Ce très précieux legs est disponible sur le site de France Musique en 185 épisodes !
Mais celui qu’on célèbre aujourd’hui n’est pas le fils, Domenico, mais le père Alessandro Scarlatti, mort il y a 300 ans, le 24 octobre 1725 à Naples. De nouveau on invite à se tourner vers France Musique pour découvrir et décrypter « l’énigmatique Alessandro Scarlatti » avec Clément Rochefort et Xavier Carrère.
Je veux saluer ici un coffret qu’on n’attendait pas vraiment, mais qui constitue une très belle introduction à l’oeuvre si profuse du père Scarlatti
Difficile de détailler ces 9 CD, mais on est en très bonne compagnie avec Gérard Lesne, Véronique Gens, il Seminario Musicale, Fabio Biondi, Nancy Argenta et bien d’autres du même acabit, nombre de cantates, de motets, les oratorios Il Sedecia re di Gerusalemme, La santissima Trinita, les concerts grossi, etc.
C’est sans doute l’enregistrement le plus ancien du coffret, mais je l’ai eu longtemps sur un CD en collection très économique, avec la merveilleuse Helen Donath et notre Maurice André national :
Chiche bicentenaire
On en reparlera abondamment le moment venu : le bicentenaire de la naissance de Johann Strauss, c’est dans quelques jours.
Vendredi et samedi dernier, l’Orchestre national de France annonçait un « Gala Johann Strauss ». Franchement chiche comme programme : une ouverture (du Baron Tzigane), une seule valse et quatre polkas, dont une de Josef le frère ! On peut réécouter ce concert sur France Musique et vérifier les éloges que j’ai faits du chef, Manfred Honeck et des musiciens du National, sur Bachtrack : L’hommage du National et Honeck à Strauss fils.
Je ne pense pas que Manfred Honeck le Viennois – il a été violoniste au Philharmonique de Vienne jusqu’en 1991 – ait beaucoup de concurrents pour diriger cette musique. Mais on préfère sans doute inviter le 1er janvier des chefs plus « people » pour le traditionnel concert du Nouvel an (Nézet-Séguin le 1er janvier 2026 fera-t-il mieux que le petit tour de Dudamel en 2017 ?) !
Comme je l’écris pour Bachtrack, Honeck fait plus d’une fois penser, dans sa gestique, à un grand aîné qu’il a eu tout loisir d’observer lorsqu’il jouait dans l’orchestre, Carlos Kleiber…
On recherchera les quelques disques de la famille Strauss qu’il a enregistrés avec Bamberg ou les Wiener Symphoniker
Dans mes prochaines brèves de blog je reviendrai sûrement sur l’épisode peu glorieux du « casse » du Louvre…
Il est mort il y a vingt ans, le 16 avril 2001. Il n’a jamais été une star de la baguette, même s’il a attiré très tôt l’attention du public, de ses confrères chefs, par des dons précoces.
Peter Maag est l’un des rares chefs d’orchestre suisses, avec Ernest Ansermet, Armin Jordan ou Silvio Varviso à avoir fait une carrière internationale au XXème siècle. Né le 10 mai 1919 à Saint-Gall, il est mort à Vérone. Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’avait pas le sens de l’auto-promotion et ne recherchait ni les honneurs ni les postes.
La collection Eloquence de Decca vient rappeler, en un coffret de 20 CD, l’originalité du talent de Peter Maag, des disques réalisés pour l’essentiel au début de sa carrière pour Decca ou, plus rarement, pour Deutsche Grammophon.
Mozart d’abord, dont Peter Maag fut l’un des hérauts. Malheureusement une discographie très hétérogène, avec des labels, des orchestres très divers.
Une leçon de style, comme dans Schubert, Mendelssohn ou Brahms.
Peter Maag n’a jamais eu de poste fixe, sauf à Berne dans les années 1990. Il était trop indépendant, ou trop dépendant de ses humeurs, refusant le poids de la célébrité. Après avoir triomphé à l’opéra au début des années 60, il se retire deux ans durant dans un monastère bouddhiste !
