De bonne compagnie

Il me faut ajouter deux noms à ma liste de Disparus de mai : Tina Turner et Jean-Louis Murat. Mais on me pardonnera, j’espère, de n’en avoir rien à dire de mieux ou de plus que toutes les louanges qui ont été déversées par les médias et les réseaux sociaux.

En moins de 48 heures, je suis passé par toute une palette d’impressions, de sentiments, plutôt agréables, même s’ils ont été parfois troublés par les alarmes que le grand âge de ma mère (qui a fêté ses 96 ans il y a trois jours) peut engendrer.

Le bon Compagnon

Je l’avais aperçu en 2018 au festival Radio France, membre du quatuor de saxophones Zahir. Sandro Compagnon m’a invité hier à une soirée « privée », en réalité très courue, dans une galerie du centre de Paris, pour présenter son nouvel enregistrement. Prouvant avec brio que le répertoire du saxophone ne se limite pas au jazz, à quelques concertos du XXème siècle ou à quelques brillantes interventions dans Ravel, Bizet ou Berg. Je n’ai pas pu rester jusqu’à la fin, mais j’ai eu le bonheur d’entendre plusieurs pièces de l’autre héros de la soirée, le compositeur Bruno Mantovani (à gauche sur la photo).

Pourquoi le cacher ? j’ai été heureux de retrouver bien sûr Bruno Mantovani, à qui me lient tant de souvenirs – lui-même se montrait nostalgique d’une époque, sa jeunesse, Liège, où tout semblait permis. Il reste, on en a encore eu la preuve hier, l’un des compositeurs les plus originaux de notre temps. On comprend que Sandro Compagnon en ait bavé pour dire la force et la poésie de « Rondes de printemps ». Belle réussite ! Mais, en plus de Bruno Mantovani, on a aperçu, salué, Philippe Hersant, Eric Montalbetti, Marc Monnet, Marc Coppey, Michel Dalberto, Laurence Equilbey, Arnaud Merlin, j’en oublie sûrement… J’ai beau avoir quitté la « vie active » comme on dit, les amitiés, les aventures d’antan demeurent.

La reconstruction Pogorelich

La rumeur, des collègues, les réseaux sociaux m’avaient mis en garde. Un récital d’Ivo Pogorelich, la star du piano des années 80, c’était un risque, une probable déception. Comme je l’ai écrit pour Bachtrack – lire Le piano hypnotique d’Ivo Pogorelich -, je ne vais jamais à un concert chargé de préjugés. Je me mets toujours dans un état d’écoute et de disponibilité, et puis j’attends d’être entraîné, intrigué, séduit.. ou irrité par l’interprète.

Photo surprenante, prise cinq minutes avant le début du concert : Ivo Pogorelich fait les derniers réglages…

Pas vraiment orthodoxe le pianiste croate, mais tant mieux…

Il y avait déjà tout cela dans les enregistrements des jeunes années.

Dudamel s’en va

Gustavo Duhamel démissionne de son poste de directeur musical de l’Opéra de Paris, qu’il devait occuper jusqu’en 2027.

Je n’ai envie d’aucun commentaire. Et surtout pas des airs entendus – « c’était à prévoir », « on le savait d’avance » -.

J’ai juste une question, de bon sens et de principe : dès lors qu’un vaisseau amiral comme l’Opéra de Paris est très largement dépendant de la subvention publique, de l’argent de l’Etat, du nôtre donc, comment tolérer que le traitement, salaire, cachets du directeur musical soient classés « secret défense »‘. Aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, la rémunération des chefs est publique, alors qu’elle dépend de subsides privés. En France, on est incapable de jouer la transparence, alors qu’il s’agit de deniers publics…Il faudra que j’y consacre bientôt un billet !

Emprunts et empreintes (suite)

J’avais écrit un article – Emprunts et empreintes ou la Marseillaise et Mozart – qui est toujours régulièrement consulté. Je vais lui donner une suite, en rapport avec l’actualité.

L’automne de Harrison Ford ou comment John Williams copie Glazounov

Le Festival de Cannes vient de rendre hommage à Harrison Ford, à l’occasion du cinquième épisode de Indiana Jones ou les aventuriers de l’arche perdue.

