Trop de musique ?

Le Point sur les orchestres de Radio France
Marronnier, définition : sujet qui revient chaque année, à la même époque, dans les médias.

Le Point de cette semaine est manifestement trop heureux de pouvoir titrer : Les très chers orchestres de Radio France. Et de faire état d’un nouveau rapport de la Cour des Comptes, comme il y en a, non pas chaque année, mais à intervalles réguliers, et toujours sur le même thème : Radio France a trop de formations musicales, et elles coûtent trop cher !

Je ne peux que renvoyer à la lecture du billet Ma part de vérité, qui n’a, semble-t-il, rien perdu de son actualité. Déjà à l’époque (2014-2015) la Cour des Comptes s’était (em)mêlée du débat.

Extraits :

« Pendant la « campagne » qui a précédé l’élection par le CSA du PDG de Radio France, début 2014, on a vu refleurir dans la presse un « marronnier » qui a la vie dure : Faut-il deux orchestres à Radio France ? Lire Les orchestres de Radio France en crise

Débat encore ravivé par le dernier rapport de la Cour des Comptes : « En 2018, comme en 2014, les formations musicales de Radio France sont au nombre de 4. La décision du fusionner les orchestres n’a pas été prise, en dépit des recommandations de la Cour »:« Il n’est ni dans la vocation ni dans les moyens de Radio France de conserver en son sein deux orchestres symphoniques »

Si le général de Gaulle affirmait en 1966, à propos de la Bourse : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille », on renverrait bien la formule aux magistrats de la rue Cambon : « La politique culturelle de la France ne se fait pas à la Cour des Comptes« ./…/ »

« Dans une note très argumentée que j’avais remise (à Mathieu Gallet) et qu’il avait acceptée comme base de notre collaboration, je disais deux choses très simples :

  • Le mot même de « fusion » n’a aucun sens, s’agissant de formations musicales. Dans certains cas, en Allemagne notamment, il y a eu des regroupements, des réorganisations (par exemple à Berlin, à la suite de la chute du Mur, ou dans certains Länder, comme le Bade-Wurtemberg), dans malheureusement beaucoup d’autres cas, notamment aux Etats-Unis, des suppressions pures et simples. La fusion est une notion économique, technocratique, en rien transposable à la situation des orchestres.
  • A la question : « Faut-il deux orchestres à Radio France ? » j’avais répondu très clairement : Si c’est pour jouer les mêmes répertoires, se faire une concurrence ridicule, refuser les missions normalement dévolues à des orchestres de radio, NON ! Si c’est pour revenir aux objectifs qui ont présidé à la fondation des deux orchestres, redéfinir deux projets artistiques originaux et complémentaires, dans le respect des missions de service public de Radio France, OUI !

Autrement dit, si on ne corrigeait pas une trajectoire qui, depuis trente ans, avait laissé se développer une rivalité féroce entre les deux orchestres de Radio France et leurs chefs respectifs, on offrait aux partisans de la « fusion » ou de l’élimination d’un des deux orchestres, tout comme aux comptables de Bercy ou de la Cour des Comptes, et à une grande partie de la classe politique, toutes les raisons de persévérer dans leurs idées funestes.«  »

« C’est très exactement le discours que je tins, dès ma prise de fonction début juin 2014, à tous mes interlocuteurs, musiciens, équipes administratives, et un peu plus tard à Daniele Gatti, patron de l’Orchestre National, et Mikko Franck, directeur musical désigné de l’Orchestre philharmonique (Myung Whun Chung, le chef « sortant » de cet orchestre considérant, lui, qu’il n’avait de comptes à rendre à personne, et surtout pas à moi !).

Si nous n’étions pas capables, en interne, de nous réformer, de justifier artistiquement l’existence des deux orchestres, d’autres, à l’extérieur, ne manqueraient pas de s’en charger, et sans états d’âme.

À l’Orchestre National de France la défense et illustration de la musique française, du grand répertoire, servi de préférence par des chefs français – dont la presse rappelle régulièrement qu’ils sont quasiment tous en poste à l’étranger ! -, et une présence beaucoup plus forte dans les salles de concert de l’Hexagone. Les premiers résultats de cette orientation se concrétiseraient dès la saison 2015/2016 et de manière spectaculaire en 2016/2017 (lire Les Français enfin). Du jamais vu depuis plus de quarante ans : 8 chefs français invités, Emmanuel Krivine, Louis Langrée, Stéphane Denève, Alain Altinoglu, Jean-Claude Casadesus, Fabien Gabel, Jérémie Rhorer, Alexandre Bloch !« 