Maurizio Jacobi évoque de jolis souvenirs des dernières années italiennes de Peter Maag :
D’un point de vue artistique, il était certainement un grand chef d’orchestre ; quelques gestes, souvent sans baguette et avec des mains qui semblaient rétrécies ; mais des gestes essentiels et très clairs. Et puis, il avait un sens de la narration fluide et de la structure globale. Il avait beaucoup de métier, mais c’était avant tout un artiste ; s’il n’était pas d’humeur, il semblait s’ennuyer ; d’où une certaine réputation de discontinuité, et pourtant il y avait toujours un moment où l’on avait l’impression, même dans les répertoires les plus connus, de découvrir des beautés que l’on n’avait jamais saisies auparavant : de vrais trucs de musicien.
Personnellement, je préfère encore cela à la perfection ou à l’exécution parfaite de chefs d’orchestre célèbres dirigeant des orchestres d’une impeccable froideur. Maag en revanche ne dédaignait pas de diriger des orchestres « mineurs », dont il pouvait tirer un son bien à lui, transparent, jamais écrasant même dans les fortissimi. Il cherchait un équilibre « mozartien » ; et justement, Mozart est un compositeur d’une mystérieuse ambiguïté, avec un risque très élevé d’interprétation incomplète ou de fausse représentation. Avec Mozart notamment, Maag a atteint des sommets d’interprétation, anticipant même les critères philologiques actuels, qu’il n’appréciait pas particulièrement. (in Wanderersite.com).
Merci à Cyrus Meher-Homji, le responsable de cette collection Eloquence, qui explore, remet au jour, revivifie des trésors parfois oubliés ou négligés de l’immense fonds Decca, Philipe ou Deutsche Grammophon.
C’est à lui qu’on doit ces 20 CD
Seule déception de ce coffret, le disque de concertos de Schumann et Chopin enregistré pourtant en 1962 – en stéréo – Londres par le magnifique pianiste chinois disparu il y a quelques mois, Fou Ts’ong. Prise de son très médiocre en mono ! Cyrus Meher-Homji a reconnu que les bandes originales avaient été perdues, et qu’il ne disposait que de cette prise.
Mozart: Serenade No. 4 in D major, K203 ‘Colloredo’
Orchestre de la Suisse Romande
Peter Maag
Mozart: Serenade No. 9 in D major, K320 ‘Posthorn’
Orchestre de la Suisse Romande
Peter Maag
Mozart: Symphony No. 28 in C major, K200
Orchestre de la Suisse Romande
Peter Maag
Mozart: Symphony No. 29 in A major, K201
Orchestre de la Suisse Romande
Peter Maag
Mozart: Symphony No. 34 in C major, K338
Orchestre de la Suisse Romande
Peter Maag
Mozart: Symphony No. 32 in G major, K318
London Symphony Orchestra
Peter Maag
Mozart: Symphony No. 38 in D major, K504 ‘Prague’
London Symphony Orchestra
Peter Maag
Mozart: Clarinet Concerto in A major, K622
Gervase de Peyer (clarinet)
London Symphony Orchestra
Peter Maag
Mozart: Horn Concertos Nos. 1-4
Barry Tuckwell (horn)
London Symphony Orchestra
Peter Maag
Mozart: Piano Concerto No. 13 in C major, K415
Julius Katchen (piano), Peter Maag
New Symphony Orchestra of London
Mozart: Piano Concerto No. 20 in D minor, K466
Julius Katchen (piano), New Symphony Orchestra of London, Peter Maag
Mozart: Violin Concerto No. 3 in G major, K216
Joshua Bell (violin), Peter Maag
English Chamber Orchestra
Mozart: Adagio for Violin and Orchestra in E, K261
Joshua Bell (violin), Peter Maag
English Chamber Orchestra
Mozart: Violin Concerto No. 5 in A major, K219 ‘Turkish’
Joshua Bell (violin), Peter Maag
English Chamber Orchestra
Mozart: Rondo for Violin and Orchestra in C, K373
Joshua Bell (violin), Peter Maag
English Chamber Orchestra
Mozart: Notturno in D major K286
Peter Maag
London Symphony Orchestra
