Singin’ in the rain

Trop tard pour espérer encore voir Singin’ in the rain au Châtelet à Paris, mais la production reprend pour les fêtes de fin d’année à partir du 27 novembre. Et il faut s’y précipiter. Les adaptations à la scène de films musicaux ne sont pas toujours réussies, surtout quand on a affaire à un chef d’oeuvre : Singin’ in the rain, le film de Stanley Donen et Gene Kelly, sorti en 1952, en est un, incontestable (http://fr.wikipedia.org/wiki/Chantons_sous_la_pluie) et pas seulement à cause de la chanson et de la scène cultes qui donnent son titre au film :

L’histoire se déroule à Hollywood, à la fin de l’ère du cinéma muet. D’origine modeste, Don Lockwood ancien danseur, musicien et cascadeur est devenu une star du cinéma muet. A son grand dam, Lina Lamont, son insipide et antipathique partenaire, est persuadée qu’ils forment un couple à la ville comme à l’écran. Alors que Le Chanteur de Jazz, le tout premier film parlant, connaît un succès fulgurant, le directeur du studio R.F Simpson n’a d’autre choix que de convertir le nouveau film du duo Lockwood / Lamont. L’équipe de production est confrontée à de nombreuses difficultés, notamment l’insupportable voix de crécelle de Lina Lamont. Le meilleur ami de Don Lockwood, Cosmo Brown, a l’idée d’engager Kathy Selden pour doubler la voix de Lina et de transformer The Dueling Cavalier en comédie musicale intitulée The Dancing Cavalier. Entretemps, Don tombe amoureux de Kathy. Lina découvre leur idylle naissante et, furieuse, exige qu’à l’avenir Kathy continue de jouer les doublures et demeure pour toujours dans l’anonymat. Cette idée révolte Simpson, mais il n’a d’autre choix que d’accepter, tout comme Kathy, liée au studio par contrat. La première de The Dancing Cavalier est un triomphe. Le public conquis réclame une chanson de Lina. Don et Cosmo décident d’improviser : ils proposent à Lina de chanter en playback pendant que Kathy, dissimulée derrière le rideau, créé l’illusion en chantant en simultané dans un second micro. Lina commence à « chanter », Don, Cosmo et Simpson remontent le rideau derrière elle… Le spectacle du Châtelet n’était pas une première parisienne, contrairement à ce qui a pu être dit, puisque le Chantons sous la pluie qui a longuement tenu l’affiche de l’Opéra Royal de Wallonie à Liège en 1999, puis du théâtre de la Porte Saint Martin en 2000, avait obtenu le Molière du meilleur spectacle musical en 2001. Une réussite due à Jean-Louis Grinda, alors directeur de la scène liégeoise, et à une fantastique troupe d’acteurs, chanteurs, danseurs, au premier rang desquels figurait l’inoubliable Kathy Selden d’Isabelle Georges. Robert Carsen a fait le pari de la fidélité au film, dans de superbes décors, avec une troupe d’une parfaite homogénéité (Dan Burton, Daniel Crossley, Clare Halse, Emma Kate Nelson impayable en Lina Lamont).Dans la fosse, Gareth Valentine dirige un Orchestre de chambre de Paris en grande forme. IMG_2653

Erreur
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Boulez vintage

France Musique consacrait ce lundi à fêter les 90 ans de Pierre Boulez, dix jours avant la date précise de son anniversaire, mais malheureusement en son absence.

Je me rappelle, comme si c’était hier, une autre grande journée sur la même antenne, le 19 février 1995. Pour les 70 ans du maître !

Tout avait commencé quelques semaines plus tôt par un déjeuner, dans un restaurant des Halles, non loin de l’IRCAM, où Pierre Boulez avait ses habitudes. Hommage, anniversaire, journée spéciale, difficile de renouveler le genre à la radio. Je souhaitais quelque chose de plus original, une sorte de carte blanche, mais raisonnée à la manière du compositeur.

