Deadly Affair pour John Le Carré

bernard pivot@bernardpivot1

« John Le Carré est un grand écrivain qui a donné des chefs d’œuvre au roman d’espionnage et en a fait un genre littéraire majeur »

« Dans Le tunnel aux pigeons, ses mémoires, John Le Carré raconte la mémorable émission d’Apostrophes qui lui était consacrée et pour laquelle il avait pris des cours de français à l’Alliance française de Londres pour rafraîchir son usage de notre langue. Perfectionniste! »

On a appris hier soir le décès, ce samedi 12 décembre, de David John Moore Cornwell, dit John le Carré, dont Le Monde dresse un portrait conforme à ce que, depuis mes jeunes années, j’ai aimé du personnage, de l’écrivain et de son oeuvre :

« Depuis ma plus tendre enfance, j’étais un espion », a-t-il dit un jour. Avant d’ajouter : « J’ai toujours eu l’impression d’être né en territoire ennemi. Mon enfance a été plombée par une incertitude constante. Sans cesse, il fallait être sur le qui-vive, flairer les embrouilles, les mensonges, décoder les discours à double fond, faire semblant d’être un garçon “normal” de la classe moyenne. »

Et c’est à Berne, dans ces années 1948-1949, qu’il est approché pour la première fois par les services secrets britanniques. Il expliquera plus tard :

« L’espionnage, c’est comme les histoires d’amour, tout tient au hasard des rencontres. Un jour que je me sentais particulièrement seul et mélancolique, je m’étais rendu à l’église. Il y avait là un couple étrange qui, me voyant à ce point désemparé, m’a invité à prendre une tasse de thé, puis m’a convaincu que mon pays avait besoin de moi. J’étais trop jeune pour avoir connu la seconde guerre mondiale, mais j’étais habité par un fort sentiment de patriotisme. Et surtout, le monde du secret m’attirait. Je dois dire qu’en le pénétrant, j’y ai découvert un refuge ! »

De 1959 à 1964, secrétaire d’ambassade à Bonn, puis consul à Hambourg, il assiste à la partition de l’Allemagne. Sous sa couverture de diplomate, il transmet des messages à des agents, visite discrètement des appartements, lance des opérations de désinformation contre le camp ennemi. Sa carrière d’espion est vraisemblablement ruinée le jour où le fameux agent double, Kim Philby, passé à l’Est, révèle au KGB le nom de l’agent secret Cornwell et de quelques dizaines d’autres…

En 1961, il s’était rendu à Berlin aux premières heures de la construction du mur.

« J’avais vu la Friedrichstrasse hérissée de fils de fer barbelés, les chars russes et américains se faire face en se menaçant. En rentrant chez moi, je me suis mis à écrire “L’Espion qui venait du froid”Je noircissais des carnets en allant au travail ou pendant les heures creuses à l’ambassade. Ma famille devenait folle. Tous les matins, je me levais vers 4-5 heures pour écrire. J’avais l’impression de vivre une chose qui n’arrive qu’une fois dans une vie : une combinaison unique de circonstances politiques, d’appétit féroce d’écriture, de naufrage complet de la vie privée. » (Franck Nouchi, Le Monde, 13.12.2020)

J’ai beaucoup lu John Le Carré, chaque été avant de partir en vacances, je glissais un de ses gros romans dans mes bagages. Et je confirme ce que Bernard Pivot et bien d’autres avec lui ont dit : Le Carré c’était une écriture, un style – il fallait parfois s’accrocher pour surmonter, dépasser des premières pages touffues, labyrinthiques – !

Et puis John Le Carré ce sont beaucoup d’excellents films : je pensais en avoir vu l’essentiel. A en consulter la liste, je m’aperçois que j’en ai encore à découvrir.

Je reste encore sous le coup du dernier que j’ai vu au cinéma quand il est sorti en 2012 : La Taupe, avec un formidable Gary Oldman,

Bien sûr L’Espion qui venait du froid

Et puis encore The Deadly Affair (en français MI5 demande protection) de Sidney Lumet en 1966, peut-être parce que Simone Signoret y joue la veuve d’un agent secret qui, accusé à tort de sympathies communistes, s’est suicidé.

Mais tous les films tirés de John Le Carré sont à voir ou à revoir. Aucun n’est médiocre ou inintéressant.

Et les bandes-sons !

Quincy Jones pour The Deadly Affair

Sol Kaplan pour L’Espion qui venait du froid : ce piano si mélancolique, intrigant…

J’avais manqué cette Grande Librairie de François Busnel il y a deux ans ! Formidable et bouleversant témoignage, l’acuité d’une pensée, d’un regard impitoyable sur le monde et l’actualité.

Pour ceux qui veulent retrouver ces atmosphères typiques de la Guerre froide, le Berlin des années 70… et d’après la chute du Mur, ces photos prises lors de mes séjours à Berlin : Le Mur de Berlin

Jean Cluzel (1923-2020)

Ces jours-ci, mon blog ressemble décidément à un obituaire, que chaque jour vient compléter d’une nouvelle disparition.