Mozart: Serenade No. 6 in D major, K239 ‘Serenata Notturna’
Peter Maag
London Symphony Orchestra
Mozart: Lucio Silla, K135: Overture
Peter Maag
London Symphony Orchestra
Mozart: Thamos, König in Ägypten, KV 345: four interludes
Peter Maag
London Symphony Orchestra
Mozart: German Dances (6), K509
Peter Maag
London Symphony Orchestra
Mozart: German Dances (6), K600
Peter Maag
London Symphony Orchestra
Mozart: German Dances (4), K602
Peter Maag
London Symphony Orchestra
Mozart: German Dances (3), K605
Peter Maag
London Symphony Orchestra
Mozart: Madamina, il catalogo è questo (from Don Giovanni)
Fernando Corena (bass), Peter Maag
Orchestre de la Suisse Romande
Mozart: Se vuol ballare (from Le nozze di Figaro)
Fernando Corena (bass), Peter Maag
Orchestre de la Suisse Romande
Mozart: Ah se in ciel, benigne stelle, K538
Jennifer Vyvyan (soprano), Peter Maag
London Philharmonic Orchestra
Mozart: Mass in C minor, K427 ‘Great’ – Et incarnatus est
Jennifer Vyvyan (soprano), Peter Maag
London Philharmonic Orchestra
Mozart: Exsultate, jubilate, K165 – Alleluia
Jennifer Vyvyan (soprano), Peter Maag
London Philharmonic Orchestra
Mendelssohn: Symphony No. 3 in A minor, Op. 56 ‘Scottish’
Peter Maag
London Symphony Orchestra
Mendelssohn: Hebrides Overture, Op. 26
Peter Maag
London Symphony Orchestra
Mendelssohn: A Midsummer Night’s Dream – incidental music, Op. 61
Peter Maag
London Symphony Orchestra
Chopin: Les Sylphides (arr.Douglas)
Peter Maag
Paris Conservatoire Orchestra
Rossini: Guillaume Tell Overture
Peter Maag
Paris Conservatoire Orchestra
Rossini: La Cenerentola Overture
Peter Maag
Paris Conservatoire Orchestra
Rossini: Semiramide Overture
Peter Maag
Paris Conservatoire Orchestra
Rossini: La gazza ladra Overture
Peter Maag
Paris Conservatoire Orchestra
Delibes: La Source – suite
Peter Maag
Paris Conservatoire Orchestra
Tchaikovsky: Piano Concerto No. 1 in B flat minor, Op. 23
Peter Jablonski (piano), Peter Maag
London Symphony Orchestra
Grieg: Piano Concerto in A minor, Op. 16
Peter Jablonski (piano), Peter Maag
London Symphony Orchestra
Paër: Leonora
Siegfried Jerusalem (tenor), Ursula Koszut, Giorgio Tadeo, Edita Gruberova (soprano), Peter Maag
Encore un chef trop rarement cité comme beethovénien, et pourtant trois intégrales des symphonies à son actif : Eugen Jochum(1902-1987).
Dans un billet de janvier 2018 (Jochum suite et fin), je regrettais que Deutsche Grammophon, en rééditant le legs discographique du chef allemand en deux forts pavés, ait étrangement omis les enregistrements symphoniques réalisés pour Philips. Oubli réparé par ce coffret de la série Eloquence.
Beethoven à Amsterdam
On retrouve logiquement dans ce coffret l’intégrale des symphonies de Beethoven enregistrée par Philips à la fin des années 60 avec l’orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam par Eugen Jochum pour le 200ème anniversaire de la naissance de Beethoven (1970).
J’ai précieusement conservé ce coffret qui fut l’un des premiers de ma discothèque d’adolescent, un cadeau de mes parents. C’est avec Jochum, et les somptueuses sonorités de la phalange amstellodamoise, que j’ai appris mon Beethoven.
J’ai, depuis, arpenté bien d’autres chemins interprétatifs, découvert, aimé nombre de versions plus ceci ou plus cela, mais je suis toujours revenu à ces amours de jeunesse. La Neuvième de Jochum à Amsterdam – le finale ! – continue de me bouleverser à chaque écoute.
Le coffret contient une autre 5ème de Beethoven, que je ne connaissais pas, éditée, semble-t-il, pour la première fois en CD, captée en 1951 avec l’orchestre philharmonique de Berlin.
