Ceinture pour la culture

Dans le bilan que je tirais de la dernière édition du Festival Radio France que j’ai organisée à Montpellier, en 2022, j’écrivais, pour commenter les bons résultats de ce cru, qui ne retrouvaient cependant pas l’étiage de 2019 de l’avant-COVID :

« On n’a pas fini de mesurer les changements profonds que la pandémie a engendrés pour les artistes comme pour le public. »

« Il y a bien un avant et un après et il ne faudra pas se contenter de généralités approximatives si l’on veut comprendre les nouvelles attentes d’un public qui s’est déjà largement renouvelé ».

J’ai appris depuis longtemps qu’il ne fait pas bon jouer les Cassandre. Je n’ai jamais, pour autant, restreint ma liberté de parole (cf. L’Absente), et ce n’est pas maintenant que je ne suis plus « en responsabilité » que je vais changer.

On lit depuis quelques jours des articles alarmistes sur les restrictions imposées aux grands établissements culturels (voir l’article du Monde daté du 4 avril) le gouvernement, après sa période de prodigalité – qui a tout de même sauvé des pans entiers de notre économie, dont la culture – étant contraint de serrer la ceinture budgétaire à tout le monde. Et voici que, dans Le Monde de ce week-end, Michel Guerrin balance quelques vérités très bonnes à dire… et confirme deux ans après ce que je pressentais en 2022. :

« Les 3 milliards d’euros injectés pour sauver la culture lors de la crise liée au Covid-19 n’ont pas été l’occasion de réformer un secteur marqué notamment par une offre surabondante. Au point que le monde du spectacle, déjà mal en point avant la pandémie, se retrouve dans une situation pire depuis »

« L’Etat a sauvé la culture sans vraiment évaluer les besoins ni jauger les résultats. Il a piloté à vue, provoquant quelques beaux gâchis, et continue de naviguer dans le brouillard.

Le constat, développé par la Cour des comptes dans un rapport publié en mars, est d’autant plus douloureux que l’Etat cherche 10 milliards d’euros d’économies et vient de « piquer » 200 millions d’euros à la culture« 

Je fais une incise pour rappeler que je ne suis pas un grand fan de la Cour des comptes en matière de culture. Je me rappelle quelques entretiens surréalistes, lorsque j’étais à Radio France, avec des inspecteurs de la rue Cambon (siège de la Cour des Comptes), qui démontraient de leur part une méconnaissance totale de la matière qu’ils étaient censés contrôler… J’invite à relire l’article que j’avais consacré à ce sujet il y a un an : Trop de musique ? où je rappelais que « si le général de Gaulle affirmait en 1966, à propos de la Bourse : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille », on renverrait bien la formule aux magistrats de la rue Cambon : « La politique culturelle de la France ne se fait pas à la Cour des Comptes«

Mais je suis – malheureusement – d’accord avec la Cour des comptes et surtout Michel Guerrin lorsque ce dernier écrit :

L’essentiel des griefs est à venir. L’argent ne devait pas servir seulement à sauver le secteur culturel, mais à le moderniser en profondeur : estimer ce qui marche ou pas, définir des priorités. Il ne s’est rien passé, ou presque, déplorent les magistrats. Pire, de l’argent a été investi dans des programmes en dépit du bon sens. L’Etat n’a pas fait la différence entre un théâtre qui allait mal à cause de la crise liée au Covid-19 et un autre, déjà malade auparavant en raison de dysfonctionnements profonds. Des lieux se sont retrouvés avec plus d’argent que le ministère ne leur en donnait en temps normal.

Le résultat ? L’argent du Covid-19 a fait grossir l’offre culturelle. C’est effarant, car aujourd’hui, alors que la pandémie semble loin, le monde du spectacle, déjà mal en point auparavant, se retrouve dans une situation pire. Des théâtres et des opéras n’ont plus l’argent nécessaire pour produire une saison pleine ; ils suppriment une pièce ou une chorégraphie, écartent de jeunes artistes au profit de noms qui font remplir la salle. » (Michel Guerrin, Le Monde 6/7 avril 2024)

Je ne connais pas le détail des arbitrages de la ministre de la Culture, et surtout de Bercy : Rachida Dati affirme qu’elle a tapé dans le porte-monnaie des gros pour préserver les petits, notamment en province (oups, pardon, « les territoires »).

Responsabilité collective

Mais ces réductions venant de l’Etat ne doivent pas masquer un phénomène beaucoup plus large et nettement plus préoccupant. Puisque la plupart des structures culturelles ne dépendent que marginalement du ministère de la Culture, tout ce qui est spectacle vivant, diffusion et production de l’activité culturelle, est directement touché par les décisions des collectivités territoriales. On en sait quelque chose dans les villes gérées depuis 2020 par les écologistes (Lyon, Strasbourg) ou certaines régions gérées par la droite (comme Auvergne-Rhône-Alpes). Mais, de manière moins visible, il n’est pas une région française, de gauche ou de droite, qui n’ait sensiblement réduit sa contribution aux structures culturelles, tout en proclamant le contraire.

J’ai, tout au long de ma carrière dans les médias comme à la tête d’entreprises culturelles, connu les budgets « contraints », les restrictions annoncées ou brutales. Et toujours pensé que cette contrainte devait produire un sursaut d’imagination, de créativité, et non le repli sur soi. J’aurai l’occasion d’en faire état dans une série que je consacrerai prochainement à mes années liégeoises… non pour donner des leçons à quiconque mais pour faire état d’expériences réussies !

Crépuscules : Pollini, Eötvös

J’ai pris quelques jours de vacances en me promettant de me tenir loin de l’actualité.

Le cas Pollini

Mais voilà qu’après avoir débarqué sur les rivages d’une mer calme après un heureux voyage je suis submergé par les hommages que je lis de tous côtés sur le pianiste Maurizio Pollini, mort ce 23 mars.

