Je ne suis pas sûr qu’à part son fameux « pont », synonyme de long week-end et d’éventuels congés, l’on sache encore ce qu’est l’Ascension et le pourquoi d’un jour férié un jeudi !
Le calendrier chrétien
Rappelons donc que l’Ascension est une fête chrétienne célébrée le quarantième jour à partir de Pâques. Elle marque la dernière rencontre de Jésus avec ses disciples après sa résurrection et son élévation au ciel. Elle exprime un nouveau mode de présence du Christ, qui n’est plus visible dans le monde terrestre, mais demeure présent dans les sacrements. Elle annonce également la venue du Saint-Esprit dix jours plus tard et la formation de l’Église à l’occasion de la fête de la Pentecôte. Elle préfigure enfin pour les chrétiens la vie éternelle.
Le jeudi de l’Ascension est jour férié dans plusieurs pays et célébré chaque année entre le 30 avril et le 3 juin pour le calendrier grégorien. Pour les catholiques et les protestants, en 2022, l’Ascension est le jeudi 26 mai et en 2023 elle aura lieu le 18 mai. Pour les orthodoxes, c’est respectivement le 2 juin et le 25 mai. (Source Wikipedia).
L’Ascension en musique
De manière certes moins abondante ou spectaculaire que Noël ou la période pascale, l’Ascension a inspiré les compositeurs.
On pense en premier lieu à Jean-Sébastien Bach et à sa cantate BWV 11 Lobet Gott in seinen Reichen, souvent nommée Oratorio de l’Ascension (17 mai 1735)
L’un des fils Bach, Carl Philip Emanuel (1714-1788), écrit un oratorio qui réunit deux épisodes : la Résurrection (à Pâques) et l’Ascension du Christ (1774)
Le prolifique Telemann (1681-1767) avait fait de même en 1770, quelques années avant C.P.E.Bach, sur le même livret de Karl Wilhelm Ramler.
et écrit plusieurs cantates pour ces fêtes religieuses du printemps.
Incontournable Messiaen
Au XXème siècle, le plus religieux des compositeurs français, Olivier Messiaen (1908-1992) consacre à l’Ascension deux recueils, en 1932 pour orchestre symphonique, puis en 1933 pour orgue, composés de quatre mouvements :
Majesté du Christ demandant sa gloire à son Père
Alleluias sereins d’une âme qui désire le Ciel
Transports de joie d’une âme devant la gloire du Christ qui est la sienne
Prière du Christ montant vers son Père
Deutsche Grammophon a eu la bonne idée de réunir en un coffret anniversaire (Olivier Latry vient de fêter ses 60 ans) les enregistrements de l’organiste à la tribune de Notre Dame de Paris, en particulier une intégrale de l’oeuvre d’orgue de Messiaen qui fait référence.
J’en profite pour rappeler qu’Olivier Latry est l’un des invités prestigieux de l’édition 2022 du Festival Radio France pour un récital sur les orgues de la Cathédrale Saint-Pierre de Montpellier le 20 juillet prochain, qui rendra, entre autres, hommage à César Franck à l’occasion de son bicentenaire : lefestival.eu.
Depuis l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, les prises de position, les manifestations de solidarité se multiplient, notamment de la part des artistes, des musiciens. Et beaucoup d’illustrer leur propos par de la musique, des oeuvres, des compositeurs qui se réfèrent à l’Ukraine. Ce faisant, ils ajoutent involontairement du crédit à Poutine qui s’appuie précisément sur l’histoire de la grande Russie pour nier l’existence de l’Ukraine.
Un peu d’histoire
Dès le lycée, puis à l’Université, je me suis passionné pour la langue, la culture, l’histoire russes, et j’ai encore, très présent dans ma mémoire, ce que nous avions appris de la Russie primitive. J’invite à lire l’excellente notice Wikipedia sur la Russie de Kiev !
Tous les mélomanes connaissent le dernier des Tableaux d’une exposition de Moussorgski, intitulé : La grande porte de Kiev.
Il s’agit d’un monument construit en 1018, la Porte dorée, plusieurs fois détruite, et reconstruite en 1982 à l’occasion du 1500ème anniversaire de la fondation de Kiev.
Le tableau de Viktor Hartmann, ou plutôt l’esquisse du peintre ami de Moussorgski :
Comme on le sait, Les Tableaux d’une exposition de Moussorgski sont d’abord une série de pièces pour piano. Ici le final La grande porte de Kiev est jouée par le plus illustre des pianistes russes, né… à Kiev en 1903 !
