La romance de Chosta

Forumopera a publié hier un article sur Les voix de Chostakovitch, ma critique d’un disque paru chez Naxos :

D’abord une précision orthographique : il a longtemps été d’usage que la transcription des noms russes se fasse selon les normes des langues et pays concernés. Ainsi les Allemands écrivaient Schostakowitsch, et la plupart des Européens non anglophones, comme les Français : Chostakovitch. Désormais la norme internationale impose (?) d’écrire Shostakovich (comme s’il était connu de tous que [ch] se prononce [tch] !)

Je continuerai donc de parler de Chostakovitch, et, en l’occurrence, de la partie la moins connue de son œuvre. Son corpus symphonique n’a plus guère de mystères pour le mélomane, et, depuis que Riccardo Chailly – aidé par la campagne publicitaire d’une compagnie d’assurances – a donné une visibilité internationale à tout un pan de musiques divertissantes, suites de « jazz » et autres musiques de film, défrichées par Rojdestvenski et Neeme Järvi, nul n’ignore plus ce qui a longtemps permis à Chostakovitch de subsister. Quant au lecteur de Forumopera il connaît tout des turpitudes de Lady Macbeth de Mzensk,l’un des deux ouvrages lyriques (l’autre étant Le Nez, d’après la nouvelle de Gogol) régulièrement présents sur les scènes européennes.

L’œuvre vocale de Chostakovitch reste largement à découvrir, pas moins d’une vingtaine d’opus, s’étalant sur toute la carrière créatrice du compositeur, des Fables de Krylov en 1922 aux ultimes Poèmes du capitaine Lebiadkine en 1974. Et parmi ces opus, une prédominance de ceux dédiés à une voix de basse ! Quant à l’inspiration littéraire de ces mélodies, romances, fables, elle est, pour l’essentiel, russe : Krylov, Pouchkine, Lermontov, Dostoievski, Blok, Marina Tsvetaieva. Plus rarement anglaise ou japonaise, exotique à la manière d’un Ravel (les chansons grecques ou espagnoles) et à la toute fin de sa vie, une extraordinaire Suite sur des vers de Michel-Ange.

C’est dire si ce disque est doublement bienvenu ! D’abord par sa rareté : c’est un des seuls de toute la discographie qui soit exclusivement dédié à Chostakovitch, les références d’ordinaire citées (Galina Vichnevskaia par exemple) comportant d’autres compositeurs russes. Ensuite parce que la jeune mezzo russe, Margarita Gritskova, née en 1987 à Saint-Pétersbourg, et sa partenaire Maria Prinz ont fait un choix très judicieux de toutes les époques et de toutes les formes de composition vocale de Chostakovitch, en commençant par l’une des fables de Krylov (1922) et en terminant par une mélodie de la Suite Michel-Ange.

Il faut souligner – c’est devenu rare – que le livret de ce disque Naxos comprend tous les textes chantés en russe, et leurs traductions en allemand et en anglais. Remarquable introduction et commentaires de chacune des mélodies due à WIlhelm Sinkovicz (en allemand et en anglais seulement).

Il faut surtout, last but non least, vanter la prestation de Mademoiselle Gritskova. Un timbre d’or qui ne cherche pas à imiter d’illustres devancières, moins chargé, moins sombre qu’une Irina Arkhipova ou une Elena Obraztsova, une capacité remarquable à restituer le caractère si changeant de la mélodie chostakovienne, une diction qui donne toute leur puissance aux vers de Lermontov, Pouchkine ou Tsvetaieva. Jamais la monotonie ne gagne, ni l’ennui. Au contraire, à l’écoute de ce beau disque, le signataire de ces lignes s’est pris à se remémorer ses années d’études de russe, l’une des langues les plus belles, les plus poétiques, mais aussi l’une des plus difficiles, du monde !

Tout Chostakovitch est dans cette part moins connue de son oeuvre : satire, humour, gravité, poésie.

La jeune Margarita Gritskova tient son rang face à ses illustres devancières, c’est le moins qu’on puisse dire.

La découverte de la musique (XIII) : sacrés Mozart et Verdi

Je n’avais jamais fait attention jusqu’à hier (!) à ce que la date de naissance de Mozart coïncide avec celle de la mort de Verdi : Wolfgang est bien né un 27 janvier… 1756 à Salzbourg, et Giuseppe est bien mort un 27 janvier… 1901 à Milan

Une date propice au génie ? Sans aucun doute pour ce qui les concerne !

L’occasion, pour moi, de poursuivre le voyage dans mes souvenirs ou comment j’ai découvert Mozart et Verdi ! Et, à rebours sans doute du plus grand nombre, ce n’est pas d’abord par l’opéra que j’ai commencé, mais par la musique sacrée.

Mozart à la messe

Pour Mozart, je me rappelle un cadeau de Noël fait à quelqu’un de ma famille : le Requiem dirigé par Karl Böhm, un disque Philips/Fontana, enregistré en novembre 1956, avec un joli quatuor de solistes. Une version qui ne m’a jamais passionnée, que j’ai peu écoutée. Sauf pour la voix de Teresa Stich Randall… que j’ai découverte grâce à ce disque.

Je ne sais plus pourquoi, adolescent, je me suis intéressé à deux messes de Mozart en particulier, dont la messe dite « des moineaux« , l’oeuvre d’un Mozart de 19 ans, une messe brève (vingt minutes) qui porte ce surnom parce qu’un passage du Sanctus aux violons peut faire penser à un pépiement d’oiseaux. J’ai déjà raconté ici (L’été 73) la surprise qui avait été la mienne d’entendre cette messe dans le cadre d’un office du dimanche dans une église de Munich, et la qualité de l’orchestre et du choeur de l’église !