Comme pour Frédéric Mitterrand avant-hier mon premier réflexe est de me taire, de ne rien écrire ou dire de plus que le tombereau de tributs sous lequel le disparu est déjà enseveli. J’avais écrit naguère, après un récital du pianiste italien à la Philharmonie de Paris, un billet sobrement intitulé Crépuscule, qui m’avait valu tellement de reproches, voire de sarcasmes – comment osais-je critiquer une « légende » ? – que je vais m’en tenir là.

Maurizio Pollini 21 novembre 2019 / Philharmonie de Paris (Photo JPR)

Un jour, quand je ne serai plus en vacances, j’expliquerai peut-être pourquoi je n’ai jamais marché dans le « narratif » (c’est comme ça qu’on dit aujourd’hui !) élaboré autour du personnage et même de l’artiste. Entre-temps, je réécouterai sûrement quelques-uns de ses enregistrements (je précise, tout de même, que, tout critique que je sois à l’égard de Pollini, j’ai la totalité de ses enregistrements officiels dans ma discothèque et même quelques « live »)

Peter Eötvös (1944-2024)

Peter Eötvös (1944-2024)

Je ne peux pas dire que j’ai bien connu le chef et compositeur Peter Eötvös, qui vient de disparaître à tout juste 80 ans, mais les quelques rencontres que j’ai eues avec lui m’ont marqué, pour différentes raisons. Et sa disparition, même prévisible – la maladie l’avait empêché d’assister à l’hommage que Radio France voulait lui rendre pour son anniversaire en janvier dernier -, m’attriste.

Le personnage était très attachant, exigeant mais jamais poseur, et il a sans doute fait beaucoup plus pour la « musique contemporaine » que nombre de ses collègues, parce qu’il avait le don de la pédagogie, y compris dans son écriture.

La dernière fois que j’ai eu l’occasion de faire oeuvre utile pour lui, c’était il y a neuf ans, dans mes fonctions d’alors de directeur de la musique de Radio France, comme je l’ai raconté dans un billet précédent (Suites et conséquences) :

« C’est ainsi qu’un magnifique projet de concerts et d’enregistrements fin 2014 autour de Peter Eötvös  avait  failli capoter, parce que la mise en place des répétitions et des concerts dans les deux toutes nouvelles salles de concert de la Maison de la radio (Studio 104 et Auditorium) s’avérait très compliquée du fait des effectifs requis. Il n’y avait pas de maison de disques partenaire à l’horizon.  A force de conviction, de persévérance, et de beaucoup de bonne volonté de la part de toutes les personnes impliquées, on a pu organiser les répétitions, les concerts, puis la collaboration entre Radio France et le label Alpha, membre du groupe Outhere (le même éditeur que le coffret Lalo des Liégeois !). Le disque vient de sortir, où ma préférence va, je l’avoue, à la prestation pyrotechnique de Martin Grubinger !

J’ajouterai à ce que j’écrivais en 2016 que l’organisation administrative qui régissait alors les services de Radio France mettait tous les freins possibles à ce qui ‘n’entrait pas dans les périmètres balisés des uns et des autres…

Je reviendrai plus tard sur d’autres souvenirs de cette lumineuse personnalité…

L’effet de printemps : Ravel, Fauré, Marriner, Haydn etc.

Quand le blogueur ne se sent pas de traiter un sujet en particulier, il fait un panier fourre-tout de ce qui l’a touché, de ce qu’il va lire, écouter, de préférence sous un titre en forme de mauvais jeu de mots (cf. Faits d’hiver).

Eliminons d’emblée une actualité qui produit toujours les mêmes effets de meute (lire La dictature de l’émotion) : j’ai rencontré quelques fois dans ma vie professionnelle Frédéric Mitterrand, il m’est arrivé de le lire, de le regarder à la télévision, j’ai aimé son film sur Madame Butterfly, mais comme tout été dit, et maintenant le contraire de tout, à son sujet, je ne me suis pas cru obligé de proclamer mon hommage sur les réseaux sociaux, où l’odieux le dispute à l’excès dans l’admiration comme dans la détestation.

Encore un effort pour M. Haydn

Mercredi soir, j’assistais à un concert de l’Orchestre de chambre de Paris, dont j’ai rendu compte sur Bachtrack (voir Le génie de Haydn).

J’y ai entendu une 80e symphonie de Haydn de toute beauté, un orchestre dans une forme olympique et me suis une fois de plus interrogé sur les raisons de l’absence du plus grand symphoniste de l’histoire des programmes de concert. La dernière fois que j’avais entendu du Haydn en concert, c’était au Louvre, avec et grâce à Julien Chauvin et son Concert de la Loge, lui aussi en forme olympique !

Comme si Haydn était trop difficile, trop exigeant, pour les orchestres comme pour les chefs…

Après avoir donné les Variations Rococo de Tchaikovski, Nicolas Altstaedt a eu l’excellente idée de donner en bis – il aurait dû l’annoncer au public ! – ce faux concerto pour violoncelle qu’est l’adagio cantabile de la 13e symphonie de Haydn.

Vivement que le nouveau chef de l’Orchestre de chambre de Paris nous donne, à tout le moins, les Symphonies parisiennes : il a l’orchestre idéal pour cela !

Le Boléro d’Anne Fontaine

J’ai profité de la relative grisaille de dimanche dernier pour aller enfin voir « le » film du moment, le Boléro d’Anne Fontaine.

