radio généraliste, où il n’a pas été et ne sera pas remplacé…

J’ai mieux appris à le découvrir en suivant, quasi quotidiennement via les réseaux sociaux, ses aventures d’amateur éclairé du vrai croissant, de défenseur intransigeant quoique souriant de l’oeuf mayonnaise, de promoteur actif de sa Normandie natale et de membre actif (ou d’honneur ?) de l’académie Alphonse Allais. C’est dire si avec Thierry Geffrotin on a peu de risques de s’ennuyer.

Cet éternel jeune homme s’est mis en tête de raconter les voyages de Mozart. Cela me renvoie aux conférences que j’avais données, en 1991, année du bicentenaire de la mort du divin Wolfgang, où il me fallait donner en moins de deux heures, un aperçu de la vie et de l’oeuvre du génie de Salzbourg. Je me rappelle très bien une double page d’un ouvrage savant que j’avais alors consulté, qui montrait une carte de l’Europe à la fin du XVIIIe siècle et qui pointait toutes les villes où Mozart, seul, mais le plus souvent avec son père ou sa mère (ladite maman est morte à Paris lors du second séjour de Wolfgang dans la capitale française en 1778) s’est arrêté. Je pense que nul n’a passé autant de temps en voyage, ni visité autant de lieux et de pays, que Mozart.

Thierry Geffrotin ne vise pas le récit encyclopédique et c’est tant mieux. Mais il nous rend un Mozart familier, presque contemporain, nous conte des histoires autant pour les enfants que pour les parents. Et grâce à plusieurs QR codes disséminés dans le livre, nous offre autant de séquences musicales parfaitement choisies. Le cadeau de Noël idéal !

Thierry Geffrotin n’en est pas à son coup d’essai dans sa dévotion à Mozart et à la musique classique accessible à tous :

C’est à Londres, dans le quartier de Chelsea, que le petit Mozart, âgé de 8 ans, compose en 1764, sa première symphonie ! Ici dans l’un des tout premiers enregistrements d’un autre enfant prodige, Lorin Maazel (1930-2014), avec l’Orchestre national.

Machart l’Américain

Renaud Machart qui fut l’une des voix les plus écoutées de France Musique, jusqu’à ce qu’on décide de se priver de ses services il y a cinq ans, et l’une des plumes les plus acérées – et donc redoutées – de la critique musicale dans Le Monde, qui est surtout un ami de longue date, a depuis toujours une dilection particulière pour les Etats-Unis, New York surtout, et la musique américaine, comme en témoigne la collection de ses monographies chez Actes Sud

Je sais qu’il préparait depuis un bon bout de temps la suite de cette galerie de portraits, cette fois sous un titre générique : la musique minimaliste

À l’heure où le mot « minimalisme » est devenu galvaudé, le présent livre revient, pour la première fois en langue française, sur l’acception originelle du terme et sur les diverses composantes de cette tendance artistique née aux Etats-Unis, à l’orée des années 1960, qui a durablement marqué les arts plastiques et la musique au point de constituer une indéniable révolution esthétique. En plongeant le lecteur dans la New York downtown des années 1960 et 1970, l’auteur décrit l’extraordinaire inventivité d’une scène artistique où se mêlaient les plasticiens d’art minimal et les compositeurs minima- listes (dont ses représentants principaux La Monte Young, Terry Riley, Philip Glass et Steve Reich), dans les lofts, les salles de cinéma ou de théâtre et les galeries d’art du quartier. Cet essai, avant tout dévolu à la musique, s’arrête sur des œuvres essentielles – dont les fameux In C (1964), de Terry Riley, et Einstein on the Beach, de Philip Glass et Bob Wilson, créé au Festival d’Avignon en 1976 – et des tendances emblématiques de cette esthétique, mais par- court également ses nombreuses ramifications en Eu- rope, ses liens avec la musique populaire et son utilisation dans la musique pour les écrans de cinéma et de télévision. (Présentation de l’éditeur)

C’est en grande part grâce aux émissions de Renaud sur France Musique que j’ai accédé moi-même à nombre de compositeurs et de musiques dont je ne connaissais souvent que le nom.

J’ai toujours parmi les trésors de ma discothèque un CD du quatuor Kronos, et le 2e quatuor « Company » -bouleversant – de Philip Glass. Ecriture minimaliste mais émotion maximale !

Quant à l’une des figures de proue de la famille minimaliste, John Adams (1947-) c’est pour moi un compagnon de longue date. Ce fut l’une des soirées d’exception du mandat de Louis Langrée à Liège, le 20 novembre 2003, il y a tout juste vingt ans, comme le racontait Nicolas Blanmont dans La Libre Belgique : Ambiance des grands soirs. Soirée diffusée en direct à la télévision avec le concerto pour violon de Brahms joué par le fabuleux James Ehnes (c’était ses débuts en Belgique !) et le chef-d’oeuvre orchestral de John Adams, Harmonielehre.

A l’été 2006, à New York, j’avais eu la chance d’assister à la première de l’opéra écolo de John Adams, A Flowering Tree

France Musique : 30 ans ont passé, les souvenirs restent

J’ai déjà raconté ici – L’aventure France Musique – les raisons et les circonstances de mon arrivée à France Musique le 23 août 1993, il y a donc exactement 30 ans !

