Comme si sa boulimie d’enregistrements d’opéra et de mélodies ne suffisait pas à le satisfaire, Dietrich Fischer-Dieskau, dont on a célébré le centenaire le 28 mai dernier (lire absolument les dossiers de Forumopera sur le sujet), a aussi exercé comme chef d’orchestre. Cet aspect de son activité n’a pas, à ma connaissance, fait l’objet de beaucoup de commentaires, ni même de rééditions discographiques. Et pourtant ce legs est loin d’être négligeable.
J’ai ressorti de ma discothèque quelques-uns des enregistrements de DFD chef d’orchestre.
D’abord un introuvable, une des plus belles versions de la 8e (l’Inachevée) et de la 5e symphonies de Schubert, où DFD dirige le New Philharmonia
Et plus récents, pour Orfeo, les magnifiques récitals lyriques qui rassemblent les deux époux : Julia Varady et Dietrich Fischer-Dieskau (lire Julia Varady 80)
Je ne résiste pas au bonheur de revoir cette « répétition » du couple sur une mélodie de Schubert :
Ne pas louper non plus ces deux disques – il doit y avoir d’autres archives ? – qui réunissent un tout jeune pianiste à l’époque, l’Ukrainien Konstantin Lifschitz, et le vieux maître au pupitre
Au moment de boucler ce paragraphe, je tombe sur ceci, dont j’ignorais même l’existence : DFD dirigeant l’orchestre philharmonique tchèque en 1976 !
Je doute que ce disque ait été réédité en CD, mais si c’est le cas, je suis preneur d’information complémentaire
Le chanteur de l’Est
Dix ans plus jeune que Fischer-Dieskau, il a très souvent fait partie des mêmes équipes d’enregistrement d’opéra, Peter Schreier (1935-2019) revient dans ma discothèque avec un coffret très bon marché (acheté sur jpc.de) délicieusement vintage.
S’il y a bien un mot qui ne se dit qu’en allemand pour les germanophones, c’est bien celui de Schlager, qu’on peut essayer de traduire par « tube« . On n’imagine pas, quand on n’a pas vécu même pendant des vacances, dans la sphère germanique, le succès phénoménal de groupes et de chanteurs de variétés, dont les noms nous sont totalement inconnus, et qui encore aujourd’hui réjouissent le public allemand
On admirera la couverture « d’époque » de l’un des CD de ce coffret Schreier, où l’on retrouve la soprano d’origine hongroise Sylvia Geszty (1934-2018)
Pour ce tube de la chanson napolitaine, on aurait pu avoir quelque chose de moins chargé côté orchestration (!!), et une voix à la couleur plus italienne, mais il y a quand même du soleil dans la voix de Peter Schreier
Dans cette video, le chanteur explique finalement qu’il se prête à des émissions de variété pour toucher des publics qu’il n’atteindrait pas à l’opéra ou en récital. Et c’est bien aussi et surtout cela qu’il faut retenir de ce grand interprète.
Le maître remasterisé
Carlo-Maria Giulini (1914-2005) a été dûment célébré par ses maisons de disques à l’occasion de son centenaire en 2014 (lire Giulini la classe et Vieux sages). Tout ce qu’il avait fait chez EMI avait déjà été rééédité en quelques coffrets, sauf les opéras. Vingt ans après sa mort, Warner publie cette fois un coffret qui comprend tous les enregistrements du chef italien pour les labels EMI/HMV/Columbia/Electrola. Et pour que nul ne l’ignore insiste en gros et gras sur le coffret : c’est Giulini remastered !
Je viens de recevoir ce coffret commandé il y a plusieurs semaines. Je n’ai pas encore remarqué de progrès spectaculaire par rapport aux précédentes éditions, mais j’aurai peut-être des surprises !
Excellent livret dû à la plume experte et toujours informée de Remy Louis, beaux documents photographiques.
L’éditeur présente comme un inédit le concerto pour piano n°3 de Beethoven avec le pianiste Hans Richter-Haaser, Il est vrai que celui-ci ne figurait pas dans le précédent coffret thématique Giulini Concertos mais EMI l’avait déjà publié dans un indispensable coffret consacré au grand pianiste allemand (lire L’autre Richter du piano). Et à l’inverse l’enregistrement légendaire du 1er concerto pour violon de Prokofiev avec Nathan Milstein qui s’y trouvait a disparu sans explication du nouveau coffret ! Dommage…
Mon week-end a été largement nourri d’écoutes de Schubert – en dehors des funérailles papales (voir brevesdeblog : Pauvre François)
D’abord parce que j’ai reçu trois CD sortis il y a cinq ans : je connaissais des disques d’Andrea Lucchesini, qui enregistra pour EMI dans sa jeunesse Beethoven, Liszt ou Chopin, mais je n’avais pas prêté attention à ces Schubert.
Pure merveille que ce finale de la dernière sonate, qui respire, écoute, s’ouvre à la poésie de l’infini :
Et cet adagio si simple, si pur, de la D 959 ! On n’en sort pas indemne.
Réécouter Böhm
J’avais oublié de réécouter la Neuvième symphonie de Schubert telle que l’a dirigée Karl Böhm à Dresde le 12 janvier 1979. Prodigieux non ?
