#Confinement jour 33
A l’approche d’un nouveau week-end confiné, quelques plaisants exemples de… plaisanteries musicales de la part des compositeurs eux-mêmes (pour les interprètes je renvoie à mes chroniques précédentes : La musique pour rire I, II, III, IV, V).
Mozart
La plus connue n’est pas – et de loin – la plus simple à comprendre : Ein musikalischer Spaß (Une plaisanterie musicale) est un divertimento que Mozart achève le 14 juin 1787, qui est aussitôt créé à Vienne.
Mozart concentre dans cette partition, d’une écoute a priori agréable (sauf les accords conclusifs !), à peu près tous les défauts qu’un compositeur doit éviter, et parodie certainement nombre de ses contemporains. C’est ainsi en tout cas que fut reçue cette « plaisanterie » par le public et la critique viennois.
Pas sûr qu’aujourd’hui l’auditeur non musicien soit capable de repérer les éléments parodiques et comiques de la composition.
- L’utilisation de dominantes passagères à la place des accords de sous-dominante.
- Des dissonances entre les deux parties de cors.
- Une montée de gamme par tons dans la cadence de violon.
- Une orchestration maladroite, par exemple une ligne mélodique ténue absorbée dans un accompagnement lourd et monotone (quatrième mouvement).
- Des modulations erronées pour la forme sonate (par exemple, dans le premier mouvement, les modulations progressives échouent toujours à atteindre la dominante, jusqu’à ce que la composition y saute sans préparation).
- Le démarrage du mouvement lent se fait dans la mauvaise tonalité (sol majeur au lieu de do majeur)
- Un minable passage en fugato dans le dernier mouvement qui enfreint toutes les règles de la composition fugale.
Ce morceau est également l’un des premiers à faire usage de polytonalité dans une composition classique. En effet, à la fin du morceau, chaque instrument joue l’accord final dans une tonalité différente, peut-être pour se moquer des instruments à cordes désaccordés (puisque seuls les cors demeurent dans la tonalité du morceau, Fa majeur). Les basses concluent le morceau en si bémol majeur, les altos en mi bémol majeur et les deux parties de violons en la majeur et sol majeur !!
Il est un autre morceau de Mozart, le plus célèbre peut-être, la sérénade Köchel 525, plus connue comme la Petite musique de nuit que le chef Armin Jordan, grand mozartien s’il en fut, trouvait indigne du génie de Mozart. Il trouvait les thèmes d’une banalité insigne, il refusait d’ailleurs de la diriger et ne comprenait pas la célébrité qu’elle avait acquise.
Haydn
Chez l’aîné de Mozart, Joseph Haydn (1732-1809) l’humour, la surprise, sont des éléments inhérents à son mode de composition. Les pianistes savent ce que je veux dire, dans quasiment toutes les sonates. Dans les symphonies, c’est patent.
Le finale de la symphonie n°45 (1772) est peut-être la première expression du syndicalisme en musique ! Pour faire comprendre au prince Nicolas Esterhazy qui l’emploie et qui semble prolonger plus que de mesure son séjour estival dans son palais de Fertöd, que les musiciens de la Cour (et Haydn lui-même) aimeraient bien regagner leurs foyers à Eisenstadt, le compositeur, dans le dernier mouvement de sa symphonie, met en scène le départ des musiciens l’un après l’autre, jusqu’à ce que restent plus que deux violons… Daniel Barenboim s’était bien amusé, lors du concert de Nouvel an du 1er janvier 2009, à reproduire la scène…
Deux autres symphonies célèbres de Haydn comportent des éléments de surprise… qui ont atteint leur but si l’on en croit les critiques de l’époque.
J’ai déjà évoqué la symphonie n°94 – intitulée « la Surprise » – et son mouvement lent dans mon billet consacré à Hoffnung. Haydn introduit, quelques minutes après l’énoncé du thème calme et tranquille de ce mouvement, un coup de timbales qui ne peut que réveiller l’auditoire.
Version Hoffnung
version « normale » avec le regretté Mariss Jansons dirigeant l’orchestre philharmonique de Berlin le 1er mai 2001 à Istanbul.
La symphonie n°103 s’ouvre de manière totalement inédite.. par un roulement de timbales.
Harnoncourt va jusqu’à laisser libre cours au timbalier de l’orchestre phiharmonique de Vienne pour improviser un long solo en ouverture.
Dans la moins connue symphonie n°60 (1775), qui reprend la musique de scène que Haydn avait écrite pour la pièce Le Distrait de Jean-François Regnard, le dernier mouvement prestissimo est brusquement interrompu par le grincement de violons désaccordés.
J’ai consacré tout un billet à Beethoven (La musique pour rire : Beethoven).
Leroy Anderson
J’ai déjà évoqué ce compositeur américain, Leroy Anderson (1908-1975), le maître d’une spécialité qui compte de nombreux et talentueux adeptes outre-Atlantique (lire Carmen à Hollywood) la musique orchestrale dite « légère ». En particulier à l’occasion du décès de l’acteur Jerry Lewis il y a bientôt trois ans : Leroy & Jerry
Cette scène est sans doute la seule qui est restée dans les mémoires d’un film de 1963 (Who’s minding the store / Un chef de rayon explosif) dont le scénario n’est pas inoubliable !
Avec un savoir-faire exceptionnel, Leroy Anderson met en valeur la virtuosité de ses interprètes, pastiche aimablement ses aînés. Il fera longtemps le bonheur des Boston Pops… et le nôtre !
La meilleure compilation Leroy Anderson / Boston Pops / Arthur Fiedler :