Ou ici par un autre illustrissime pianiste russe, Sviatoslav Richter, né à Jytomyr en Ukraine en 1915.
C’est évidemment dans l’orchestration de Ravel que ces Tableaux ont acquis les faveurs de tous les grands orchestres, des chefs et du public.
On trouve sur YouTube toutes sortes de témoignages. Celui qui suit date de 2011 : l’Orchestre philharmonique de Berlin est dirigé par le plus grand chef russe actuel, qui est depuis hier mis au ban de la communauté musicale internationale à cause de sa proximité avec Poutine, Valery Gergiev (mise en demeure du maire de Milan, concerts du Philharmonique de Vienne au Carnegie Hall de New York où Yannick Nezet-Seguin remplace le Russe).
Il faudrait bien plus qu’un billet pour illustrer tout ce que la musique russe doit à l’Ukraine. Tchaikovski bien sûr et sa Deuxième symphonie, surnommée « Petite Russie ». Parce que c’était le nom affectueux par lequel on désignait l’Ukraine dans l’empire russe. Et bien sûr, s’agissant de Tchaikovski, parce que le compositeur s’inspire très largement de thèmes populaires ukrainiens. Mais il en utilise aussi dans beaucoup d’autres oeuvres, comme dans sa Quatrième symphonie !
Je découvre cette version captée au Concertgebouw d’Amsterdam sous la baguette d’un chef que je n’attendais absolument pas dans ce répertoire, John Eliot Gardiner
Aujourd’hui, et depuis trente ans, et la chute de l’Union Soviétique, l’Ukraine est un pays indépendant, souverain, qui a élu démocratiquement ses dirigeants. Rien, et surtout pas les allusions au passé de l’empire russe, ne justifie la guerre que le maître du Kremlin a déclenchée pour asservir, neutraliser, un Etat et un peuple dont il va jusqu’à nier l’existence.
En solidarité avec tous ceux qui sont aujourd’hui durement éprouvés, ce témoignage musical d’un immense artiste, né lui aussi en Ukraine, à Odessa, en 1903, le grand Nathan Milstein :
Au début du mois John Eliot Gardiner dirigeait un magnifique programme Berlioz / Elgar (lire Antoine et John Eliot en Italie). Rien que du très attendu de la part du chef britannique, dont on sait de longue dates les affinités avec Berlioz et dont on pense comme une évidence qu’il s’intéresse aux compositeurs anglais.
Mais, comme en témoigne, entre autres, le gros coffret publié par Deutsche Grammophon il y a quelques mois (Le jardinier de la musique), John Eliot Gardiner a souvent emprunté des chemins de traverse, qui n’ont pas manqué de surprendre…
Je me rappelle, en particulier, une soirée dans ce qui est, dans l’imaginaire collectif, la plus célèbre adresse parisienne, chez Maxim’s, rue Royale.
C’était fin 1994, Deutsche Grammophon avait fait les choses en grand pour célébrer la parution d’un coffret luxueux – La Veuve joyeuse de Lehar – avec une distribution qui ne l’était pas moins : John Eliot Gardiner dirigeant l’orchestre philharmonique de Vienne, Cheryl Studer, Bryn Terfel, Bo Skovhus, Rainer Trost, Barbara Bonney, le gratin de l’époque ! Et, comme une partie de l’opérette se déroule explicitement chez Maxim’s, le label avait invité presse et personnalités parisiennes à un souper fin rue Royale.
Comme le chante le prince Danilo, comme le chanta ce soir-là Bo Skovkus, « da geh ici zu Maxim, dort bin ici sehr intim »
Le baryton danois et la soprano américaine nous offrirent quelques extraits « live » de cet enregistrement.
Cette version a ses adeptes. On ne peut pas reprocher à Gardiner de se vautrer dans la crème fouettée. Mais on peut préférer des visions plus Mitteleuropa, avec des « veuves » plus idiomatiques que la voix passe-partout de Miss Studer. Même la trop sophistiquée Elisabeth Schwarzkopf se fait plus voluptueuse, sous la baguette – inégalée dans ce répertoire – d’Otto Ackermann en 1953, et même dix ans plus tard sous la houlette plus extérieure de Lovro von Matacic. Je me demande finalement si je n’ai pas une vraie préférence pour la sensuelle et subtile Elizabeth Harwood, trop tôt disparue à 52 ans, qui fait une formidable Hanna Glawari dans la version presque puccinienne de Karajan en 1972.