J’invite ceux que cela intéresse à relire mon article d’il y a cinq ans…

J’ai découvert un peu par hasard que le 6e épisode du podcast La Maison de la Radio : 60 ans de musique et de partage évoque cette période et le rôle que j’ai pu jouer (à écouter ici ou en direct le 26 août à 9 h sur France Musique)

Je garde de précieux souvenirs des presque six années que j’ai passées à la tête de la station, mais je n’éprouve ni nostalgie ni regrets. Encore moins ce qui malheureusement alimente souvent les souvenirs de ceux qui ont été « en responsabilité », l’aigreur ou la rancoeur. Ce sont des sentiments qui me sont, qui m’ont toujours été étrangers.

Oui il m’arrive de penser que j’aurais pu faire plus, mieux, plus longtemps dans les fonctions qui m’ont été confiées, mais j’éprouve plus souvent la satisfaction de voir que les projets qu’on a lancés, les transformations qu’on a opérées – et il y en a eu beaucoup à France Musique – sans heurts, sans atteinte à la dignité des personnes, sont ancrés dans l’histoire de la chaîne et dans la mémoire de ceux qui ont participé à l’aventure, et qui pour beaucoup en font encore partie.

Deux grilles etc.

Anne-Charlotte Rémond évoque dans cet épisode la grille que j’étais chargé de préparer pour janvier 1994 (sous la supervision de Claude Samuel). Elle aurait pu ajouter ma pleine et entière responsabilité dans celle qui a été établie, cette fois avec Pascal Dumay, pour la rentrée 1997. Les principes sont restés les mêmes, mais – il y a prescription – je voudrais raconter une anecdote qui illustre l’état de tension, d’incertitude que génère inévitablement l’exercice de la refonte d’une grille de programme chez les producteurs. Dumay et moi nous étions isolés pendant un week-end à l’écart de Paris pour « finaliser » le dispositif et bien entendu nous étions convenus, au moins implicitement, que nos discussions resteraient secrètes, tant que la grille ne serait pas validée, sachant que tous guettaient le moindre signe. Dans la semaine qui suivit, mon cher assistant, Sylvain Lopez (tragiquement disparu dans un accident de voiture à l’été 1999), me rapporta des « bruits » de couloir alarmistes, forcément alarmistes, sur nos travaux du week-end! Je parvins à identifier la source de ces bruits, une jeune productrice dont on me dit qu’elle était très proche du directeur de la musique…Je me retrouvai dans la très délicate situation de devoir dire innocemment (!) à ce dernier mon incompréhension quant aux fuites qu’on me rapportait. Penaud, il me promit de mettre fin à cette situation ! Finalement, « notre » grille fut très bien accueillie tant par la « maison » que par la presse.

J’ai précieusement gardé l’article de Christian Leblé paru dans Libération en janvier 1996, quelques mois avant que Claude Samuel ne soit remplacé par Pascal Dumay à la direction de la musique de Radio France : France Musique mue et remonte. Les problématiques qui se posaient demeurent peu ou prou et la nécessité de faire une « radio à l’écoute de ses auditeurs » plus évidente que jamais.

Mémoire retrouvée

Ainsi à l’occasion du récent décès de Renata Scotto, France Musique a rediffusé quelques épisodes d’une série « Mémoire retrouvée » que j’avais lancée dès l’été 1994, sur un principe simple. En radio, la plupart des personnes interviewées le sont parce qu’elles sont dans l’actualité ou parce qu’elles ont une « promo » à faire. Mais quid de celles et ceux qui ont quitté les feux de la rampe, et qui ont des tas de souvenirs à livrer… et qu’on interroge rarement ? J’avais donc proposé à tous les producteurs de la chaîne une formule et un format inédits (j’avoue que j’ai eu un peu de mal à convaincre la structure de production, déstabilisée par la liberté que je tenais à laisser aux équipes) : j’ai demandé à chacun(e) une liste de personnalités qu’il/elle souhaiterait interroger. Une fois d’accord, les producteurs prenaient contact avec elles et nous ne fixions la durée de l’émission qu’après que la rencontre entre interviewés et producteurs avait eu lieu. Ainsi, par exemple, la même productrice fit face à deux cas de figure opposés : après avoir rendu visite à un célèbre ténor (Alain V.), elle me dit qu’avec le matériau récolté, elle tiendrait tout juste une heure. En revanche, avant même d’en avoir terminé avec la grande Renata T., elle m’annonça qu’elle en aurait bien pour cinq émissions, toute une semaine. Je ne voulais surtout pas enfermer les uns et les autres dans un format.

C’est ainsi qu’avec Renata Scotto, en 1997, Mildred Clary put réaliser trois émissions : Mémoire retrouvée de Renata Scotto, à réécouter ici

Je regrette que mon successeur Pierre Bouteiller ait interrompu une série qui constitue, encore aujourd’hui, une formidable source d’archives exclusives sur le monde musical de la fin du XXème siècle.

Directs de New York et de Lyon.

Parmi les réalisations dont je reste fier, deux semaines vraiment exceptionnelles à l’automne 1998 ont marqué l’histoire de la chaîne. Anne-Charlotte Rémond évoque dans son podcast l’incroyable semaine en direct de New York avec Renaud Machart et Claude Carrière : je l’ai racontée ici lorsque Claude Carrière est mort (lire La belle carrière de Claude). Avec un incident dont je n’ai pas lieu d’être fier…

Quelques mois après l’expédition new-yorkaise, France Musique installait ses micros à l’Opéra de Lyon, pour une semaine de directs de l’amphithéâtre de la scène complètement refaite par Jean Nouvel en 1993.