Je n’ai appris qu’aujourd’hui le décès, à l’âge très respectable de 97 ans, de Jean Cluzel, ancien sénateur, président du conseil général de l’Allier, redouté rapporteur du budget de la radio-télévision au Sénat.

Jean Cluzel c’est d’abord, pour moi, mon premier employeur, la première personne avec qui j’ai signé, à 22 ans, un contrat de travail à durée indéterminée, mon premier poste d’assistant parlementaire (comme je l’ai raconté dans deux billets : Attaché parlementaire, Réhabilitation)

Nègre

Je me rappelle très bien, un garçon de mon âge, dans ma voiture, boulevard Saint-Germain à Paris, sous une pluie battante. Nous sommes en janvier 1978. J’ai fait la connaissance de Jean-Yves en août 1976, lors d’une université politique d’été. Il me dit, tout à trac, que son père cherche quelqu’un – son père est un monsieur très connu dans le monde de la politique de l’époque, un sénateur dont on parle, Jean Cluzel – ! J’ai beau penser que je n’ai aucune des qualités requises pour travailler auprès d’un tel personnage, il m’incite à le rencontrer et organise le rendez-vous. Le sénateur de l’Allier est très clair : il a besoin de quelqu’un qui sache faire des recherches et qui sache écrire. Il a plusieurs ouvrages en préparation, je serai son « nègre »durant deux ans (1978-1980)

Ainsi à 22 ans j’entre dans l’un des plus beaux palais de la République, le Sénat, j’ai pour moi un grand bureau dans l’annexe – bureau que n’occupe pas le sénateur puisqu’en tant que rapporteur spécial, il bénéficie d’un bureau encore plus vaste au sein même du palais du Luxembourg. Et pendant deux ans, je vais préparer des fiches, des notes, faire des recherches, écrire des pages entières pour un personnage très conscient de son importance, d’autres diraient imbu de lui-même, infatué, considérant autrui, à commencer par sa propre famille, son épouse, comme étant à son service exclusif.

Je voyais peu Jean Cluzel, nous correspondions par notes. Je me rappelle une fois – ce ne fut pas la seule – où il me renvoya un texte annoté d’un simple et définitif « nul ». À quoi je lui répondis par retour de courrier, du haut de mes 23 ans : « Qui se ressemble s’assemble » ! Il ne me gratifia plus jamais d’aussi péjoratifs qualificatifs.

Pour écrire son chef-d’oeuvre – une étude comparée des télévisions européennes – auquel je ne suis pas peu fier d’avoir apporté mon concours (!), il décida de se rendre dans différentes capitales européennes pour regarder la télévision. C’est ainsi que le 28 septembre 1978, Jean Cluzel se trouvait à Rome. Une fois n’était pas coutume, je l’appelai à son hôtel pour vérifier qu’il avait eu la nouvelle qui était tombée sur les téléscripteurs du monde entier ce matin-là : la disparition brutale du pape Jean-Paul 1er. Il me répondit qu’il savait bien que le pape Paul VI était mort (le 26 août 1978) et qu’il ne comprenait pas que je le dérange pour lui rappeler cette nouvelle. En fait, il n’avait pas ouvert sa télévision ni lu les journaux ni n’était même sorti dans les rues de Rome, puisque c’est moi qui lui appris la mort du successeur de Paul VI !

Télémanie

« Le » livre qui avait été le principal objet de mon contrat d’assistant parlementaire, était enfin sorti chez Plon – le célèbre éditeur n’était qu’à quelques dizaines de mètres du Sénat ! – sous l’affriolant titre de Télémanie

Voici comment l’éditeur présentait l’ouvrage :

« Qu’est-ce que la télévision française ? Un énorme budget qui a augmenté de 79 % en cinq ans ; trois chaînes ; près de 10 000 heures de programmes et — avec la radio — plus de 15 000 personnes. C’est aussi la vitrine de la France et le porte-voix de sa culture. C’est, enfin, une machine à laquelle la majorité des Français consacre une quantité croissante d’heures de loisirs, près d’un millier par an, en succombant dès l’enfance à ce qu’il faut bien appeler la télémanie. Est-il, dans la France d’aujourd’hui, sur les différents plans politique, moral et culturel, une question plus grave pour l’avenir ? Pour y voir clair, il est bon d’aller chez nos voisins pour observer comment, par exemple, ils parviennent à concilier le contrôle de l’État avec les exigences diverses des téléspectateurs. C’est ce que Jean Cluzel a fait ; il raconte ce qu’il a vu et entendu ; puis, à la lumière de cette expérience, il analyse la façon dont notre télévision assure sa triple mission d’information, de culture et de divertissement. Ce livre où vibrent les accents du pamphlet marque l’attachement de l’auteur pour cette merveilleuse machine ; il fait suite à « Télé-violence » et à « l’Argent de la télévision », rapport fait au nom d’une commission sénatoriale d’enquête. L’auteur suggère en conclusion que les Français — aussi bien hommes de télévision que simples usagers — s’interrogent sur leurs responsabilités pour que demain les choses aillent mieux.« 

L’ouvrage ne présentait qu’un intérêt modéré, et je ne suis pas sûr qu’il ait passionné ses quelques courageux lecteurs.