En dehors du papier ‘d’Ivan Alexandre dans le dernier Diapason, je n’avais lu aucune critique du film. J’en suis ressorti ni emballé ni déçu (et pourtant je ne suis pas normand !). Dans ce genre de film sur, autour de la musique, il y a presque systématiquement des erreurs que le musicien ou le mélomane averti repère immédiatement. Rien de tel ici, et c’est un point très positif : quand Ravel/Raphaël Personnaz pose ses mains sur un clavier, même si on sait qu’il est doublé, il fait illusion. Quand le même dirige un orchestre, il ne paraît pas emprunté dans sa gestique. Quant à l’incarnation des différents rôles, Raphaël Personnaz est presque à contre-emploi, dans la froideur, la timidité figées que la réalisatrice lui a demandé de composer, Dora Tillier fait une Misia Sert plutôt conforme à l’image qu’on a d’elle, Jeanne Balibar n’a aucun mal à caricaturer une Ida Rubinstein sur le retour – exigeante commanditaire d’un Boléro que Ravel a bien du mal à accoucher. Quant à Emmanuelle Devos, elle fait oublier l’ingratitude des traits de Marguerite Long !

Le film d’Anne Fontaine vaut aussi beaucoup par le fait qu’il a été en grande partie tourné dans la maison de Ravel à Montfort-l’Amaury, maison toujours difficile d’accès, puisque son exiguïté ne permet pas de l’ouvrir à la visite, sauf sur réservation à l’avance, et par tout petits groupes !

Centenaires

En dressant la liste, en début d’année, des anniversaires que 2024 allait permettre de célébrer, j’avais évoqué Gabriel Fauré, mort le 4 novembre 1924, mais oublié le chef anglais Neville Marriner, né lui il y a cent ans, le 15 avril 1924.

Je viens de recevoir deux coffrets, commandés il y a plusieurs semaines. Je vais mettre à profit quelques jours de vacances pour les découvrir (Fauré) ou les redécouvrir (Marriner).

C’est Lucas Debargue qui a voulu, conçu cette intégrale du piano de Fauré, et qui a lui-même rédigé le texte de présentation. Le peu que j’ai entendu me rend impatient d’écouter la suite.

Même en anglais, Lucas Debargue est tout à fait convaincant !

Dans le cas de Neville Marriner, on a affaire à un recordman du disque pour plusieurs grands labels (Philips, Argo/Decca, EMI). Ce coffret rassemble 80 CD (!) réalisés pour la plupart à partir des années 80 pour EMI. On y reviendra bien sûr pour détailler toutes les pépites de ce coffret, et du même coup restituer au chef anglais sa vraie place dans l’histoire de l’interprétation au XXe siècle.

Parmi les surprises de ce coffret, un disque dédié à Manuel de FallaLe Tricorne et les Nuits dans les jardins d’Espagne avec Tzimon Barto au piano !), qu’on trouvera peut-être trop élégant, pas assez rugueux !

2890 jours : ils ont fait Montpellier (V) Top chefs

Durant mon mandat à la direction du Festival Radio France Montpellier Occitanie (lire 2890 jours) de 2014 à 2022, comme pendant mes années à l’Orchestre philharmonique royal de Liège (Merci), j’ai eu l’obsession de faire découvrir, de susciter la curiosité du public. Après les pianistes, les clavecinistes, les instrumentistes et les formations à cordes, place aux orchestres, choeurs et à leurs chefs et cheffes. Qui nous ont offert des soirées mémorables, sans doute les plus marquantes du festival. Et si certains ensembles et chefs étaient déjà familiers de Montpellier, je suis heureux d’avoir pu inviter des femmes et des hommes de très grand talent, qui, pour certains, occupent aujourd’hui les positions les plus en vue.

Je rêve – peut-être pour les 40 ans du festival – d’une édition discographique qui regrouperait les grandes heures symphoniques et chorales du Festival. Et pourquoi pas ‘d’une chaîne thématique spécifique sur France Musique ?

Montpellier pilier du Festival

Nul n’aurait pu imaginer le festival, hier et maintenant, sans la présence essentielle de l’Orchestre national Montpellier Occitanie. La liste des productions auxquelles il a participé est impressionnante. Il faut en remercier ici tous les musiciens qui n’ont jamais ménagé leur engagement, et donc beaucoup me disaient qu’ils attendaient avec impatience le mois de juillet et l’aventure du Festival.

2015 : Fantasio, dirigé par le regretté Friedemann Layer (1941-2019), pour qui, cette année-là, ce furent des retrouvailles émues avec l’orchestre qu’il avait dirigé de 1993 à 2007.

Pour l’ouverture du festival, j’avais fait appel à Domingo Hindoyan (1980) devenu entre-temps directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Liverpool

et pour la clôture à mon cher Christian Arming, tout indiqué comme Viennois pur jus pour diriger la IXe symphonie de Beethoven !

2016 : Michael Schønwandt  comme chef principal de l’ONM a, bien entendu, été de toutes nos aventures, surtout lorsqu’il s’agissait de redécouvrir quelques fameux ouvrages lyriques (lire 17 opéras)

Mon très cher Paul Daniel, invité en 2015 avec l’Orchestre de Bordeaux, devait diriger l’ONM pour plusieurs concerts Beethoven dans la région Occitanie, lorsqu’est survenu l’effroyable attentat de Nice le soir du 14 juillet 2016. Spontanément, Paul Daniel, les musiciens de l’ONM, la Ville de Montpellier et moi avons décidé d’un hommage, diffusé en direct sur France Musique, le dimanche 16 juillet au soir : L’hommage de Montpellier aux victimes de l’attentat de Nice (Le Figaro)

Domingo Hindoyan revient, cette fois, avec la grande Sonya Yoncheva, son épouse à la ville, pour l’opéra Iris de Mascagni (17 opéras)

2017

Jader Bignamini (Bellini, les Puritains)

Domingo Hindoyan (Siberia Giordano)

Michael Schønwandt 

2018

Marzena Diakun

Michael Schønwandt  (Delibes / Kassya)

George Pehlivanian

2019

Kristjan Järvi

Au lendemain de l’ouverture du festival par son père, Neeme Järvi, son fils Kristjan dirigeait l’ONM dans un programme contemporain

Les violonistes Daniel Lozakovich et Mari Samuelsen encadrant Kristjan (debout) et Neeme Järvi (assis)

Michael Schønwandt  (D’Indy /Fervaal)

2021

Michael Schønwandt 

Domingo Hindoyan : très grand souvenir de la soirée de clôture du festival 2021 avec une carte blanche à Sonya Yoncheva et à son mari !