(Photo by Patricia DE MELO MOREIRA / AFP)

Le comédien octogénaire a dit ne plus supporter le tube planétaire qu’est devenue la musique composée par John Williams pour ce film.

Réécoutant, au fil des jours, le fabuleux coffret Ansermet (lire Ansermet enfin)

si longtemps attendu, je tombe sur cet extrait des Saisons de Glazounov :

Comme un furieux air de famille non ? entre John Williams et Glazounov ? Sans doute inconscient de la part du compositeur américain qui connaît très bien ses classiques. Et plutôt amusant dans un ballet censé illustrer l’automne…

Succès planétaire

Du même John Williams, un autre tube planétaire, la musique de Stars Wars, ici avec le compositeur lui-même dirigeant, excusez du peu, l’orchestre philharmonique de Vienne

Je n’ai jamais eu l’occasion de le lui demander, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il s’est inspiré cette fois consciemment d’une oeuvre qui a assuré la célébrité internationale de son auteur, Les Planètes (1918) de Gustav Holst

Le tango d’Aliciaet de Nelson

Le tango, cette danse populaire née dans le quartier de La Boca à Buenos Aires, a évidemment inspiré quantité de compositions « sérieuses », la plus connue étant sans doute celle d’Isaac Albeniz, ce tango qui fait partie de la suite pour piano España. L’occasion pour moi aujourd’hui d’un clin d’oeil à la grande pianiste espagnole Alicia de Larrocha, disparue en 2009, qui était née il y a cent ans exactement, le 24 mai 1923.

L’émotion m’étreint lorsque je découvre l’une des dernières prestations publiques de cet autre géant du piano, le si aimé et regretté Nelson Freire, qui joue ici la transcription faite par Leopold Godowsky de ce même tango d’Albeniz.

Je rappelle pour mémoire cet article sur l’indicatif du Festival de Cannes : Le générique interdit.

Nés un 1er avril

Quel point commun réunit le pianiste et compositeur Serge Rachmaninov, le violoniste Daniel Lozakovich et le chef Mikko Franck ? Leur date de naissance, un 1er avril. Ce n’est pas pire que d’être né un 1er janvier ou un 25 décembre.

On souhaite donc à ces trois musiciens un heureux anniversaire, au moins pour deux d’entre eux qui peuvent encore le fêter.

Daniel a 22 ans

C’était en juillet 2019, je m’en souviens comme si c’était hier, il n’avait que 18 ans et il nous avait tous bluffés par son interprétation d’une élévation spirituelle confondante du concerto pour violon de Beethoven : Daniel Lozakovich était, pour moi, passé du statut de phénomène à celui de grand musicien parmi les grands (Opening nights) . Le violoniste suédois fête ses 22 ans aujourd’hui. N’était la longiligne silhouette juvénile et cette exquise et souriante politesse qui le caractérise, on le penserait plus âgé. On lui souhaite le plus heureux des anniversaires !

L’énigme Mikko

Quoique l’intéressé en pense – nous eûmes à nous confronter, sinon à nous affronter, durant quelques mois il y a déjà presque neuf ans – j’ai toujours eu de l’estime et de la considération pour Mikko Franck, le chef finlandais qui fête aujourd’hui son 44ème anniversaire. J’en ai même écrit du bien (Ainsi parlait Zarathoustra).

Les responsables de Radio France font régulièrement l’expérience de la difficulté qu’il y a à « gérer » un artiste aussi imprévisible. Qui annule répétitions et/ou concerts sans préavis, qui parfois atteint au grandiose. dans une oeuvre où on ne l’attendait pas et d’autres fois semble tourner en rond, comme désintéressé par ce qu’il dirige (c’est le cas dans ses derniers disques, Franck ou Stravinsky). Chef incroyablement doué, formidable musicien, Mikko Franck l’est assurément. Ce serait bien qu’il continue à nous en convaincre plus souvent.