Verdi sacré

Mes souvenirs s’emmêlent à propos de Verdi (chez qui je suis – trop brièvement – passé l’été dernier : Parme, Toscanini, Verdi). Je pense avoir découvert ses quatre Pezzi sacri… avant son Requiem. Et dans la version de Zubin Mehta enregistrée à Los Angeles, un disque (peut-être acquis en solde ?) paru dans une collection de Decca France à couverture rose fuchsia très seventies

Et seulement après (une offre de mon club du disque suisse !) la version terrifiante du Requiem signée Solti (ma première chaîne stéréo Dual s’en est longtemps souvenue)

Cette version du Requiem a longtemps été la seule pour moi, celle qui m’a fait aimer Marilyn Horne (qui supporte l’adjectif anglais terrific), Pavarotti bien sûr, et l’immense Martti Talvela, mais m’a durablement éloigné de Joan Sutherland, très grande artiste que je respecte, mais dont je ne suis jamais parvenu à aimer ni la voix, ni le timbre, ni la diction.

Mauvais traitements (II) : menuet brandebourgeois

Avec les concertos brandebourgeois de Bach, j’avais mal commencé. Je ne sais plus pourquoi (le prix? mon club du disque suisse – lire La découverte de la musique -?), la première version que j’ai eue en 33 tours est celle d’Otto Klemperer avec le Philharmonia (1961).

Pas convaincu je fus, pas convaincu je reste. Surtout à l’écoute du menuet du 1er concerto brandebourgeois :

A l’époque, je n’étais pas vraiment préoccupé par les questions d’interprétation « historiquement informée », mais quand je jouais ou j’entendais du Bach, j’avais l’intuition du tempo giusto. Et jamais, au grand jamais, ce que j’entendais là ne ressemblait à un menuet, à une danse, à une danse à trois temps (qui, comme la valse plus tard, prend appui sur le premier temps de la mesure.

Des années plus tard, lorsque je jetterai une oreille aux Brandebourgeois de Karajan – voir Karajan l’intégrale -(il s’y est repris à deux fois !), je finirai par trouver Klemperer presque guilleret !

Après cette version « Bonne nuit les petits » de 1964, il y a un très léger mieux vingt ans plus tard. Mais comment Karajan (et ses musiciens) pouvaient-ils à ce point se vautrer dans cette mélasse informe ? à rebours de tout ce qui se faisait autour d’eux !

En 1959, Karl Ristenpart et son orchestre de chambre de la Sarre, bien passés de mode depuis, donnaient ceci :

A la même époque, Jean-François Paillard qui n’a jamais prétendu, quand il ne l’a pas simplement refusée, à l’authenticité historique : à 13’30 »

Puis vinrent Nikolaus Harnoncourt et Reinhard Goebel, et soudain on entendit un menuet joué comme… un menuet !

Les raretés du confinement (VII) : Cziffra, Brel, la fièvre de Lehar, le Chopin d’Askenase, le Boeuf sur le toit etc.

22 janvier 2021 : Romances latino

Warner avait publié un beau coffret récapitulatif des quinze années (2002-2016) que Martha Argerich a passées, chaque été, à Lugano : Martha Live

Une véritable malle aux trésors où le connu (le coeur de répertoire de la pianiste argentine) côtoie beaucoup d’inconnu. Ainsi ces délicieuses romances de Carlos Guastavino (1912-2000), un des compatriotes de Martha Argerich.

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Des romances jouées à Lugano par Martha Argerich et le pianiste cubain Mauricio Vallina (présent sur la photo ci-dessus prise à Liège en novembre 2001, avec Armin Jordan)

21 janvier 2021 : Le Chopin de mon enfance

Souvenir d’enfance, le premier disque Chopin vu à la maison, le cliché absolu de la musique classique. Mais un pianiste dont je n’ai jamais oublié le nom : Stefan Askenase naît polonais le 10 juillet 1896 à Lemberg/Lvov/Lviv, meurt belge à Cologne le 18 octobre 1985. Son Chopin semble venir en droite ligne du compositeur lui-même. Il a pour moi un parfum d’éternité

20 janvier 2021 : La bannière étoilée

Jour de fête aux Etats-Unis, le 46ème président, Joe Biden, est officiellement installé, la première vice-présidente de l’histoire de la démocratie amércaine, Kamala Harris, a prêté serment : Inauguration

L’hymne national américain The Star-Spangled Banner a été cité par Puccini (dans Madame Butterfly) , revu par Stravinsky (et Jimi Hendrix), et transcrit pour piano par Rachmaninov lui-même en 1918.

19 janvier 2021 : des chansons de négresses

Poursuivant sur ma lancée, illustrative de l’activité du Groupe des Six (lire Groupe de Six), je livre cette absolue rareté dans l’oeuvre surabondante de Darius Milhaud et dans la discographie de l’interprète.Un cycle de mélodies bien peu « politiquement correct », intitulé : Trois Chansons de négresse, sur des poèmes de Jules Supervielle, créé en 1936. Ici l’immense Brigitte Fassbaender en public, accompagnée par Irvin Gage.

18 janvier 2021 : la valse de Nelson et Martha

Je ne me lasse jamais d’entendre Martha Argerich (lire La reine dans ses oeuvres), de surprendre comme ici sa fabuleuse complicité avec son ami de toujours Nelson Freire. La Valse de Ravel a-t-elle jamais été plus sensuelle ?