2022

Pierre Dumoussaud : heureux d’avoir pu compter sur le formidable talent du jeune chef français pour l’ouverture (le 14 juillet) de mon dernier festival, et le Concours Eurovision des jeunes musiciens

Le jury du Concours Eurovision 2022 : debout de gauche à droite le violoniste Tedi Papavrami, la hautboïste Nora Cismondi, le violoncelliste Christian-Pierre La Marca, assis JPR et la présidente du jury, la pianiste Mūza Rubackytė

Michael Schønwandt  (Thomas / Hamlet)

Christopher Warren-Green, une première à l’ONM pour le chef britannique, avec un soliste au patronyme illustre : Gabriel Prokofiev

Les formations de Radio France

Très logiquement, et suivant le pacte fondateur du Festival en 1985, j’ai invité chaque année les formations musicales de Radio France.

Orchestre national de France

2015 Alexander Vedernikov est tragiquement disparu le 26 octobre 2020 à 56 ans des suites du Covid-19.

2016 John Neschling, le grand chef brésilien dirigeait un programme particulièrement original : Epiphanie d’André Caplet (avec le violoncelliste Marc Coppey) et la Symphonie lyrique de Zemlinsky

De 2017 à 2019 c’est Emmanuel Krivine, directeur musical de l’ONF de 2017 à 2020, qui est naturellement venu à Montpellier pour des programmes toujours élaborés dans l’esprit du Festival.

2021 et 2022 C’est le successeur de Krivine, Cristian Măcelaru, qui viendra défendre des programmes particulièrement originaux

Orchestre philharmonique de Radio France

2015 Patrick Davin (lire : Un ami disparaît)

2016 Pablo Gonzalez

2017 Vladimir Fedosseiev : c’est à un vétéran de la direction russe que l’OPRF et le Festival avaient fait appel pour donner la cantate Octobre de Prokofiev, écrite en 1937 pour commémorer les vingt ans de la Révolution russe.

2018 Santtu-Matias Rouvali

2019 Andris Poga

2021 Santtu-Matias Rouvali

Orchestres de jeunes

J’ai tenu, chaque année de mon mandat, à inviter des orchestres de jeunes, puisque la raison d’être même du Festival a toujours été la découverte et la promotion des jeunes talents.

Australian Youth Orchestra (19) / Krzysztof Urbanski

I Culture Orchestra (18) / Kirill Karabits

Jove Orquestra Nacional de Catalunya / Manel Valdivieso (17)

National Youth Orchestra USA (16) / Valery Gergiev

Orchestre des Jeunes de la Méditerranée (21) (22) / Duncan Ward

Les formations invitées

La liste ci-desous indique assez l’éclectisme de nos choix, dans l’idée qu’un Festival doit toujours être une fête populaire, ouverte à tous les publics, à tous les genres.

Le Bagad de Lann-Bihoué (2015)

Le Concert de la Loge / Julien Chauvin (17)(19)

Le Concert Spirituel / Hervé Niquet (15) (17) (19) (21)

Ensemble Les Surprises / Louis-Noël Bestion de Camboulas (18)

Harmonie et Orchestre de la Garde républicaine (18) / Sébastien Billard / Hervé Niquet

Orchestre de chambre de Paris (16) / Douglas Boyd

Orchestre national Bordeaux-Aquitaine (15) / Paul Daniel

Orchestre national du Capitole de Toulouse (16) (17) : Andris Poga / (19) Tugan Sokhiev / Lio Kuokman / (21) Nil Venditi

Orchestre National de Lille (17) / Alexandre Bloch

Orchestre de Pau Pays de Béarn (18) / Fayçal Karoui

Orchestre philharmonique royal de Liège (18) / Christian Arming

Orchestre philharmonique de Tampere (19) / Santtu-Matias Rouvali

Orchestre symphonique national d’Estonie (19) / Neeme Järvi

Les Passions (16) / Jean Marc Andrieu

Il Pomo d’Oro (21)

Pygmalion (16) / Raphaël Pichon

Scottish Chamber Orchestra (22) / Maxim Emelyanychev

Les Siècles (21) / François-Xavier Roth

Sinfonia Varsovia (2015)

Choeurs

Pas de festival réussi, pas de découverte de répertoires inconnus sans la présence des choeurs, celui de Radio France bien sûr, mais aussi durant tant d’années de celui de la radio lettone.

Choeur de l’Armée française (18) / Aurore Tillac

Choeur de l’Armée rouge (17) / Victor Elisseiev

Choeur de Radio France (15) (16) (17)/Sofi Jeannin, (18) Marina Batic (22) Christophe Grapperon

Choeur de la radio lettone / Sigvards Klava (15, 16, 17, 18, 19)

Les Elements (16) Jean-Marc Andrieu, (17) (19) (22) Joël Suhubiette

The King’s Singers (22)

Maîtrise de Radio France (16) / Sofi Jeannin

Opera Junior (16) / Vincent Recoin

Orfeo Donostiarra (2015)

A tous ces formidables ensembles, orchestres, choeurs, et leurs chefs, une immense gratitude pour tant d’émotions partagées.

Planètes parisiennes

Etrange comme un concert peut faire surgir tant de souvenirs. C’était le cas jeudi dernier à la Maison de la radio avec le concert de l’Orchestre philharmonique de Radio France et Daniel Harding. Dans le compte-rendu – enthousiaste – que j’en ai fait pour Bachtrack (lire Les constellations sonores de Daniel Harding avec l’Orchestre philharmonique de Radio France), j’évoque précisément deux souvenirs indélébiles.

Pour Daniel Harding et l’OPRF, c’était, sauf erreur de ma part, des retrouvailles neuf ans après une première rencontre des plus fécondes, à des dates que nul n’a pu oublier : les 8 et 9 janvier 2015, au lendemain des attentats contre Charlie Hebdo (lire Le silence des larmes).

