Il y a dix ans (V) : l’inauguration

J’assistais jeudi dernier à un concert présenté par France Musique comme celui du 10e anniversaire de l’inauguration de l’Auditorium de la Maison de la Radio. J’ai écrit sur Bachtrack ce que j’en ai pensé : L’étrange anniversaire de l’auditorium de Radio France.

On peut réécouter sur France Musique la très belle version qu‘Edgar Moreau a donnée du 1er concerto pour violoncelle de Chostakovitch. Le reste est plus dispensable…

L’Auditorium de Radio France / 7 novembre 2024

Etrangement, Radio France semble n’avoir pas souhaité marquer l’inauguration de son Auditorium il y a juste dix ans, le 14 novembre 2014, alors que cette nouvelle salle de concerts constituait une date historique dans la vie musicale parisienne, deux mois avant une autre inauguration tout aussi marquante, celle de la Philharmonie de Paris. Il se trouve qu’à cette période j’avais la responsabilité de la direction de la Musique de Radio France sous la présidence de Mathieu Gallet, et que cette inauguration avait été accouchée certes avec enthousiasme mais non sans difficultés (lire La fête)

(France Inter, le Journal de 13h, 14 novembre 2014 / Interview JPR par Claire Servajean)

Un parcours d’obstacles

On a peine à imaginer aujourd’hui le parcours d’obstacles qu’a constitué l’organisation de cette inauguration, pour laquelle Mathieu Gallet et moi avions voulu que toutes les forces musicales, artistiques, techniques, et les antennes de Radio France soient impliquées. La Maison de la radio n’était alors clairement pas structurée comme un lieu d’accueil du public, encore moins comme des studios et salles de concert ouverts au public. Ce n’est que beaucoup plus tard, à partir de 2017 (!), que mon successeur Michel Orier serait investi de l’ensemble des responsabilités de la gestion de ces espaces et de l’accueil du public, et pourrait constituer et piloter des équipes dédiées. En novembre 2014, on essuyait les plâtres au sens propre du terme, et de l’Auditorium et du Studio 104 (ex-Olivier Messiaen). Chaque élément dépendait d’une direction différente: il nous faudrait beaucoup beaucoup de patience et de force de persuasion pour que tout finisse par fonctionner.

Le plus gros obstacle, et ce n’était pas le moindre, étant que nous voulions ouvrir grand la Maison de la radio pendant tout le week-end des 14, 15 et 16 novembre 2014… alors que même les antennes, a fortiori tous les services fonctionnaient au ralenti. Mathieu Gallet avait eu une formule heureuse… qui n’avait pas manqué de susciter des remous dans une organisation aussi figée : il souhaitait une Maison de la Radio en format VSD (en référence à l’hebdomadaire éponyme).

Et je dois bien dire que beaucoup doutaient en interne de la réussite d’une opération de « musique classique » avec autant de concerts et d’émissions dans un lieu excentré de Paris, qu’on a toujours décrit comme peu accessible. Les photos prises pendant le week-end en témoignent, les chiffres de fréquentation ont dépassé toutes nos espérances et fait taire les Cassandre.

Quel(s) programme(s) ?

Mais tout ce que je viens de décrire n’était rien par rapport à la programmation des concerts inauguraux. Je pense que Mathieu Gallet, nommé par le CSA PDG de Radio France le 27 février 2014, n’avait pas un seul instant imaginé que ce serait l’un des épisodes les plus compliqués de sa présidence, Nous en avons souri, et même ri après coup, mais les négociations qu’il a fallu conduire avec les chefs des deux orchestres, les représentants des musiciens – des centaines de mails en témoignent ! – ont été himalayesques. Il faut se rappeler que la concurrence entre les deux orchestres (le National et le Philhar’) était à son comble, attisée, il est vrai, par la mise en oeuvre, jugée à l’époque « trop brutale », du projet de réorganisation de la Direction de la Musique que Mathieu Gallet avait présenté devant le CSA et que j’avais entamé dès mon entrée en fonction (Ma part de vérité).

Je peux le dire maintenant, sans trahir de secret professionnel, mais des promesses avaient été faites par le prédécesseur de Mathieu Gallet à Daniele Gatti : ce serait lui et l’Orchestre national qui seraient les premiers et principaux utilisateurs de l’Auditorium et qui donc feraient le concert inaugural. Allez, après cela, expliquer à l’orchestre philharmonique de Radio France et à son chef qu’ils passeraient en second, alors qu’ils avaient la certitude, alimentée par la rumeur d’un certain microcosme parisien, d’être infiniment supérieurs à leurs collègues du National !