Samuel Hasselhorn
Voici plusieurs mois que je lis des choses très flatteuses sur le baryton allemand Samuel Hasselhorn, sans que j’aie eu la possibilité de l’entendre en concert. Ce qu’écrit Sylvain Fort dans Diapason à propos de son dernier disque m’a convaincu de rattraper mes retards d’écoute.
J’ai toujours cru que l’interprétation de « Die junge Nonne » par Kathleen Ferrier était indépassable. Celle de Samuel Hasselhorn la rejoint dans mon panthéon personnel. Les deux Alleluia qui concluent ce Lied me laissent toujours sans mots…
Comme souvent, les publications ont un métro/train/avion de retard. Roberto Alagna, notre ténor/trésor national a fêté ses 60 ans le 7 juin… 2023, mais ce n’est que maintenant que sortent disques et coffrets qui célèbrent son passage dans la catégorie des sexygénaires !
J’invite à relire ce précédent article : Un miracle qui dure et le long portrait que Sylvain Fort avait consacré à Roberto Alagna dans Forumopera, comme le texte qu’il avait signé pour ce premier coffret paru en 2018
Aujourd’hui Warner réédite l’intégrale des opéras auxquels Alagna a prêté sa voix et son talent, souvent en compagnie de son ex-épouse Angela Gheorghiu.
Que du connu et du reconnu ! Mais quel bonheur de retrouver intact ce timbre de lumière, cette fougue juvénile, et cette diction si parfaite !
Aparté publie, de son côté, un disque au titre explicite : Roberto Alagna y révèle le secret de son éternelle jeunesse.
Sawallisch suite et fin
En mai dernier, comme pour les 60 ans d’Alagna, je regrettais le retard mis à célébrer le centenaire de l’un des grands chefs du XXe siècle, Wolfgang Sawallisch (1923-2013). Lire : Les retards d’un centenaire.
Heureusement, Decca et Warner se sont bien rattrapés et on n’attendait plus que le complément annoncé : l’intégrale – ou presque – des opéras enregistrés par Sawallisch, pour l’essentiel à Munich dont il fut le Generalmusikdirektor incontesté de 1971 à 1992. Mais Warner précise – et c’est bien de le faire – que, même parus jadis sous étiquette EMI, Arabella et Friedenstag, ne sont pas inclus dans ce coffret pour des questions de droits.
Wagner et Richard Strauss s’y taillent la part du lion, mais ce coffret contient de vraies raretés comme Weber, Schubert ou les deux brefs opéras de Carl Orff.
Mozart: La flûte enchantée Weber: Abu Hassan Schubert: Die Zwillingsbrüder Wagner: Der Ring des Nibelungen, Les Maîtres-Chanteurs de Nuremberg Richard Strauss: Capriccio, Intermezzo, Die Frau ohne Schatten, Elektra Carl Orff: Die Kluge, Der Mond
Mais je conserve une affection toute particulière pour ma toute première version de La flûte enchantée, le premier coffret d’opéra que j’ai acheté à sa sortie en 1973, avec celle qui est à jamais la plus extraordinaire Reine de la nuit, l’immense Edda Moser.
On avait adoré Le Domino noir donné au printemps 2018 à l’Opéra-Comique (voir L’esprit Auber). Ce fut pour moi la dernière occasion d’applaudir Patrick Davin, si brutalement arraché à notre affection il y a un peu plus de quatre ans déjà. Pour le compte de Bachtrack, j’ai eu la chance d’assister à la première de la reprise de cette formidable production, dirigée cette fois par le maître des lieux, Louis Langrée. Mon compte-rendu vient de paraître : La reprise triomphale du Domino noir à l’Opéra Comique.
Ses amis furent heureux, à l’issue de cette première, d’assister à la remise de la Croix de Commandeur des Arts et Lettres à celui qui a bien mérité de la culture et de la musique française.
Les magazines de musique classique (Diapason, Classica, Gramophone) – que je lis toujours régulièrement – ont insensiblement mais résolument pris le pli de combler la raréfaction de la production discographique, qui, il n’y a pas encore si longtemps, occupait l’essentiel de leurs pages, par des articles de fond.
Le numéro d’avril de Diapason contient un passionnant dossier sur le Peer Gyntde Grieg, qu’on n’attendait pas signé de Sylvain Fort, grand maître ès vocalités, lyriques ou mélodiques. Même si la musique de scène que le compositeur norvégien a écrite pour la pièce éponyme d’Ibsen contient des parties chantées. On s’attendait encore moins à être surpris par les références discographiques choisies par l’auteur. Leçon de modestie pour qui croyait si bien connaître la discographie de l’oeuvre…
Sans dévoiler les conclusions de Sylvain Fort – il faut acheter et lire Diapason pour cela ! -, je commencerai par faire état des versions qui m’ont accompagné depuis mes jeunes années, versions que tient Fort en haute estime – le contraire m’eût étonné et n’eût pas manqué de susciter une vive protestation à son endroit ! -, à commencer par l’ineffable Sir Thomas, Beecham du nom des pilules laxatives qui ont fait la fortune de sa famille (!!).