Pour la première fois, les auditeurs de la chaîne allaient découvrir en direct plusieurs stars d’aujourd’hui : Karine Deshayes, Stéphane Degout, Stéphanie d’Oustrac…et l’ouvrage de Paul Dukas, Ariane et Barbe-Bleue, avec lequel le nouveau directeur général, Alain Durel, et son nouveau directeur musical, Louis Langrée, inauguraient leur mandat, Françoise Pollet incarnant glorieusement le rôle réputé inchantable d’Ariane.

Un dernier hommage à Michel Larigaudrie, disparu il y a bientôt un an, qui m’envoyait régulièrement des photos des émissions de France Musique qu’il réalisait. Je retrouve celle-ci au moment de conclure cet article : je ne reconnais pas tout le monde, sauf bien sûr à droite de la photo Rolf Liebermann (1910-1999), entre autres ancien directeur de l’Opéra de Paris, et tout à gauche Michel Larigaudrie et Olivier Morel-Maroger qui m’a lointainement succédé à la direction de la chaîne (de 2011 à 2014). Je me demande bien ce que j’étais en train de raconter à l’époque…

La mère Noël

Depuis un certain 6 décembre (Il y a cinquante ans), Noël, la fin de l’année, ont un peu perdu leurs airs de fête. Pour les enfants, pour les petits-enfants, pour le plaisir d’être en famille, on fait comme si, mais la vérité est qu’on a hâte d’être à l’année prochaine. Rien ne me démoralise plus que les chalets et autres marchés de Noël, les rues des villes inondées de mauvais Jingle bells et Mariah Carey, ces grands magasins débordant de foie gras, champagne, chocolats à prix coûtants…

Bref je me replie sur ma discothèque (lire White Christmas) et je rêve aux soirées heureuses de l’enfance.

Sauf quand, missionné par Bachtrack, je me pointe – c’était mercredi soir – à la Maison de la Radio et de la Musique pour un concert de l’Orchestre philharmonique de Radio France, un « concert de Noël » dont la tête d’affiche est Marie-Nicole Lemieux. Eh oui, en pleine éruption de wokisme, notre Québécoise préférée ose chanter le Noël des chrétiens (Minuit chrétiens !), les anges dans nos campagnes, Adoremus Dominum…Dans les églises, on n’ose plus, mais à Radio France oui !

Un concert plein de belles surprises, et en bis un Petit papa Noël d’anthologie. Comme je l’écris dans mon papier, Tino Rossi et Mariah Carey n’ont plus qu’à aller se rhabiller ! : Marie-Nicole Lemieux en Mère Noël à Radio France.

J’invite fortement ceux qui ont manqué le concert qui était diffusé en direct sur France Musique et Arte TV, à écouter sur francemusique.fr et surtout regarder ArteTV.

https://www.arte.tv/fr/videos/104533-014-A/concert-de-noel/

Un chef à suivre

Mikko Franck s’étant fait porter pâle, c’est le jeune chef français Adrien Perruchon, directeur musical depuis l’an dernier de l’orchestre des Concerts Lamoureux, qui l’a très avantageusement remplacé, comme je l’ai relevé dans mon billet.

J’ai un souvenir particulier avec celui qui était encore timbalier solo du « Philhar ». C’était en décembre 2014, j’étais directeur de la musique de Radio France. Un jeune chef, français lui aussi, devait diriger deux programmes avec l’Orchestre philharmonique, et pour des raisons que j’ai oubliées, il avait dû déclarer forfait pour le premier d’entre eux. Il fallait trouver d’urgence un remplaçant. en accord avec la représentation permanente de l’orchestre, je décidai de faire confiance à Adrien Perruchon qui se déclarait prêt à reprendre l’essentiel du programme. Ce fut une belle réussite…Je viens de découvrir sur YouTube que non seulement ce concert avait été filmé (ce n’était pas encore systématique dans un auditorium de Radio France tout juste inauguré) et mis en ligne.

Vacances 2022 : Intrigue à la Villa Médicis

Rome, la Villa Médicis

Avant-dernier épisode de la série Vacances 2002, la Villa Médicis, où je n’ai pas mis les pieds cette année, mon séjour romain fut relativement bref – il m’en reste à raconter notamment sur les trésors du Vatican.

Ma première fois à Rome c’était en mars 1995 à l’occasion d’un week-end – qui a failli rater – de France Musique à la Villa Médicis. Week-end dont j’avais conservé un souvenir contrasté.

Le futur ministre ?

Je n’ai compris que bien plus tard le véritable enjeu de ce moment où France Musique n’était qu’un prétexte. Je suis tombé par hasard sur les mémoires de Jean-Pierre Angremy (de son nom de plume Pierre-Jean Rémy) où l’on comprend que le déplacement en grand appareil du PDG de Radio France Jean Maheu, du directeur de la musique Claude Samuel, du directeur de France Musique l’auteur de ces lignes, de quelques autres personnes forcément importantes, tous accompagnés de leurs conjoints, au prétexte d’assister à des concerts de pensionnaires de la Villa Médicis, dont l’écrivain à succès était alors le directeur transmis sur France Musique bien évidemment, ce déplacement donc avait pour objectif non avoué pour l’état major de la radio publique de se mettre au mieux avec celui qu’une rumeur insistante et récurrente présentait comme le probable, possible futur ministre de la Culture de Jacques Chirac bientôt élu président de la République. On était à un mois du premier tour de l’élection présidentielle de 1995, tandis que s’achevait la cohabitation Mitterrand-Balladur.