Quant à John Eliot Gardiner il a, outre cette Veuve joyeuse, gravé quelques disques avec les Wiener Philharmoniker, avant l’interruption de leur collaboration.
Jeudi, Daniele Gatti et le Requiem de Verdi au théâtre des Champs Elysées (Immortel requiem), vendredi, faute d’avoir pu aller revoir Hamlet à l’Opéra Comique (Il ne faut pas croire Chabrier) – regrets avivés par les échos unanimes que j’en ai – je m’étais promis d’aller entendre Louis Langrée à la Seine Musicale, avec l’Orchestre des Champs-Elysées et un joli programme de musique française (Bizet, Saint-Saëns). Rendez-vous manqué, pour cause de méforme passagère.
John Eliot Gardiner, dont Louis Langrée fut l’assistant à l’Opéra de Lyon, assistait à la dernière d’Hamlet (Photo @Chrysoline Dupont/Twitter)
Heureusement hier soir j’ai pu me rendre à la Maison de la Radio et de la Musique, où je n’avais pas remis les pieds depuis plusieurs semaines :
Et retrouver justement un chef (Le jardinier de la musique) qu’on avait laissé, conquis, bouleversé, à La Côte Saint-André en août 2018, dirigeant des cantates de Bach. Et un soliste, Antoine Tamestit, qu’on n’a plus jamais perdu de vue, depuis une stratosphérique Symphonie concertante de Mozart en janvier 2006 à Liège. Je ne suis pas sûr d’avoir déjà raconté les circonstances de cette première rencontre : le magnifique violoniste Frank Peter Zimmermann, qui était un peu un abonné de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, et que nous avions sollicité pour le festival Mozart dirigé par Louis Langrée, nous avait dit : « Je ne le connais pas encore, mais j’aimerais bien qu’on invite Antoine Tamestit à mes côtés ». C’est peu dire que ce fut un coup de foudre entre les deux solistes, entre Antoine et le chef, avec le public. Et, même à distance, entre l’altiste et moi, une amitié admirative qui m’a souvent fait regretter de manquer tel ou tel de ses concerts..
Un grand souvenir
A La Côte Saint-André, en 2018, je n’avais pu assister, justement, au concert de l’Orchestre révolutionnaire et romantique dirigé par John Eliot Gardiner, où Antoine Tamestit devait jouer cette oeuvre si étrange de Berlioz, sa « symphonie avec alto principal », Harold en Italie.
Hier soir, dans le cadre chaleureux de l’Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique, d’abord on rattrapa les souvenirs perdus, et on eut le sentiment d’une plénitude rare.
Ce miraculeux Harold est heureusement à (ré)écouter sur francemusique.fr.
Manifestement l’entente entre le chef anglais – qui fêtera ses 80 ans l’an prochain – et l’Orchestre philharmonique de Radio France produit des étincelles autant dans Berlioz, qui n’est pas la partition la plus facile à diriger, que dans la seconde partie du programme.
Elgar dans le sud
J’ai raconté mes vacances d’entre deux confinements en 2020 :Italie 2020, et notamment ma visite d’une charmante cité balnéaire de Ligurie, Alassio : C’est au cours de l’hiver 1903/1904 qu’Elgar séjourne à Alassio. Dans l’une des nombreuses lettres qu’il adresse à son ami August Johannes Jaeger– qu’il surnomme affectueusement Nimrod, du titre qu’il a donné à la fameuse neuvième variation des Enigma Variations– il écrit, à Noël 1903 : « …This place is jolly – real Italian and no nursemaids calling out ‘Now, Master Johnny!’ like that anglicised Bordighera!…Our cook is an angel…We have such meals! Such Wine! Gosh!… » Plus tard il écrira : “Then in a flash, it all came to me – the conflict of the armies on that very spot long ago, where I now stood – the contrast of the ruin and the shepherd – and then, all of a sudden, I came back to reality. In that time I had composed the overture – the rest was merely writing it down.” (extrait de mon billet du 25 août 2020)
Je n’avais jamais entendu ce poème symphonique d’Elgar – In the South – en concert (pas difficile puisque la musique anglaise n’est quasiment jamais programmée en France ! on se rattrapera avec la prochaine édition du Festival Radio France). Encore moins l’oeuvre qui terminait le concert : Sospiri.
Merci Sir John Eliot ! Revenez à Paris dès que vous pouvez.