Y a-t-il plus terrifiant que cet « Antre du roi de la montagne » ?
Arrivé peu après dans ma discothèque, John Barbirolli, dans une collection économique allemande, nous tire des larmes de la Mort d’Ase
Si je continue à la lettre B, je trouve deux fois l’actuel vétéran de la direction, le Suédois devenu Américain Herbert Blomstedt, 96 ans en juillet prochain, une fois à Dresde, l’autre à San Francisco. Sylvain Fort les relève l’une et l’autre, je ne dirai pas celle qu’il préfère !
Toujours en suivant l’ordre alphabétique, j’arrive aux Järvi, père et fils. Me revient, si vif, le souvenir de l’intégrale de la musique de scène qu’avait donnée l’Opéra de Paris, le 19 avril 1995, à Bastille, dirigée si parfaitement par Neeme Järvi. Sa gravure à Göteborg est idiomatique.
Marchant sur les traces de son père (il faudra un jour dire à quel point l’ombre de Neeme influence le parcours… et la discographie du fils aîné) Paavo trouve avec ses forces estoniennes les couleurs fauves qui conviennent.
J’ai encore en rayon Neville Marriner (première version avec l’Academy of St Martin in the Fields), Hans Cristian Ruud dans l’édition Grieg du label BIS, et Esa-Pekka Salonen à Oslo.
Mais la grande surprise pour moi, au point que je me suis un instant demandé si un poisson d’avril ne s’était pas glissé dans le dossier de Diapason, est la présence d’une version qui m’avait complètement échappé : Jeffrey Tate dirigeant l’orchestre philharmonique de Berlin ! Je n’ai jamais eu, à tort, une grande considération pour ce chef, qu’à l’opéra ou en concert, je trouvais toujours « honnête » mais guère palpitant. Je vais donc grâce à Diapason enrichir ma discothèque d’un nouvel élément
Il y a bien d’autres informations et découvertes à faire dans le dossier de Sylvain Fort. Comme la version récente d’Edward Gardner avec l’orchestre « natal » de Grieg (Bergen) et cette précision qui ravira tous ceux qui ont subi tant de publicités laitières et autres : « Au matin » n’évoque nullement la fraîcheur des fjords scandinaves mais la douceur d’une oasis marocaine !
À un homme malade, sérieusement malade selon ses propres déclarations, on doit d’abord adresser des vœux de meilleure santé, avant même de fêter son quatre-vingtième anniversaire.
Daniel Barenboim est né le 15 novembre 1942 à Buenos Aires, un an après sa compatriote Martha Argerich.
Le titre de ce billet reflète ce que l’on peut penser d’une personnalité de tout premier plan, un premier plan que Barenboim n’a pas toujours occupé ni conquis par ses seules qualités musicales.
Comme l’écrit Sylvain Fort sur Forumopera: « Le New York Times, dans un long article intitulé « Illness puts maestro on pause » rappelle l’ampleur de l’empire Barenboim. Son absence se fait d’autant plus cruellement sentir qu’il préside aux destinées de la Staatskapelle de Berlin, de l’orchestre du Divan, de la Staatsoper de Berlin – autant de formations pour lesquelles à travers le temps il a obtenu de généreuses subventions et des concours privés considérables. A la lecture de cet article, l’on comprend que Daniel Barenboim, s’il indique lui-même avoir vécu par ou pour la musique, aura aussi joué un rôle politique considérable dans l’univers culturel au sens large. »
Argentinian-born Israeli conductor Daniel Barenboim is pictured as he conducts the Vienna Philharmonic Orchestra during the New Year concert on January 1, 2009 in Vienna. AFP PHOTO/DIETER NAGL (Photo by DIETER NAGL / AFP)
Mais soyons clair: l’admiration l’emporte de loin sur la critique. Ne serait-ce que sur ce blog, les occurrences « Barenboim » se comptent par dizaines. Et ce n’est pas parce que, le 1er janvier dernier, il n’était plus que l’ombre de lui-même – un concert de Nouvel an crépusculaire – que ses derniers disques chez Deutsche Grammophon n’ajoutent vraiment rien à sa gloire (voir Le difficile art de la critique), qu’on doit oublier tout ce que le pianiste et chef d’orchestre nous a donné.
Je renvoie aux deux articles que j’avais consacrés à Daniel Barenboim… il y a cinq ans : Barenboim 75 ou l’artiste prolifique, Barenboim 75 première salve. Rien à changer dans mes choix de discophile, ni dans mes souvenirs de jeunesse. Les concertos et les sonates de Mozart, les concertos de Beethoven, les symphonies de Franck et Saint-Saëns, la 4ème symphonie de Bruckner, ce sont mes premiers disques… avec Barenboim.
Pour terminer sur un message heureux en lien avec la ville où Daniel Barenboim s’est établi depuis des lustres, j’avais aussi découvert par hasard – un CD trouvé dans un magasin d’occasions en Allemagne – l’équivalent à Berlin de la Marche de Radetzky à Vienne, le Berliner Luft du bien trop méconnu compositeur berlinois Paul Lincke… grâce à Daniel Barenboim, qui, au lieu de courir la poste comme nombre de ses confrères, adopte le tempo giusto d’une marche, dansée, chantée et sifflée.