Extraits choisis de ce « Journal de Rome » :

« Noter l’arrivée de Jean Maheu et de sa femme, Isabelle. Nous nous embrassons, nous nous tutoyons. Il aurait souhaité lui-même venir à la Villa Médicis comme directeur. Un jour, brisant la glace, il m’a dit qu’il n’en était rien. Je n’en pense pas moins.
Ai-je dit que Stéphane Martin, qui fut longtemps son directeur adjoint de cabinet (1) et à qui je dois ma place ici, s’est fait l’écho, comme beaucoup d’autres, du bruit qui a couru selon lequel j’intriguerais, toujours dur et ferme, pour me retrouver à la Culture ? Claude Samuel me parlera également de l’affaire. Sophie Barrouyer de France Musique (2), aussi, comme Sophie Barruel (3), petite énarque au jeune mari aussi, comme également Jean-Pierre Rousseau.
Rumeur ou calomnie ? Je n’ai pas que des amis, c’est le moins que je puisse dire !
« 

(1) Stéphane Martin, qui a été un temps le bras droit de Claude Samuel à Radio France, est à l’époque directeur adjoint du cabinet de Jacques Toubon, ministre de la Culture. Il sera, de 1998 à 2020, le président du musée du Quai Branly

(2) J’ai l’impression que Pierre-Jean Rémy s’emmêle dans ses souvenirs, en évoquant la présence de Sophie Barrouyer…à qui j’avais succédé deux ans plus tôt (lire L’aventure France Musique)

(3) Erreur de PJR, il s’agissait de Sophie Barluet, prématurément emportée par une cruelle maladie en 2007, son « jeune mari » étant Alain Barluet, actuel correspondant du Figaro à Moscou. J’avais beaucoup apprécié Sophie Barluet comme directrice de cabinet de Jean Maheu et comme complice toujours bienveillante.

Liaison fatale ?

Suite du journal de Pierre-Jean Remy :

« SAMEDI 25 MARS. Toute la journée en direct, donc, de France Musique. En réalité, depuis vingt-quatre heures, les trois techniciens de France Musique se battent avec les Télécoms italiens, car on n’arrive pas
à obtenir les canaux pour transmettre vers la France via… eh bien via Rome, tout simplement ! En 1995. il est tout de même paradoxal de voir qu’il n’y ait pas moyen de lier la Villa Médicis, au-dessus de Rome, au
centre de la RAI, à Rome même. Les autres liaisons sont possibles, mais pas celle-là. Il est vrai que l’on ne travaille plus par liaison hertzienne, mais par liaison numérique câblée. Ceci expliquerait cela. Pendant vingt-quatre heures, on s’arrache progressivement les cheveux. Le 24 au soir, on est persuadé que rien ne pourra se résoudre. Samedi 25 au matin, rien ne fonctionne encore alors que la première émission en direct est prévue à 11 heures À 11 heures moins dix : miracle ! apothéose! Les canaux sont rétablis »

Pierre Jean Remy on the set of TV show « Vol de Nuit ». (Photo by Eric Fougere/VIP Images/Corbis via Getty Images)

Ce n’est faire injure à la mémoire de personne que de relater que cette situation a donné lieu à des énervements et des comportements proches du ridicule. Je savais, comme responsable de l’antenne, que les techniciens de Radio France faisaient tout leur possible pour trouver une solution (au pire on pouvait enregistrer les émissions et concerts prévus et les diffuser ultérieurement de Paris). Mais il fallait bien que le PDG de Radio France justifiât sa présence à Rome et manifestât son autorité. Il se mit en tête après avoir copieusement engueulé ses proches, dont moi évidemment, d’interpeller les plus hautes autorités du pays, en commençant tout de même par l’ambassadeur de France à Rome, son homologue de la RAI (je doute qu’il l’ait joint), voire le ministre italien des télécommunications, pour leur faire valoir l’imbroglio diplomatique qui résulterait de l’impossibilité pour France Musique de diffuser en direct de Rome… Pierre-Jean Rémy considérait tout cela avec un certain amusement, habitué qu’il était aux moeurs italiennes (il avait été en poste à Florence), surtout un week-end.

Finalement le direct

« C’est donc la première émission, le concert des Nouveaux interprètes, que je présente depuis le
grand salon. Un froid polaire me caresse les côtes. Le concert,c’est le trio Schumann, trois jeunes gens de Turin. Tout à fait honorable. On joue, entre autres, du Kreisler et un trio de Brahms. Entre les morceaux, je parle de la Villa, je décris le paysage : beaucoup d’amis de France m’entendront, qui me le diront.
Déjeuner, sieste rapide, puis, toujours en direct de la Villa, l’émission Les Imaginaires de
Jean-Michel Damian. Damian erre comme un malheureux heureux, souriant, barbu et ventripotent, mais pas plus
« .