Je vous parle d’un temps que les moins de… trente ans ne peuvent pas connaître. Lorsque la FNAC était installée (était-ce le premier magasin ?) au début du boulevard de Sébastopol à Paris (et avenue de Wagram dans le 17ème), bien avant l’ouverture – qui avait fait sensation – de la très grande surface de la rue de Rennes.
J’ai un souvenir particulier de la FNAC Sébastopol, où le provincial que j’étais dans les années 70 avait pris ses habitudes à chaque fois que je pouvais « monter » à Paris. En l’occurrence, un an après la mort soudaine de mon père, ma mère avait éprouvé le besoin, sur le conseil du médecin de famille, d’aller passer quelques semaines en Suisse chez frères, soeurs et cousins. Je l’accompagnai donc en train jusqu’à Paris, d’où elle repartirait jusqu’à Berne.
J’avais quelques heures avant mon train de retour vers Poitiers. C’est ce jour-là que j’entrai pour la première fois à la FNAC Sebastopol. Je n’ai jamais oublié l’odeur particulière… de la grille d’aération du métro au droit de l’entrée du magasin. Et bien sûr l’odeur d’un magasin où le disque vinyle régnait en maître (il n’y avait alors dans les magasins FNAC que disques et matériel haute-fidélité)
Ce jour-là de 1973, je me rappelle avoir acheté deux (ou trois? )disques Mozart, un peu sur les conseils d’un vendeur très attentionné (sans doute étonné de voir un jeune homme de 17 ans fureter dans son rayon !), un peu en fonction de ce que j’avais dû entendre sur France Musique.
Ce furent mes premiers 33 tours avec des géants, Otto Klemperer (voir Eloge de la lenteur) et Thomas Beecham, que je ne cesserais plus de révérer, et des disques qui sont restés des modèles.
A réécouter ces Mozart, même après les « relectures » des Mackerras, Gardiner, Harnoncourt ou l’excellente intégrale d’Adam Fischer, je ne renie pas, bien au contraire, ces premières amours discographiques.
C’est tout aussi vrai de ce disque de concertos, où Beecham et ses superbes solistes prennent leur temps, chantent éperdument, au risque de perdre de la vitalité essentielle de Mozart.
Jack Brymer (1915-2003) a gravé plusieurs fois ce concerto, dont j’ai depuis acquis et entendu maintes autres versions, peut-être plus conformes à ce que j’attends/entends de l’oeuvre. Mais celle-ci garde ces couleurs d’automne de mon adolescence.
Et puis quelle allure, quelle classe dans le début du concerto pour basson !
Rappelez-vous, le (re)confinement de tous les lieux accueillant du public, c’était le 30 octobre 2020 ! Le 11 novembre je commençais une série : Les raretés du confinement, dont je n’imaginais pas qu’elle durerait six mois…
Quoi qu’il en soit, je ne regrette pas cette chronique musicale d’un confinement inédit, d’une période que nous mettrons du temps à analyser, digérer, dépasser.
Retour sur la dernière décade.
13 mai : l’Ascension de Gardiner
Une oeuvre qui s’impose en ce jour de l’Ascension : la cantate BWV 11 de Jean-Sébastien Bach « Lobet Gott in seinen Reichen » (Louez Dieu dans ses royaumes) est créée et dirigée par le compositeur le 19 mai 1735 à Leipzig pour l’office de l’Ascension.Ici dans une version exaltante de John Eliot Gardiner
Je reparlerai très bientôt du chef anglais qui bénéficie d’un somptueux coffret rééditant l’ensemble de ses enregistrements pour Deutsche Grammophon et Archiv Production (de Bach.. à Lehar !
14 mai : mes années disco
Tandis que je revenais sur les lieux de mon enfance et de ma famille paternelle (Retour aux sources) j’apprenais la disparition d’un homme de la nuit, Jean-Yves Bouvier, que j’avais bien connu pendant mes années disco. Ces quelques mois, au tournant des années 70/80, où l’on pouvait danser jusqu’au bout de la nuit sur les pistes de discothèques aujourd’hui disparues.
15 mai : il pleut sur Nantes
Visitant Nantes ce matin – où je n’étais pas revenu depuis 2015 – j’avais oublié le terrible incendie survenu il y a moins d’un an, le 18 juillet 2020, à la Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul (L’incendie de la cathédrale de Nantes) qui, à la différence de l’incendie de Notre-Dame de Paris, a ravagé les grandes orgues Girardet de 1621.