Ainsi que plusieurs ouvertures de Beethoven captées à Amsterdam.
Les pépites
Ce coffret Eloquence n’est pas avare de références, pour certaines devenues introuvables. Des Mozart plus allants, moins millimétrés que les Böhm contemporains – symphonies 35, 36, 38, 41 à Amsterdam.
Deux Quatrième, Schubert et Schumann, des Wagner et Richard Strauss qu’on avait connus par un double CD Tahra.
On retrouve le 1er concerto de Beethoven et le 14ème de Mozart à Bamberg avec au piano la fille du chef, Veronica Jochum von Moltke.
Mais surtout un concert légendaire – qui nous est restitué dans son intégralité – pour célébrer le 1200ème anniversaire de la fondation de l’abbaye bénédictine d’Ottobeuren, le 31 mai 1964, avec une Cinquième symphonie de Bruckner qui est ma référence jamais égalée.
Faites le test : demandez au plus mélomane de vos amis de vous chantonner un air, une mélodie de ce compositeur. Je suis prêt à parier qu’il n’y arrivera pas…pas plus que moi qui, pourtant, m’intéresse à lui et pense bien connaître sa musique !
Alexandre Glazounovn’est pourtant pas un inconnu. Son nom est toujours cité lorsqu’on évoque les grands compositeurs russes. Mais rien n’y fait, il n’a pas « imprimé » dans la mémoire collective. De la musique toujours bien troussée, un savoir-faire indéniable, un orchestrateur dans la veine de Rimski-Korsakov, mais jamais un éclair de génie qui transcende la bonne facture. Et puis, au hasard de notices sur les oeuvres ou de biographies d’autres compositeurs russes, on tombe régulièrement sur une particularité fâcheuse de Glazounov : son alcoolisme, un état d’ivresse qui semblait être permanent, surtout lorsqu’il dirigeait des créations !
Orfeo a eu la bonne idée de regrouper dans un coffret de 5 CD les gravures réalisées par Neeme Järvi des huit symphonies et de quelques autres oeuvres symphoniques (comme les deux Valses de concert) de Glazounov : c’est aujourd’hui l’intégrale la plus recommandable, par le souffle épique qu’y met le chef estonien, la beauté et la qualité de prise de son de ses orchestres.
Qui est donc ce personnage ?
Le petit Alexandre Konstantinovitch naît le 10 août 1865 à Saint-Pétersbourg. Son père est un riche éditeur. Il commence à étudier le piano à neuf ans et à composer à onze. Balakirev, l’animateurdu groupe des Cinq, montre ses premières compositions à Rimski-Korsakov : « Incidemment, Balakirev m’a un jour apporté la composition d’un étudiant de quatorze ou quinze ans, Alexandre Glazounov », se souvint Rimski-Korsakov. « C’était une partition d’orchestre écrite de façon enfantine. Le talent du garçon était indubitablement clair.» .
Rimski-Korsakov le prend sous son aile : «Son développement musical progressait non pas de jour en jour, mais littéralement d’heure en heure»
Glazounov va vite profiter de la prodigalité d’un personnage extrêmement influent à Saint-Pétersbourg, Mitrofan Beliaiev(1836-1903), authentique mécène et protecteur de toute la jeune garde musicale russe. À 19 ans, Il fait son premier voyage en Europe, rencontre Liszt à Weimar où est jouée sa Première symphonie.
Beliaiev crée en 1886 les Concerts symphoniques russesqui seront le tremplin de toute une génération de compositeurs. C’est dans ce cadre par exemple que sera créée en 1897… sous la direction de Glazounov, la Première symphonie de Rachmaninov.
C’est un échec complet, Glazounov est ivre, le jeune Rachmaninov mettra du temps à s’en remettre : « Ce coup inattendu m’a amené à décider d’abandonner la composition. Je me suis laissé gagner par une apathie insurmontable. Je ne faisais plus rien, ne m’intéressais plus à rien. Je passais mes journées affalé sur le divan, avec de sombres pensées sur ma vie finie » (Rachmaninov, in Réflexions et souvenirs*, Buchet-Chastel).