S’ensuit un long développement sur les invités de Jean-Michel Damian, dont l’essentiel de l’émission est consacré à Ingres, le grand peintre originaire de Montauban, très lié à Rome et en particulier à l’Académie de France à Rome dont il est le directeur de 1835 à 1840. Damian laisse les spécialistes disserter en roue libre, le concert qui devait conclure l’émission sera réduit à portion congrue.

L’auteur à succès, Callas, Karajan

On a oublié aujourd’hui la place qui était celle de Pierre-Jean Rémy dans la vie intellectuelle, culturelle et mondaine française. Auteur à succès, il était de tous les cercles influents, recherchant les honneurs, mais sans être dupe de la comédie humaine, à laquelle il participait avec une manière de distance et d’auto-dérision. Dans ce Journal de Rome, il évoque, parlant de lui, une « culture superficielle, un vernis qui se craquèle comme les murs peints par Balthus dans la Villa Médicis », et on va le voir plus loin à propos de ses livres. Brillant, chaleureux, réservant ses flèches à ceux qui ne pourraient plus lui nuire, il veillait à entretenir ses réseaux. Après la Villa Médicis, j’ai eu quelques occasions de revoir PJR devenu en 1995 non pas ministre de la Culture, mais président de la Bibliothèque Nationale de France.

Suite de la journée France Musique à la Villa Médicis relatée par Pierre-Jean Rémy :

« La fin de la soirée sera encore plus chaotique dans la mesure où je donne simultanément un dîner pour vingt-cinq personnes et où je présente une soirée de France Musique de trois heures consacrée à Maria Callas. Pour me remettre dans le bain de Callas, j’ai été amené à relire mon livre : Dieu, qu’il était bon !

Et combien j’ai tout oublié… Je m’émerveille encore d’avoir été capable d’écrire ce livre, finalement si foisonnant et assez bien écrit, malgré des tics qui m’apparaissent à présent insupportables, des attendrissements ridicules ou des exclamations superfétatoires/…/ Donc, émission sur Maria Callas au cours de laquelle je présente d’une part la grande Tosca de Serafin, puis une série de cinq ou six enregistrements, dont La Gioconda, l’Elvire des Puritains, la mort d’Isolde, Traviata et Norma. Quelques discours attendris, quelques références subtilement piquées dans mes propres œuvres.« 

Et, dans le même temps, j’essaie de faire de timides apparitions à l’une des trois tables où je suis censé être assis. Présence de Massimo Bogianckino, terriblement fatigué. Présence du vieux compositeur Petrassi, quatre-vingt-onze ans à présent, l’une des dernières grandes figures vivantes de la musique européenne. Il est sourd et heureux d’être à la Villa Médicis. Sa femme, grande cavale de trente ou quarante ans de moins que lui, se dit heureuse aussi. Elle promet de nous inviter chez elle, de nous faire une pasta. La soirée se terminera tard. dans l’allégresse, on boira beaucoup.. »

Précisions : Bogianckino (1922-2019) a été, à l’instigation de Jack Lang, le directeur de l’opéra de Paris de 1983 à 1985, avant d’être maire socialiste de Florence. Quant au vieux Goffredo Petrassi (1904-2003), il ne m’avait pas semblé si sourd que cela….

En matière de musique, Pierre-Jean Rémy savait surfer sur les sujets grand public Après Callas, il a été le premier à publier une biographie en français du chef autrichien, Herbert von Karajan (1908-1989). Comme pour Callas, la critique aura beau jeu de repérer les inexactitudes, les approximations, le côté compilation brouillonne d’un ouvrage qui sort souvent de son sujet, pour déborder sur les goûts personnels de l’auteur en matière symphonique ou lyrique.

Je vais sans doute le feuilleter à nouveau…

Vacances 2022 : retour à Ambronay

Sur la route des vacances halte ce week-end dans l’Ain, et retour en des lieux jadis familiers où je n’avais plus eu l’occasion de remettre les pieds depuis presque trente ans !

Ambronay

Ambronay, c’est cette ancienne abbaye bénédictine dans l’Ain, où en 1980, un fou de musique – Alain Brunet – décida de créer un festival de musique baroque et une académie. Quarante-deux après, il en a abandonné la direction mais en préside toujours ce qui est devenu, en 2003, un Centre Culturel de Rencontres. J’ai rarement rencontré personnage plus passionné, obstiné, déterminé, qui a toujours fini par convaincre les meilleurs musiciens de le suivre dans son aventure.

Mes premiers souvenirs d’Ambronay sont des émissions de radio – la Radio Suisse romande n’est pas loin, et Disques en Lice, l’émission de critique de disques, aujourd’hui disparue, de la RSR, était venue au moins deux fois dans mon souvenir. Une fois, c’était Jordi Savall autour des suites de Bach. Une autre fois, avant un concert où nous devions entendre le Stabat Mater de Vivaldi, j’étais assis à la tribune à côté de Gérard Lesne. Dans l’écoute comparative à l’aveugle, le jeu consistait évidemment à essayer de reconnaître les interprètes. Ecoutant la version que nous ne savions pas être celle de Nathalie Stutzmann, Gérard Lesne comme moi étions incapables de discerner le sexe de l’interprète, homme ou femme, tant la voix de Nathalie portait une superbe ambiguïté.