Ici une vidéo que je ne connaissais pas, la fin d’un concert la Saint-Sylvestre 1997, dans la grande salle de la Staatsoper.
Marilyn Monroe est morte il y a soixante ans, le 4 août 1962, et on en parle encore et toujours.
Je n’ai rien d’original à dire, sinon que je suis, comme quelques millions d’autres humains, un admirateur inconditionnel de l’actrice, de la chanteuse, et toujours fasciné par une personnalité plus complexe que l’image qu’elle-même et les autres ont donnée d’elle.
J’évoquais hier Michel Schneider (La comédie de la Culture). Le psychanalyste qu’il était ne pouvait pas passer à côté du « cas » Marylin, j’avais beaucoup aimé ce Marilyn dernières séances qui avait obtenu le prix Interallié en 2006.
Encore un bouquin à relire pendant ces vacances.
Mais je découvre que Michel Schneider avait préparé un nouvel ouvrage consacré à l’actrice américaine, dont la sortie est annoncée pour le 11 octobre prochain.
LES AMOURS DE MARILYN Cet amour, des millions de gens l’éprouvent encore soixante ans après sa disparition. Le secret de sa présence après tant de temps ? Marilyn est une sorte de miroir. Portrait d’une image brisée, Michel Schneider donne non pas la vérité de Marilyn Monroe mais éclaire d’un faisceau neuf ses vérités telles qu’elle les exprima en mots et en maux, au cours de sa vie amoureuse et sexuelle. Cet éclairage se résume en un nom : amour. Celui qu’elle ressentait pour certains êtres, et pour les animaux. Celui qu’elle inspira à quelques-uns. Celui que Michel Schneider lui porte à travers le temps (exemples d’entrées : Amour, amants, amis animaux, livres, mère, Montand…). Présentation de l’éditeur
On est évidemment impatient de découvrir ce beau livre.
L’hommage à M.S.
Sylvain Fort avait publié dans un hebdomadaire bien connu un merveilleux texte d’hommage à Michel Schneider, auquel les non-abonnés n’avaient pas accès. L’auteur de cet hommage ayant révélé ce texte sur sa page Facebook, on s’autorise à le reproduire ici. Avec une admiration encore renforcée pour celui qui a disparu le 22 juillet dernier.
« Nous avions Michel Schneider, et nous ne le savions pas. Je dis « avions » parce qu’il nous a quittés le 22 juillet dernier, discrètement. Je dis, « nous ne le savions », parce que sa place dans notre paysage littéraire et intellectuel n’a pas été, je pense, justement estimée.
Bien sûr, il était là, visible, actif, à certains égards même répandu. On le voyait à la télévision, on le lisait dans Le Point, il recevait des Prix littéraires. Je crains cependant que trop souvent il n’ait été vu comme un esprit fin, anticonformiste certes, mais enfin accroché malgré tout à ces grandeurs d’établissement qui permettent d’épingler sur le liège social le spécimen humain, afin de ne plus l’en déplacer, en se disant qu’on saura où le trouver, à quoi l’assigner : l’ENA, la Cour des Comptes, la psychanalyse, la critique littéraire…
En réalité, il n’était pas là. Il vivait dans son exil intérieur, dont la matière première était la nuit. L’oubli, le souterrain, l’obscurité, le secret étaient son élément. Il ne tentait pas de ramener à la lumière ce qui était caché, mais d’inventer une langue pour dire le secret. Il traquait l’absence et le deuil. Il écrivait « dans le noir » : titre d’un de ses essais récents (Écrit dans le noir, 2017) fouillant la part d’ombre, la conscience nocturne, de ces écrivains immenses dont il s’était choisi la compagnie, de Chateaubriand à Proust.
Par des amis communs, j’aurais pu le rencontrer, discuter. Je n’ai jamais osé, parce que, lecteur depuis mes dix-sept ans du moindre de ses livres, je ne voyais pas au nom de quoi je lui aurais arraché une conversation forçant sa discrétion, et exposant à la lumière banale d’une conversation mondaine l’épaisseur de nuit secrète où il avait installé sa pensée et son œuvre.
J’insiste : nous n’avons pas assez su qu’en Michel Schneider nous disposions d’un esprit que nous pouvons comparer aux meilleurs intellectuels issus de la haute culture Mitteleuropa (Magris, Steiner, Canetti), mais surtout à l’un de ces intransigeants qui ne nous menait jamais où il nous plaisait d’aller, mais là où nous ne savions pas pouvoir aller. Dans les labyrinthes de ses écrits baignés d’ombre, nous rencontrions plus souvent peut-être que nous n’aurions aimé la mort, l’oubli, la blessure du temps, la solitude, dont il détaillait la subtile mécanique dans une langue insinuante, miroitante, semblant issue de l’expérience de mille vies.