Rachmaninov le grand

2023 est une année Rachmaninov, on l’a déjà souligné ici : Sergei Vassilievitch Rachmaninov (Сергей Васильевич Рахманинов) est né le 1er avril 1873, à Semionov, dans la région de Nijni-Novgorod (Gorki à l’époque soviétique), et mort 70 ans plus tard, à trois jours près, le 28 mars 1943 à Los Angeles.

Warner publiait ce matin cette photo sur Twitter, sans pour autant annoncer une quelconque édition Rachmaninov, comme cela fut fait récemment pour Prokofiev (lire Prokofiev en boîte). D’autant plus étrange que les labels regroupés sous la marque Warner regorgent d’interprétations admirables, de trésors à rééditer.

Comme par exemple les concertos pour piano et les Préludes enregistrés par le formidable pianiste américain Agustin Anievas (né en 1934)

ou l’inattendu Charles Mackerras dans le couplage 3ème Symphonie /. Danses symphoniques

Rita, Nadia, Mel, Cécile et le printemps

J’ai passé un week-end avec beaucoup de femmes, celles de ma famille – des anniversaires -, celles qui font de la musique – la soirée anniversaire du choeur Accentus (lire mon compte-rendu sur Bachtrack : Accentus fête ses 30 ans avec Mendelssohn) celles qui en composent.

On sait le formidable travail de recherche et d’enregistrement que produit l’équipe du Palazzetto Bru Zane / Centre de musique romantique française pour faire revivre des pans entiers du répertoire français.

Le coffret de 8 CD que le PBZ a publié à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, simplement intitulé Compositrices, est une formidable compilation – sans équivalent dans la discographie -.

À côté de quelques noms, un peu plus connus – ou moins méconnus – que d’autres, Louise Farrenc, Cécile Chaminade, les soeurs Boulanger, Pauline Viardot, Marie Jaëll, combien de révélations, de découvertes ! J’entends déjà la critique de quelques bougons : « si elles avaient écrit des chefs-d’oeuvre, ça se saurait ! » Heureusement que notre univers musical n’est pas fait que de chefs-d’oeuvre, on ne supporterait pas longtemps l’altitude. Mais pour qui est saturé des sempiternels Debussy, Ravel, Berlioz – pour ne citer que des Français – ces huit CD sont une bénédiction. J’ai juste une réserve, très personnelle j’en conviens, je n’aime pas beaucoup ni le timbre ni la manière du ténor Cyrille Dubois, très présent dans cette collection. En revanche, ceux qui ne le connaissent pas encore, découvriront en Leo Hussain un chef de première importance. Ici dans le poème symphonique Andromède d’Augusta Holmès (1847-1903).

Charmantes, romantiques, douces à l’oreille, une jolie collection de pièces de piano à 4 mains, due à Roberto Prosseda et Alessandra Ammara. On relève en particulier, parce que c’est de circonstance, les Voix du printemps de Marie Jaëll (1846-1925).

On ne va pas tout détailler, mais franchement autant de belle musique, de découvertes à faire, pour moins de 50 €, on court, on se précipite !

Prokofiev en boîte

Puisqu’il a été décidé que Serge Prokofiev, mort il y a 70 ans, méritait la une des deux magazines français de musique classique (lire Les deux Serge et Prokofiev etc.), réjouissons-nous de voir paraître un copieux coffret de 36 CD chez Warner.

Simple recyclage d’enregistrements déjà bien connus ? Pour partie oui, mais avec pas mal de redécouvertes. Et surtout un choix éditorial qui, dans un catalogue aussi vaste que celui des labels désormais regroupés sous la houlette de Warner (EMI, Erato, Teldec, etc.), prend des partis, retient telle version plutôt que telle autre.

Le piano

Ainsi, pour reprendre dans l’ordre de présentation des CD, dans les sonates pour piano, on retrouve partiellement la formidable intégrale de Vladimir Ovchinnikov, mais aussi l’énorme surprise qu’est la réédition de la 2ème sonate par le tout jeune Rafael Orozco.

