Fantastique

Je dois régulièrement faire des diètes de Fantastique – oui la Symphonie fantastique d’Hector Berlioz – parce que, si comme moi on aime l’oeuvre, on ne peut pas, on ne doit pas l’écouter trop souvent, distraitement. Ni au disque, ni au concert. Pour quelques bonnes surprises, combien de déceptions ! Je me rappelle ainsi les débuts avec l’Orchestre philharmonique de Berlin de Yannick Nézet-Séguin en 2010. Si j’avais eu une quelconque influence sur le choix du programme pour ces débuts, je l’aurais dissuadé de proposer la Fantastique. J’étais dans la salle, placé un peu de côté, et c’était assez spectaculaire de voir le hiatus entre la gestique et les intentions pourtant très claires du chef et le rendu d’un orchestre qui semblait comme « résister » à sa baguette.

Je prends le souvenir le plus spectaculaire, mais par charité je tairai les mauvais, pour ne retenir que les meilleurs, comme le plus récent : La Fantastique révolutionnaire de Klaus Mäkelä et de l’Orchestre de Paris (Bachtrack, 3 mars 2023). Impressions plus que confirmées par mon excellent confrère Alain Lompech en décembre 2024 : Klaus Mäkelä retrouve le vrai visage de la Fantastique.

Le disque vient de sortir. Si je devais faire une toute petite réserve par rapport à l’enthousiasme éprouvé il y a deux ans en concert à la Philharmonie de Paris, ce serait justement qu’il manque un peu de l’excitation du « live ». Mais qu’on prenne vraiment le temps d’écouter mouvement par mouvement. Les premières mesures de la Marche au supplice, le phrasé des cordes est en soi un programme, quand les cuivres prennent place, on entend – enfin -les grincements du trombone basse (le seul autre chef chez qui on a cette même présence est Igor Markevitch, voir ci-après).

Je me suis demandé, en écrivant cet article, si je devais citer les prédécesseurs de Klaus Mäkelä qui ont enregistré la Symphonie fantastique de Berlioz. Il y a des comparaisons cruelles… mais je laisse au lecteur le soin de se faire une opinion…

Paavo Järvi (2010-2016)

Christoph Eschenbach (2000-2010)

Semyon Bychkov (1989-1998)

Daniel Barenboim (1975-1989)

Herbert von Karajan (1969-1971)

Karajan enregistre la Symphonie fantastique avec l’Orchestre de Paris le 25 juin 1970. Tout est daté dans ce film à la gloire du chef autrichien, mais l’interprétation n’est pas inintéressante

Charles Munch (1967-1968)

Historique, cet enregistrement l’est parce que c’est Charles Munch, grand berliozien devant l’Eternel, et parce que c’est le premier qu’il réalise avec le tout nouvel Orchestre de Paris, qui prend la succession en 1967 de la vénérable Société des Concerts du Conservatoire.

Ce n’est pas avec l’Orchestre de Paris, mais avec les Concerts Lamoureux qu’Igor Markevitch enregistre en 1960 une version que je tiens toujours pour l’une des plus parfaites illustrations de l’imaginaire berliozien, puisque – faut-il le rappeler – ce n’est pas une symphonie comme une autre, mais bien un vaste poème symphonique en cinq « épisodes » largement autobiographiques.

Pour moi le choix aujourd’hui est clair : la grande version moderne c’est Klaus Mäkelä, qui ne craint pas la confrontation avec ses glorieux aînés Charles Munch et Igor Markevitch.

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3 réflexions sur “Fantastique

  1. Ne vous fachez pas si on est si nombreux à ne pas frémir d’enthousiame aux disques de Makela ! Tous ses disques précédents étant épouvantables, je n’ai plus du très envie de perdre mon temps, surtout après avoir écouté le grand Dave Hurwitz et les commentaires sur sa chaine You Tube qui font un démolissage ARGUMENTE de sa Fantastique. Hurwitz, les commentateurs et moi-même, parlons des disques et uniquement des disques.
    Vous regrettez « qu’il manque un peu de l’excitation du « live » ». Imaginons un enregistrement du concert. De toute façon, on ne peut pas la retrouver dans son salon et ce n’est pas ce qu’on cherche.

    En se limitant à Paris et Berlioz, un des plus grand concert avec l’Orchestre de Paris auquel j’ai assisté était, une découverte totale pour moi à l’époque: La Mort de Cléopâtre d’Hector Berlioz. C’était parait-il, si j’en crois https://www.orchestredeparis.com/fr/concerts/1109 le vendredi 26 jan 1990
    Semyon Bychkov était à la direction et Maria Ewing Mezzo-soprano au chant. Hélas pas d’enregistrement à ma connaissance, ni ensemble, ni ailleurs.
    J’ai pour souvenir que son disque de la Fantastique n’était pas aussi transcendantal. Une ré-écoute s’impose, si j’arrive le retrouver…

    PS: si on se limite à Paris, vous avez oublié une grande version : celle de Monteux et de Orchestre symphonique de Paris,1930, dans le coffret Berlioz des indispensables de Diapason.

    PS (2) Dans les versions récentes, Hurwitz recommande comme « Best Recent Recording »Janowski et Pittsburg en 2010. C’est sûr, Janowski a fait de nombreux très grands disques. C’est cette version que je vais très prochainement écouter.

    Auriez-vous une dent contre « l’ombrageux Marek Janowski »,  » un chef que je n’aimais vraiment pas – Marek Janowski – mais ce soir-là je baissai la garde (???) »
    je vous cite, très peu présent sur votre site…Si vous ne l’avez pas boycotté, que pensez-vous de sa Fantastique?

    1. Je n’ai pas pour habitude de « me fâcher ». S’il y a bien un domaine où chacun est libre de penser, d’écrire ce qu’il veut c’est bien l’interprétation musicale. Ce qui m’irrite c’est un double excès à l’égard d’un interprète : la détestation comme l’idolâtrie systématique. Mais comme personne ne lit jusqu’au bout les articles que j’ai écrits ici ou sur Bachtrack à propos de Mäkelä, la cause est perdue d’avance… Mon article visait seulement et exclusivement à mettre en perspective 1. Ce nouveau disque avec ce que d’autres critiques et moi avions entendu en concert, 2. les enregistrements de Mäkelä et de ses prédécesseurs à l’ORchestre de Paris, fondé en 1967 ! J’y ai certes ajouté l’une de mes versions favorites : Markevitch et Lamoureux. J’ajoute qu’ayant été l’un des membres fondateurs de l’émission de critique de disques Disques en Lice de la Radio suisse romande, de 1987 à 1993, je crois avoir autant d’expertise que M. David Hurwitz qui est certes respectable (et je partage souvent ses avis) mais très souvent de parti pris.

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