Un rapporteur craint

Mais le sénateur Jean Cluzel était le très redouté rapporteur spécial de la commission des Finances de la Chambre haute, chargé du budget de la Radio Télévision française ! Il ne se contentait pas d’aligner bilans et chiffres, il écrivait un rapport qui faisait trembler chaque année patrons de chaînes et gouvernement.

Quand le rapporteur Cluzel sortait un livre, et je pus en témoigner pour Télémanie, son statut lui ouvrait toutes les portes, toutes les émissions, une couverture médiatique dont peu d’auteurs, écrivains ou essayistes même renommés eussent rêvé. Je me rappelle ainsi avoir accompagné Jean Cluzel au 13 h de TF1, animé par Yves Mourousi (dont j’ai surpris quelques minutes avant le début du JT un aparté avec le rédacteur en chef qu’il engueulait pour lui avoir imposé la présence de Cluzel pour un bouquin qu’il n’avait pas lu!), sur le plateau d’Apostrophes chez Bernard Pivot, et quantité d’autres émissions de radio et de télévision. Il les avait à peu près toutes faites.

Je conserve finalement un bon souvenir de ces années d’apprentissage. Jamais je n’aurais alors imaginé faire carrière dans la radio, et en particulier à Radio France… quelques années plus tard (lire L’aventure France Musique)! Ironie de l’histoire.

Le golfe du Bengale, Pivot, Mauriac et Sibelius

Après avoir crapahuté au milieu des plants de thé (Ma tasse de thé), sur les hauteurs de Horton Plains (Dans les Highlands cingalaisêtre redescendu voir les éléphants (La grâce des éléphants) puis remonté à 1000 mètres d’altitude passer une nuit au milieu d’une Rain Forest, je profite d’un week-end de farniente (même si ce terme n’a plus de sens depuis qu’on est connecté partout et tout le temps !) au bord de la mer du Bengale.

IMG_2030

IMG_2033Loin de toute concentration touristique, au gré des départs et des retours des embarcations de pêche.

IMG_2041

J’ai emporté quelques livres, téléchargés pour les plus volumineux, « physiques » pour les plus légers. Comme souvent, des livres commencés en parallèle, dont j’interromps et reprends la lecture selon l’humeur du moment.

Comme ces faux mémoires de Bernard Pivot.

81vGYaAJFjL

Des souvenirs par bribes, la nostalgie parfois d’un journalisme qui fut longtemps le sien et qui n’est plus.

De son professeur au Centre de formation des journalistes :  » Je lui dois ma méfiance pour le premier mot qui vient vite sous la plume, un autre étant peut-être plus exact ou moins convenu. Je lui sais gré de m’avoir appris à commencer un article par une phrase qui intrigue ou bouscule le lecteur… »

Je souriais en lisant ce « conseil ». En des termes presque identiques, et sans avoir jamais été journaliste moi-même, je n’ai cessé de le prodiguer (jusqu’au harcèlement ?) à celles et ceux avec qui je travaille. Même pour un banal communiqué de presse, un texte de présentation, une notice de programme. Ou pour un article de blog ! Combien de fois ai-je renoncé à un papier, parce que je ne trouvais pas l’entame, le premier mot, la première phrase ! (ah ces premières phrases dont Laurent Nunez a fait un excellent bouquin L’énigme des premières phrases). 

Je reviendrai au bouquin de Pivot. Parfait pour les vacances. On l’ouvre à une page au hasard : en quelques lignes, il dessine un univers, met en scène un personnage, une époque.

C’est l’un de ses chapitres – Mauriac ou le denier du culte  – qui m’a d’ailleurs donné envie d’ouvrir l’imposante biographie de Mauriac signée Jean-Luc Barré. Pivot raconte que, pour les 80 ans de l’illustre académicien, « le sacre du dernier grand écrivain régnant » (Jean-Luc Barré), Le Figaro avait décidé d’offrir un cadeau à son chroniqueur : Tous les collaborateurs du journal furent priés de verser leur obole afin que le présent témoignât d’une admiration et d’une affection collectives. Admiration, oui, affection, non : je refusai de participer à la collecte/…/L’auteur des Nouveaux mémoires intérieurs était un fameux journaliste. Mais aussi un confrère distant et froid/…./Pas une seule fois, en six ou sept années, il ne poussa la porte du salon du premier étage où étaient réunis les rédacteurs de son journal, celui dans lequel il écrivait chaque semaine : Le Figaro Littéraire/…../Je crois qu’il n’avait pour nous que de l’indifférence…

91uHPIP-MgL

Plongé dans mes lectures, quand je ne me baigne pas dans une mer aussi chaude que l’air, j’écoute la musique téléchargée sur mon téléphone portable… et je lis les échanges souvent savoureux, parfois musclés, de mes amis critiques sur Facebook. À propos de l’intégrale des symphonies de Sibelius qui vient de sortir – et que je n’ai pas écoutée -, la première d’un orchestre français, celle de Paavo Järvi avec l’Orchestre de Paris. 

61sMT3mw1cL._SL1200_

Extraits : JCH Enfin reçu, mais pas convaincu par la 3e Symphonie que je viens d’entendre….