Nikolai Luganski joue la 6ème sonate, et c’est, comme une forme d’hommage au pianiste franco-américain trop tôt disparu, à Nicholas Angelich que revient la 8ème sonate (comme son formidable cycle des Visions fugitives)

Les cinq concertos pour piano se partagent entre Andrei Gavrilov / Simon Rattle (1), le récent Beatrice Rana / Antonio Pappano (2), trois versions et non des moindres pour le 3ème, l’historique version du compositeur lui-même secondé par Piero Coppola et le LSO en 1932, Martha Argerich/Charles Dutoit et Alexis Weissenberg/Seiji Ozawa, Michel Béroff/Kurt Masur (4) et Richter/Maazel (5).

Le violon

C’est sans doute dans le chapitre « violon » et musique de chambre qu’il y a le moins de surprises : pour les deux sonates les inusables Repin et Berezovsky, pour les deux concertos les Oistrakh multi-réédités (j’aurais préféré les versions, pour moi insurpassées, de Nathan Milstein avec Giulini (1) et Frühbeck de Burgos (2)), mais aussi les moins connus Perlman avec l’apport de Rojdestvenski au podium.

Pierre et le Loup

Pour ce coffret, Warner avait l’embarras du choix dans les versions du conte musical Pierre et le Loup. Il y a pas moins de 6 versions, en français ,anglais, allemand, japonais, espagnol et néerlandais ! Avec d’illustres narrateurs : une version longtemps introuvable en allemand de Romy Schneider, à l’époque des Sissi, en espagnol avec Miguel Bosé, et en français c’est Claude Piéplu qui est annoncé sur la pochette… et c’est Peter Ustinov qu’on entend aux côtés d’Igor Markevitch et de l’Orchestre de Paris (1969). Le même Peter Ustinov, enregistré plusieurs années auparavant, est également présent dans la version anglaise avec Karajan et le Philharmonia (chef et orchestre qui manquent singulièrement de poésie !)

Les Ballets

C’est sans doute le point faible de ce coffret. En dehors des versions archi classiques d’André Previn de Roméo et Juliette et Cendrillon et du bien médiocre Fils prodigue de Lawrence Foster, rien dans les autres ballets et musiques de scène de Prokofiev à se mettre dans l’oreille ! En revanche une belle surprise avec les trois suites de Roméo et Juliette, dues à Armin Jordan et l’orchestre de la Suisse romande, passées sous les radars à leur sortie.

Rien de neuf non plus côté musiques de films ou assimilées : l’Alexandre Nevski d’André Previn manquant vraiment de « russité », l’impressionnant Ivan le Terrible de Riccardo Muti.

Les opéras

A l’instigation de Claude Samuel, les forces musicales de Radio France – Choeur et Orchestre National – avaient prêté leur concours à un très coûteux pour les finances d’Erato : le monumental Guerre et Paix sous la conduite passionnée de Mstislav Rostropovitch. L’Amour des trois oranges réunit la fine fleur du chant français sous la houlette nettement moins fervente de Kent Nagano.

Les symphonies

C’est toujours Rostropovitch et le National qu’on retrouve pour la plupart des symphonies (notamment pour les deux versions de 4ème), Previn conduisant les 1 et 7. On aurait pu imaginer un choix un peu plus vaste, notamment pour la 5ème symphonie…

Le livret du coffret est réduit au minimum, pas de détails sur les CD, les dates d’enregistrement etc… (tout cela c’est sur chaque pochette, écrit en minuscules minuscules !). Un bon texte de Loic Chahine en trois langues.

Précision : j’achète tous les disques et coffrets que je commente et présente dans mon blog. Je n’ai jamais demandé ni reçu ce qu’on appelle dans le jargon professionnel des « services de presse » (gratuits).

Celles que j’aime

Je n’ai pas besoin du prétexte de la Journée internationale du droit des femmes pour célébrer les musiciennes (lire Des femmes à la première chaise )

Mais puisque l’occasion m’en est donnée, j’aimerais citer quelques disques qui m’enchantent et qu’on doit à quelques talents exceptionnels.

Beatrice et Clara

Les lecteurs de ce blog ne seront pas surpris de lire le nom de Beatrice Rana qui célèbre le couple Schumann, en particulier Clara Wieck qui, avant même qu’elle ne rencontre puis épouse le compositeur Robert Schumann, était une star des cours et des salons romantiques.