Quant à Éric Tanguy, dont l’OPRF et Daniel Harding donnaient la première parisienne de Constellations, c’est une vieille histoire si j’ose dire. Un peu par hasard, assistant à l’une des premières éditions du festival Présences, en 1994, j’avais découvert le 1er quatuor à cordes d’un compositeur alors âgé de 25 ans et j’en avais été ébloui. Depuis, je n’ai jamais perdu de vue ni d’oreille un créateur qui n’a jamais hésité à affirmer une personnalité parfois à rebours des modes et des dogmes.

Eric Tanguy et Daniel Harding devant les musiciens de l’Orchestre philharmonique de Radio France

Il faudra écouter ce concert lorsqu’il sera diffusé sur France Musique le 5 avril prochain !

Les jeunes filles de la Maitrise de Radio France très applaudies par le public à l’issue des Planètes de Holst

Un extrait de « Jupiter » des Planètes de Gustav Holst / Orchestre philharmonique de Radio France, dir. Daniel Harding (Vidéo JPR / Reproduction interdite)

La victoire de la musique

Je me suis souvent exprimé ici sur les Victoires de la musique classique, avec d’autant plus de liberté que c’est moi qui avais jadis décidé d’associer France Musique à cette manifestation. Je note d’ailleurs qu’aujourd’hui le président de ces Victoires n’est autre que le directeur de France Musique, Marc Voinchet . CQFD !

Victoires 2024

Je n’ai pu suivre que la fin de la cérémonie d’hier – j’avais une bonne excuse, un concert à la Maison de la radio (critique à suivre sur Bachtrack) – mais ce que j’en ai vu et les récompenses attribuées m’ont fait bonne impression. Juste une remarque quant à la présentation : quand Frédéric Lodéon tenait la barre de ces soirées (il l’a fait jusqu’en 2018), peu importait le ou la comparse qu’on lui adjoignait, il dominait le sujet sans conteste possible. Depuis lors, comme pour toutes les manifestations musicales, on nous impose un Stéphane Bern plus guindé que jamais dans un style qui n’est plus supportable pour parler de musique et de musiciens classiques. Quel contraste hier soir avec Clément Rochefort, l’un des meilleurs producteurs que France Musique ait recrutés et formés depuis longtemps ! Que n’a-t-on laissé ce dernier piloter seul la soirée !

(Avec Clément Rochefort dans les studios de France Bleu Hérault à Montpellier en 2019)

Joie de revoir ma chère Karine Deshayes, plus éblouissante que jamais en ce 29 février – jour anniversaire de Rossini ! – avec son complice Florian Sempey. Dommage qu’il y ait eu quelques soucis de micro dans cet extrait, mais cela ne gâche pas notre plaisir… et notre admiration pour ces chanteurs.

Pas beaucoup de surprise à l’annonce des lauréats comme soliste instrumental – Alexandre Kantorow ne quitte guère les sommets qu’il a atteints depuis sa m&daille d’or au Concours Tchaikovski 2019 – ou soliste vocal – le ténor Benjamin Bernheim qui doit chanter Roméo et Juliette au Metropolitan Opera de New York dans quelques jours. Heureux que Marie Jacquot soit distinguée comme « révélation chef d’orchestre », quoique cet intitulé me paraisse à la limite du ridicule s’agissant d’une musicienne à qui sont déjà confiées d’importantes responsabilités.

Comme le public, je découvre les talents de la compositrice Florentine Mulsant, de la gambiste Salomé Gasselin ou encore de la jeune mezzo-soprano Juliette Mey.

Plus étrange est la nomination dans la catégorie « Enregistrement » du coffret d’hommage à Nicholas Angelich. On se demande d’ailleurs si cette récompense attribuée à un seul disque classique est pertinente : il y a une telle production qui n’est plus et de loin l’apanage du seul CD qu’il est illusoire de prétendre distinguer « le meilleur enregistrement . Ici, il eût été ô combien plus pertinent que ce coffret soit placé hors catégorie.

Le génie de Moussorgski

Mercredi soir, j’assistais à la première de la série de représentations de Boris Godounov proposées jusqu’au 7 mars par le théâtre des Champs-Elysées. J’ai rendu compte pour Bachtrack de cette production créée à Toulouse en décembre dernier : Les grosses ficelles d’Olivier Py dans Boris Godounov au théâtre des Champs-Elysées.

Mais si l’on fait abstraction de ces trucs de mise en scène, et de la relative déception d’une direction assez banale, il faut louer sans réserve tous les chanteurs de cette production (ce sont les mêmes à Toulouse et à Paris), dont la star aurait dû être Mathias Goerne dans une prise de rôle pour lui. Le baryton allemand ayant déclaré forfait, il a été, très avantageusement, remplacé par Alexander Roslavets dans le rôle-titre

Au cas où on n’aurait pas compris la fine allusion au tsar Boris (Poutine) recevant au Kremlin le prince Chouiski (Macron)

Comme je l’écris dans Bachtrack, je songeais en écoutant Roslavets à ce qui s’était passé, il y a 111 ans, sur cette même scène : pour la saison inaugurale du théâtre construit par Auguste Perret, c’est le grand Fiodor Chaliapine qui reprenait le rôle-titre du chef-d’oeuvre de Moussorgski, qu’il avait chanté cinq ans plus tôt au Châtelet.

La voix des justes : Badinter, Ozawa

Ce n’est pas la première fois que la camarde tire groupé : on apprenait ce vendredi la disparition de deux géants, Robert Badinter et Seiji Ozawa. A leur manière, ils ont servi les mêmes idéaux, et ils auraient pu se rejoindre sur la musique: s’il en avait encore eu la force et la volonté, Ozawa – qui a créé l’opéra de Messiaen, Saint-François d’Assise – aurait pu créer l’opéra de Thierry EscaichClaude – sur un livret de Robert Badinter, inspiré – il n’y a pas de hasard ! du roman Claude Gueux de Victor Hugo.

