Les raretés du confinement (XII) : Tavernier, Faust, Levine, Grumiaux…

Confinement, épisode 3

Depuis ma dernière chronique – Les raretés du confinement (XI)- les heureux habitants de 19 départements français, dont l’Ile-de-France, ont eu droit à un troisième confinement qui ne dit pas son nom. Et, pour ce qui me concerne, je suis entré en période d’abstinence, abstinence de JT sur le service public (France 2, France 3) : je ne supporte plus ces micro-trottoirs, ces « directs » dans les villes confinées, et, pire, ces sujets anxiogènes, toujours les mêmes – « le gouvernement va devoir donner un tour de vis supplémentaire ». Alors que, dans le même temps, on ne voit ni n’entend jamais un sujet sérieux, qui demanderait, il est vrai, un peu plus de travail et d’investigations, sur la réalité des contaminations en extérieur. Les télés nous montrent à l’envi des rassemblements sur les quais de Seine, à Marseille, tandis qu’on entend les spécialistes, et même le ministre de la Santé, proclamer que le risque de propagation du virus est infime : qu’attend-on pour enquêter sur les suites de ces « rassemblements », y a-t-il eu augmentation consécutive des hospitalisations, des contaminations ? Des faits précis, plutôt que des suppositions et des approximations, n’est-ce pas le minimum qu’on puisse attendre de ceux qui ont mission de nous informer ?

14 mars : le pianiste inconnu

En me replongeant dans l’imposant coffret paru l’été dernier consacré à John Barbirolli (1899-1970) : – voir Sir John) j’ai trouvé cet enregistrement du 5ème concerto de Beethoven, auquel je n’avais pas prêté attention, et ainsi découvert un pianiste, dont – je le confesse à ma grande honte – je n’avais jamais entendu parler de Mindru Katz, roumain et israélien, né à Bucarest en 1925, mort à Istanbul en 1978. Un « Empereur » impérial sous ses doigts !

15 mars : mes premières Danses hongroises

Jean-charles Hoffelé évoquait récemment la noble figure d’un chef allemand que j’aime entre tous depuis longtemps : Hans Schmidt-Isserstedt (1900-1973). Je citais sa lumineuse et parfois oubliée intégrale des Symphonies de Beethoven (Beethoven 250: Schmidt-Isserstedt). J’évoquerai bientôt mes découvertes de jeunesse d’oeuvres de Dvořák et Brahms grâce à lui. Avant-goût avec la première intégrale des Danses hongroises de Brahms qui figura dans ma discothèque d’adolescent.

17 mars : les sérénades de HSI

Grâce à plusieurs rééditions récentes, on redécouvre l’art de l’un des grands chefs allemands du XXème siècle, Hans Schmidt-Isserstedt (1900-1973) – La découverte de la musique: Hans Schmidt-Isserstedt. En 1965, il enregistrait une version lumineuse, pastorale, de la Sérénade pour cordes de Dvořák, à la tête de « son » orchestre de la radio de Hamburg (NDR Orchester):

18 mars : la mort de Jimmy

James Levine était un exceptionnel chef d’opéra, l’incontesté patron et l’âme du Metropolitan Opera de New York pendant 40 ans, mais c’était aussi un formidable chef symphonique. Comme en témoigne une série de symphonies de Sibelius enregistrée avec les Berliner Philharmoniker. (Lire : Dear Jimmy )

Sibelius : Symphonie n°2

Orchestre philharmonique de Berlin dir. James Levine

19 mars : Levine, une vie pour la musique

#JamesLevine encore : Une vie pour la musique Le génie protéiforme du chef lyrique, du maître de l’orchestre symphonique, et un pianiste qui s’amuse avec quelques illustres collègues

20 mars : l’air de Berlin

Je ne me rappelais plus que James Levine avait dirigé l’un des célèbres concerts berlinois en plein air de la Waldbühne en 1999. Ici le bis que tout le monde attend en fin de concert, la marche Berliner Luft / L’air de Berlin de Paul Lincke (1866-1946)

21 mars : Printemps qui commence

Printemps qui commence… sous le signe du confinement pour beaucoup de Français !Printemps qui commence)

« Printemps qui commence » par ma Dalila de coeur, la grande Rita Gorr (1926-2012), voix ô combien troublante et charnelle.