J’ai bien lu sous quelques plumes machistes que le talent de la compositrice n’arrivait pas au niveau de celui de la pianiste, sous entendu qu’entre Robert et Clara y a pas photo ! Ce disque les confronte et si l’on veut bien se laver les oreilles de tout préjugé, on saura gré à Beatrice Rana et son complice Yannick Nezet-Séguin de les avoir réunis.

Marie Oppert entre Hollywood et Broadway

On avait remarqué Marie Oppert à la Comédie-Française dont elle est pensionnaire depuis un an (lire La leçon de Galilée) mais on n’avait pas prêté attention à sa nomination aux Victoires de la musique classique, ni à ce disque ravissant où la jeune comédienne se coule sans effort apparent dans la grande tradition de ses illustres aînées américaines, sans jamais les singer. Petit bijou !

Marie-Ange et Rachmaninov

Je doute malheureusement qu’on demande à Marie-Ange Nguci (lire La révélation Marie-Ange )d’enregistrer par exemple du Rachmaninov en cette année du sesquicentenaire du compositeur russe. On a heureusement des captations de concert où cette magnifique artiste trouve en Case Scaglione et l’Orchestre national d’Ile-de-France des complices inspirés.

Rachmaninov soviétique

J’avais vu passer cette Rachmaninoff Collection éditée par la firme Melodia – producteur exclusif de disques du temps de l’Union soviétique – pour le 145ème (sic) anniversaire de la naissance de Serge Rachmaninov, en 2018 donc. Je ne m’y étais pas attardé en raison d’un prix prohibitif – entre 300 et 400 € selon les fournisseurs – et du peu d’informations qu’on avait du contenu du coffret.

Il y a quelques jours, parcourant la colonne des « bonnes affaires » ou « offres spéciales » du site allemand jpc.de– où j’ai fait nombre de belles trouvailles – je suis tombé sur une offre, cette fois irrésistible, 130 € pour une véritable malle aux trésors (33 CD et un vinyle) : Sergej Rachmaninoff – Die Melodiya-Edition. Les frais de port sont très peu élevés, et pour les non-germanophones, le site peut aussi être consulté en anglais.

Comme pour les coffrets précédents consacrés à Sviatoslav Richter, Emile Guilels ou Evgueni Svetlanov, la présentation est très soignée, avec un livret quadrilingue, et sur chaque pochette cartonnée en trois volets toutes les précisions nécessaires (toujours en quatre langues) sur les interprètes, les dates et lieux d’enregistrement.

Inutile de dire qu’on va de surprise en émerveillement, parce qu’aux références déjà connues et éditées en Occident s’ajoutent nombre d’enregistrements d’interprètes moins connus, mais tout aussi passionnants, qui témoignent de l’art de plusieurs générations de musiciens de l’ère soviétique abordant un compositeur d’abord honni, puisque ayant fui la mère patrie sans jamais y être revenu.

Tous les détails de ce coffret à voir ici : Rachmaninoff Collection tracklist

De précieux documents connus (Rachmaninov lui-même au piano, Horowitz) et d’autres que je découvre comme ce prélude op.23/5 joué en 1924 par…Prokofiev (YouTube cite une autre date, 1919, pour un enregistrement sur rouleau, miraculeusement restitué)

Celui qui fut, dans sa jeunesse, un virtuose célèbre en URSS, Victor Eresco, 80 ans, vit, semble-t-il, une retraite paisible en Bourgogne, où il est installé depuis plusieurs années !

Nombre de représentants de la grande école de piano russe – si tant est que le terme ait un sens – moins connus que les figures de proue, figurent dans ce coffret. On y retrouve aussi des interprètes devenus mondialement célèbres, comme Nikolai Luganski :

Et bien sûr des versions maintes fois célébrées – Svetlanov dans la 2ème symphonie ou L’île des morts – Kondrachine dans les Danses symphoniques, la version qui trône au sommet de la discographie, la plus désespérée, la plus tragique.