17 janvier 2021 : un violon sur le toit

Comme promis hier, je tire de ma discothèque un disque devenu rare, enregistré en 1980 pour Philips, où Riccardo Chailly (27 ans à l’époque) accompagne Gidon Kremer (32 ans) dans un programme aussi rare d’oeuvres pour violon et orchestre, dont la version du Boeuf sur le Toit (1920) de Darius Milhaud, pour violon et orchestre.Ici une vidéo contemporaine de l’enregistrement, une captation en public avec le chef russe Woldemar Nelsson (1938-2006) passé à l’Ouest en 1976.

16 janvier 2021 : le Boeuf sur le toit

La neige, le couvre-feu à l’heure où le soleil d’hiver se couche me donnent une furieuse envie d’Amérique du Sud, celle que Darius Milhaud (1892-1974) a rapportée dans sa musique après son séjour au Brésil comme secrétaire de Paul Claudel, ambassadeur de France à Rio de Janeiro.Il compose plusieurs versions de son célèbre Boeuf sur le toit (1920), une version pour violon et orchestre (Cinéma-fantaisie) que je diffuserai demain, et puis la version purement orchestrale, la plus connue. Comment résister au swing de Leonard Bernstein dirigeant, en 1976, l’ Orchestre national de France ?

15 janvier 2021 : le cadeau du père

En 1957, Dmitri Chostakovitch écrit son 2ème concerto pour piano pour le 19ème anniversaire de son fils Maxim, qui le crée pour ses examens au Conservatoire de Moscou. Le mouvement lent est romantique en diable. Ici Leonard Bernstein dirige du piano l’Orchestre philharmonique de New York (1962)

14 janvier 2021 : les flots du Danube

Quand le tube du concert viennois de Nouvel an – Le beau Danube bleu – est confié au piano, à l’orgue ou à l’accordéon (lire Le Danube en blanc et noir/) ça donne quelques merveilles, comme cette captation en concert de l’époustouflant Mikhail Pletnev

13 janvier 2021 : la Nuit transfigurée

Zubin Mehta a tellement enregistré que, dans le flot des reparutions (lire: Felix et Zubin), on néglige de s’attarder à ce qui ne paraît pas a priori comme son coeur de répertoire. Et on a tort ! La preuve cet unique enregistrement de studio de la Nuit transfigurée (Verklärte Nacht) de Schoenberg, réalisé avec le Los Angeles Philharmonic en 1976.

12 janvier 2021 : loin de la Veuve joyeuse

Le 9 janvier, j’évoquais l’un des tubes de l’auteur comblé de La Veuve joyeuse, Franz Lehar (1870-1948), la valse L’Or et l’argent, et son interprète d’élection, Rudolf Kempe (lire L’Or et l’Argent ). Ce nouveau disque de mon cher Ed Gardner met en lumière un aspect beaucoup moins connu de l’oeuvre de Lehar, un cycle de mélodies avec orchestre écrit durant la Première Guerre mondiale, dont le titre est explicite : Aus eiserner Zeit. La cinquième de ces mélodies est intitulée Fieber (Fièvre) et écrite pour ténor. On est loin des viennoiseries légères, beaucoup plus près de Schoenberg, Korngold ou Zemlinsky. Un disque à paraître début février.

11 janvier 2021 : Hollywood en 12 CD

En 12 CD, un fabuleux voyage dans les studios de Hollywood grâce aux musiques de Korngold, Newman, Herrmann, Steiner, Waxman, Tiomkin, sous la houlette d’un exceptionnel producteur, et chef d’orchestre, Charles Gerhardt. A découvrir ici : Monsieur Cinéma

10 janvier 2021 : Liszt, Brel, Cziffra

J’ai eu la chance de voir une fois dans ma vie, à Poitiers, Cziffra en récital. Je n’ai jamais compris comment il parvenait à cette pyrotechnie digitale qui était autant musique que démonstration de virtuosité. Singulièrement dans le piano de Liszt.Ici dans la 6ème Rhapsodie hongroise de Liszt. Le thème qu’on entend à 2’12 a été emprunté par Jacques Brel dans sa célèbre chanson « Ne me quitte pas » (… » je t’offrirai des perles de pluie »…)

Inauguration

Ainsi le 46ème président des Etats-Unis d’Amérique a été installé, au cours d’une cérémonie d’inauguration, que j’ai suivie à la radio. Ainsi pour la première fois une femme accède à la vice-présidence. America is Beautiful !

Ainsi c’est Lady Gaga qui a chanté l’hymne américain The Star-Spangled Banner / La bannière étoilée

L’histoire de The Star-Spangled Banner 

Le poème qui constitue le texte de l’hymne est écrit par Francis Scott Key et paru en 1814. Jeune avocat, poète amateur, Key l’a écrit après avoir assisté, pendant la guerre anglo-américaine de 1812, au bombardement du fort McHenry à Baltimore, dans le Maryland, par des navires de la Royal Navy entrés dans la baie de Chesapeake. Le texte rend hommage à la résistance héroïque de ceux qui défendirent le fort et qui furent en mesure de faire flotter le drapeau américain au sommet en dépit de l’acharnement de l’ennemi à y planter le sien.

La musique utilisée pour cet hymne était à l’origine  The Anacreontic Song, également connue sous le nom To Anacreon in Heaven, une chanson à boire d’un club de musiciens britanniques en hommage au poète grec Anacréon, composée par John Stafford Smith (1750-1838) La musique a été reprise par des Américains, et les paroles remplacées par celles de l’hymne actuel des États-Unis. Il a été reconnu pour un usage officiel par la marine américaine en 1889 et par la Maison-Blanche en 1916. Il est finalement adopté comme hymne national par une résolution du Congrès en date du 3 mars 1931. La chanson se compose de quatre strophes, mais généralement seuls la première strophe et le premier refrain sont chantés aujourd’hui.