Il pleuvait sur Nantes ce jour-là, les magasins étaient encore fermés. Et je ne pouvais empêcher l’entêtante et bouleversante chanson de Barbara – Nantes – de se replacer dans une partie de ma mémoire dont elle n’est jamais partie.
16 mai : Martinon à Chicago
Un tube tellement ressassé, le Boléro de Ravel. Et pourtant on tend l’oreille, on est porté, transporté par l’extraordinaire version – trop peu connue – de Jean Martinon (lire : Martinon enfin. Jean Martinon fait briller le Chicago Symphony Orchestra de tous ses feux. Ravel plus sensuel que jamais
17 mai : encore un peu de Martinon
Après mon marché du week-end (Marchéde printemps) quelques pépites ajoutées à ma discothèque ou redécouvertes, comme cette extraordinaire série d’enregistrements de Jean Martinon à Chicago.une version superlative (et quelle prise de son !) de la 2ème suite de Bacchus et Ariane de Roussel
18 mai : les sept instruments de Frank Martin
Dans la série Martinon à Chicago (lire : Marché de printemps) une vraie rareté, le concerto pour 7 instruments à vent du Suisse Frank Martin (1890-1974), et l’occasion d’entendre les fabuleux souffleurs du Chicago Symphony Orchestra
Bonheur rare de pouvoir à nouveau déambuler en toute tranquillité dans les belles salles du Musée Fabre de Montpellier, d’y retrouver en particulier les Soulages qu’on aime tant et qui nous ont tant manqué…
Dans Le Figaro du 22 avril, ceci : Beaucoup de directeurs de festival poussent au pass sanitaire ou au QR code sur l’application Anti-Covid: « «Je ne trouve pas ça plus attentatoire aux libertés que l’attitude irresponsable de quelques-uns, qui empêche tous les autres de travailler ou de vivre. Et je suis sûr que le public comprendrait», dit Jean-Pierre Rousseau (lire Les festivals de l’été).
Il arrive – parfois – qu’on soit entendu, et que l’optimisme raisonnable que je manifestais le 7 avril dernier en annonçant l’édition 2021 du Festival Radio France Occitanie Montpellier se traduise désormais en certitude.
Le président de la République, ce matin dans la presse régionale (voir Le Midi Libre), donne enfin des perspectives, un calendrier précis. Oui l’été sera festif !
Cette chronique est peut-être une des dernières !
19 avril : Veronica la cheffe russe
Du compositeur arménien Aram Khatchaturian (1903-1978) on connaît surtout ses ballets Gayaneh et Spartacus ou Mascarade, une musique de scène pour une pièce de Liermontov. J’ai redécouvert dans ma discothèque une oeuvre beaucoup plus rare… dirigée par une cheffe d’orchestre russe ! La Veuve de Valence est une musique de scène écrite par Khatchaturian, en 1939/40, pour la pièce éponyme de Lope de la Vega, qui devient une brillante suite d’orchestre en 1953. Espagnolades garanties, revues à la manière arménienne !
Quant à Veronica Dudarova (1916-2009) c’est la première femme cheffe d’orchestre au monde à diriger un orchestre permanent au XXème siècle. Elle prend la direction de l’orchestre symphonique d’Etat de Moscou en 1947 et dirigera jusqu’en 2007 !
Aram Khatchaturian : La Veuve de Valence, suite d’orchestre
Orchestre symphonique d’Etat de Moscou
dir. Veronica Dudarova
20 avril : La Veuve de Gardiner
John Eliot Gardiner fête aujourd’hui ses 78 ans.Dans son abondante discographie, où dominent Bach, Haendel, les baroques, les premiers romantiques, la Veuve joyeuse enregistrée il y a 25 ans à Vienne fait figure de glorieuse exception. On n’a pas refait mieux depuis…
21 avril : Elizabeth a 95 ans
Nul ne peut ignorer que la reine Elizabeth fête aujourd’hui ses 95 ans, cinq jours après les funérailles de celui qu’elle épousa en 1947. C’est pour le couronnement du roi George II en 1727 que George Friedrich Haendel écrit Zadok the Priest. Depuis lors, ce Coronation Anthem est joué à chaque couronnement.
Il le fut donc en 1953 lors de celui d’Elizabeth II.
J’ai depuis longtemps une admiration infinie pour la cantatrice d’origine roumaine, Julia Varady (lire mes souvenirs de ses débuts à Carnegie Hall : Julia Varady à Carnegie Hall)
Je me rappelle, entre bien d’autres prestations incomparables, sa formidable incarnation d’Abigaille dans le Nabucco de Verdi qui a ouvert l’ère Gall à l’Opéra Bastille en septembre 1995.