« À l’Orchestre philharmonique de Radio France, les missions dans lesquelles il excelle et qu’il peut assumer grâce à sa « géométrie variable » : la musique du XXème siècle, la création, les productions lyriques, la comédie musicale, les projets radiophoniques, pédagogiques, qui n’excluent pas le grand répertoire. Mikko Franck le Finlandais, né, grandi dans un pays tout entier voué à promouvoir sa musique, sa création, ses talents, comprit très vite la nécessité de « franciser » la programmation de l’orchestre dont il allait devenir le chef. » (Ma part de vérité, 31 juillet 2019)

J’invite les curieux à lire cet article jusqu’au bout : Ma part de vérité

J’observe simplement que si le sujet revient sur la table, c’est peut-être parce que la situation actuelle de la Musique à Radio France donne du grain à moudre aux critiques habituelles de la Cour des Comptes. J’aurais pu ajouter à la note que j’avais remise à Mathieu Gallet au printemps 2014 que si les orchestres de Radio France ne se distinguaient pas, dans leur programmation, le choix des chefs et des solistes, du « mainstream » de la place de Paris, on aurait à l’évidence du mal à « justifier » leur existence. En consultant la saison 2023/2024 de l’auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique il faut bien reconnaître une certaine banalisation, l’absence de lignes de force programmatiques, la très faible part faite aux chefs français (j’en ai compté trois, Lucie Leguay, Stéphane Denève et François-Xavier Roth qui se chargera de l’hommage à Ligeti).

Happy 80#

Puisque John-Eliot Gardiner est l’un des invités de l’Orchestre philharmonique de Radio France, profitons de ce billet pour lui souhaiter un joyeux quatre-vingtième anniversaire (le chef anglais est né le 20 avril 1943 à Fontmell Magna dans le Dorset !). Lire Les Pâques de Gardiner.

Vivre ensemble en musique

Aux conseillers de la Cour des Comptes, aux journalistes, aux critiques, aux grincheux, on conseille de lire l’interview que Louis Langrée a accordée à Forumopera, quelques jours avant la première de la nouvelle production de Carmen de Bizet que va diriger le chef français dans les murs qu’il dirige depuis novembre 2021, l’Opéra Comique, la scène même où fut créé l’ouvrage le 3 mars 1875.

A-t-on jamais trop de musique ?

La réponse du chef est d’une éblouissante clarté, quand Louis Langrée évoque le spectaculaire succès de la Maîtrise populaire voulue et développée par l’Opéra Comique : Si tous les Maîtrisiens et Maîtrisiennes ne deviendront pas de grands chanteurs ou chanteuses, ils seront de meilleurs citoyens. Et chanter ensemble…. Vous êtes obligé d’écouter l’autre. Vous êtes obligé de de répondre à l’autre, de vous opposer ou au contraire de vous accorder. Nous vivons dans un monde où les gens parlent mais ne se parlent pas. On se sert de ce que dit l’autre pour être en contradiction permanente et. Et en musique, ce n’est pas possible. En musique, on est obligés de vivre ensemble. Vous ne pouvez pas bien jouer si vous négligez le groupe. C’est une école de civisme. « 

Une réflexion sur “Trop de musique ?

  1. Le serpent de mer des deux orchestre de Radio France ressort et ressortira … et pourtant on les aime bien
    1/ programmation identique voire concurrentielle entre eux et l’orchestre de Paris ; septembre ou octobre 2022 deux Zarathustra de Strauss en deux semaines !
    Et vos désidératas , logiques (grand répertoire notamment national pour le national et plus aventureux pour le philharmonique) n’ont jamais été suivis .
    2/ rien de neuf dans les programmations sauf l’idée discutable d’introduire de la musique de chambre dans certains programmes du philharmonique . On vient (pour moi d’assez loin) pour entendre du symphonique et pas autre chose même si les choix d’œuvre sont assez souvent judicieux.
    Toujours la misère quand au répertoire français ; quid d’une année « la symphonie française » et il y aurait du travail. Quant entend-on Roussel , Dukas ou Ropartz ?
    3/ Ce sont des orchestre uniquement parisiens dont les voyages en région restent exceptionnels ; sont-ils déjà venus en Bretagne ?
    Donc effectivement la situation actuelle relance la discussion de leur existence propre et pourtant que de souvenirs inoubliables pour moi, abonné (plusieurs courriers de ce type adressé à la direction) .
    Me reviennent une 7 de Mahler avec Vassili Petrenko et le philharmonique ; beaucoup de concert avec Micko Franck ( on attend le meilleur de son intégrale Sibelius même si on les entend bcp plus qu’à une époque) ; la découverte de la sinfonietta de Korngold avec F Gabel …
    Quelle décision ? Grève en vue ?

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