Saint-Saëns : Samson et Dalila, air « Printemps qui commence »

Rita Gorr, mezzo-soprano Orchestre de la Société des concerts du Conservatoire dir. André Cluytens

21 mars : Grumiaux centenaire

Le violoniste belge Arthur Grumiaux est né il y a cent ans, le 21 mars 1921 – et mort à 65 ans seulement en 1986. Il laisse une discographie considérable (très bientôt rééditée en coffret). Grumiaux a été un des premiers à enregistrer les méconnus concertos pour violon de Haydn.

Haydn: Concerto pour violon en sol Majeur Hob.VIIa/4 1er mvt allegro moderato

Arthur Grumiaux, violon New Philharmonia Orchestradir. Raymond Leppard

22 mars : la mort de Boris

Hommage à l’un des plus grands chanteurs russes, le baryton-basse Evgueni Nesterenko, mort hier, à 83 ans, des suites de la COVID-19.

Inoubliable interprète de Chostakovitch, Tchaikovski et bien sûr de Boris Godounov de Moussourgski, il est ici le Boris d’une célèbre production de 1978 du Bolchoi

23 mars : Divertimento à la hongroise

L’un des chefs-d’oeuvre de Béla Bartók, son Divertimento pour cordes écrit en 1939, avant l’exil du compositeur hongrois aux Etats-Unis, créé le 11 juin 1940 par son commanditaire et dédicataire Paul Sacher et l’orchestre de chambre de Bâle. Ici dans ma version préférée : Antal Dorati dirige le BBC Symphony Orchestra (1964)

24 mars : Déodat de Séverac

Spéciale dédicace à Carole Delga et Hussein Bourgi cette musique délicieuse du compositeur occitan #DeodatdeSeverac né à St Felix Lauragais en 1872 mort il y a 100 ans le 24 mars 1921 à Céret, par le pianiste Aldo Ciccolini qui fut un invité régulier du Festival Radio France Occitanie Montpellier

25 mars : adieu Bertrand

#BertrandTavernier est mort (lire : Bertrand Tavernier: coup de torchon).

Parmi toutes ses qualités, il y avait son goût et sa connaissance de la musique. Le 11 janvier 2019, l’ Orchestre Philharmonique de Radio France jouait sous la direction de Bruno Fontaine la musique composée par Bruno Coulais pour le film-documentaire de Bertrand Tavernier « Voyage à travers le cinéma français« 

26 mars : Faust en prime time

Faust de Gounod a ses fans, ce n’est pas mon cas. Trop « grand opéra », trop long, tout est trop dans ces 5 actes. Mais il y avait de quoi se réjouir que France 5 diffuse, un vendredi soir, en « prime time », la toute récente production, donnée sans public, de l’Opéra de Paris. Un chef – Lorenzo Viotti – qui a tout pour lui, le talent, la jeunesse (il vient de fêter son 31ème anniversaire !) et, dans cet ouvrage, la capacité de saisir toutes les atmosphères, et d’alléger un tissu orchestral parfois bien lourd, d’excellents chanteurs (même si, dans ce rôle et ce personnage de Faust, j’attends une voix plus corsée que celle, ô combien lyrique et élégiaque, de Benjamin Bernheim). Une mise en scène dont toute la presse a salué la pertinence et l’inventivité, celle de Tobias Kratzer.

Côté disques, on en reste aux grands classiques Cluytens et Plasson, pour des distributions qui savent chanter le français (les grands chanteurs de la célèbre version de Georges Prêtre sont vraiment trop exotiques dans un ouvrage où la compréhension du texte chanté n’est pas accessoire !)

27 mars : Around Midnight

De toutes les qualités qu’unanimement on s’accorde à reconnaître à Bertrand Tavernier, il y a sa connaissance et son amour de la musique, comme France Musique l’a déjà rappelé et continue de l’évoquer tout ce week-end.

Il y a eu ce film magnifique de 1986 Autour de minuit :

Réécouter absolument la chronique de Max Dozolme dans la Matinale de France-Musique du 26 mars : Bertrand Tavernier, un portrait musical

Ce qui reste d’une vie

On l’avait constaté à la mort d’Annie Cordy, une vie d’artiste se résume trop souvent à un seul aspect, quelques titres de chansons, dans la mémoire collective

Patrick Davin

Tous les témoignages qui ont afflué depuis jeudi et la mort soudaine de Patrick Davin (Un ami disparaît) démontrent, au contraire, que le chef disparu laisse à tous ceux qui le pleurent une multiplicité d’impressions, de souvenirs, d’expériences vécues. L’homme prend le pas sur le musicien, ou plus exactement chacun se rappelle l’humilité, la simplicité, la bienveillance, la bonne humeur, l’humour distancié, de l’artiste au travail ou en représentation.