Ses livres sur la politique traquèrent les fictions morbides du pouvoir. Son bref essai Miroir des Princes, narcissisme et politique (2013) examine cliniquement la fascination des politiques pour leur reflet dans tous les miroirs qu’on leur tend : mais par-delà l’usage de la psychanalyse, on sent constamment dans la rigueur incisive de la réflexion, dans le maniement précis du scalpel de la langue, le rayonnement sombre d’une morale. Son étude minutieuse d’épisodes du jeu de miroirs de la vie politique font songer à La Rochefoucauld ou Racine plus qu’à Freud. Aussi ne fus-je pas étonné qu’il consacrât un de ses plus beaux textes à Pascal (2016), osant cet aveu : « si je ressens, le lisant et écrivant sur lui, la sensation amère et pénétrante qu’il a écrit ce que j’aurais dû écrire, je n’ai pas la folie de croire que j’aurais pu écrire ce qu’il a écrit, ni aimé l’avoir écrit ». Nous n’avons pas assez su que Michel Schneider était, aussi, un descendant de Port-Royal.
Traquant les doubles fonds du langage et les mirages de notre condition, il aurait pu aussi céder à une forme de relativisme sceptique. Or, il fut hanté par la certitude du sens, et c’est la musique qui lui en communiqua la plus vive sensation. Il alla en sonder l’énigme dans les parages les plus dérobés, faisant sienne la conviction de Nietzsche que la musique était un « art de la nuit ». Il fut de ceux qui disaient le mieux la musique, parce qu’il entendait en elle, jusque dans sa folie aphasique, le murmure d’une vérité humaine. Il consacra deux livres à Schumann, dont La Tombée de la nuit, qui est peut-être un des deux ou trois livres les plus éblouissants sur la musique qu’il m’ait été donné de lire : cette exploration des démons de Schumann est une descente à l’abîme dont on sort vainqueur à la manière du Desdichado de Nerval. Comment, dès lors, aurait-il supporté le nihilisme faraud de Pierre Boulez ?
A présent qu’il n’est plus, il est temps encore de savoir que nous l’avions, et tous ses livres font que nous l’aurons pour longtemps, ce qui en somme est une forme supérieure de joie. » (Sylvain Fort)
J’évoquais dans mon dernier billet (Festival d’inconnus) la finale du concours Eurovision des jeunes musiciens qui a eu lieu samedi soir à Montpellier. Diffusée sur Culturebox et France Musique. On peut tout revoir ici : Eurovision Jeunes Musiciens 2022.
Beaucoup de moments heureux :
Fier d’avoir réuni ce jury : Tedi Papavrami, Nora Cismondi, Christian-Pierre La Marca, JPR, Muza Rubackyté
Le premier prix sans discussion pour un talent déjà avéré, le jeune violoniste tchèque Daniel Matejča.
La classe d’un maître
On attendait – c’était une première pour la presque totalité du public – le récit des aventures de la Belle Maguelone, telles que Brahms les a mises en musique. C’était hier soir à l’Opéra Comédie de Montpellier (diffusion le 8 août sur France Musique). Que dire que je n’aie déjà écrit sur Stéphane Degout ? Magistrale interprétation, à laquelle il faut associer ses comparses Marielou Jacquard, mezzo-soprano, Alain Planès, piano et Roger Germser, conteur et lumières
Stéphane Degout anime à partir d’aujourd’hui une Masterclass qu’on sera bien inspiré de suivre de bout en bout : détails sur lefestival.eu.
Marianne, Gabriel, Benjamin, Maxim…
Troisième et dernière semaine donc pour l’édition 2022 du Festival Radio France. Si on ne craignait le cliché, on parlerait de bouquet final ! Marianne Crebassa ce soir, Gabriel Prokofiev demain, Benjamin Grosvenor et Maxim Emelyanychev jeudi et vendredi.
Actualité
Michel Schneider est mort le 22 juillet. J’ai prévu de lui rendre hommage, comme Sylvain Fort l’a fait dans L’Express. J’ai commencé à relire son essai La Comédie de la Culture paru il y une trentaine d’années et qui lui avait valu une invitation de Bernard Pivot (à revoir ici) Un ouvrage d’une extrême qualité d’écriture qui n’a pas pris une ride !
J’ai plusieurs fois évoqué Alexia Cousin dans ce blog et de précédents. Je l’avais entendue en 1998 à la maison de la Radio lorsqu’elle remporta le concours Voix Nouvelles à 18 ans, et de 2000 à 2005 je l’ai suivie, engagée, entendue à Genève, Liège, Paris…
Dans ce documentaire produit pour marquer le mandat de Louis Langrée comme directeur musical de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, il y a de précieux extraits d’Alexia Cousin en concert : à 2’09 dans Ravel et à 14’30 dans Beethoven.
Les musiciens de la Staatskapelle de Dresde ont choisi celui qui succèdera en 2024 à leur actuel directeur musical Christian Thielemann : ce sera Daniele Gatti. Et pour le chef italien une réhabilitation définitive et éclatante après sa bien peu glorieuse éviction d’Amsterdam en 2018 (Remugles). Lire le papier d’Hugues Mousseau pour Diapasonmag : Daniele Gatti à Dresde, une logique d’excellence
Daniele Gatti en février dernier à la tête de l’Orchestre National de France et du Choeur de Radio France au Théâtre des Champs-Elysées.