Autre souvenir, cette fois comme directeur de France Musique, et dans le cadre d’un partenariat qu’Alain Brunet avait obtenu sans problème de ma part, mais avec les réticences d’usage de la technique de Radio France, j’étais revenu en 1994 notamment pour un concert de l’académie animée alors par William Christie, David et Jonathas de Marc-Antoine Charpentier, qui révéla une jeune soprano qui allait faire son chemin : Patricia Petibon.

Je n’ai pu m’empêcher, revenant en ces lieux, de penser à l’ami Jacques Merlet, qui n’avait pas été le dernier à croire à l’aventure d’Ambronay et qui y installait ses quartiers d’automne. Il y a ainsi des ombres heureuses qui peuplent les mémoires et les pierres.

Pérouges

C’est pendant ce bref séjour de l’automne 1994 que je découvris Pérouges, à une vingtaine de kilomètres d’Ambronay, cette cité médiévale bien préservée. Un déjeuner à l’Hostellerie de Pérouges me fit côtoyer William Christie et son commensal. Quelques amabilités échangées. Ce fut le seul et dernier contact sympathique que j’eus avec ce personnage qu’il m’est arrivé d’apprécier comme musicien.

L’Hostellerie de Pérouges
Pérouges la porte Sud

Immortel requiem

Après quelques semaines d’interruption (Une expérience singulière), pendant lesquelles je n’avais suivi l’activité des formations musicales de Radio France que par l’intermédiaire de France Musique, j’avais souhaité retrouver l’Orchestre national de France et le Choeur de Radio France en concert, en vrai ! C’était hier au Théâtre des Champs-Élysées.

Quel bien fou pour le moral que ce public nombreux se pressant avenue Montaigne, et cette salle comble pour un programme, il est vrai, exceptionnel : rien moins que le Requiem de Verdi dirigé par Daniele Gatti, l’ancien directeur musical du National (de 2008 à 2016) si injustement sali (Remugles) et heureusement depuis réhabilité.

(de gauche à droite, dans l’ordre inverse du concert pour les saluts de la fin : la basse Riccardo Zanellato, le ténor Michael Spyres, Daniele Gatti, Alessandro di Stefano masqué, qui a préparé le Choeur de Radio France, Marie-Nicole Lemieux, la soprano Eleonora Buratto)

En soi le concert est déjà un miracle : le Covid-19 et son trop fameux variant Omicron continue à faire des ravages notamment à l’opéra de Paris. Il aurait pu avoir des conséquences sur le Choeur de Radio France, qui continue de chanter masqué, mais le renfort des hommes du Choeur de l’armée française (dirigé par l’excellente Aurore Tilliac), a permis les répétitions et finalement la tenue du concert. On n’en a que plus admiré l’homogénéité, la précision et la puissance de ces forces chorales !

L’autre miracle, c’est celui que produit la direction de Daniele Gatti, qui se refuse aux effets spectaculaires, traite l’orchestre de Verdi comme je l’ai très rarement entendu – et Dieu sait si cuivres, bois et cordes de l’Orchestre national de France se couvrent de gloire. – fait de ce requiem une vibrante messe des morts et non un opéra. Ses quatre solistes sont à l’unisson de cette conception, au point d’être parfois chez les hommes un peu en retrait. Marie-Nicole Lemieux bouleverse, tandis que la soprano Eleonora Buratto se sort admirablement du Libera me final.

Longue, très longue ovation finale ! Un second concert est prévu demain samedi. Il est diffusé en direct sur France Musique.

D’autres requiems

J’ai déjà raconté ma rencontre – discographique -avec le Requiem de Verdi : Sacrés Mozart et Verdi. Mais jamais mes souvenirs de concert. Assez peu nombreux finalement.

D’abord à Genève, en juin 1988, Armin Jordan dirigeait l’Orchestre de la Suisse romande. Je ne me rappelle plus les détails du quatuor de solistes, sauf de Margaret Price, et pour une raison bien précise. Deux concerts étaient prévus, mais je n’ai jamais su le fin mot de l’histoire, la soprano galloise n’a chanté que le premier, le lendemain matin elle avait quitté son hôtel sans prévenir. Affolement du côté de l’OSR. Je crois que finalement elle fut remplacée pour la deuxième soirée par Rosalind Plowright, qui chantait alors au Grand Théâtre de Genève.

J’ai retrouvé un extrait de ce concert sur YouTube :

Puis, dix ans plus tard, c’est à la Salle Pleyel à Paris, que j’entends à nouveau le requiem de Verdi, pour ce qui restera l’un de mes très grands souvenirs de mélomane, une sorte de testament du grand Carlo-Maria Giulini. J’ai déjà raconté cet épisode dans l’article Julia Varady #80, où l’on peut entendre également un inoubliable Libera me capté par les micros de France Musique.

Puis en 2016 au Théâtre des Champs-Élysées, avec les mêmes forces qu’hier soir – Orchestre national, Choeur de Radio France), sous la direction de Jérémie Rhorer. Voici ce que j’en écrivais : Le classique c’est jeune, et ce qu’en avait écrit à l’époque Christophe Rizoud sur Forumopera : Ô certitudes.

Et tout récemment, je faisais, justement pour Forumopera, la critique d’un enregistrement miraculeux de 1981, Riccardo Muti dirigeant les forces de la Radio bavaroise : Le requiem bavarois de Muti.