HM Faut dire que la 3e est sans doute celle qui convient le moins à Järvi. Barbirolli y a, de toute manière, réglé la question.

PB J’ai trouvé que c’était celle qui lui convient le moins mal …

MC Berglund/Bournemouth et Blomstedt/San Francisco (très sous-évalué)

GR Pour la Sibelius-3, de mon avis à écouter la version magnifique de Mravinsky/Leningrad et enrégistré en 1963.

PYL La 3è de Sibelius de Mravinsky est l’un des trésors les plus surcotés de toute la discographie sibélienne. C’était vraiment pas son truc, Sibelius.

JPR Histoire de relancer le sujet 🙂 quelqu’un sait pourquoi c’est la seule symphonie de Sibelius ( la 3ème) que Karajan n’a jamais enregistrée ?

PYL il ne la sentait pas cette symphonie intermédiaire, comme beaucoup de sibéliens de la première heure tel Ormandy.

RL C’est curieux cette manière de surinterpréter: Karajan a d’abord laissé la place à Okko Kamu, qui avait gagné le prix Karajan (il en a même été le premier récipiendaire en 1969). Les quatre disques de Kamu chez DG, avec Berlin ou Helsinki, sont superbes, dans mon souvenir.

PYL Le plus grand interprète de cette 3e reste Tauno!

RL « le plus grand », « le plus grand », ça veut dire quoi ? C’est juste ta version préférée 🙂

On ne s’ennuie pas sur Facebook quand on aborde un sujet aussi sérieux que la 3ème symphonie de Sibelius !

J’ai donc réécouté deux versions de cette symphonie que j’ai sur mon smartphone. Celle du jeune Okko Kamu – dont il est question dans l’échange ci-dessus – plutôt rustaud, moins intéressant que dans mon premier souvenir.

6151oAQhTnL

Et puis surtout, celle de Lorin Maazel gravée à Vienne au mitan des années 60, qui fut pour moi celle de la découverte des symphonies de Sibelius, un coffret que j’avais trouvé, il y a plus de quarante ans, dans une véritable caverne d’Ali Baba aux Puces de Saint-Ouen.

61Jiodj8UpL._SL1400_

Maazel a refait une intégrale Sibelius à Pittsburgh au début des années 90. Il est de bon ton de la trouver moins réussie que la viennoise. Voire.

Ainsi fonts font fond…ou fonds !

Il y a quatre ans, je m’amusais à proposer ici La dictée verte de Cendrillonen réaction à une faute courante : la pantoufle de verre au lieu de vair (quoique le débat reste ouvert sur le choix du matériau opéré par Charles Perrault !).

Dans plusieurs articles récents, et des interventions d’amis sur Facebook, je vois une confusion fréquente entre fond et fondsD’où l’idée de cette nouvelle dictée de mon cru, pour tester votre orthographe et celle de vos proches, dans la bonne humeur !

Dans le fond

« Me remémorant mes belles années à Liège, et les amitiés que je m’y suis faites, je me disais que les animateurs du Fonds Léon Frédéricq avaient bon fond – ils se reconnaîtront -, se dévouant à fond à la cause de la recherche médicale de fond, et à la recherche de fonds pour alimenter ce fonds ! Ceux-là, quand ils font quelque chose, ils le font à fond

Je me rappelle aussi la réouverture de l’imposante Collégiale Saint-Barthélemy de Liège, en 2006, et la redécouverte de ses fonts baptismaux.

800px-Renier_de_Huy_JPG00Encore aujourd’hui, je fonds littéralement à la vue de pareil chef-d’oeuvre. Un trésor de l’art mosan qui n’appartient pas au fonds d’art religieux aujourd’hui réuni au Grand Curtius.voisin. Qui n’a pas non plus bénéficié, pour sa rénovation, des fonds d’un fonds souverain, tant mieux peut-être !

Dans le fond, pour bien gérer nos fonds personnels ou secrets – le conseil vaut aussi pour  le responsable des fonts baptismaux de Liège ! – il faut deux qualités : avoir bon fond, et disposer d’un fonds de roulement, ou d’un fond de caisse qui permette de voir venir…en dégustant un fond d’artichaut ! » (Jean-Pierre Rousseau)

 

(La reproduction de tout ou partie de ce texte est interdite sauf accord exprès de l’auteur)

Livre de vie

Je ne sais ce qui m’a, jusqu’à présent, retenu de lire les témoignages, les ouvrages, les récits publiés à la suite des attentats de 2015 – Charlie le 7 janvier, le Bataclan et les terrasses du 11ème le 13 novembre. Crainte d’entrer comme par effraction dans l’intimité douloureuse de ceux qui ont survécu ou perdu un fils, un frère, un mari…Peur d’être dans une sorte de compassion voyeuriste.

J’avais exactement les mêmes réticences à l’égard du livre de Philippe Lançon, Le Lambeau

71dRCKedfdL

Je ne connais pas Philippe Lançon, je n’ai jamais lu ses papiers dans Libé ou Charlie, ni ses précédents livres. Et quand j’ai appris le sujet de ce livre, je me suis d’abord dit que non, pas plus que les autres, je ne céderais à la tentation de regarder la douleur, l’indicible, s’étaler sous mes yeux.