Julia Varady a gravé, pour Orfeo, plusieurs disques d’airs d’opéra, de Verdi notamment, avec le plus aimant et le plus aimé des chefs d’orchestre, son mari Dietrich Fischer-Dieskau (1925-2012)
23 avril : Thomas Pesquet, de la Terre aux étoiles
Au moment où Thomas Pesquet se confine pour six mois dans la station spatiale internationale, revue – non exhaustive – de quelques musiques des sphères (De la terre aux étoiles) et pour moi la plus ardente, et pourtant méconnue, des versions des Planètes de Holst. Et quelle prise de son !
Thomas Pesquet est le nouveau roi des étoiles. En 1911, Stravinsky écrit « Le roi des étoiles » une brève cantate (moins de 6′) sur un poème de Constantin Balmont, pour choeur d’hommes et grand orchestre.
Au début de sa carrière, Michael Tilson Thomas en donne une très belle version.
Stravinsky : Le roi des étoiles / The King of Stars (Zvezdoliki)
La disparition de Christa Ludwig ce 24 avril a occulté celle d’une autre chanteuse, la veille, Maria Ilva Biolcati, plus connue sous le pseudonyme de Milva.
Christa Ludwig est morte hier à 93 ans.
Carrière immense, personnalité rayonnante, voix admirable, tous les hommages seront rendus à la cantatrice disparue (Eternelle Christa Ludwig)
Elle n’était pas que l’inoubliable interprète de Beethoven, Schubert, Schumann, Mahler, Wagner, elle pouvait aussi être la facétieuse Old Lady du Candide d’un Leonard Bernstein qu’elle adorait :
Cette fois, dans un répertoire où elle n’a fait que de rares incursions, mais un duo inoubliable avec Maria Callas dans l’enregistrement de Norma de Bellini dirigé par Tullio Serafin en 1961;
Christa Ludwig était plutôt Richard que Johann Strauss. Elle a tout de même interprété – au disque en tout cas – le rôle travesti du prince Orlofsky dans La Chauve-souris / Die Fledermaus de Johann Strauss, dans une version injustement méconnue de 1959 – Elisabeth Schwarzkopf avait été remplacée au dernier moment par Gerda Schreyer – dirigée par le chef suisse, d’origine roumaine, Otto Ackermann, trop tôt disparu en 1960.
Christa Ludwig n’en rajoute pas dans l’exotisme de pacotille, ni dans la caricature.
Du très connu, et du très rare, comme l’unique valse de Johann Strauss que Previn ait jamais enregistrée.
D’abord intitulée Hand in Hand, cette valse composée lors de la visite de Guillaume II de Prusse à Vienne change de titre, lors de la visite retour de François Joseph à Berlin le 21 octobre 1889, et devient Kaiserwalzer – qu’il faudrait donc traduire par Valse des… empereurs.
Sans doute cette valse rappelait-elle à André Previn ses origines berlinoises…
29 avril : Svetlanov au piano
Le grand chef russe Evgueni Svetlanov (1928-2002) – lire Le génie de Genia – était aussi un excellent pianiste et un compositeur qui s’est soigneusement tenu à l’écart de la modernité.
Dans son unique concerto pour piano, il est le soliste, dirigé par Maxime Chostakovitch à la tête de l’Orchestre de la radio-télévision d’URSS.
Evgueni Svetlanov: concerto pour piano en do m
Evgueni Svetlanov, piano
Orchestre symphonique de la Radio-Télévision d’URSS dir. Maxime Chostakovitch
Schubert est le compositeur de l’intime, de la tendresse, de la douleur retenue, des bonheurs simples et bucoliques.
Dans ses symphonies, les indications de tempo sont tout sauf précises, elles donnent une idée, une allure, de ce que le compositeur avait en tête. D’où des différences, parfois abyssales.
Allegro moderato(6ème symphonie)
Le meilleur exemple en est donné par le finale de la 6ème symphonie marqué « allegro moderato » (bel oxymore !)
Karl Böhm penche nettement du côté moderato :
Mais il est largement battu par un Harnoncourt soporifique !
Le jeune Lorin Maazel, en 1961, oublie complètement le « moderato »
Quarante ans plus tard, il récidive en public avec l’orchestre symphonique de la radio bavaroise – dont il fut le directeur musical de 1993 à 2002.