La mer, le cinéma et des livres

Le rythme des jours, des soirs et parfois des nuits d’un directeur de festivalQue la fête commence ! – serait intenable si je ne prenais pas le temps de m’extraire d’un maelström incessant.

La mer

Premier bain de mer dimanche matin. À Villeneuve-lès-Maguelone avant l’invasion. Sensation d’une eau glacée, à 20° pourtant.

Une salade fraîche au Carré Mer, la paillote la plus courue de l’endroit, pas de réservation, mais un accueil comme toujours parfait – c’est une constante des établissements des frères Pourcel – et l’on se retrouve parfaitement placé avec vue sur la mer. Recharge complète des batteries pour retrouver la belle programmation d’une Fiesta Latina dans le fabuleux parc départemental du Château d’O, et le soir le concert de l’Orchestre philharmonique de Radio France (on en reparlera !)

Le cinéma

Suivi de loin en loin le Festival de Cannes, la remise de la palme d’Or à Julia Ducournau pour Titane. Irai-je voir le film ? Rien n’est moins sûr.

En revanche, première séance de cinéma depuis le déconfinement, en milieu d’une journée de 14 juillet très venteuse et nuageuse, au Diagonal à Montpellier. Un film qui se laisse regarder, à la condition d’oublier les modèles, de ne pas chercher la vraisemblance ni a fortiori le rapport à la réalité : Présidents d’Anne Fontaine

Impeccables Jean Dujardin, Grégory Gadebois, et peut-être plus encore leurs conjointes dans le film, Doria Tillier et Pascale Arbillot.

Des livres

Tout arrive, même qu’on se prenne de sympathie pour le Français qui fait la course en tête des bestsellers – Marc Lévy – et qu’on trouve non seulement du plaisir mais de l’intérêt à la lecture de son dernier roman… qui fait froid dans le dos tant il semble inspiré d’une inquiétante réalité

Fini un autre livre, dont le titre est inutilement grandiloquent. Giesbert ou son éditeur n’ont pas trouvé mieux sans doute. Je ne sais pas, à l’heure où j’écris ces lignes, dans quel état se trouve Bernard Tapie. Quoi qu’on pense de lui, on peut au moins admirer son courage à affronter le cancer qui le mine. Mais ce que ce bouquin révèle et nous apprend – car Frantz-Olivier Giesbert rétablit bien des vérités – ce sont toutes les facettes, ombres et lumières, franchise et ambiguïté, moine-soldat et voyou, d’un personnage qu’il est impossible d’aimer ou de détester absolument.

J’ai quelques autres romans sous le coude, ce sera pour plus tard.

Et comme je ne suis jamais loin de la musique, je viens de commencer un essai, dont quelque chose me dit que je ne devrais pas trouver trop de points de désaccord avec l’auteur. Lionel Esparza fait partie des voix et des têtes pensantes de France Musique (je n’ai jamais regretté, bien au contraire, de l’avoir « recruté » jadis sur la chaîne).

« Le génie des Modernes est une réflexion de fond sur le devenir de la musique classique dans les sociétés occidentales, notamment européenne. Partant du constat du dépérissement de cet univers (public vieillissant mal renouvelé, image élitiste persistante malgré les efforts des acteurs concernés, éducation à la pratique amateur ou professionnalisante de plus en plus ténue, survie sous perfusion – subventions -), il tente d’en établir les causes en questionnant notamment le rapport de l’homme au sacré (l’art fut-il et est-il encore sacré ? et l’artiste ?), à la culture savante et populaire. Ne se posant jamais en censeur ou en défaitiste, mais en prenant un recul pour observer la crise actuelle du monde musical classique (y compris celle due au Covid-19) à l’aune des siècles et de l’Histoire.« 

La fête du civisme ?

Et si ce jour de Fête Nationale pouvait réhabiliter ce beau mot et cette belle idée de civisme ?

Après les annonces du président de la République lundi soir, je me suis tenu à l’écart des réseaux sociaux, d’abord parce qu’en tant que responsable de festival, j’ai les mains dans le cambouis. Bien sûr ça ne nous arrange pas de devoir changer tout notre dispositif d’accueil et d’organisation des concerts à partir du 21 juillet – je n’ai toujours pas compris le pourquoi de cette date, alors que les cafés, restaurants et autres lieux accueillant du public sont soumis au nouveau régime à partir du 1er août – voir ici ma déclaration à France 3 (à 4’38)

Mais nous allons tout mettre en oeuvre pour que les concerts du Festival restent une fête, un plaisir. Dans une sécurité sanitaire maximale.

Dictature ?

Le fait de se soumettre à une obligation vaccinale constituerait, selon certains, une atteinte intolérable aux droits de l’homme, voire la manifestation d’une dictature.

J’ai relevé hier deux textes qui n’émanent pas, c’est le moins qu’on puisse dire, de soutiens d’Emmanuel Macron. Ils n’en revêtent que plus de force.

Du sénateur socialiste de l’Hérault Hussein Bourgi :

« Vous avez dit Dictature?

Depuis hier je vois fleurir les posts enflammés et indignés signifiant que la France aurait basculé dans la dictature (sic). Rien que ça !

J’ai beau guetter et tendre l’oreille. Je n’ai entendu aucun coup feu. Je n’ai pas vu l’armée déployée plus que de raison dans les rues. Je n’ai pas aperçu de dépouilles sur les trottoirs.Je n’ai pas connaissance de cohortes d’opposants au régime qui seraient exécutés séance tenante ou arrêtés par je ne sais quelle milice. J’ai beau scruter les chaînes de TV et de radios, elles débitent toujours les mêmes mièvreries. Point de chants nationalistes, ou glorifiant le président de la République.