O say, can you see by the dawn’s early light / What so proudly we hailed at the twilight’s last gleaming / Whose broad stripes and bright stars, through the perilous figh / O’er the ramparts we watched, were so gallantly streaming? / And the rockets’ red glare, the bombs bursting in air / Gave proof through the night that our flag was still there./ O, say does that star-spangled banner yet wave / O’er the land of the free and the home of the brave?

Puccini et Jimi Hendrix

Dès 1904, alors que ce n’est que l’hymne de la Navy, Puccini l’emploie dans Madame Butterfly pour caractériser le lieutenant Pinkerton de l’USS Abraham Lincoln.

En 1969, au Festival de WoodstockJimi Hendrix joue une version historique de The Star-Spangled Banner en solo, à la guitare électrique tout en distorsion, évoquant des lâchers de bombes, durant la guerre du Viêt Nam.

Stravinsky et Rachmaninov

Max Dozolme a expliqué sur France-Musique, le 4 novembre dernier, pourquoi Igor Stravinsky avait réalisé un arrangement orchestral de l’hymne américain, qui lui a valu quelques ennuis. Le compositeur du Sacre du printemps avait invoqué la difficulté – attestée – de chanter l’hymne américain, même pour des professionnels, et en avait simplifié la ligne mélodique. Accessoirement il s’ouvrait une nouvelle source de revenus (on sait que Stravinsky a toute sa vie couru après l’argent…)

Ici, le nouveau directeur musical de l’Orchestre National de Washington, l’excellent Gianandrea Noseda à la tête de la phalange de la capitale fédérale, dirige cette version stravinskienne de l’hymne américain.

Moins connue, la transcription pour piano qu’en réalisa Rachmaninov , en 1918, à la fin de la Première guerre mondiale,

Mauvais traitements (I) : quand ça se termine mal pour Schubert

Depuis quatorze ans que je tiens un blog (il y en eut d’autres avant celui-ci !), je n’ai quasiment jamais dit de mal d’un musicien, d’un compositeur, d’un artiste que j’admire. Ou pour illustrer la maxime « Qui aime bien châtie bien »!

Le confinement, le travail à distance, m’ont donné l’occasion de « revisiter » – pour reprendre un terme très à la mode ! – ma discothèque, de réécouter des disques que j’avais oubliés, négligés, parfois pour de bonnes raisons !

Je me décide à ouvrir une série que j’aurais aussi bien pu intituler Ratages, mais le mot est excessif pour qualifier une erreur de « casting », un mariage compositeur/oeuvre/interprète malheureux, bref quelque chose qui, loin de nuire à l’image d’un grand musicien qu’on aime, révèle sa part d’humanité, son droit à l’erreur.

Ainsi je réécoutais ce week-end ce bien chiche coffret consacré au pianiste Geza Anda, né il y a 100 ans (tiens un coffret hommage est-il prévu ?), que je citais le 17 décembre dernier pour sa merveilleuse version des Etudes op.25 de Chopin

Je ne me rappelais plus qu’il y avait, dans ce coffret de 5 CD seulement, la dernière sonate – D.960 – de Schubert, à laquelle j’ai consacré naguère tout un billet (Ma non troppo).

Le dernier mouvement de cette sonate est indiqué : allegro, ma non troppo. Et comme je l’écrivais dans mon billet : Je n’entends pas ce dernier mouvement comme une récréation guillerette, anodine. Et surtout je respecte l’indication de Schubert lui-même : ma non troppo! Ce n’est donc pas youpie tagada , fonçons droit devant, comme un accompagnement de Tom et Jerry »

Or c’est exactement ce que fait Geza Anda, pour ma plus grande déception ! Une caricature ! à écouter à 29’50 »

Même l’immense et tant admiré Artur Rubinstein succombe inexplicablement au syndrome de la machine à tricoter à 27’35 »

On se console en écoutant Rafael Orozco et Sergio Fiorentino

à 1h 20’30 »

ou encore Peter Rösel

Polémique inutile ?

Ce n’est pas la première fois que je commente, voire que j’accueille, ici, les propos de Sylvain Fort (lire par exemple Perdre la face ?). Il faut reconnaître que, cette semaine dans L’Express, il a fait.. fort !

La virulence des réactions – sur Facebook notamment – n’a pas tardé, avec pour circonstances aggravantes, forcément aggravantes, pour l’auteur de l’article le fait d’être un ex-collaborateur, et donc toujours suppôt, du président de la République, et de soutenir Renaud Capuçon ! Sylvain Fort s’est fendu d’une mise au point aussi nécessaire que bienvenue :