Grâce à YouTube, je retrouve un grand souvenir d’il y a huit ans presque jour pour jour. J’avais entraîné Mathieu Gallet, alors PDG de Radio France, au concert que donnaient l’Orchestre national et le choeur à la Basilique de Saint-Denis, le 27 juin 2014, sous la direction de Daniele Gatti pour une rareté au concert : l’oratorio Elias de Mendelssohn. Il faisait chaud, nous étions bien mal assis sur les chaises bien raides de l’église, mais quel souffle, quelle grandeur !
On ne peut pas dire que la politique ait encombré ce blog ces dernières semaines, alors que, je le rappelle pour ceux qui m’ont naguère reproché de m’écarter de la musique, c’est bien un blog personnel, où je m’exprime en toute liberté, sans engager qui que ce soit d’autre que moi !.
Michel Denisot twittait lundi : « En fait si j’ai bien compris les perdants ont gagné et le gagnant a perdu ?«
C’est très exactement le sentiment que j’ai éprouvé tout au long de la soirée électorale du 24 avril.
Les chiffres
Les rares partisans du président réélu, sur les plateaux de télévision, avaient le plus grand mal à faire reconnaître qu’un score de 58,55 % au second tour c’est une vraie victoire, et qu’en démocratie une seule voix de majorité fait l’élection, quelle que ce soit sa nature – un maire, un député, un président. Et quasiment tous les commentateurs, à l’unisson des porte-parole du Lider Minimo JLM, de reprendre l’infox « le président le plus mal élu », etc..
Détesté
Mais, on nous l’a assez seriné, on n’a pas voté pour Macron mais contre Marine Le Pen, d’ailleurs Macron est « détesté » – petite musique entendue pendant tout le quinquennat passé, y compris parmi des proches -. Détesté pourquoi ? ah oui! les petites phrases, l’arrogance. Mais ses résultats, le bilan de son quinquennat ? à peine évoqués, même par ses soutiens. Le « quoi qu’il en coûte » qui a sauvé l’économie française, payé les salaires pendant la pandémie, empêché des pans entiers – la culture par exemple – de sombrer, la baisse spectaculaire du chômage, la baisse des impôts, tout cela est donc négligeable ?
Jadis on avait honte de dire qu’on allait voter Le Pen et les sondages sous-évaluaient régulièrement le vote d’extrême droite. Cette année singulièrement la honte a changé de camp, il fallait presque s’excuser, cacher qu’on pouvait choisir Macron par adhésion !
Opportuniste
Opportunisme : Comportement ou politique qui consiste à tirer parti des circonstances, en transigeant, au besoin, avec les principes (Le Petit Robert)
On voit bien que le vocable a une connotation péjorative, mais c’est peut-être l’adjectif qui peut définir le mieux Emmanuel Macron, depuis qu’il a décidé, en 2016, de lancer son mouvement En Marche, puis de se présenter à la présidence de la République. Une forme de virtuosité, d’intelligence (ah oui c’est vrai que l’intelligence est un grave défaut, l’arrogance on vous dit !) qui a pulvérisé le paysage politique ancien, comme le relevait Alain Duhamel (voir Emmanuel le hardi).
Le jeune président qui vantait les premiers de cordée, la start up nation, est le même qui a nationalisé l’économie pour sortir de la pandémie.
Evidemment, il y a des trous dans le bilan, des incertitudes dans le projet. Je n’ai pas grand chose à changer au texte que j’écrivais, à propos de la Culture, il y a cinq ans : L’Absente. Le Pass Culture, c’est bien, mais ce n’est ni une réflexion en profondeur, ni un projet d’envergure.
Et maintenant ?
Ce n’est pas la première fois ici que je cite Sylvain Fort, qui une fois de plus parle d’or dans L’Express :
« En France, on qualifia longtemps de « respiration démocratique » les scrutins majeurs – présidentielle, législatives, régionales, municipales – permettant aux citoyens de s’extraire de la hâte des jours, de se poser la question des enjeux essentiels et de choisir par le vote ceux qui les endosseraient le mieux. A l’issue de cette élection présidentielle 2022, une seule certitude s’impose : la France a le souffle coupé. La démocratie française tente de survivre dans un oxygène raréfié. La pulsation foncière de notre pays n’est plus le souffle long de la raison et de la délibération, mais la convulsion de spasmes successifs/…/
Dévitalisées par l’abstention, les élections intermédiaires donnaient à la présidentielle le rôle fondamental non point seulement de choisir le chef d’un régime fondé, on le sait, sur la toute-puissance du président, mais de laisser de côté un instant les oripeaux du travailleur-consommateur pour décider en citoyens de notre avenir collectif. Sarkozy, Hollande, Macron ne furent pas le choix de tous, mais ils furent le fruit d’un élan suffisamment large pour que le droit de gouverner ne leur fût point contesté.