Mieux il semblerait qu’il n’y ait ni pénurie, ni rationnement, ni file d’attente devant les commerces. Alors de quelle dictature, parle-t-on ? On m’aurait menti ? Ou aurais-je mal compris ?

J’estime que tous ceux et toutes celles qui utilisent le terme de dictature sont des salauds qui piétinent la mémoire et les corps des victimes des vraies dictatures. Ces dictatures d’hier et d’aujourd’hui qui ont fait des dizaines de millions de morts. Par respect pour ceux-ci, personne ne peut et ne doit galvauder le terme de dictature au risque de basculer dans le relativisme et le révisionnisme.

Alors de grâce, chers complotistes, chers révolutionnaires de salon, chers résistants intermittents de Facebook, rappelez-vous que les mots ont un sens.Ne rajoutez pas l’indignité à l’outrance qui est devenue votre seconde nature !La langue française est riche, cherchez bien, et vous trouverez assurément d’autres mots plus appropriés que le mot dictature.

Je terminerai par un message spécial à destination de tous les salopards qui osent faire un copier coller d’un message mettant en garde contre la Shoah vaccinale .Je classe systématiquement votre courriel dans la corbeille et vous place dans la poubelle car c’est la bonne et juste place pour les ordures. » (Facebook, 13 juillet 2021)

Du député européen Raphael Glucksmann :

En voyant la révolte contre le pass sanitaire au nom des « libertés », on comprend qu’il y a un immense malentendu dans notre pays sur la liberté et la contrainte en démocratie.

Je suis libre tant que ma liberté individuelle ne nie pas celle des autres ou de l’ensemble. Simple.

Or, dans ce cas précis, ne pas me faire vacciner condamne potentiellement toute la nation au confinement à moyen terme. Donc voir mes droits d’accès limités parce que je décide de faire peser un risque sur l’ensemble, ce n’est pas attaquer mes droits, c’est normal. Basique.

Depuis des mois, j’écoute attentivement les arguments de celles et ceux qui doutent des vaccins anti-covid. Délai d’autorisation de mise sur le marché jugé trop rapide, défiance légitime vis à vis de « Big Pharma », défiance vis à vis des autorités de régulation, etc. Le doute n’est pas une mauvaise chose, au contraire: il constitue le point de départ de toute interrogation intéressante sur le monde et la base de la citoyenneté.

Mais quand le doute se transforme en suspicion généralisée, ce n’est plus du doute. Cela devient un rejet de toutes les contraintes collectives qui nous permettent de faire société. Au Parlement européen, je combats les multinationales, « Big Pharma » , le scandale que constitue la privatisation de notre santé… Donc je connais la nocivité de ces labos. Mais je connais aussi le processus de validation scientifique d’un vaccin et je peux vous dire que les vaccins en question ont subi un grand nombre d’essais cliniques et de vérifications indépendantes.

La vaccination est aujourd’hui la seule manière de nous sortir de la pandémie et de son cortège de morts, de malades, de faillites, de dépressions, d’effondrements. Si nous ne voulons pas d’un nouveau confinement, il n’y a pas d’autre solution. Alors s’il vous plaît, si vous êtes en âge de le faire : vaccinez-vous. Pour arrêter la transmission du virus et par souci des autres et de l’intérêt général.

P.S : Je dis ce que je pense, je ne suis là pour flatter personne et ne cours après aucune voix. Vous n’êtes pas obligé d’être d’accord et vous pouvez évidemment le dire. Par contre on doit rester dans le cadre d’un échange poli, sans insulte et sans haine.

Sur cette histoire de vaccin, rappelons deux ou trois faits :

Les personnels soignants sont déjà obligés d’être vaccinés contre l’hépatite B.

Quand un voyageur se rend dans certains pays, il est soumis à l’obligation de certains vaccins (contre la fièvre jaune par exemple)

Enfin les gens de ma génération ont dû se faire vacciner contre des maladies aujourd’hui éradiquées (polio, tuberculose, variole), les enfants d’aujourd’hui sont soumis à une obligation de 11 vaccins !

Le 14 juillet en musique

Ce soir à Montpellier, c’est la fête partout, sur le parvis de l’Hôtel de Ville, au nord de la ville à l’amphithéâtre du Domaine d’O (tout le programme ici)

Quel bonheur de retrouver Isabelle Georges et Roland Romanelli pour la création de 17 nouvelles chansons en ce soir de fête nationale ! Souvenez-vous, ils étaient déjà présents au Festival le 15 juillet 2018 – le soir de la victoire des Bleus !

Schumann et la Marseillaise

Dans l’article que j’avais écrit il y a sept ans sur Mozart et la Marseillaise, je n’avais pas exploré tous les avatars de notre hymne national, ce que Max Dozolme avait, au contraire, très bien fait pour France Musique (La Marseillaise dans la musique classique).

En 1851, Schumann compose cette ouverture Hermann und Dorothea en référence au récit épique de Goethe. Les citations de La Marseillaise sont explicites.

Riccardo Muti en a donné la version de référence (lire Riccardo Muti, la quarantaine rugissante)