Et puis des amis chers, et puis quelqu’un que je respecte infiniment – Bernard Pivot dans le Journal du DimancheCelui qui n’était pas tout à fait mortm’ont convaincu non pas de céder à une curiosité malsaine, mais d’entrer dans un univers littéraire rare, une écriture magnifique qui transfigurent l’événement, l’atrocité de l’attentat, de la tuerie du 7 janvier 2015.

Quand un homme a la malchance de descendre aux enfers et la chance d’en revenir vivant, quoique à moitié, l’existence n’est plus un fleuve tranquille mais un torrent qui charrie l’inconcevable. Philippe Lançon raconte onze mois de sa vie passés pour l’essentiel dans une chambre d’hôpital et au bloc de chirurgie, et c’est bien plus terrifiant que les films fabriqués pour faire peur. Pourtant, il ne s’apitoie pas sur lui-même, il ne hausse ni ne lénifie le ton. Il se contente de raconter avec précision, méticuleusement, la reconstruction physique et morale d’un homme qu’on a voulu détruire. Il prend son temps comme s’il se revanchait du temps qui lui était alors compté et dont il faillit être privé à tout jamais…(Bernard Pivot, Le Journal du Dimanche, 15 avril 2018)

Mais ce livre est beaucoup plus, beaucoup mieux que ce récit de l’indicible. Philippe Lançon use d’un procédé qui, chez d’autres, lasserait, la digression, l’échappée vers des souvenirs, des amours, des amitiés, que sa mémoire « d’avant » a fixés et que sa renaissance « d’après » restitue avec une acuité, une capacité d’évocation exceptionnelles.
Au moment où j’achève cet article, paraît dans Le Parisien un appel-manifeste « Contre le nouvel antisémitisme«  lancé, entre autres, par Philippe Val, ex-patron de Charlie Hebdo. Il fait terriblement écho au livre de Philippe Lançon…
Extraits (Le Monde, 22 avril 2018)

Plus de 300 personnalités ont signé un « manifeste contre le nouvel antisémitisme » en France, dénonçant un « silence médiatique » et une « épuration ethnique à bas bruit au pays d’Emile Zola et de Georges Clemenceau » dans certains quartiers, dans Le Parisien à paraître dimanche 22 avril.

« Nous demandons que la lutte contre cette faillite démocratique qu’est l’antisémitisme devienne cause nationale avant qu’il ne soit trop tard. Avant que la France ne soit plus la France », lit-on dans ce texte.

Il a été signé par des politiques de droite comme de gauche – l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, l’ex-premier ministre Manuel Valls, l’ancien maire de Paris Bertrand Delanoë, le président des Républicains Laurent Wauquiez… –, et par des artistes (Gérard Depardieu, Charles Aznavour, Françoise Hardy…). Alain Finkielkraut, Bernard-Henri Levy, Elisabeth Badinter et Luc Ferry sont aussi au nombre des signataires, tout comme des responsables religieux, dont des imams.

« Dans notre histoire récente, onze Juifs viennent d’être assassinés – et certains torturés – parce que Juifs par des islamistes radicaux », écrivent-ils, en référence à l’assassinat d’Ilan Halimi en 2006, à la tuerie dans une école juive de Toulouse en 2012, à l’attaque de l’Hyper Cacher en 2015, à la mort par défenestration à Paris de Sarah Halimi en 2017 et, récemment, au meurtre d’une octogénaire dans la capitale, Mireille Knoll.

« Les Français juifs ont vingt-cinq fois plus de risques d’être agressés que leurs concitoyens musulmans », lit-on dans ce manifeste.

« Dix pour cent des citoyens juifs d’Ile de France – c’est-à-dire environ 50 000 personnes – ont récemment été contraints de déménager parce qu’ils n’étaient plus en sécurité dans certaines cités et parce que leurs enfants ne pouvaient plus fréquenter l’école de la République. »

Ciblant principalement ce « nouvel antisémitisme », les signataires demandent « que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés de caducité par les autorités théologiques, comme le furent les incohérences de la Bible et l’antisémitisme catholique aboli par [le concile] Vatican II, afin qu’aucun croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime ». « Nous attendons de l’islam de France qu’il ouvre la voie », écrivent-ils.

 

Le français est un combat

Il n’y a bien qu’en France qu’on peut s’enflammer pour ce genre de combat, qu’on peut en faire un sujet d’actualité, la une d’un hebdomadaire et une flopée de bouquins : la langue, celle qu’on parle, celle qu’on écrit, notre langue française !

Je ne suis pas en reste sur ce blog, dernier article en date : Inclusif intrusif.

Le Point  en faisait sa une la semaine dernière : Qui en veut à la langue française ?

555603

Il faut croire que l’heure est grave pour que l’Académie française, d’ordinaire plutôt taiseuse et discrète, se fende d’une déclaration adoptée à l’unanimité  : Déclaration de l’Académie française sur l’écriture dite inclusive.