En 2022, cette salutaire halte démocratique est à son tour devenue un moment de crise. Le résultat du 10 avril a fait la part belle aux partisans de la rupture radicale, qui n’ont pas pleinement accepté le fruit d’un scrutin consacrant pourtant leur domination. Le nombre de citoyens persuadés que l’élection leur avait été volée, que le scrutin était trafiqué, que la démocratie est prise en otage est, en France, colossal. Alors que fleurit dans tous les programmes, sous l’influence clientéliste des gilets jaunes, la promesse du référendum d’initiative citoyenne, le vote traditionnel est devenu suspect, vérolé, et jugé fallacieux par ceux-là même qui s’y sont pourtant soumis... » (Sylvain Fort, L’Express, 26 avril 2022)
L’enjeu du quinquennat qui s’ouvre, comme des élections législatives, est herculéen : réparer la République, réparer la démocratie. Réapprendre à chacun le sens de la discussion, respectueuse des opinions, mais débouchant sur des décisions claires. Se départir de l’invective permanente, de la lâcheté de l’anonymat des réseaux sociaux, prendre le temps de la réflexion, de la délibération, de la recherche d’un accord. Et ne plus se situer dans ce rapport au pouvoir – caractéristique très française – qui fait qu’on attend tout de lui, tout en le criblant de flèches à la moindre difficulté.
Ce n’est pas la première fois que je commente, voire que j’accueille, ici, les propos de Sylvain Fort (lire par exemple Perdre la face ?). Il faut reconnaître que, cette semaine dans L’Express, il a fait.. fort !
La virulence des réactions – sur Facebook notamment – n’a pas tardé, avec pour circonstances aggravantes, forcément aggravantes, pour l’auteur de l’article le fait d’être un ex-collaborateur, et donc toujours suppôt, du président de la République, et de soutenir Renaud Capuçon ! Sylvain Fort s’est fendu d’une mise au point aussi nécessaire que bienvenue :
« J’ai publié récemment dans L’Express un point de vue intitulé « La culture ne se confine pas », qui suscite l’émoi de certains artistes de musique dite « classique ». J’y explique tout simplement que la fermeture des salles ne doit pas mettre un terme à la vie culturelle. Qu’il existe bien des moyens de faire vivre la culture : le numérique, les captations, mais aussi le contact vivant avec le public hors des salles traditionnelles, surtout dans une période de grand esseulement et de grande détresse de nombre de nos concitoyens. Cela, les artistes classiques ne m’ont pas attendu pour le mettre en œuvre. Nombre d’artistes « classiques » se sont crus invités par cet article à se produire gratuitement dans des conditions précaires, et ont vu là une invitation bien arrogante. D’abord parce qu’ils ne peuvent pas se permettre le luxe de se produire gratuitement, ensuite parce qu’ils se produisent volontiers hors les murs. Il est étrange que ces artistes-là se soient sentis visés par l’article. D’abord parce qu’il est dit explicitement que cette exhortation ne saurait concerner les plus précaires. Ensuite parce que toute la fin de l’article rend hommage précisément à ceux qui savent aller au-devant des publics en dehors des cadres institutionnels. Enfin, plus secondairement, parce que depuis vingt ans, notamment sur Forum Opéra, j’interroge avec inquiétude le sort des artistes classiques, la malédiction des contrats précaires, la gangrène de la gratuité. C’est le sens même de l’éditorial de ce mois-ci sur Forum Opéra. Les artistes visés sont ceux au contraire qui pourraient, financièrement, sortir de leur zone de confort, mais qui ne le font pas. Qui pourraient, par leur talent et leur notoriété, apporter beaucoup à la collectivité nationale, mais qui ne le font pas.Récemment, Philippe Torreton a eu cette prise de conscience et a déclaré « c’est dommage que l’Etat ne nous ait pas demandé d’aller jouer dans les EPHAD ». Oui, il existe des privilégiés de la culture. Oui, il existe des artistes qui traversent cette crise sans inquiétude financière parce qu’ils ont gagné beaucoup d’argent ou parce que leur situation contractuelle les place à l’abri du besoin. Oui, il existe des artistes qui certes sont mis à mal par cette épidémie, mais qui la traverseront parce qu’ils ont une rente de situation, un lien avec le public, une notoriété qui les protègent du pire (et que souvent ils doivent à leur talent, quoique pas toujours). Ces artistes-là, les a-t-on vu se mettre au service de leur public ? La vérité, c’est qu’ils ont disparu des radars. Les mêmes qui rappliquent aux cérémonies des Césars, à Cannes, sur les plateaux de télévision, les télés-crochet, se font aimer et fêter ont simplement démissionné de leur fonction sociale pendant cette crise. C’est un fait. Au contraire, il est des artistes qui ont vu leur monde s’écrouler, leur public disparaître, leur portefeuille se vider, et qui n’avaient ni les moyens ni l’énergie d’aller au-devant des difficultés. Il est des artistes qui à longueur d’année donnent de leur personne pour nos aînés, les enfants, les malades. Mais que la crise présente a écrasés. Les artistes classiques sont dans cette situation. Il est paradoxal qu’en lisant l’article ils aient pensé que cela parlait d’eux et non des puissances établies qui auraient pu faire tellement et n’ont rien fait. Je suis désolé qu’ils aient pris pour eux, dont depuis vingt ans je dis la fragilité et la grandeur, ce qui était destiné à une population bien plus gâtée et bien moins active. L’Express n’est pas une publication de musique classique et ne s’adresse pas à un lectorat qui, quand on parle d’artistes, pense spontanément à un ensemble baroque plus qu’à une vedette de la chanson. Je regrette ce malentendu et ce qu’elle a pu causer de désarroi car je n’ignore rien de la situation des artistes classiques ou par extension du théâtre et de la musique, qui souffrent de cette situation. Surtout, dans une période aussi dure, je regrette d’avoir causé du désarroi à celles et ceux qui, précisément, nagent déjà dans des océans d’incertitude. J’espère qu’ils accepteront les excuses que je leur présente très modestement. » (sur Facebook 15/01/21)
Une polémique inutile ?