Les deux Serge

Le numéro de février de CLASSICA consacre sa une et une grande partie de son contenu à deux compositeurs, qu’on n’a pas forcément l’idée d’associer… et pourtant ! Excellente initiative d’évoquer les deux Russes les plus connus du tournant du XXème siècle, les deux Serge, l’aîné Rachmaninov – ou Rachmaninoff comme on l’orthographiait jusqu’à ce que la transcription internationale du russe prenne le dessus – (1873-1943) et le cadet Prokofiev/Prokofieff (1891-1953).

Sans doute parce qu’il y a quelques anniversaires à célébrer : le sesquicentenaire de la naissance et les 80 ans de la mort de Rachmaninov, pour Prokofiev les 70 ans de sa mort (le même jour que Staline !). Qu’à cela ne tienne, tout prétexte est bon pour parler de musique.

Quasi contemporains, ils ont quitté leur Russie natale pour les mêmes raisons – la Grande Guerre, la prise de pouvoir par les bolcheviks – Rachmaninov en 1917, Prokofiev en 1918. Le premier ne reverra jamais le pays, le second y reviendra, dans la pire période stalinienne, s’installant définitivement à Moscou en 1936.

L’un et l’autre étaient de formidables pianistes (s’il en était besoin, Alain Lompech et les pianistes russes Nikolai Luganski et Alexandre Melnikov nous le rappelleraient).

Les dossiers et interviews sont passionnants, en particulier ceux de Laetitia Le Guay – jadis connue comme jeune productrice à France Musique – auteur d’un excellent Serge Prokofiev chez Actes Sud.

Il faut lire ce numéro, même et surtout si on croit bien connaître l’un et l’autre compositeurs. Il y a toujours à apprendre. Notamment dans les interviews de Nikolai Lugansky et Melnikov. Qui vont à l’encontre de pas mal d’idées reçues. On y reviendra !

Classica fait des recommandations discographiques. On ne les évoquera pas toutes ici, puisqu’on « feuilletonnera » au fil de l’année une sorte de discothèque idéale pour l’un et l’autre compositeurs.

Pour ce qui de l’intégrale des symphonies de Prokofiev, j’aimerais vraiment mettre en valeur une version ignorée d’à peu près tous les guides, et jamais citée en « référence », alors qu’elle est, à mes oreilles, l’une des plus idiomatiques, celle de Jean Martinon réalisée en 1970 avec l’Orchestre national de l’ORTF pour le label américain Vox. Dans une prise de son admirable, le chef et l’orchestre français font éclater toute la modernité du symphonisme de Prokofiev.

Quand je déplorais la lenteur et la lourdeur de Riccardo Chailly et de son orchestre scaligère dans la 1ère symphonie dite « classique » (lire Bachtrack) – il semble que ce travers soit contagieux, à en croire mon confrère qui a assisté au concert de Pappano avec la même oeuvre – La tiédeur de Pappano – j’avais en tête la malice, l’ironie, le rebond de Martinon :

Le bicentenaire oublié : Lalo ou l’éternel second

Sur les réseaux sociaux, en ce 27 janvier, il n’y en a que pour Renaud C. qui fête ses 47 ans aujourd’hui. La belle affaire ! ce serait donc le seul musicien connu à être né un 27 janvier…

Un lointain Wolfgang Amadé Mozart? aussi un 27 janvier 1756, mais ça ne fait pas un compte rond.

Qui d’autre ? un Lillois au patronyme fleurant bon l’Ibérie de ses ancêtres ? Édouard Lalo est né, il y a 200 ans, le 27 janvier 1823. Mais tout le monde l’a oublié, à l’exception de Diapason dans son numéro de février. Pas un coffret annoncé chez Warner par exemple !

Je n’avais sans doute pas tort de commettre un texte intitulé : Lalo ou l’éternel second. Dans le livret du premier disque monographique que j’avais fait enregistrer à l’Orchestre philharmonique de Liège en 2002.

Je ne vais pas répéter ici ce que je rabâche depuis des années : pourquoi l’unique symphonie de Lalo n’est-elle jamais au programme d’aucun concert ?