« On voit mal quel est l’objectif poursuivi et comment il pourrait surmonter les obstacles pratiques d’écriture, de lecture – visuelle ou à voix haute – et de prononciation. Cela alourdirait la tâche des pédagogues. Cela compliquerait plus encore celle des lecteurs. »

Hier soir, France Inter consacrait son émission Le téléphone sonne (#TelSonne) à la même polémique, avec deux invités particulièrement éloquents. Une émission qu’on peut, qu’on doit réécouter ici : Prêt.e.s pour l’écriture inclusive ?

« Si on fait autant d’histoires autour d’elle, c’est sans doute une bonne nouvelle. On parle d’attachement à une langue. « Non à l’écriture inclusive, volontairement machiste, rendue machiste par les hommes » disent certaines et certains… « Une langue mise en péril. La langue française parle d’histoire et d’héritage. Y toucher, c’est la mettre en péril » disent les autres, comme l’Académie française pour qui le masculin est neutre. . 

Nous adorons, nous les français* (Dommage d’avoir laissé cette faute sur le site de France Inter : nous les Français, et pas les français !), les querelles linguistiques et historiques. Nous en faisons des débats qui tournent souvent au vinaigre. La réforme de l’orthographe il n’y a pas si longtemps… L’écriture inclusive depuis quelques semaines, depuis que Hatier a introduit, dans un manuel scolaire, ce point milieu qui met sur le même niveau féminin/masculin : Auditeur.trice.s ou encore agriculteur.trice.s. Quelle histoire et bien parlons-en ! »

Je dois reconnaître que le président de l’Académie Goncourt, le toujours vert Bernard Pivot est bien plus convaincant qu’Eliane Viennot

Au-delà de cette question, que je trouve parfaitement ridicule et surtout inopérante – en quoi cette déformation de la langue française favoriserait-elle l’égalité hommes-femmes ? – demeurent de vraies interrogations sur l’évolution du français (cf. le remarquable dossier du Point la semaine dernière). Dans l’entreprise, sur les réseaux sociaux, dans les médias.

61-smHhZdtL

Tous les jours, que ce soit dans les journaux, à la télévision, mais aussi dans la publicité ou au supermarché (sans parler des réseaux sociaux), l’orthographe et la grammaire sont maltraitées… Il est temps que cela cesse ! Je t’apprends le français bordel ! se propose de rétablir les vérités les plus évidentes (par exemple, connaître l’utilité des accents : « DSK à la barre » ne signifie pas la même chose que « DSK a la barre ») aux plus subtiles (la différence entre « apporter » et « emmener », ou entre « censé » et « sensé », les noms à double consonne, l’accord des adjectifs et des couleurs).

Tel un justicier de l’orthographe, l’auteur (Julien Szewczykillustre dans un style ironique et grinçant, avec de vrais exemples à l’appui, toutes ces fautes que nous ne voulons plus jamais voir, comme ces « comme même » au lieu de « quand même », ces « en dirait » au lieu de « on dirait », ou ces « entre guimets » au lieu de « entre guillemets », mais aussi ces étiquettes de supermarché faites à la va-vite qui promeuvent fièrement des « tronches de pastèque », des « merguez de beauf », des « jambons péchés en Côte d’Ivoire », ou des « qui oui ».

L’humour n’est pas de trop dans un combat qui est tout sauf rétrograde ou réactionnaire, mais un combat pour la richesse et la diversité d’une langue qu’on aime, qu’on admire, et qu’on pratique dans le monde entier.

81l4RE2GrSL.jpg

Régine et Françoise

Le hasard des publications a fait que j’ai acheté en même temps deux coffrets qui, l’un de manière avouée, l’autre dans une discrétion regrettable, honorent deux grandes chanteuses françaises.

Voyant annoncé le coffret Warner « Régine Crespin, a Tribute », on se disait qu’on aurait peut-être enfin rassemblée une discographie très dispersée, hors intégrales d’opéras, de la cantatrice française disparue il y a dix ans, Régine Crespindont je n’ai jamais été un admirateur inconditionnel. Raté !

71eGbMU8rAL._SL1227_

Pourquoi les  concepteurs de ce coffret qui y ont intelligemment placé des récitals parus sous étiquette Decca (comme les incontournables Shéhérazade et Nuits d’été avec Ansermet), se sont-ils arrêtés en chemin, privant l’acheteur d’autres enregistrements Decca, airs d’opérettes avec Lombard et Sebastian – de très loin le meilleur disque de Crespin ! – extraits de Werther de Massenet, d’Ascanio de Saint-Saëns ?

71en6+J40hL._SL1219_

En remplissant mieux les galettes, un ou deux CD de plus auraient fait l’affaire, et on aurait eu un portrait complet d’une artiste, dont la discographie reste finalement modeste.