La haine et l’hommage

Pas une note discordante dans le déferlement d’hommages à Robert Badinter depuis hier matin, comme si la mort avait la vertu d’effacer le passé, c’est sans doute bien ainsi ! Mais comme l’a très bien rappelé le beau documentaire, rediffusé hier soir sur France 5 – Robert Badinter, la vie avant tout – l’avocat d’assises puis le ministre de la justice qu’il fut successivement a été honni, vilipendé, menacé non seulement par des foules en colère, mais aussi par plusieurs partis, de la droite à l’extrême-droite, qui n’éprouvent aucune honte aujourd’hui à encenser le disparu.

Jeune assistant parlementaire d’un député de Haute-Savoie et membre des instances nationales du CDS, le parti centriste à l’époque dans l’opposition, j’avais été révolté par ces manifestations factieuses et cette haine affichée sous les fenêtres du Garde des Sceaux, et j’avais envoyé au Monde un billet pour dire mon soutien à Robert Badinter. Billet publié à ma grande surprise qui m’a valu quelques jours plus tard une lettre signée de M. Badinter lui-même, à en-tête du Ministère de la Justice, me remerciant avec une extrême courtoisie des mots que j’avais écrits en sa faveur. J’ai cet article et cette lettre quelque part dans mes archives.

Ozawa ou l’occasion manquée

J’invite à relire l’article que j’avais écrit à l’occasion du 80e anniversaire de Seiji Ozawa en 2015 (Seiji80#) notamment sur son abondante discographie heureusement bien rééditée.

L’Opéra de Paris sur son site – Hommage à Seiji Ozawa -rappelle la présence constante et régulière du chef japonais dans la fosse de Garnier ou de Bastille, et bien sûr la création sous sa direction de l’unique opéra de Messiaen, Saint-François d’Assise.

France Musique a, de son côté, rappelé les liens étroits qu’Ozawa avait noués avec l’Orchestre national de France.

Mais je m’en suis toujours voulu, alors que j’étais au coeur du système (comme directeur de France Musique de 1993 à 1999) mais pas en position de décideur, de ne pas avoir insisté tant auprès d’Hugues Gall, nommé en 1993 à l’Opéra de Paris pour en prendre la direction effective en 1995, que des responsables de Radio France, pour que Paris, la France, s’attachent les services d’un chef d’une telle notoriété qui ne demandait qu’à cultiver une passion née dès sa victoire au concours de Besançon en 1959. Au lieu de cela, Ozawa fut engagé à Vienne où il ne fut pas le plus heureux des musiciens.

D’autant que Seiji Ozawa, parmi plein de qualités, aimait et servait la musique française comme peu de ses confrères, comme en témoigne heureusement une abondante discographie pour l’essentiel réalisée à Boston – dont il fut le patron de 1973 à 2002 – et pour une belle part avec l’Orchestre national de France, et dans une moindre mesure l’Orchestre de Paris.

Malheureusement, on a vu ces dernières années des images, des vidéos qui font horreur plus qu’honneur à un homme diminué par la maladie (la même que celle qui a emporté Claudio Abbado), exhibé au mépris de toute dignité, quelles que soient les raisons invoquées.

Je veux garder l’image de l’homme malicieux, toujours en mouvement, qui aimait les musiciens et était profondément aimé d’eux, en me rappelant l’un des premiers disques qu’on m’ait offerts adolescent : sa Shéhérazade avec Chicago.

2890 jours : ils ont fait Montpellier (II) Scarlatti 555

Suite du bilan de huit années de direction du Festival Radio France à Montpellier et en Occitanie: après les 101 pianistes, les 30 clavecinistes qui ont participé en 2018 à la folle aventure Scarlatti 555 telle que la décrivait la co-présidente du Festival et PDG de Radio France, Sibyle Veil :

« Les amoureux de la musique de Scarlatti sont aujourd’hui nombreux. C’est d’ailleurs l’un d’entre eux, Marc Voinchet, directeur de France Musique qui est à l’origine d’un projet ambitieux : jouer les 555 Sonates de Domenico Scarlatti à l’occasion de 35 concerts organisés lors du festival Radio France Occitanie Montpellier, dirigé par Jean-Pierre Rousseau, dans des lieux patrimoniaux exceptionnels, sélectionnés par Jany Macaby. La volonté de faire revivre les créations de Domenico Scarlatti, trente ans après qu’elles eurent été enregistrées par Scott Ross, à l’initiative de deux anciens directeurs de France Musique, René Koering et Alain de Chambure, s’inscrit donc dans l’histoire de la chaîne et dans l’ambition renouvelée de Radio France de faire vivre toutes les musiques pour les rendre accessibles au plus grand nombre. »

L’intégralité de ce projet (lire Epidémie de Scarlatti) est toujours disponible à l’écoute sur le site de francemusique.fr.

(Le clavecin sur lequel Scott Ross a joué et enregistré son intégrale des sonates de Scarlatti au château d’assis / Photo JPR 2018)

Jean-Marc Aymes

Enrico Baiano

Olivier Baumont

Carole Cerasi

Violaine Cochard

Francesco Corti

Bertrand Cuiller

Aurélien Delage

Mathieu Dupouy

Cristiano Gaudio

Maude Gratton

Luca Guglielmi

Kazuya Gungi

François Guerrier

Frédérik Haas (coordinateur du projet)

Jean-Luc Ho

Béatrice Martin

Lars-Ulrik Mortensen

Giulia Nuti

Olga Pashchenko

Arnaud de Pasquale

Rossella Policardo

Thomas Ragossnig

Mario Raskin

Jean Rondeau

Mayako Soné

Miklos Spanyi

Justin Taylor

Kenneth Weiss

Paolo Zanzu

Merci à tous ces artistes et pardon par avance pour les oublis ou les erreurs qui seront rectifiés dès qu’ils me seront signalés !