On passera toutes les étapes de cette négociation (qui ne s’acheva que la veille de l’inauguration !). Au départ chaque orchestre/chef voulait jouer tout un concert, le même soir, et si possible avec quasiment le même programme (le Boléro de Ravel of course), dans l’Auditorium bien sûr ! Je suggérai qu’on utilise à tour de rôle les deux salles, le Studio 104 et l’Auditorium. On regarda toutes les formules possibles, mais presque jusqu’à la fin, les deux chefs, Gatti et Chung (qui, il faut quand même le relever, ne se sont jamais adressé la parole, ni même serré la main, durant toute la durée de leurs mandats respectifs !) s’en tenaient à leur programme Ravel. Les choses en étaient à un point tel qu’il nous fut impossible de communiquer à la presse, aux invités et au public, le programme de l’inauguration ! Finalement, Mathieu Gallet siffla la fin de la récréation et valida ma proposition, arrachée de haute lutte : il y aurait le 14 novembre 2014 un seul concert dans le tout nouvel Auditorium, en deux parties de moins d’une heure chacune : ouvrant le bal, l’Orchestre national de France et Daniele Gatti avec « Slava’s Fanfare » de Dutilleux, l’ouverture de Tannhäuser de Wagner, la suite du Chevalier à la rose de Richard Strauss.. et le Boléro de Ravel, puis après l’entracte l’Orchestre philharmonique de Radio France et Myung-Whun Chung, une suite tirée du ballet Roméo et Juliette de Prokofiev, Ave verum corpus de Mozart et la 2e suite de Daphnis et Chloé de Ravel, avec la participation du Choeur de Radio France (qu’on retrouverait pour son propre concert durant le week-end).

(L’émotion d’une première répétition dans le tout nouvel Auditorium !)

On peut réécouter ce concert sur France Musique !

Aujourd’hui plus personne ne doute de la pertinence et de la nécessité des deux salles de concert de la Maison de la Radio et de la Musique. Comme pour la Philharmonie – j’en reparlerai en janvier – ces nouveaux lieux ont attiré de nouveaux publics, profondément renouvelé les modes d’accès à la musique classique.

Confidences et confidentialité

Aussi paradoxal que cela paraisse pour l’auteur d’un blog, je répugne à l’étalage des sentiments, et surtout à la divulgation de ce qui est et doit rester intime, voire secret. Or les réseaux sociaux ont, semble-t-il, levé tout scrupule même chez des personnages qu’on aurait pensé plus avertis des nécessités de la confidentialité.

Ainsi à propos de deux « moments » tout récents d’actualité, sans lien autre que chronologique entre eux : »l’affaire » François-Xavier Roth et la disparition d’Hugues Gall.

François-Xavier Roth, ce que je sais

J’ai écrit ici même hier: Difficile d’ignorer la tourmente dans laquelle se trouve plongé François-Xavier Roth depuis l’article que lui a consacré Le Canard enchaîné ce mercredi. Je n’entends pas participer à la curée. Je me suis déjà exprimé ici – Remugles – sur les « affaires » qui avaient déjà éclaboussé le monde musical. La prudence s’impose et seule la justice, pour autant qu’elle soit saisie, peut qualifier la réalité des faits allégués.

Si je m’en tenais à la période compliquée que j’ai traversée en 2009-2010 à cause de FXR (lire Le choix d’un chef) j’aurais des raisons de lui en vouloir, et peut-être d’aboyer avec la meute. Oui j’ai su, à l’époque, que, s’ennuyant sans doute dans l’appartement qu’il occupait à Liège, il lui arrivait de draguer par SMS, des musiciennes, des musiciens et sans doute pas qu’eux…Alors que, durant tout mon mandat de directeur à Liège, j’ai toujours été extrêmement attentif, et intransigeant, sur tout ce qui pouvait relever du harcèlement, en dehors parfois même des procédures légales, que j’ai en toutes circonstances été disponible pour celles ou ceux qui souhaitaient me confier leurs problèmes personnels, de quelque nature qu’ils fussent – parce que tous savaient que je conserverais le secret le plus absolu sur leurs..confidences (confidence = confiance). Je n’ai jamais dérogé à cette règle.

S’agissant de FX Roth, lorsqu’on me rapportait ses tentatives, c’était le plus souvent pour s’en amuser, évoquer les « râteaux » qu’il se prenait. Dans une communauté comme un orchestre, tout se sait ou finit par se savoir de qui « sort » avec qui, des comportements des uns et des autres. Jamais je n’ai reçu la moindre plainte à l’encontre du chef.