Ecouter à partir de 17’12
Si le chef américain voulait démontrer la virtuosité collective de son orchestre, c’est réussi. En revanche, on est à des lustres de l’humeur joyeuse de Schubert, plutôt dans une bande-son d’un Tom and Jerry ! À côté de la plaque.
Dans la jeune génération, Andres Orozco Estrada fait la preuve qu’on peut adopter un tempo rapide et varier les atmosphères : la reprise du thème comme un écho alenti de l’allégresse initiale, une trouvaille ! Et quel magnifique orchestre ! à partir de 22’02
A l’inverse, on ne pourra pas accuser René Jacobs d’irrégularité métronomique. Ce dernier mouvement avance désespérément tout droit, comme si le chef s’y ennuyait, avant de décider de bousculer la coda pour en finir !
Et si les clés de cet « allegro moderato » se trouvaient dans la version du Viennois Josef Krips ? Tout y est, un tempo alerte, l’humeur joyeuse qui musarde, s’attarde, la respiration collective d’un orchestre dont ce n’était pas le répertoire d’élection.
Andante (9ème symphonie)
Je ne devrais pas l’écrire, mais, s’agissant de la « Grande » 9ème symphonie de Schubert, je ne trouve pas ses longueurs toujours « divines« , pour reprendre un mot prêté à Schumann qui se démena pour faire créer l’oeuvre, le 21 mars 1839, neuf ans après la mort du compositeur (c’est Mendelssohn qui dirigeait l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig !).
De nouveau, la question du tempo se pose dans l’andante initial, confié au cor solo. Le tempo mais surtout l’esprit, le phrasé. C’est peu dire qu’indépendamment des générations, les chefs abordent l’oeuvre très différemment.
Il y a d’abord un problème de matériel : sur les partitions les plus anciennes, cet andante est indiqué à 4/4, sur les plus récentes (et donc les plus conformes au manuscrit de Schubert), il est à C barré autrement dit 2/2, et donc deux fois plus rapide..
Et ce n’est pas qu’affaire de tempo, mais d’articulation, de phrasé, d’imagination aussi.
Si l’on prend la version de Georg Solti qu’on présente souvent comme une référence, on a un bel exemple de lenteur scolaire, peu inspirée…
Charles Munch paraît presque précipité en comparaison, en tout cas il est « allant », vraiment andante !
Wolfgang Sawallisch qui a laissé l’une des plus belles (et l’une des premières) intégrales des symphonies de Schubert dans les années 60 avec la Staatskapelle de Dresde, nous donne ici au soir de sa carrière, avec les glorieux Wiener Philharmoniker, une version magnifiquement équilibrée
Une autre proposition « viennoise » qui retient l’attention est celle de John Eliot Gardiner
C’est d’un natif de Vienne que vient cette toute récente version – que j’avais chroniquée pour Diapason – Christoph von Dohnanyi dirigeait le Philharmonia de Londres le 1er octobre 2015. Et comme je l’écrivais : les choses commencent bien : le vieux chef entame la symphonie d’un pas alerte, un authentique andante, là où tant d’autres posent des pieds de plomb, mais dans l’allegro ma non troppo qui suit (avec toutes les reprises !) l’ennui va progressivement s’installer, qui ne se dissipera pas avec un 2 ème mouvement (andante con moto) rythmiquement instable. Le scherzo manque de rebond et de tendresse – on devrait y entendre l’écho des Ländler et autres danses populaires viennoises chères à Schubert – et le finale tourne en rond comme épuisé, malgré quelques sursauts inopinés des timbales !
Je me demande si, à tout prendre, ce n’est pas Carlo Maria Giulini qui a réussi la version la plus aboutie de toute la discographie, en 1976 avec l’orchestre symphonique de Chicago. Un début qui donne envie de parcourir jusqu’au bout cette bien longue symphonie, avec un finale fulgurant, qui nous rappelle que Schubert n’avait pas 30 ans lorsqu’il composa son ultime chef-d’oeuvre symphonique !
Le hasard, ou plus exactement le projet de faire étape dans une maison d’hôtes agréable sur le chemin du retour d’Italie, m’a fait choisir comme halte l’une des quatre sous-préfectures du Puy-de-Dôme, la bien tranquille cité d’Ambert, 6600 habitants.
On n’a pas remarqué beaucoup d’animation dans les rues du centre ville ancien…
Originale, cette mairie ronde, ancienne halle aux grains, construite en 1816.