Je ne suis pas le plus mal placé pour apprécier la situation qui est celle du monde de la culture depuis bientôt un an.
Le 23 mars 2020 (Confinement) : « Difficile pourtant de rester rationnel, de s’en tenir aux faits/…./De ne pas céder à son tour à un vertige anxiogène et paralysant »
Le 15 avril 2020 j’écrivais cette Lettre à mes amis et aux autres : « J’ai résolu de ne participer à aucun débat, aucune polémique sur rien ni personne durant cette crise inédite » et, neuf jours avant de devoir annuler la quasi-totalité de l’édition 2020 du Festival Radio France Occitanie Montpellier, ceci :
Il n’est pas un jour, une heure, où je ne pense à mes amis musiciens, et au-delà d’eux à tous ceux qui font métier d’artiste.
Je me suis toujours demandé, depuis que j’ai la chance de travailler avec vous, pour vous, comment vous faisiez pour supporter l’incertitude, l’insécurité, qui est votre lot commun. Votre carrière, vos engagements, vos ressources, votre vie en somme, dépendent de tellement de facteurs que vous ne maîtrisez pas.
Aujourd’hui, et depuis plusieurs semaines, qui que vous soyez, célèbre ou débutant, riche ou pauvre, vous êtes doublement confinés, vous voyez s’annuler tous les projets, tous les engagements qui formaient votre horizon.
Et vous lisez sur les réseaux sociaux les pires nouvelles, colportées comme vérités d’évidence… Comme s’il fallait rajouter du désespoir à la morosité ambiante.
Oui c’est à vous, amis musiciens, que je pense en premier lorsque je dois prendre, lorsque je devrai prendre des décisions quant à la réalisation du festival que je dirige. Pourquoi baisser les bras avant même qu’on y soit, peut-être, contraint ? Pourquoi ne pas imaginer d’autres solutions que le tout ou rien ? Il y a tant de manières de vivre, de faire vivre la musique. Ce ne sont pas les idées qui nous manquent. Nous ne renoncerons jamais à explorer toutes les pistes, et à vous permettre de nous réenchanter.
C’est la promesse que je vous fais. »
Le 25 avril 2020, j’avais le Coeur lourd et, je le crois, une certaine lucidité :
Une certitude : le déconfinement se fera dans un désert culturel. Et les dégâts de la crise sanitaire pour tout le monde de la culture seront considérables, souvent irrémédiables. Dégâts artistiques, économiques, mais d’abord dégâts humains.
On voit bien, ici et là, resurgir la vieille rengaine populiste : la culture est un petit milieu privilégié (avec un régime d’assurance chômage qui serait trop favorable), et on aura bien d’autres soucis après la crise que de faire revivre les théâtres, les salles de concert, les festivals, qui vivent pour la très grande majorité de subventions publiques…
Le 17 juin 2020, j’annonçais un Festival autrement et le 30 juillet la réalisation, partielle certes, mais affirmée, de la promesse que j’avais faite aux musiciens (cf. plus haut) : Un festival malgré tout
Je ne change rien à ce que j’ai écrit en 2020, ni les espoirs, ni les constats.
Je réaffirme juste ceci : On ne fait jamais avancer une cause, sa cause, en se plaçant dans la position de la victime, du spectateur passif, du critique permanent.
Même si ça défoule, à quoi bon perdre son temps et son énergie à tirer sur ces gouvernants incapables ? Qui eût fait mieux ? Moi aussi, je préférerais que les salles de spectacle, de concert soient ouvertes, et je sais que personne n’y risquerait sa santé ! Moi aussi je préférerais que la vie reprenne dans les cafés, les restaurants. Moi aussi je préférerais que personne ne tombe malade.
Les mêmes qui, majoritaires, exprimaient leur défiance quant à la vaccination contre la Covid-19, manifestent maintenant leur impatience devant les lenteurs de cette même vaccination !
Je prépare, avec toute une équipe plus enthousiaste que jamais, un festival 2021 dont le slogan est déjà tout un programme :
Je pense que cette longue, évidemment trop longue et insupportable, période de confinement de la culture aura peut-être eu quelques effets positifs, comme celui d’obliger artistes et organisateurs à inventer de nouveaux formats, de nouvelles formes, de nouvelles formules et d’atteindre ainsi ces fameux publics trop longtemps tenus à distance de la chose culturelle.
J’y reviendrai plus longuement. Je suis un incorrigible optimiste !