« J’ai publié récemment dans L’Express un point de vue intitulé « La culture ne se confine pas », qui suscite l’émoi de certains artistes de musique dite « classique ». J’y explique tout simplement que la fermeture des salles ne doit pas mettre un terme à la vie culturelle. Qu’il existe bien des moyens de faire vivre la culture : le numérique, les captations, mais aussi le contact vivant avec le public hors des salles traditionnelles, surtout dans une période de grand esseulement et de grande détresse de nombre de nos concitoyens. Cela, les artistes classiques ne m’ont pas attendu pour le mettre en œuvre. Nombre d’artistes « classiques » se sont crus invités par cet article à se produire gratuitement dans des conditions précaires, et ont vu là une invitation bien arrogante. D’abord parce qu’ils ne peuvent pas se permettre le luxe de se produire gratuitement, ensuite parce qu’ils se produisent volontiers hors les murs. Il est étrange que ces artistes-là se soient sentis visés par l’article. D’abord parce qu’il est dit explicitement que cette exhortation ne saurait concerner les plus précaires. Ensuite parce que toute la fin de l’article rend hommage précisément à ceux qui savent aller au-devant des publics en dehors des cadres institutionnels. Enfin, plus secondairement, parce que depuis vingt ans, notamment sur Forum Opéra, j’interroge avec inquiétude le sort des artistes classiques, la malédiction des contrats précaires, la gangrène de la gratuité. C’est le sens même de l’éditorial de ce mois-ci sur Forum Opéra. Les artistes visés sont ceux au contraire qui pourraient, financièrement, sortir de leur zone de confort, mais qui ne le font pas. Qui pourraient, par leur talent et leur notoriété, apporter beaucoup à la collectivité nationale, mais qui ne le font pas.Récemment, Philippe Torreton a eu cette prise de conscience et a déclaré « c’est dommage que l’Etat ne nous ait pas demandé d’aller jouer dans les EPHAD ». Oui, il existe des privilégiés de la culture. Oui, il existe des artistes qui traversent cette crise sans inquiétude financière parce qu’ils ont gagné beaucoup d’argent ou parce que leur situation contractuelle les place à l’abri du besoin. Oui, il existe des artistes qui certes sont mis à mal par cette épidémie, mais qui la traverseront parce qu’ils ont une rente de situation, un lien avec le public, une notoriété qui les protègent du pire (et que souvent ils doivent à leur talent, quoique pas toujours). Ces artistes-là, les a-t-on vu se mettre au service de leur public ? La vérité, c’est qu’ils ont disparu des radars. Les mêmes qui rappliquent aux cérémonies des Césars, à Cannes, sur les plateaux de télévision, les télés-crochet, se font aimer et fêter ont simplement démissionné de leur fonction sociale pendant cette crise. C’est un fait. Au contraire, il est des artistes qui ont vu leur monde s’écrouler, leur public disparaître, leur portefeuille se vider, et qui n’avaient ni les moyens ni l’énergie d’aller au-devant des difficultés. Il est des artistes qui à longueur d’année donnent de leur personne pour nos aînés, les enfants, les malades. Mais que la crise présente a écrasés. Les artistes classiques sont dans cette situation. Il est paradoxal qu’en lisant l’article ils aient pensé que cela parlait d’eux et non des puissances établies qui auraient pu faire tellement et n’ont rien fait. Je suis désolé qu’ils aient pris pour eux, dont depuis vingt ans je dis la fragilité et la grandeur, ce qui était destiné à une population bien plus gâtée et bien moins active. L’Express n’est pas une publication de musique classique et ne s’adresse pas à un lectorat qui, quand on parle d’artistes, pense spontanément à un ensemble baroque plus qu’à une vedette de la chanson. Je regrette ce malentendu et ce qu’elle a pu causer de désarroi car je n’ignore rien de la situation des artistes classiques ou par extension du théâtre et de la musique, qui souffrent de cette situation. Surtout, dans une période aussi dure, je regrette d’avoir causé du désarroi à celles et ceux qui, précisément, nagent déjà dans des océans d’incertitude. J’espère qu’ils accepteront les excuses que je leur présente très modestement. » (sur Facebook 15/01/21)

Une polémique inutile ?

Je ne suis pas le plus mal placé pour apprécier la situation qui est celle du monde de la culture depuis bientôt un an.

Le 23 mars 2020 (Confinement) : « Difficile pourtant de rester rationnel, de s’en tenir aux faits/…./De ne pas céder à son tour à un vertige anxiogène et paralysant »

Le 15 avril 2020 j’écrivais cette Lettre à mes amis et aux autres :  « J’ai résolu de ne participer à aucun débat, aucune polémique sur rien ni personne durant cette crise inédite » et, neuf jours avant de devoir annuler la quasi-totalité de l’édition 2020 du Festival Radio France Occitanie Montpellier, ceci :

Il n’est pas un jour, une heure, où je ne pense à mes amis musiciens, et au-delà d’eux à tous ceux qui font métier d’artiste.

Je me suis toujours demandé, depuis que j’ai la chance de travailler avec vous, pour vous, comment vous faisiez pour supporter l’incertitude, l’insécurité, qui est votre lot commun.   Votre carrière, vos engagements, vos ressources, votre vie en somme, dépendent de tellement de facteurs que vous ne maîtrisez pas.

Aujourd’hui, et depuis plusieurs semaines, qui que vous soyez, célèbre ou débutant, riche ou pauvre, vous êtes doublement confinés, vous voyez s’annuler tous les projets, tous les engagements qui formaient votre horizon.

Et vous lisez sur les réseaux sociaux les pires nouvelles, colportées comme vérités d’évidence… Comme s’il fallait rajouter du désespoir à la morosité ambiante.

Oui c’est à vous, amis musiciens, que je pense en premier lorsque je dois prendre, lorsque je devrai prendre des décisions quant à la réalisation du festival que je dirige. Pourquoi baisser les bras avant même qu’on y soit, peut-être, contraint ? Pourquoi ne pas imaginer d’autres solutions que le tout ou rien ? Il y a tant de manières de vivre, de faire vivre la musique. Ce ne sont pas les idées qui nous manquent. Nous ne renoncerons jamais à explorer toutes les pistes, et à vous permettre de nous réenchanter.

C’est la promesse que je vous fais. »

Le 25 avril 2020, j’avais le Coeur lourd et, je le crois, une certaine lucidité :

Une certitude : le déconfinement se fera dans un désert culturel. Et les dégâts de la crise sanitaire pour tout le monde de la culture seront considérables, souvent irrémédiables. Dégâts artistiques, économiques, mais d’abord dégâts humains.