Les archives du Centre Pompidou gardent la trace du déroulement d’une journée qui allait  dresser un portrait à multiples facettes d’un personnage clé du XXème siècle. Pierre Boulez décida très vite d’un ordonnancement qui n’avait rien de complaisant, et le confia à Laurent Bayle alors son bras droit à l’IRCAM : Boulez, années de jeunesse, Boulez chef d’orchestre, Boulez créateur et animateur d’institutions, Boulez entre théâtre et opéra, Boulez dans l’atelier du musicien, ses affinités littéraires, etc. Il souhaitait inviter des amis, des complices, des partenaires d’idées et de travail. C’est ainsi qu’on convia, entre autres, Patrice Chéreau, Gérard Mortier, Michel Tabachnik, et qu’un cocktail réunit en fin de journée autour de Jean Maheu, le PDG de Radio France et de Claude Samuel, le directeur de la musique, le Tout-Paris culturel et musical, Claude Pompidou en tête.

Deux souvenirs plus personnels d’une journée incroyablement intense, qui épuisa tout le monde.. sauf le principal intéressé !

A midi d’abord ce 19 février, on avait réservé une petite heure pour permettre à Pierre Boulez de se restaurer, je l’accompagnai à ce qui était alors la brasserie de l’hôtel Nikko en face de la Maison de la Radio. N’ayant jamais été d’aucun clan, je n’en étais que plus à l’aise pour interroger mon interlocuteur sur ces musiques et ces compositeurs qu’il était censé détester (Sibelius, Chostakovitch, Bruckner…). J’eus des réponses qui sortaient absolument des clichés et des a priori. Et preuve en fut donnée quelques années plus tard

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Je crois savoir qu’une Neuvième de Bruckner a été captée… mais jamais publiée !

Autre souvenir de ce 19 février : Pierre Boulez a tenu à être présent jusqu’au bout. Il est donc minuit lorsqu’il prend congé. Je lui propose une voiture pour le raccompagner. C’est mal le connaître, vif et alerte malgré l’heure avancée, il quitte à grandes foulées la Maison ronde, traversant le pont sur la Seine pour rejoindre son port d’attache dans les hautes tours du quai André Citroën.

Quelques extraits sonores de cette journée :

http://ressources.ircam.fr/27.html?&rebond1=MODSUNI_MOTAUT&rebond2=%22Derrien%20%2C%20Jean-Pierre%22&p=1&param1=default:UNIMARC:39746&notice=

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Pluie d’hommages discographiques pour ce 90ème anniversaire :

http://bestofclassic.skynetblogs.be/archive/2015/02/08/pierre-boulez-la-marque-jaune-8380757.html

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Redécouverte

Le magazine Diapason en est à son troisième opus d’une série de « Discothèques idéales ». Après la musique de chambre de Mozart, une anthologie Chopin, voici que, dans le numéro de mars, le mensuel propose une double intégrale des Symphonies de Beethoven.

La-Discotheque-Ideale-de-Diapason-Volume-3-Beethoven_exact783x587_lSubjective, forcément subjective, cette sélection dans une telle multitude d’enregistrements, d’intégrales (parfois sous la baguette de récidivistes, comme Karajan).

Et on a beau jeu de repérer les absents, pas seulement chez les chefs récents – mais ce n’était sans doute pas le but de l’exercice – mais chez les contemporains des versions retenues, notamment au tournant des années 50/60. Deux grands regrets : Pierre Monteux et Ferenc Fricsay.

Je connais peu de visions aussi dionysiaques que celles du vétéran Monteux, qui à plus de 80 ans, grave une intégrale partagée entre Vienne et Londres de 1958 à 1962 pour Decca et Westminster. Vitalité, vivacité, énergie, poésie inaltérables. Malheureusement peu et mal rééditée.

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Mais autant Monteux m’est familier depuis longtemps dans ses Beethoven, autant j’avais oublié qu’un autre immense chef, trop tôt disparu en 1963 à 48 ans, Ferenc Fricsay, est, dans des tempi plus modérés que son aîné, d’une acuité, d’une précision narrative. tellement impressionnantes. Une Héroïque implacable, une 9e symphonie exceptionnelle avec un quatuor de solistes sans égal (Irmgard Seefried, Maureen Forrester, Ernst Haefliger, Dietrich Fischer-Dieskau)

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On avait signalé l’an passé (pour le centenaire de la naissance du chef hongrois) un premier coffret consacré au legs orchestral de Fricsay. On espère, on attend avec impatience la suite, opéra, musique sacrée…

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Don Juan

Coïncidence : un film et un coffret qui me ramènent à la Suisse.