L’Orchestre Philharmonique Royal de Liège a publié sur son site (http://www.oprl.be) ce que Patrick Davin avait écrit pour le Blog des 50 ans de l’orchestre, à l’occasion des concerts qu’il avait dirigés en avril 2011 (Carmina Burana de Carl Orff et Shaker Loops de John Adams), vingt ans exactement après son premier engagement à la tête de l’orchestre.

20 ans après!!!

La seule et principale difficulté pour un aspirant chef d’orchestre est de naître (appelons cela: débuter…).

 Après une petite vingtaine d’années de cours, d’étude, de rêves, de stages, de concours, de minuscules prestations, d’examens, d’assistanat, de mois vides, de soirées de découragement, de moments d’exaltation, de certitude et de doute, j’ai vécu cette semaine (car pour les musiciens un concert c’est aussi et parfois surtout la semaine de répétitions qui précède) sans vraiment  en remarquer la visibilité exceptionnelle et franchement disproportionnée (le public, la presse, la télévision…) L’orchestre qui jusque là (lors des concours du conservatoire) m’était tout acquis, a montré son vrai visage, celui de professionnels qu’il faut conquérir, convaincre et emmener avec soi, sous peine de succomber sous son corps glorieux .

Débuter (appelons cela naître…) c’est se dire qu’il reste alors toute une possible vie pour prolonger ces moments, pour conquérir, convaincre et surtout se montrer digne d’être là, en porte-parole pourtant dérisoire des compositeurs (vivants ou morts) et se préparer, jours et nuits après jours et nuits à étudier, rêver, se décourager, s’exalter, douter, conquérir, convaincre partager, donner, brûler et emmener avec soi cette petite flamme, cette bonne étoile, qui nous guide et nous dépasse.

Et tout le reste est carrière, succès, échecs et vanité….qu’il faut traîner aussi comme un fardeau maudit, mais sans grande importance… 

 Patrick Davin

Christian Merlin dans Le Figaro, Pierre Gervasoni dans Le Monde, Camille de Rijck dans Demandez le programme sur Musiq3 avec ses invités, anciens et actuels directeurs des opéras de Bruxelles et Liège, ont tous dit peu ou prou la même chose.

Au micro de France Musique c’est le Patrick Davin que j’ai connu « de l’intérieur » que j’ai essayé d’évoquer : Patrick Davin était un guide fantastique pour les musiciens

En regard de la variété et du nombre de productions lyriques que Patrick Davin a conduites, sa discographie reste relativement modeste, comme on l’a écrit sur Forumopera : Le legs lyrique de Patrick Davin.

Diana Rigg / Emma Peel

Jeudi aussi, c’est la grande actrice britannique, Diana Rigg, qui disparaissait à 82 ans.

Quelle qu’ait été sa carrière au théâtre ou au cinéma, Diana Rigg est, pour l’éternité, la partenaire (voire plus si affinités ?) de John Steed, alias Patrick MacNee, l’énigmatiquement belle et sensuelle Emma Peel de cette monumentale série qu’on n’eût manquée pour rien au monde : Chapeau melon et bottes de cuir et qu’on se repasse régulièrement !

Déconfinement

#Confinement Jour 43

Beaucoup de réactions évidemment à l’annonce faite vendredi dernier et relatée ici : lire Le coeur lourdCompréhensives, chaleureuses, parfois inattendues.

Non seulement pas une ligne à retrancher à ce que j’écrivais samedi, mais en réponse à une question de Jean-Baptiste Urbain, j’ai plutôt durci le propos dans la matinale de France Musique lundi matin, notamment sur les sombres perspectives qui attendent tout l’éco-système culturel, et le silence du ministère de la culture.