On voit bien, ici et là, resurgir la vieille rengaine populiste : la culture est un petit milieu privilégié (avec un régime d’assurance chômage qui serait trop favorable), et on aura bien d’autres soucis après la crise que de faire revivre les théâtres, les salles de concert, les festivals, qui vivent pour la très grande majorité de subventions publiques…

Le 17 juin 2020, j’annonçais un Festival autrement et le 30 juillet la réalisation, partielle certes, mais affirmée, de la promesse que j’avais faite aux musiciens (cf. plus haut) : Un festival malgré tout

Et maintenant ?

À la mi-janvier, je les vois déjà s’avancer, les éternels prédicateurs de catastrophes. Même Diapason s’y met : Festivals 2021, état d’urgence

Je ne change rien à ce que j’ai écrit en 2020, ni les espoirs, ni les constats.

Je réaffirme juste ceci : On ne fait jamais avancer une cause, sa cause, en se plaçant dans la position de la victime, du spectateur passif, du critique permanent.

Même si ça défoule, à quoi bon perdre son temps et son énergie à tirer sur ces gouvernants incapables ? Qui eût fait mieux ? Moi aussi, je préférerais que les salles de spectacle, de concert soient ouvertes, et je sais que personne n’y risquerait sa santé ! Moi aussi je préférerais que la vie reprenne dans les cafés, les restaurants. Moi aussi je préférerais que personne ne tombe malade.

Les mêmes qui, majoritaires, exprimaient leur défiance quant à la vaccination contre la Covid-19, manifestent maintenant leur impatience devant les lenteurs de cette même vaccination !

Je prépare, avec toute une équipe plus enthousiaste que jamais, un festival 2021 dont le slogan est déjà tout un programme :

Je pense que cette longue, évidemment trop longue et insupportable, période de confinement de la culture aura peut-être eu quelques effets positifs, comme celui d’obliger artistes et organisateurs à inventer de nouveaux formats, de nouvelles formes, de nouvelles formules et d’atteindre ainsi ces fameux publics trop longtemps tenus à distance de la chose culturelle.

J’y reviendrai plus longuement. Je suis un incorrigible optimiste !

Le Danube en blanc et noir

J’ai raconté ici (Nouvel An, nouveau monde) l’origine et les versions successives du tube du concert viennois de Nouvel an : Le beau Danube bleu. Et établi de longue date mes références dans les versions orchestrales : Les Indispensables

On évoque moins souvent les versions hyper-virtuoses confiées au piano : la plus connue intitulée Arabesques sur Le Beau Danube bleu est due au compositeur polonais Adolf Schulz-Evler (1852-1905). Je ne connaissais pas cette captation en concert du plus grand pianiste russe vivant, Mikhail Pletnev (prononcer Plet-nioff). Epoustouflant !

En revanche je connais depuis longtemps ce qu’en faisait Shura Cherkassky (à qui il faudra vraiment que je consacre tout un billet !).

Et puis, en réécoutant le beau coffret qu’EMI avait consacré au grand Georges Cziffra (1921-1994) – tiens un centenaire à célébrer ? – je suis tombé sur ceci, la transcription de Cziffra lui-même. Qui laisse sans voix !

Je n’ai jamais entendu Le beau Danube à l’orgue. Dommage ce qu’en fait Jonathan Scott à Manchester ne manque pas d’allure !

J’ai gardé pour la fin le piano à bretelles, le bayan russe, ce magnifique interprète qui achèvent de me plonger dans un état de nostalgie avancée (lire Capitale de la nostalgie)

PS J’apprends à l’instant la disparition d’Henri Goraieb, personnalité aux multiples talents, qui fut l’une des voix les plus singulières de France Musique et que j’eus le privilège de connaître à ce moment-là. J’y reviendrai.

Monsieur Cinéma

C’est un nom souvent aperçu sur d’admirables disques, de qualité « audiophile », du début des années 60, parus sous des étiquettes variables (RCA, Reader’s Digest, Chesky…) comme une fabuleuse Quatrième symphonie de Brahms, enregistrée par Fritz Reiner à Londres avec le Royal Philharmonic.

Charles Gerhardt (1927-1999) est une figure emblématique de la vie musicale du XXème siècle : producteur, chef d’orchestre, arrangeur. Il grandit à Little Rock (Arkansas), étudie la musique, le piano. Entre 1951 et 1955, il travaille comme technicien pour RCA Victor. Dans un premier temps, son rôle consiste à transférer sur bande des 78 tours d’Enrico Caruso et Artur Schnabel, y compris la suppression du bruit de surface préparatoire à la réédition en 33 tours. Il participe à des séances d’enregistrement de Kirsten Flagstad, Vladimir Horowitz, William Kapell, Wanda Landowska et Zinka Milanov. En 1954, il collabore avec Leopold Stokowski et le NBC Symphony Orchestra pour des enregistrements stéréophoniques expérimentaux des suites du ballet Sebastian de Gian Carlo Menotti, ainsi que Roméo et Juliette de Prokofiev, qui ne sortiront qu’en 1978 !

Il devient également l’agent « traitant » de RCA avec Arturo Toscanini, dans les dernières années du chef d’orchestre. C’est Toscanini qui l’encourage à étudier la direction d’orchestre.

Puis Gerhardt travaille durant cinq ans pour Westminster Records à New York. Westminster étant en difficulté (la société dépose le bilan en décembre 1959), il se tourne vers l’enregistrement de chanteurs pop, dont Eddie Fisher. C’est alors que George R. Marek, le chef du département Red Sceal de RCA Victor, lui offre l’opportunité de produire des enregistrements pour Reader’s Digest en Angleterre.