Glazounov ne sera jamais un bon chef d’orchestre, même s’il sera régulièrement invité comme tel dans le monde entier jusqu’à la fin de sa vie !.En revanche, il laissera une trace durable comme professeur, puis directeur du Conservatoire de Saint-Pétersbourg. Il succède en 1905 à Rimski-Korsakov et va user de ses bonnes relations avec le nouveau Commissaire du peuple à l’Education Anatoli Lounatcharskipour préserver une institution dont il a rehaussé le niveau d’exigence, la qualité des enseignements. Mais son conservatisme est contesté par les étudiants et les professeurs qui sont restés à Petrograd et qui adhèrent aux idéaux révolutionnaires. À la différence de Stravinsky, Rachmaninov, Milstein ou Horowitz qui fuient le nouveau régime soviétique, Glazounov ne prend pas explicitement le chemin de l’exil lorsqu’il se rend en 1928 à Vienne pour les célébrations du centenaire de Schubert. Maximilian Steinberg dirige le Conservatoire en son absence jusqu’à sa démission en 1930
Glazounov s’installe à Paris en 1929, et prétexte d’une santé défaillante et de trop nombreux engagaments pour ne pas rentrer en Union soviétique, ce qui lui évite d’être mis au ban d’infamie par le régime stalinien ! Il compose encore en 1934 un concerto pour saxophone, et meurt à Neuilly-sur-Seine le 21 mars 1936 ! Ses restes ne seront transférés qu’en 1972 à Leningrad.
Voilà pour l’essentiel de sa biographie ! Reste une oeuvre qui, pour manquer de génie, est loin d’être sans intérêt. Si on hésite à aborder les huit symphonies, la Cinquième (1895) est sinon la meilleure, du moins la préférée des chefs.
Les intégrales des symphonies ne sont pas légion, Serebrier, Otakaqui manquent – pardon pour le cliché ! – de « russité », les trop neutres à mon goût Polianski et Fedosseiev, le seul qui se compare à Järvi
est Svetlanov avec les couleurs si spécifiques de son orchestre soviétique, et des prises de son très variables d’une symphonie à l’autre.
Glazounov reste encore au répertoire des maisons d’opéra, avec deux ballets qui invoquent clairement leur filiation avec les chefs-d’oeuvre de Tchaikovski : Raymonda que Marius Petipas’était résolu, après la mort inopinée de Tchaikovski en 1893, à commander à Glazounov et Les Saisonscréés respectivement le 19 janvier 1898 et le 7 février 1900 au théâtre Marinski
Svetlanov et Järvi refont le match pour ces deux ballets. On y ajoute Ansermet, chez lui dans la musique russe !
Pour une première approche de l’univers symphonique de Glazounov, un double CD excellemment composé, avec une rareté – le poème symphonique Stenka Razine dirigé par le trop méconnu Anatole Fistoulari °, et pour moi la version de référence du concerto pour violon, celle de Nathan Milstein.
Enfin une vraie rareté à tous points de vue. Le duc Constantin Romanov(1858-1915), petit-fils du tsar Nicolas Ier, se piquait d’être poète, musicien, écrivain – Tchaikovski, Rachmaninov le mirent en musique – En 1912 K.R.– ainsi qu’il était connu et nommé dans les cercles littéraires de la capitale russe – ayant écrit un mystère intitulé Le Roi des Juifs,se tourne vers Glazounov pour qu’il compose la musique de ce mystère (oserait-on un parallèle avec le Martyre de Saint-Sébastien écrit en 1910 par Debussy sur un texte de D’Annunzio ?).
Ce Roi des Juifs est créé en janvier 1914 au Palais de l’Hermitage à Saint-Pétersbourg, puis souvent donné par Glazounov lors de ses tournées en Europe, avec un très grand succès… jusqu’à ce que l’oeuvre retombe dans un complet oubli ! C’est à Guennadi Rojdestvenskiqu’on doit le premier enregistrement – en 1991 – de l’intégrale de cette musique de scène.
À quelques jours des fêtes pascales, une alternative aux Passions et autres Messie ?