D’une Adrienne l’autre

C’est une situation étrange et rare dans une vie de mélomane, a fortiori de critique, que de pouvoir assister à un mois d’intervalle à deux représentations du même opéra, qui n’est pas le plus couru du répertoire lyrique, Adriana Lecouvreur de Cilea.

Tamara Wilson

Le 5 décembre 2023, c’était au Théâtre des Champs-Élysées, en version de concert, un cast idéal comme je l’ai écrit dans Bachtrack : L’idéale Adriana Lecouvreur de l’Opéra de Lyon au TCE. Je n’ai rien à rajouter, ni a fortiori à retrancher à mon enthousiasme du moment.

Je n’ai malheureusement pas trouvé d’extrait vidéo de ce concert, ni de Tamara Wilson dans cet ouvrage.

La soprano américaine impressionne, non seulement par sa stature, mais surtout par l’ampleur, l’homogénéité d’une voix qui garde son velours sur toute sa tessiture. Elle était Turandot dans la récente reprise de Bastille.

Anna Netrebko

J’écrivais à la fin de mon billet du 8 décembre dernier : « J’irai voir et entendre ce qu’Anna Netrebko en fera en janvier prochain« . Promesse tenue, j’assistais mardi dernier à l’Opéra Bastille pour le compte de Bachtrack, à la première de la reprise de l’Adriana Lecouvreur mise en scène par David McVicar en 2015.

Compte-rendu à lire sur Bachtrack : Le triomphe d’Anna Netrebko dans Adriana Lecouvreur à l’Opéra Bastille

La star de la soirée c’est elle, et c’est pour elle que la foule se pressait jusqu’au dernier strapontin de Bastille. Comme on le lira sur Bachtrack, j’ai été plus réservé sur son partenaire à la scène comme à la ville.

Au disque, je n’ai jamais été pleinement satisfait par les propositions qui nous sont faites, souvent parce que le ténor en fait trop (Mario del Monaco avec Renata Tebaldi) ou que la mezzo sonne bien peu italien (Elena Obraztsova dans la seule version qui figure dans ma discothèque, mais Renata Scotto, disparue l’été dernier est une belle Adriana !)

On trouvera plus de bonheur dans ces deux DVD, le premier parce qu’il reprend le formidable casting du spectacle qu’on avait vu à Bastille en 1993 avec Mirella Freni dans le rôle titre, le second parce que c’est l’écho de la production de David McVicar, reprise actuellement à Paris, inaugurée en 2010 à Covent Garden avec un couple brûlant d’intensité !

Klaus, Nicholas, Santtu, Vincent et les autres

D’un dimanche à l’autre, je suis passé par toutes sortes d’émotions « positives ».

Le Mahler de Mäkelä

Le festival Enesco de Bucarest s’achevait le week-end dernier par deux concerts de l’orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, dirigé par son futur chef Klaus Mäkelä. J’étais évidemment curieux de découvrir ce que donnerait la rencontre entre le jeune Finlandais, qui nous a habitués à Paris à tant de belles choses, et ce fabuleux orchestre hors ses murs. J’en ai fait le compte-rendu pour Bachtrack : Klaus Mäkelä et le Concertgebouw en majesté à Bucarest. Et comme je l’ai écrit, je ne veux retenir que le souvenir d’une Troisième symphonie de Mahler, dont le dernier mouvement continue de me hanter. Je n’ai pas l’habitude de recourir à l’exagération, mais je n’avais jusqu’alors jamais entendu d’aussi sublime.

J’emprunte à une consoeur de Bachtrack, une partie du papier (The definition of love) qu’elle fit à la mi-septembre après avoir entendu les mêmes in situ. J’aurais pu signer ces lignes :

In the finale, originally subtitled What Love Tells Me, one of the finest symphonic movements ever written, tears welled in my eyes after just the first few notes. The subdued restraint and beauty in the strings was quite overwhelming. Mahler asks the question: What is love? Words truly are not enough when we have music such as this.

The intense horn and string climax, the rising double bass figures, the warmth of the oboe entry – almost vocal in quality – displayed playing of the highest calibre/…/This was Mäkelä and the RCO at their best, finding long lines, the phrasing, the nuance and that special something in a score laden with Mahler’s detailed instructions while the music became ever more urgent. Horn bells aloft again, the final climax was perfectly timed before shimmering violas and a flute, wafting like a butterfly, led us to Mahler’s definition of love. This was not the usual triumphant ending, but something much more subtle. Tonight’s concert will stay long in the memory.  (Backtrack, 16 septembre 2023, Clare Varney)

Le chapeau de paille de Vincent Dedienne

Titre provocateur qui ne correspond en rien à la réalité du spectacle vu ce jeudi soir au théâtre de la Porte Saint Martin… même si la promotion s’appuie sur la notoriété de l’humoriste/comédien.

Suivant une mode très contestable, qui consiste à faire un « avant-papier » et non une critique a posteriori, Le Monde s’était fendu d’un long article (Alain Françon embarque sur le rêve de Labiche) qui, il est vrai, m’avait intrigué, ne serait-ce que parce qu’Alain Françon n’est pas réputé pour son appétit pour la gaudriole ou le vaudeville !

Eh bien, non seulement on n’a pas regretté sa soirée, mais on a redécouvert les ressorts du théâtre de Labiche, et cette pièce en particulier – Un chapeau de paille d’Italie – qu’on n’a pas le souvenir d’avoir jamais vue sur scène.

Je n’ai pas vu l’intérêt de la contribution de Feu! Chatterton à cette mise en scène, surtout après avoir assourdi toute la salle au lever de rideau… mais elle ne dénature pas l’esprit de Labiche. Esprit de Labiche qu’Alain Françon, au contraire, exalte, décuple, en exacerbant les effets comiques, poussant chacun de ses nombreux acteurs/actrices à l’extrême de leur fantaisie (qu’on veut tous citer ici : Vincent Dedienne, Anne Benoit, Eric Berger, Emmanuelle Bougerol, Rodolphe Congé, Laurence Côte, Suzanne De Baecque, Luc-Antoine Diquéro, Noémie Develay-Ressiguier, Antoine Heuillet, Tommy Luminet, Marie Rémond, Alexandre Ruby, Balthazar Gouzou, Victor Lalmanach, Noémie Moncel, Léa Constance Piette, Fiona Stellino, Baptiste Znamenak).