Une bonne table, le M, d’une belle originalité, plats copieux, vins pour tous les goûts.
Je ne sais pas qui lit encore Jules Romains, encore moins l’un de ses romans, publié en 1913,Les Copains :
Au cours d’une soirée bien arrosée, une bande de copains (Broudier, Bénin, Lesueur, Omer, Huchon, Martin et Lamendin) décident de sanctionner les villes d’Ambert et d’Issoire car, à leurs yeux, elles font preuve d’insolence sur une carte de France. Après avoir consulté un somnambule en guise d’oracle pour vérifier la pertinence de leur décision, ils passent à l’action. C’est ainsi que la caserne d’Ambert recevra nuitamment une visite impromptue du ministre (en réalité Broudier), qui demande à voir des manœuvres immédiates dans la ville. Bénin se fait quant à lui passer pour un éminent théologien venu de Rome, et le curé lui laisse avec émotion la place en chaire pour le sermon : les paroissiens éberlués entendent une apologie (d’abord masquée puis débordante) de la luxure ! À Issoire, lors de l’inauguration d’une statue de Vercingétorix sur la place Sainte-Ursule, le héros gaulois (qui n’est autre que Lesueur, nu sur le cheval de bronze) répond grossièrement au discours du député.
Ces Copains donneront une chanson, et parmi les plus célèbres de son auteur, Georges Brassens
puis le film, pour lequel la chanson a été écrite, d’Yves Roberten 1965, avec une joyeuse bande d’acteurs, Noiret, Rich, Lonsdale, Bedos, Mondy...
Mais, en choisissant Ambert comme étape, j’ignorais que c’était la ville natale d’un compositeur que j’admire profondément depuis longtemps, Emmanuel Chabrier, qui, né le 18 janvier 1841, y grandit jusqu’en 1852. Encore quatre ans à Clermont-Ferrand avant que la famille ne s’installe à Paris.
Le monument et le jardin dédiés à Chabrier, à Ambert.
J’aime Chabrier pour son art d’échapper aux. classifications, sa totale liberté vis-à-vis des modes, des influences, sa manière d’écrire une musique si subtilement française. Aucun label n’a encore eu l’idée d’éditer une intégrale de son oeuvre, qui tiendrait en moins d’une douzaine de CD.
Son oeuvre d’orchestre, dominée par quelques tubes comme Espana, ou la Joyeuse marche, tient en un double CD. Paul Paray en a été l’interprète le plus éclairé, Plasson le plus complet.
Une version plutôt exotique d’Espana, dirigée par Placido Domingo lors de l’un des célèbres concerts berlinois de la Waldbühne :
Plus convaincante, cette version de la Fête polonaise dirigée par Neeme Järvi à la tête de l’orchestre symphonique de Detroit :
On aime beaucoup les Mélodies de Chabrier, tendresse, poésie, humour, et dans cette intégrale publiée par Hyperion il y a de quoi se régaler…
L’oeuvre pianistique, que j’ai toujours beaucoup de plaisir à jouer, a trouvé en Pierre Barbizet son interprète idéal
Deux subtiles versions des ouvrages lyriques de Chabrier à recommander :
Gabriel Bacquier est mort à quatre jours de son 96ème anniversaire.
Je laisse aux spécialistes le soin de dire en termes choisis et experts tout le bien qu’il faut penser de la longue carrière du baryton français le plus célèbre de la seconde moitié du XXème siècle.
Je n’ai jamais entendu Gabriel Bacquier autrement qu’au disque, mais dans chacun de ceux où il paraissait j’ai toujours aimé ce personnage admirable. Cette voix chaleureuse qui semblait ne pas connaître de limite de puissance ni de couleurs. Bien sûr la parfaite incarnation de certains rôles qu’il ne poussait jamais à l’excès (dans Verdi comme dans Offenbach). Et cette diction, cette manière qu’on croit révolue de chanter le français, sans affectation mais dans une forme de perfection dont tant de plus jeunes chanteurs auraient raison de s’inspirer.
Est-il incongru de préférer cette vision pleine et chaleureuse de la mélodie de Duparc à celle, plus précieuse, d’un Gérard Souzay ?
Il reste heureusement beaucoup de témoignages de cet art magnifique au disque, à commencer par cette indispensable compilation :
Dans cette version de stars des Contes d’Hofmann, Gabriel Bacquier sauve la mise, par sa diction parfaite qui contraste avec le sabir dont font usage ses deux illustres comparses.