*On reparlera de ce petit livre de souvenirs et de textes de Rachmaninov
« He shunned the flamboyant and jetset lifestyle enjoyed by the likes of Karajan, and to watch he could be somewhat uncharismatic. » On peut difficilement faire plus juste et piquant que The Telegraphdans la nécrologie que le journal britannique publia à la mort du chef d’orchestre allemand Horst Stein(1928-2008)
Une tête, un physique qu’on croirait échappés d’un tableau médiéval, et une notoriété en effet très loin de celle des stars de la baguette, réduite au cercle restreint des mélomanes avertis.
Et pourtant Horst Stein a fait une carrière plus qu’honorable, malheureusement interrompue par la maladie à la fin des années 90 et a surtout laissé une discographie de très grande qualité.
J’avais salué le beau coffret consacré à Max Reger pour l’essentiel constitué d’enregistrements réalisés par Horst Stein avec l’orchestre symphonique de Bamberg, une phalange qui a fêté ses 70 ans l’an dernier et dont il a été le directeur musical de 1985 à 2000.
Avant Bamberg, Stein avait dirigé l’Orchestre de la Suisse Romande, de 1980 à 1985, où il avait succédé à Wolfgang Sawallisch. Et enregistré pour Decca quelques disques qui font référence, comme un exceptionnel ensemble Sibelius
Dans la même collection Eloquence, à signaler toute une série d’enregistrements, passés inaperçus, mais hautement recommandables, avec l’Orchestre philharmonique de Vienne, comme une fantastique intégrale des concertos pour piano de Beethoven avec Friedrich Gulda,,les 2ème et 6ème symphonies de Bruckner (Decca avait entrepris une intégrale avec Vienne et plusieurs chefs, Abbado, Maazel notamment), Weber, Wagner.
En ce jour de rentrée scolaire, on a vu, un peu partout, musiciens et choristes se joindre aux enfants et à leurs professeurs, le ministre de l’Education nationale ayant réitéré hier sur France Musique sa conviction sur les bienfaits du chant choral. Je plaide depuis si longtemps pour cette mesure simple, universelle, que je ne peux que me réjouir des premiers pas d’une politique nécessaire : Tous en choeurs. Il faut persévérer, aller plus loin comme le précise cet excellent papier : La musique prend ses quartiers à l’école.
François-Xavier Roth, que j’avais laissé jeudi dernier à La Côté Saint-André à la tête de son ensemble Les Siècles, annonce fièrement le concert d’ouverture de sa quatrième saison à la tête de l’orchestre du Gürzenich de Cologne, avec une oeuvre si rare au concert dans nos contrées francophones, qu’on est plutôt surpris – agréablement – d’un tel choix : les Variations et fugue sur un thème joyeux de Hiller, l’imposant opus 100 de 1907 de Max Reger (1873-1916).
Voilà un compositeur admiré par Schoenberg, dont on a à peine commémoré le centenaire de la mort en 2016. Extraits de l’article que je lui consacrais il y a deux ans :
Le centenaire de sa mort a été inégalement célébré. Et n’a pas contribué à une meilleure connaissance de son oeuvre de ce côté-ci du Rhin. La France n’a jamais eu beaucoup de considération pour celui qui passe, au mieux, pour un épigone de Brahms : Max Reger.
Né en 1873, mort d’une crise cardiaque à 43 ans le 11 mai 1916, le compositeur allemand reste largement méconnu, voire méprisé, et quasiment jamais au programme d’un concert en France. Je me rappelle l’étonnement du public (et de la critique) lorsque j’avais programmé à Liège les quatre Poèmes symphoniques d’après Böcklinune première fois en 2004, puis en 2011 (pour la saison des 50 ans de l’Orchestre). Lire L’île mystérieuse.
Les clichés sont tenaces, concernant Max Reger. Contrapuntiste sévère, tourné vers le passé (Bach), hors de son temps (voir la liste de ses oeuvres). Contemporaines du Sacre du printemps et de Daphnis et Chloé, ses grandes oeuvres symphoniques, si elles n’épousent la modernité radicale d’un Stravinsky ou les audaces françaises de Debussy ou Ravel, évitent la surcharge post-romantique d’un Richard Strauss ou du Schoenberg de Pelléas et Mélisande.
Les oeuvres concertantes souffrent, au contraire, de redondances que même d’illustres interprètes comme Rudolf Serkin– qui a étudié avec Reger – ne parviennent pas à gommer.