J’ai repêché sur un site étranger de seconde main une version dont je connaissais l’existence mais que je n’avais trouvée en CD, celle d’Antonio de Almeida (1928-1997), ce chef français qui a tant fait, surtout en dehors de l’Hexagone d’ailleurs, pour la musique française. Decca aurait-il la judicieuse idée de la rééditer en numérique ?

Dommage que le dossier signé Gilles Saint-Arroman dans Diapason, ne consacre pas une seule ligne à cette symphonie contemporaine de la 3ème de Saint-Saëns, ni même une indication discographique (au moins la version Beecham !).

En revanche, parmi les « cinq joyaux » discographiques recommandés par le magazine, figure en première place un coffret que j’avais ardemment souhaité, puis organisé, avec le concours du Palazzetto Bru Zane: toute l’oeuvre concertante de Lalo, avec l’orchestre de Liège bien sûr, la direction lumineuse de Jean-Jacques Kantorow et une belle brochette de jeunes solistes belges et français.

On aura l’occasion de revenir sur ce bicentenaire, et si je dois être le seul à faire revivre la diversité de l’oeuvre de ce grand compositeur, je m’en acquitterai avec ardeur. Prochains épisodes consacrés aux ouvrages lyriques, aux ballets et pièces d’orchestre, avec quelques pépites discographiques pour les oeuvres les plus connues (Symphonie espagnole, concerto pour violoncelle…)

Qui aime bien châtie bien

Trois raisons ce matin d’illustrer le proverbe médiéval Qui bene amat, bene castigat. À propos de trois pianistes.

Fazil Say l’intranquille

Ici même j’écrivais ce billet : Mes préférés : Fazil Say quelques semaines avant d’entendre, en juillet 2017, le récital du pianiste turc à Montpellier. Je lui avais demandé un programme tout Mozart, ce qui l’avait d’abord surpris (parce qu’on ne remplit pas une salle avec des sonates de Mozart ?), pour changer aussi les habitudes d’un public – celui du Festival Radio France – acquis d’avance depuis les débuts du pianiste vingt ans plus tôt.

J’assistais mercredi dernier à son récital au théâtre des Champs-Elysées. J’en ai fait le compte-rendu dans et pour Bachtrack : Au Théâtre des Champs-Elysées, Fazil Say l’intranquille.

La déception que j’ai éprouvée est à la mesure de l’admiration que je porte à l’artiste.

Remarque à l’attention des responsables du Théâtre des Champs-Elysées (mais cela vaut pour quasiment toutes les salles de concert que je fréquente !) : les minutages indiqués sont toujours faux pour le public. Si l’on en croit le panneau électronique dans le hall du théâtre mercredi dernier, la première partie se terminait au bout de 35 minutes. Or ces 35 minutes ne sont que l’addition – approximative d’ailleurs – des durées des trois oeuvres, et ne tiennent évidemment pas compte de ce qui se passe sur scène, des allers-retours du pianiste, des applaudissements, etc… Mieux encore, le minutage de la seconde partie fait l’impasse sur les bis. Résultat, un récital qui devait s’achever selon cette annonce à 21h35, s’est achevé à 21h55 !

J’avais coutume de demander, à Liège ou à Montpellier, où le public voulait surtout savoir vers quelle heure s’achèverait le concert, qu’on rajoute 20 minutes au minutage strict du programme. Et ça tombait toujours juste !

Les petits marteaux de Gavrilov

Je me réjouissais de retrouver la totalité des enregistrements réalisés par le pianiste suisse d’origine russe Andrei Gavrilov, mon quasi contemporain, pour Deutsche Grammophon, republiés dans la collection Eloquence (petit conseil en passant : le site anglais Prestomusic propose le coffret de 10 CD à 25 € de moins que la FNAC !)