A partir de 1960, il produit des disques pour RCA Victor et Reader’s Digest avec pour partenaire le légendaire ingénieur du son Kenneth Wilkinson de Decca Records (alors filiale de RCA en Europe). S’ensuivront 4 000 sessions d’enregistrement! Leur premier projet majeur est un ensemble de 12 disques pour Reader’s Digest : A Festival of Light Classical Music, publié en versions mono et stéréophoniques, se vendra à plus de deux millions d’exemplaires. En 1961, il produit pour Reader’s Digest l’intégrale des symphonies de Beethoven avec le Royal Philharmonic Orchestra dirigé par René Leibowitz.

L’une des productions préférées de Gerhardt est la série parue en 1964 Treasury of Great Music un autre jeu de 12 disques pour Reader’s Digest. À la tête du Royal Philharmonic de Londres, il convie John Barbirolli, Malcolm Sargent, Antal Doráti, Jascha Horenstein, Rudolf Kempe, Josef Krips, Charles Munch, Georges Prêtre et Fritz Reiner, à graver les chefs-d’oeuvre du répertoire symphonique. Tous ces disques (la plupart republiés par Chesky Records) sont restés des références.

Dès 1966, Charles Gerhardt manifeste son goût pour les répertoires non classiques : en témoigne une série d’albums All-Time Broadway Hit Parade, qui comprend 120 chansons de diverses productions musicales telles que Carousel, The Music Man, Guys and Dolls, My Fair Lady, Pal Joey, South Pacific et bien d’autres.

Les projets Reader’s Digest créent une telle activité d’enregistrement qu’il devient nécessaire d’avoir un orchestre et chef d’orchestre dédiés à cette entreprise. Avec le violoniste et entrepreneur Sidney Sax, Gerhardt forme en 1964 un orchestre à partir des meilleurs orchestres londoniens et de musiciens indépendants. L’orchestre prend le nom de National Philharmonic Orchestra en 1970 et Gerhardt lui-même le dirige. Leopold Stokowski réalise certains de ses derniers enregistrements avec orchestre.

Charles Gerhardt réalise de 1972 à 1978 avec le National Philharmonic 14 disques vinyles pour la série Classic Film Scores pour RCA, publiée de 1972 à 1978. Première publication en 1972 The Sea Hawk: The Classic Film Scores of Erich Wolfgang Korngold (lire Les Musiques de l’exil). Toute la série se distingue surtout par une préparation extrêmement soignée des partitions par Gerhardt lui-même.. Les enregistrements sont réalisés au Kingsway Hall à l’acoustique exceptionnelle et conçus par Kenneth Wilkinson. Le producteur de ce premier disque est George Korngold, le fils du compositeur.

La série se poursuit avec des albums consacrés à Max Steiner, Miklós Rózsa, Franz Waxman, Alfred Newman, Dimitri Tiomkin, Bernard Herrmann et John Williams ainsi que des albums consacrés à la musique dans les films de Bette Davis, Humphrey Bogart et Errol Flynn. C’est cet ensemble miraculeux que Sony a réédité il y a quelques semaines dans un coffret indispensable.

On peut suivre le conseil de Tom Deacon, un autre producteur « légendaire », collègue de Charles Gerhardt :

Le regretté Charles Gerhardt était un passionné de musique de film. Pour RCA Victor, il a enregistré des musiques de films extraordinaires des années 1930, 1940 et 1950 par Korngold, Steiner, Waxman, Newman, Rozsa, Herrmann, Tiomkin et d’autres. Ceux-ci ont d’abord été publiés sur Lp puis sur CD sur RCA Victor. Désormais, les 12 CD sont tous contenus dans un coffret Sony. C’est à ne pas manquer. Gerhardt n’était pas seulement un chef d’orchestre doué, mais aussi un fabuleux producteur de disques.  Ce sont des classiques audiophiles. Comme de tels coffrets risquent de disparaître sans préavis, ce n’est pas le moment d’hésiter. Achetez-le!

Les raretés du confinement (VI) : Nouvel an, Nouveau monde

La culture et le sport restent confinés… jusqu’à nouvel ordre. C’est en substance ce qu’a annoncé le gouvernement jeudi dernier. Et pourtant on continue à y croire, on espère que, le vaccin aidant, on finira par sortir du cauchemar…

30 décembre 2020 : Dean Martin

Lorsqu’elle est morte (à 97 ans!) en mai 2019, j’avais consacré tout un billet à Doris Day, Doris Day que je qualifiais de « crooner » au féminin. Son pendant masculin, LE crooner par excellence, est pour moi Dean Martin (1917-1995), jamais égalé, une voix inimitable de charme, de chaleur et de velours. Il passait pour être ivre en permanence sur scène, dans cet extrait de 1965 il en plaisante lui-même. Il chante Everybody Loves Somebody Sometime, une chanson de 1953, gravée sur sa tombe. On ne disait pas alors « chanson à message » et pourtant…

31 décembre 2020 : Armin Jordan à Liège

De 2001 à 2006 (trois mois avant sa mort), le grand chef suisse Armin Jordan (lire Etat de grâce) vint chaque année diriger l’ Orchestre Philharmonique Royal de Liège, souvent deux programmes différents (avec des solistes comme Emmanuel Pahud, Sophie Karthäuser, Martha Argerich…).En 2005 il dirigeait le rare ballet de Paul Dukas (1865-1935), La Péri (1910) dont on ne connaît le plus souvent que la fanfare introductive. Armin Jordan a enregistré La Péri avec l’ OSR – Orchestre de la Suisse Romande pour Erato – Warner Classics France.