L’autre problème de Reger, c’est sa profusion. Son corpus d’oeuvres instrumentales est tel que l’amateur qui voudrait s’y aventurer s’épuisera vite : le violon, l’alto, le violoncelle, la clarinette et l’orgue. Des sommes un peu indigestes.
Mais pour le mélomane qui ne voudrait pas passer à côté d’un compositeur original, singulier même dans son époque, deux coffrets complémentaires sont de nature à satisfaire sa curiosité. L’un comprend la totalité de son oeuvre symphonique et concertante, dans des versions de premier ordre, l’autre – qui vient de paraître – est plus ouvert à tous les genres abordés par Max Reger et bénéficie aussi d’interprètes remarquables.
Et voici que, avec un retard incompréhensible – mais vieux tard que jamais ! – Deutsche Grammophon nous gratifie du coffret le plus complet et le mieux documenté sur l’oeuvre orchestrale et chorale de Max Reger, dans des versions idiomatiques qui donnent à entendre un chef bien oublié aujourd’hui, Horst Stein(1928-2008), à la tête de l’orchestre symphonique de Bamberg, dont il a présidé les destinées de 1985 à 2000. Dans le coffret publié pour les 70 ans de l’orchestre (voir Bamberg 70), pourtant pas une oeuvre de Reger…
Puisse ce coffret contribuer à faire aimer et connaître un corpus musical somptueux, qui reste scandaleusement méconnu, voire méprisé, injustement oublié des programmateurs hors la sphère germanique.
Il est mort il y a cinquante ans, à l’âge de 60 ans : le chef d’orchestre Joseph Keilberthest né en 1908, la même année que Karajan, mort prématurément d’une crise cardiaque le 20 juillet 1968, tandis qu’il dirigeait Tristan et Isoldeà l’opéra de Munich.
Je me rappelle une série d’émissions que nous avions commises avec mon complice de Disques en lice, Pierre Gorjat (lire Une naissance), pour la chaîne culturelle de la Radio suisse romande, Espace 2, série intitulée : Les cinq K. Mon ami Pierre trouvait qu’on faisait bien trop de cas (!) du seul K qui occupait alors – au mitan des années 80 – le devant de la scène musicale, Herbert von Karajan. Moins violemment critique que lui, je pensais qu’on devait, sinon réhabiliter, du moins remettre en lumière quatre autres illustres baguettes, contemporaines de Karajan, qui ne méritaient aucunement de rester dans l’ombre du patron des Berliner Philharmoniker : Rudolf Kempe(1910-1976), Hans Knappertsbusch (1888-1965), Otto Klemperer(1885-1973)… et Joseph Keilberth(1908-1968).
De ces cinq chefs (inutile de dire qu’il ne reste rien de ces émissions, qui furent effacées à peine diffusées… et qui manquèrent cruellement lorsque survint la mort de Karajan le 16 juillet 1989 !), le seul qui ait été oublié des rééditions discographiques est Keilberth. Même si je me suis laissé dire que Warner pourrait reprendre les enregistrements parus pour l’essentiel sous l’étiquette Telefunken.
J’ai longtemps délaissé les quelques disques de Keilberth que j’ai dans ma discothèque, à l’exception de son légendaire Freischütz.J’ai eu tort.
Je redécouvre des Beethoven magnifiquement chantants, mobiles, superbement articulés.
Richard Strauss s’accorde particulièrement à l’art de Keilberth. Comme une lumière et une sensualité méridionales qui éclairent l’écheveau de la trame orchestrale.
Même lumière dans Brahms (une intégrale des symphonies à rééditer), bien perceptible dans ce « live » avec la radio bavaroise
En attendant, on l’espère, de retrouver le legs symphonique de Keilberth chez Warner on retrouvera des bribes, vraiment trop chiches, de l’art de celui qui fut l’âme et le directeur musical de l’orchestre symphonique de Bamberg de 1950 à sa mort.
Mais c’est en chef d’opéra que Joseph Keilberth est resté le mieux documenté au disque, en particulier avec la réédition spectaculaire de la toute première Tétralogie captée en stéréo… en 1955 à Bayreuth, que les spécialistes tiennent pour un must.