81AtNSn+6zL._SL1094_

Je n’ai jamais osé dire ni écrire, n’étant pas un spécialiste de la chose lyrique, que la voix de Régine Crespin m’a plus souvent irrité que comblé, même si je lui ai toujours reconnu une supériorité incontestable dans l’art de dire, de chanter le français. J’ai un peu moins de complexes à l’avouer depuis que j’ai lu le texte d’André Tubeuf dans le nouveau coffret : « en ce début d’années 60 qui étaient celles de sa splendide jeune trentaine… la voix encore dans sa première splendeur soyeuse et lumineuse, capable de liquidités » et, plus loin « jusqu’au moment où ce surmenage lié au fait de n’être chez soi nulle part… altéra sensiblement la beauté purement physique de sa voix, et son aigu, lui, irrémédiablement. »

La vraie révélation vient d’un autre coffret de 10 CD qui pourrait passer inaperçu à cause de la banalité et de l’ambiguïté de son titre : Jacques Mercier conducts French Masterworks.

Jacques Mercier, pour nos amis belges, c’est une sorte de Bernard Pivot, la star du Jeu des dictionnaires de la RTBF. C’est l’un de ses homonymes, le chef d’orchestre français Jacques Mercierqui est ici à l’oeuvre, et ce n’est pas lui faire injure que de constater qu’il n’a pas la notoriété de plus illustres confrères, français ou étrangers. Ensuite le concept de « French masterworks » ? Inadapté pour le moins, s’agissant d’oeuvres rares, trop rares, dont ce sont, pour la plupart, les seuls enregistrements. On va y revenir, pour recommander très chaleureusement l’achat de ce coffret à tout petit prix.

81AYd4q0X1L._SL1500_

81lgwnsapoL._SL1208_

Mais, quand j’évoquais dans mon incipit une « discrétion regrettable », c’est de celle qui est l’héroïne de cinq des dix CD de ce coffret, qu’on a souvent présentée comme l’héritière, à défaut d’en être l’élève ou la disciple, de Régine Crespin, la soprano française Françoise Pollet.

pollet-rire_1

Pas plus que de Régine Crespin, je n’ai jamais été un inconditionnel de Françoise Pollet, mais elle ne mérite en rien l’oubli d’une carrière, d’une personnalité, d’une voix singulières, même si elle partage sans doute avec son aînée des traits de caractère qui ne l’ont pas toujours servie. Il faut lire ce bel entretien en toute liberté donné à Camille de Rijck sur ForumoperaJ’ai souvent dit tout haut ce que les autres pensaient tout bas

J’ai quant à moi un souvenir très fort de l’ouverture du trop bref mandat de Louis Langrée à l’Opéra national de Lyon, en octobre 1998, Ariane et Barbe-Bleue de Dukas : Françoise Pollet y était impériale dans le rôle-titre.

51ZWYY5DXfL

Ce coffret Sony redonne ainsi à entendre la cantatrice  dans un récital d’airs sacrés très original (CD 1, 1996), le Requiem et le Psaume XVIII de Saint-Saëns (CD 2, 1989), le Requiem d’Alfred Bruneau (CD 7, 1994), La Lyre et la harpe,  Le Déluge, La Nuit de Saint-Saëns (où elle partage l’affiche avec une toute jeune Natalie Dessay – CD 8 & 9, 1993).

Mais, outre l’intérêt de retrouver Françoise Pollet dans ce répertoire français qu’elle a magnifiquement servi, il faut re…mercier (!) Jacques Mercier d’avoir défriché des répertoires oubliés, même d’un Michel Plasson qui a tant fait (et tant enregistré !) pour la musique française. C’est une aubaine de voir reparaître des enregistrements depuis longtemps disparus, dans des versions sans concurrence, où se déploient la fine fleur du chant français des années 90 et un Orchestre national d’Ile-de-France qui a fait oeuvre de pionnier sous la direction de son infatigable animateur durant vingt ans, de 1982 à 2002.

Inclusif intrusif

Excellent article dans Le Monde daté d’aujourd’hui : Prêt.e.s. pour l’écriture inclusive ? 

qui fait suite à d’autres prises de position comme celle de Raphael Enthoven  sur Europe 1 : Le désir d’égalité n’excuse pas le façonnage des consciences.

Mais ce n’est pas le ridicule de cette nouvelle mode de l’écriture « inclusive » qui motive ce billet, qui me trotte dans la tête depuis un bon moment.

C’est l’usage abus-if , dérivé de l’anglais évidemment, d’adject-ifs ou de substant-ifs se terminant par -if, qui contamine le discours public, comme les relations professionnelles.

Quelques exemples, liste malheureusement non exhaust-ive ! :

Emmanuel Macron est-il un président « disruptif » ? (lire Libération : pourquoi tout le monde sort ce mot)

« La soirée, organisée par le réceptif local, a été très déceptive » – traduction pour ceux qui causent encore en vieux français : La soirée, organisée par le correspondant ou responsable local, a été très décevante.

« L’Etat encourage les comportements performatifs et innovatifs des créatifs des start-upers » Innovant, performant c’est ringard ? Certes « créatif » est entré dans le langage courant, comme substantif, il ne prend la place d’aucun mot pré-existant.

J’en appelle au travail collaboratif des lecteurs de ce blog pour enrichir cette rubrique…inclusive !