1er janvier 2021 : Le Danube chanté

En attendant le tube du traditionnel concert du Nouvel an, joué une fois de plus dans sa seule version orchestrale, l’histoire vraie d’une valse d’abord conçue pour un choeur d’hommes ! Le compositeur Johann von Herbeck (directeur du prestigieux Wiener Männergesang-Verein, importante chorale masculine de Vienne d’environ 130 membres) demande vers 1865 à Johann Strauss fils (alors âgé de 42 ans) de composer une nouvelle « valse chorale vivante et joyeuse » pour leur festival d’été Sommer-Liedertafel. Cette œuvre est inspirée à Strauss par un voyage sur le Danube. L’auteur-poète-parodiste de la chorale Josef Weyl (ami d’enfance du compositeur) écrit les premières versions de paroles qui traitent par la dérision la défaite militaire historique de la Maison d’Autriche à la guerre austro-prussienne de 1866 (qui met fin à sa suprématie historique sur la confédération germanique par le traité de Prague (1866), au détriment des prémisses de l’Empire allemand de 1871 du chancelier prussien-allemand Otto von Bismarck). Les membres indignés de la chorale s’offusquent des paroles. La première représentation publique du Wiener Männergesang-Verein a lieu le 13 février 1867 à l’établissement thermal Dianabad sur le canal du Danube à Vienne, avec un important succès enthousiaste et retentissant (mais le texte de Weyl produit de vives critiques, indignations et offuscations du public viennois autrichien)L’interprétation par Strauss de la version orchestrale symphonique féerique définitive de son œuvre (sans paroles) à Paris lors de l’Exposition universelle de 1867 est un triomphe majeur international, avec plus de 20 rappels, et plus d’un million de partitions vendues dans le monde. Le texte définitif (rarement interprété depuis) est écrit en 1890 par l’auteur-compositeur Franz von Gernerth sur la thème du poème symphonique actuel « Danube si bleu, si beau et si bleu, vous tourbillonnez calmement à travers la vallée et les prairies, notre Vienne vous salue, votre ruban d’argent lie le pays à la terre, et les cœurs heureux battent sur votre belle plage… ».En 1975, Willi Boskovsky (lire Wiener Blut) dirige la version chantée, qui a été rééditée dans le coffret hommage à l’ancien Konzertmeister et chef des concerts de Nouvel an des Vienna Philharmonic / Wiener Philharmoniker.

2 janvier 2021 : Avec nos meilleurs vieux

Ces vieux qui rajeunissent… et inversement

Il y a des chefs qui ralentissent en vieillissant (cf. le concert de Nouvel an hier avec Riccardo Muti), et d’autres que le grand âge semble ragaillardir. D’autres enfin comme Otto Klemperer qui pouvait passer d’une énergie furieuse à une lenteur sépulcrale. L’enregistrement par Otto Klemperer de la Symphonie n°25 de Mozart en 1956 reste l’une des versions les plus emportées, très « Sturm und Drang » de la discographie de cette oeuvre :

3 janvier 2021 : Cavalerie légère

Contraste complet avec la version bien peu légère de Riccardo Muti, ce 1er janvier 2021, la célèbre ouverture de Franz von Suppé (1819-1895) Leichte Kavallerie / Cavalerie légère a trouvé en Georg Solti (1912-1997) son interprète le plus fougueux à la tête d’un Orchestre philharmonique de Vienne de haute école (enregistré en 1957!)

4 janvier 2021 : Richter en janvier

Tchaikovski compose une suite de douze pièces pour piano (chaque mois de l’année), Les Saisons, entre novembre 1875 et mai 1876. Sviatoslav Richter (1915-1997) est l’un des rares pianistes de son envergure à avoir souvent joué en public et enregistré ces Saisons.

5 janvier 2021 : In memoriam Pierre Boulez

Pierre Boulez cinq ans après

Pierre Boulez est mort le 5 janvier 2016. Son héritage demeure, plus vivant que jamais.J’ai redécouvert ses gravures des symphonies de Mahler. Admirables, magnifiques !

6 janvier 2021 : Pierre Monteux et Dvořák

A priori on n’imagine pas Pierre Monteux (1875-1964) – toujours les clichés – comme un interprète exceptionnel de la Septième symphonie de Dvořák. Et pourtant cet enregistrement de 1959 (Monteux a 84 ans !) est en tête de ma discographie de l’oeuvre. Une poésie, une vitalité, une jubilation magnifiques !

7 janvier 2021 : L’assaut du Capitole

On reste encore abasourdi par ce qu’on a vu, suivi en direct sur franceinfo le 6 au soir :

Après ce qui s’est passé hier à Washington, ce disque, cette oeuvre s’imposent. De William Billings (1746-1800) le père de la musique chorale américaine : Be glad America. Antal Dorati dirige l’Orchestre National de Washington

8 janvier 2021 : Le Nouveau monde

La célèbre Symphonie « du Nouveau monde » est écrite par Antonín Dvořák durant son séjour à New York (1892-1896) et créée le 15 décembre 1893 au Carnegie Hall. L’un des meilleurs interprètes de ce chef-d’oeuvre est, pour moi, le chef allemand Rudolf Kempe (1910-1976) qui en a laissé plusieurs versions extraordinaires au disque, en 1957 avec Berlin (EMI), en 1972 avec le Royal Philharmonic Orchestra. Lire Le Chef du Nouveau monde. Ici un live tout aussi exceptionnel avec le BBC Symphony

9 janvier 2021 : L’Or et l’argent

Le même Rudolf Kempe a laissé les deux plus belles versions de la célèbre valse de Franz Lehar, Gold und Silber/ L’Or et l’argent. D’abord avec l’Orchestre philharmonique de Vienne – c’était, paraît-il, son enregistrement préféré ! puis avec la Staatskapelle de Dresde.