A réécouter ici (à la vingtième minute) : Musique matin 27 avril 2020

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J’ai attentivement écouté le Premier ministre cet après-midi à l’Assemblée Nationale, je ne crois pas avoir vu le ministre de la Culture sur les bancs du gouvernement et je n’ai pas le souvenir d’avoir entendu grand chose sur le déconfinement de la culture. Rien de précis. On a bien compris que les festivals ou événements qui rassemblent plus de 5000 personnes sont impossibles jusqu’à septembre, que les salles de concert, théâtres et cinémas ne rouvrent pas le 11 mai, mais rien qui réponde aux préoccupations de centaines d’organisateurs de manifestations culturelles… de moins de 5000 personnes.

Silence assourdissant… écrivais-je samedi …

Heureusement les principaux concernés, les artistes, donnent de la voix ! Je signe rarement des pétitions, mais j’ai signé celle qu’ont lancée Jonas Kaufmann et Ludovic TézierPour soutenir le monde de la culture

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Ludovic Tézier est l’invité de France Musique ce mercredi matin. Il faudra l’écouter !

 

 

 

Le piano venu de l’Est (II) : Annerose Schmidt

J’avais ouvert avec Peter Rösel une série sur ces remarquables musiciens nés, éduqués en Allemagne de l’Est, dont la carrière a été, politique oblige, confinée dans la sphère orientale de l’Europe : Le piano venu de l’Est

Le concert et la présence à Paris de Peter Rösel (L’évidence de la simplicité), ses interventions sur les antennes de France Musique et de France Inter, à l’occasion du trentième anniversaire de la chute du Mur de Berlin, ont rappelé à nos oreilles occidentales ce qu’il en était de l’organisation de la vie musicale à l’est du Rideau de fer.

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(Peter Rösel et Jean-Baptiste Urbain à France Musique le 7 novembre / Photo Yves Riesel)

Autre exemple d’une carrière brillante qui n’a jamais rencontré les faveurs du public occidental, sauf par le disque et encore !, celle de la pianiste Annerose Schmidt, de son vrai nom Annerose Boeck.

Annerose Schmidt naît le 5 octobre 1936 à Wittenberg au nord de Leipzig. Son père est le directeur de l’école de musique et commence à lui enseigner le piano en 1941. Elle donne son premier concert en public en 1945 et reçoit en 1948 un diplôme de concert et un permis professionnel en tant que pianiste de concert officiellement reconnu dans ce qui était zone d’occupation soviétique. Elle donna le premier de ses concerts à la radio berlinoise en 1949. Après avoir passé son examen de fin d’études (« Abitur »), Annerose Schmidt part étudier à l’Académie de musique de Leipzig entre 1953 et 1957.

En 1955, elle reçoit une mention spéciale au Concours international de piano Chopin à Varsovie. L’année suivante elle remporte le tout premier concours international Robert Schumann pour pianistes et chanteurs, qui se tient à Berlin. Ces succès lancent efficace sa carrière internationale… en Pologne, Roumanie, Hongrie, Bulgarie et en Union soviétique.

Son répertoire comprend près de quatre-vingts concertos pour piano, dont ceux de Mozart, Beethoven, Bartók, Chopin et Ravel. Elle joue tout le répertoire pour piano de Schumann et Brahms, mais aussi de la musique contemporaine.

À partir de 1958, elle peut se rendre épisodiquement en Allemagne de l’Ouest et se produire avec des chefs et des orchestres renommés en Finlande, en Suède, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg et en Autriche.  Jamais en France !

En 1985, elle est nommée professeure au Conservatoire Hanns Eisler de Berlin, qu’elle dirige entre 1990 et 1995. Annerose Schmidt a mis fin à sa carrière d’interprète pour raisons de santé en 2006.

ums_photos_01735J’ai d’abord connu Annerose Schmidt par la formidable intégrale des concertos de Mozart qu’elle a gravée au mitan des années 70 avec Kurt Masur et l’orchestre philharmonique de Dresde (le concurrent de la Staatskapelle). J’aime ce jeu franc, direct, qui donne à entendre toutes les facettes de Mozart, un piano très bien enregistré avec des partenaires qui ne surchargent pas d’intentions les ombres et lumières de l’orchestre mozartien.

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Puis j’ai recherché les quelques autres rares disques disponibles en Occident, les concertos de Chopin, toujours avec Masur (et Leipzig) – nettement moins convaincants – les Schumann et Brahms pour le piano seul, qui réservent de belles surprises.

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