On ne s’aperçoit qu’aux saluts que c’est une actrice – fabuleuse Anne Benoît – qui joue le futur beau-père de Fadinard, le jeune rentier (Vincent Dedienne) et on applaudit absolument toute la troupe sans aucune exception! Spectacle évidemment chaudement recommandé… et bravo évidemment à Vincent Dedienne qui n’avait pas besoin de nous prouver qu’il est d’abord et surtout un formidable comédien.

Pour Chostakovitch

Les fidèles de ce blog savent ma fidélité à un compatriote de Klaus Mäkelä, presque un vétéran à 37 ans (!), mon très cher Santtu-Matias Rouvali, invité régulier du Festival Radio France à Montpellier, du temps où j’en avais la charge, entre 2014 et 2021. Je ne pouvais évidemment manquer le concert qu’il dirigeait à la tête de l’Orchestre philharmonique de Radio France, à la maison de la radio, vendredi soir.

L’attraction de ce concert – sans entracte ! une « nouveauté » de la saison Radio France, il n’est jamais trop tard pour bien faire ! – était, paraît-il, la violoniste coréenne Bomsori. Dans un tube du répertoire, le concerto de Tchaikovski. La jeune femme, dans une robe rouge qu’elle arbore semble-t-il sur toutes les scènes, est bardée de prix et sort un premier disque chez Deutsche Grammophon (ce qui, aujourd’hui, compte-tenu de la politique artistique complètement erratique d’un label jadis prestigieux, ne représente au mieux que l’assurance d’un soutien promotionnel important). Jamais ce concerto ne m’a paru aussi ennuyeux que sous cet archet besogneux, non exempt d’accrocs et de traits bousculés, aussi banal et parfois de mauvais goût.

On était impatient de passer à la seconde partie du concert : la Sixième symphonie de Chostakovitch, qui tient une place particulière dans mon panthéon personnel

« Quant à la 6ème symphonie de Chostakovitch, c’est encore avec l’Orchestre de la Suisse romande que j’ai pu la programmer et l’entendre pour la première fois en concert ! Je me rappelle encore cette séance du comité de programmation de l’orchestre, présidé par Armin Jordan, lors duquel j’avais suggéré un programme qui me semblait original et cohérent, avec Les Fresques de Piero della Francesca de Martinu, les Chants et danses de la mort de Moussorgski (interprétés par Paata Burchuladze), et cette 6ème de Chostakovitch. Plusieurs membres dudit comité de se récrier, pas assez « grand public », deux oeuvres du XXème siècle ô horreur, même avec un soliste vedette ! Armin Jordan, qui devait diriger ce programme, trancha : « Je ne connais pas ni le Martinu, ni le Chostakovitch, mais si Jean-Pierre le propose, je suis son idée et je dirigerai ce programme ».  Point final ! Et le jour venu, devant un Victoria Hall comble (preuve que le public est toujours plus intelligent que les programmateurs frileux !), Armin Jordan dirigea l’un de ses plus beaux concerts ! » (extrait de mon billet du 18 janvier 2019).

Quand dans le concerto de Tchaikovski, chef et orchestre semblaient être en pilotage automatique, Santtu-Matias Rouvali et l’Orchestre philharmonique de Radio France allaient donner leur pleine puissance dans une oeuvre qui continue de fasciner, ce long mouvement lent qui l’ouvre, presque insoutenable, jusqu’à ce vide sidéral d’où seules émergent le piccolo et la flûte, suivi d’un allegro bien dans la veine sarcastique de son auteur et se terminant dans un presto grinçant à force de paraître si insouciamment guilleret.

Bernstein dans un formidable DVD explique, avec tellement d’évidence, le miroir que forment les deux 6e de Tchaikovski et Chostakovitch :

Pour cette 6e de Chostakovitch, et pour elle seule, on doit réécouter le concert de vendredi sur francemusique.fr.

Hommage incomplet

J’attendais impatiemment ce coffret d’hommage à Nicholas Angelich (lire Le piano était en noir)

On est évidemment très heureux de retrouver tous ces témoignages « live » de l’art d’un musicien si tôt disparu, mais à jamais installé parmi les très grands. Des Liszt captés à Radio France en 1999, la sonate de Berg, une rareté absolue, les quatre Fantaisies de Zemlinsky sur des poèmes de Dehmel (Douai 1995), la 2e suite anglaise de Bach (Québec 2011), les variations sur un thème de Haendel de Brahms (en avril 2019 en Bretagne, testamentaire), un programme tout Ravel, vraiment exceptionnel, au théâtre des Champs-Elysées en 2013, les variations Goldberg sur la meme scène deux ans plus tôt, le quintette de Franck avec les Ébène à Verbier, la sonate 2 pianos et percussions de Bartok avec Martha Argerich, une prodigieuse Waldstein (Lyon 2015) et des Tableaux d’une exposition idiomatiques (Paris 2013), et un seul CD de concertos (le 3e de Rachmaninov avec l’Orchestre philharmonique de Radio France en 2010, la Rhapsodie Paganini avec Tugan Sokhiev avec Toulouse en 2013).

Cet ensemble est formidable, mais on aurait pu/dû aisément le compléter par d’autres captations, tout aussi indispensables, réalisées en Belgique ou en Suisse par les radios publiques. Espérons qu’à défaut de figurer dans ce coffret, ces précieux témoignages seront bientôt disponibles pour le public. C’est le moins qu’on puisse faire pour rendre hommage à un musicien d’une telle envergure.