CD 1

JOHANN SEBASTIAN BACH (1685–1750)
Goldberg Variations, BWV 988                                                                                                                                         

CDs 2–3
JOHANN SEBASTIAN BACH (1685–1750)
French Suites Nos. 1–6                                                                                                                                                        

CD 4
FRANZ SCHUBERT (1797–1828)
Impromptus, D.899 & 935                                                                                                                                                  

CD 5
FRÉDÉRIC CHOPIN (1810–1849)
Piano Sonata No. 2 in B flat minor, Op. 35
Four Ballades 

CD 6
EDVARD GRIEG (1843–1907)
Lyric Pieces (selection)

CD 7
SERGEI PROKOFIEV (1891–1953)
Piano Sonata No. 3 in A minor, Op. 28
Piano Sonata No. 7 in B flat major, Op. 83
Piano Sonata No. 8 in B flat major, Op. 84

CD 8
SERGEI PROKOFIEV (1891–1953)
Ten Pieces for Piano from Romeo and Juliet, Op. 75                                                                                              
Suggestion diabolique, Op. 4 No. 4                                                                                                                                
Prelude in C major, Op. 12 No. 7                                                                                                                                     

MAURICE RAVEL (1875–1937)
Gaspard de la nuit                                                                                                                                                                           
Pavane pour une infante défunte                                                                                                                                   

CD 9
BENJAMIN BRITTEN (1913–1976)
Friday Afternoons, Op. 7
Sailing, Op. 5 No. 2 (Holiday Diary)
The Ballad of Little Musgrave and Lady Barnard                                                                                                      
Night, Op. 5 No. 4 (Holiday Diary)
The Golden Vanity, Op. 78                                                                                                                                                 
Gernot Fuhrmann, Mark Bittermann, Michael Matzner, trebles
Thomas Weinhappel, Wolfgang Wieringer, boy altos
Wiener Sängerknaben · Jaume Miranda, chorus master
Chorus Viennensis · Peter Marschik, chorus master

CD 10
IGOR STRAVINSKY 
(1882–1971)
Scherzo à la Russe                                                                                                                                                                 
Concerto for Two Pianos                                                                                                                                                     
Sonata for Two Pianos
Le Sacre du printemps
Vladimir Ashkenazy, piano (II)

La quasi totalité de ces gravures date du tournant des années 90, à une époque où le jeune virtuose flamboyait, impressionnait par sa technique d’acier.

C’est peu dire qu’on est surpris par des Bach qui semblent singer Glenn Gould, des petits marteaux sans âme. Mais le même phénomène se retrouve dans une oeuvre où, a priori, le pianiste moscovite devrait être plus à son aise, le Roméo et Juliette de Prokofiev. C’est mieux, beaucoup mieux même, dans Chopin, Grieg, les sonates de Prokofiev, le duo avec Ashkenazy dans Stravinsky et cette étrangeté Britten.

J’ai retrouvé sur YouTube un récital donné par Gavrilov à la même époque, dans une rue d’Amsterdam (!) : Chopin et Prokofiev au programme :

J’avais évoqué ici l’étrange bouquin – autobiographie ? mémoires ? – publié à compte d’auteur (Tchaikovski, Fira et moi, Scènes de la vie d’un artiste) où Gavrilov raconte sa jeunesse moscovite et l’amitié particulière qui le lia à Sviastolav Richter.

Je n’ai personnellement jamais entendu Gavrilov en concert, je pensais même qu’il avait renoncé à jouer en public. Et puis j’ai trouvé ce récital récent, il y a deux ans au Japon. Le jeune chien fou des débuts est devenu poète, malgré des moyens affaiblis mais encore impressionnants.

Le piano d’un dandy

Piano Classics ressort en 4 CD l’intégrale de l’oeuvre pour piano de Reynaldo Hahn (1874-1947) gravée il y a une dizaine d’années par un jeune pianiste italien, 35 ans, Alessandro Deljavan, demi-finaliste du concours Van Cliburn en 2013.

Je n’ai pas le souvenir d’avoir jamais vu son nom à l’affiche des salles de concert françaises.. malgré nombre de critiques favorables à propos de ses disques, notamment des Chopin très intéressants.

J’ai chroniqué pour un site de vente en ligne cette réédition Reynaldo Hahn, une somme de petites pièces d’un goût toujours sûr, même si elles ne sont pas essentielles. Lire ici