Un film qui ne tiendra sans doute pas longtemps l’affiche, un beau sujet déjà traité par Sébastien Lifchitz dans Les Invisibles, qui fait aussi écho au Harvey Milk de Gus van Sant   avec Sean Penn : Der Kreis / Le Cercle du réalisateur suisse allemand Stefan Haupt (http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=226779.html). Docu-fiction plutôt réussie, pudique, juste, sur cette Suisse – on est à Zurich dans les années 1950 – qui passait pour tolérante et qui insidieusement persécutait les hommes et les femmes qui s’aiment. Et un petit plaisir personnel, celui d’avoir été sans doute le seul dans la salle à n’avoir pas eu besoin du sous-titrage pour comprendre les dialogues en pur « Schwyzerdütsch » (le suisse allemand, et son avatar zurichois, étant imperméable même à un parfait germaniste !)

Avant de découvrir ce film, j’avais ouvert le beau coffret que Warner consacre à Thomas Hampson, éternel Don Juan, qui fête une soixantaine rayonnante.

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Coffret richement et intelligemment composé à partir des fonds EMI et Teldec, où l’on retrouve notamment de larges extraits des opéras de Mozart gravés par Harnoncourt

J’ai vu assez souvent le baryton américain sur scène, mais je conserve un souvenir tout particulier d’un Don Giovanni, donné en 1991 – bicentenaire de la mort de Wolfgang oblige – au Grand Théâtre de Genève, dans la mise en scène éblouissante du grand Matthias Langhoff, sous la baguette de mon cher Armin Jordan, avec une équipe comme savait les constituer le patron de la scène genevoise de l’époque, Hugues Gall : aux côtés de Thomas Hampson, prestance physique et vocale idéale pour Don Juan, Marylin Mims (Donna Anna), Gregory Kunde (Don Ottavio), Nancy Gustafson (Donna Elvira), Willard White (Leporello), Francois Harismendy (Masetto), Della Jones (Zerlina), Carsten Harboe Stabell (le Commandeur), et bien sûr l’Orchestre de la Suisse Romande.

Et le souvenir d’un verre partagé avec le chef, et le héros de la soirée, à la Cave Valaisanne : courtoisie, simplicité, culture. Une belle personnalité.

Polyglottes

Polyglotte : « qui parle plusieurs langues » (ref. Larousse)

Je ne connais pas d’adjectif qui exprimerait la même idée en musique, qui qualifierait un compositeur capable de parler plusieurs langages musicaux, d’écrire plusieurs styles de musique avec le même bonheur.

L’actualité récente nous en offre deux illustrations.

D’abord l’Oscar 2015 de la musique de film décerné au compositeur français Alexandre Desplat pour The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson.

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Comme d’illustres devanciers ou aînés (Maurice Jarre, Ennio Morricone, Nino Rota, Vladimir Cosma, et tant d’autres), Alexandre Desplat sait tout faire, tout écrire, et c’est d’ailleurs le secret d’un bon compositeur de musique de film.

Autre actualité : le décès à 92 ans, le 20 février dernier, de Gérard Calvi.

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(Emouvante photo prise en 1995, à l’occasion d’une émission de France Musique avec de gauche à droite Michel Larigaudrie – qui l’avait précieusement conservée – Olivier Morel-Maroger, votre serviteur, une collaboratrice de la direction de la musique de l’époque, Gérard Calvi et… Rolf Liebermann !).

Gérard Calvi c’est pour toute une génération l’infatigable auteur de centaines de chansons, de musiques de films (Le Petit baigneur avec Robert Dhéry !),

d’indicatifs ou d’accompagnements d’émissions de radio, un touche-à-tout au talent polymorphe. Mais comme pratiquement tous ses contemporains, qui se sont illustrés dans ce qu’on appelait alors la musique légère, Gérard Calvi, né Grégoire Elie Krettly, s’est abreuvé aux sources les plus classiques. Michel Larigaudrie rappelait son ascendance illustre :

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