Et puisque je dénonce le mésusage de ce suffixe -if , je ne résiste pas au plaisir de citer le célèbre poème de Rudyard Kiplingau titre aussi bref qu’évocateur : If

If you can keep your head when all about you   
    Are losing theirs and blaming it on you,   
If you can trust yourself when all men doubt you,
    But make allowance for their doubting too;   
If you can wait and not be tired by waiting,
    Or being lied about, don’t deal in lies,
Or being hated, don’t give way to hating,
    And yet don’t look too good, nor talk too wise:
If you can dream—and not make dreams your master;   
    If you can think—and not make thoughts your aim;   
If you can meet with Triumph and Disaster
    And treat those two impostors just the same;   
If you can bear to hear the truth you’ve spoken
    Twisted by knaves to make a trap for fools,
Or watch the things you gave your life to, broken,
    And stoop and build ’em up with worn-out tools:
If you can make one heap of all your winnings
    And risk it on one turn of pitch-and-toss,
And lose, and start again at your beginnings
    And never breathe a word about your loss;
If you can force your heart and nerve and sinew
    To serve your turn long after they are gone,   
And so hold on when there is nothing in you
    Except the Will which says to them: ‘Hold on!’
If you can talk with crowds and keep your virtue,   
    Or walk with Kings—nor lose the common touch,
If neither foes nor loving friends can hurt you,
    If all men count with you, but none too much;
If you can fill the unforgiving minute
    With sixty seconds’ worth of distance run,   
Yours is the Earth and everything that’s in it,   
    And—which is more—you’ll be a Man, my son!

 

On attend avec impatience une traduction en français…inclusif !

Sujet porteur

Comme le beaujolais nouveau, chaque année est attendue l’édition du Petit Larousseavec son lot de nouveautés, les mots à la mode, les noms surgis dans l’actualité (Emmanuel Macron) ou repêchés de l’oubli (Véronique Sanson).

Le-Petit-Larousse-illustre.jpg

Puisqu’on évoque la langue française, je conseille à ceux qui ne les suivraient pas encore de s’abonner aux comptes twitter de Bernard Pivot 

41Q2PNnI70L._SX307_BO1,204,203,200_

et, plus rare sur le réseau social mais tout aussi pertinent dans la défense et illustration de la langue française, l’ancien président du CSA, Michel Boyon.

À mon tour de jouer les empêcheurs de « novlanguer » en rond ! Notre nouveau président, et, par imitation, ses plus proches, ministres ou porte-parole, ont beaucoup usé, et, si je puis me permettre, abusé d’une expression qui, sans être incorrecte, pourrait finir par lasser : on ne propose plus un programme, on porte un projet ! Les candidats aux élections législatives sont devenus à leur tour des porteurs de projet.

De la même manière – mais dans ce cas toute la classe politique, l’ancienne comme la nouvelle, est contaminée ! – on a banni du vocabulaire des dirigeants les mots problème ou question, au profit de : sujet. 

Les dirigeants réunis à l’OTAN ou pour le G7, MM. Poutine et Macron hier, ont abordé tous les.. sujets ! Aujourd’hui, pour les automobilistes de la région parisienne, le… sujet c’est la rupture d’approvisionnement des stations-service.

Etrange, je ne vois pas dans le Larousse que sujet soit assimilé à un synonyme de problème ou de question…! Un vrai… sujet pour l’édition 2018 !

Originaux

Vendredi soir j’étais à la Cité de la Musique pour une expérience originale, un projet comme toujours un peu fou de l’inclassable Hervé Niquet et de son Concert spirituel : la restitution d’un office à Saint Louis des Français de Rome

« Orazio Benevolo (1605-1672) fut d’abord enfant de choeur à l’église Saint-Louis des Français de Rome, avant d’en devenir le maître de chapelle. Il est l’auteur de nombreuses messes qui tantôt se situent dans l’héritage de Palestrina, tantôt s’aventurent sur des chemins plus novateurs. Pour ce concert, le chœur est réparti dans les balcons de la salle, autour du public, en référence à l’église romaine qui a connu la création de cette œuvre majestueuse. »

Expérience fascinante sur le plan sonore, puisqu’en effet nous, public, placé au centre de la salle, étions environnés par les musiciens et chanteurs répartis en huit groupes.

img_8053

Une expérience « polyphonique » que pourra revivre le public du Festival Radio France l’été prochain (les détails de l’édition 2017 sont annoncés le 10 mars prochain).

Samedi on apprenait la disparition d’un autre original : Jean-Christophe Averty

On a peine à imaginer que grâce à des talents aussi singuliers qu’Averty, un tel vent de liberté et  d’audace ait pu souffler sur la télévision et la radio publiques.

De la même génération qu’Averty, mais pas décidé à dételer, bien au contraire, Michel Legrand confirme qu’à 85 ans, il occupe une place originale dans la vie musicale. Et que, quand il décidé d’écrire de la musique « classique », il frappe fort et juste. Pour preuve, ce nouvel enregistrement (qui sort le 10 mars) écouté de bout en bout avec gourmandise :

51ovsqxpqcl

Le pianiste Legrand a encore de sacrés doigts, il connaît ses classiques – Messiaen, Ravel ne sont pas loin – et il confie au violoncelle d’Henri Demarquette une superbe élégie. Faut-il ajouter qu’ils bénéficient d’un accompagnement de grand luxe ?