A ce jour, depuis l’article du Canard enchaîné, je ne sache pas d’ailleurs que la justice ait été saisie, en France ou en Allemagne, là où le chef français exerce ses responsabilités. Je rapprocherais plutôt la situation de FXR de l’épisode qui a valu à un ancien secrétaire d’Etat, candidat à la Mairie de Paris en 2020 – Benjamin Griveaux – son retrait forcé de la vie politique. Dans les deux cas, il n’y a pas eu de violence sur autrui, ni fait pénalement répréhensible, juste des situations ridicules dont la seule victime est l’auteur.

Mais dans l’esprit des abonnés aux réseaux sociaux, la cause est entendue : Griveaux comme Roth sont coupables !

Demain on révèlera que tel pianiste est sur Grindr, tel patron sur Tinder, et on balancera sur les réseaux le contenu de leurs échanges, leurs photos intimes ?

Hugues Gall l’homme d’honneurs

Depuis que Jean-Louis Grinda l’a, le premier, annoncé avant-hier soir sur Facebook, le décès d’Hugues Gall, ancien directeur du Grand Théâtre de Genève puis de l’Opéra de Paris, n’en finit pas de susciter des flots de confidences, qui ne ressortissent pas toutes – euphémisme ! – à des souvenirs professionnels. Et tout cela complaisamment étalé sur les réseaux sociaux…

Tel ancien collègue du disparu se répand en détails très personnels, ou à l’inverse un autre raconte par le menu des interventions d’Hugues Gall dans un dossier complexe, avec force détails et insinuations, auxquels évidemment l’intéressé ne peut plus répliquer.

Il se trouve que j’ai un peu connu Hugues Gall. D’abord à Genève, où il était le tout-puissant patron du Grand-Théâtre (l’opéra). J’étais alors à la Radio suisse romande, pas directement en charge des relations avec les institutions lyriques. Mais en 1992, j’avais été chargé d’organiser une journée/soirée commune entre la chaîne culturelle romande, Espace 2, et France Musique, qui devait s’achever par une diffusion en direct du Grand Théâtre. J’avais pris contact avec l’équipe du GTG pour régler tous les détails, ne sachant pas que Gall contrôlait tout, décidait de tout. Je reçus un coup de fil de sa part, courroucé – le terme est aimable ! – me reprochant de le tenir à l’écart, etc… Sous l’algarade, je ne pus que bafouiller quelques excuses. J’entendis mon interlocuteur se détendre et me dire : « Je sais très bien qui vous êtes, vous ne m’aimez pas ! ».Il insista : « Oui quand je vous vois au théâtre, vous m’ignorez« . J’en étais comme deux ronds de flan. Le personnage m’impressionnait, je ne lui avais jamais parlé, et je pensais évidemment qu’il ne m’avait jamais remarqué… On était à fronts renversés ! L’année qui suivit, jusqu’à mon départ pour France Musique à l’été 1993, fut plus sereine. Au point que quand j’annonçai mon départ de la Radio suisse romande à Hugues Gall, il me répondit un petit mot : « Vous me chaufferez la place ! ». Sa nomination à la direction de l’Opéra de Paris en 1995 venait d’être annoncée.

Je laisse à d’autres le soin de rappeler sa carrière et son engagement au service de la musique et de l’art lyrique, comme Emmanuel Dupuy pour Diapason : Le réformateur de l’Opéra de Paris

Je garde, tant à Genève qu’à Paris, de merveilleux souvenirs de représentations d’opéra, souvent liés à la mémoire d’Armin Jordan qu’Hugues Gall admirait profondément – c’est lui, qui sauf erreur de ma part, l’a invité pour la première fois à l’Opéra de Paris, pratiquement chaque année durant son mandat, et on en sait le résultat, puisque si Philippe Jordan en est devenu plus tard le directeur musical, c’est bien sûr en raison de son talent, mais aussi de la trace qu’avait laissée son père dans la fosse de Bastille ou de Garnier.

Pardon pour la piètre qualité de cette copie de cette Veuve joyeuse impérissable qui rassemblait, en 1997, Karina Mattila, Bo Skovhus.. et Armin Jordan, dans une mise en scène d’un autre récent disparu, Jorge Lavelli.

Pour l’ouverture de sa première saison parisienne, Hugues Gall avait frappé un grand coup avec un Nabucco extraordinaire, avec Julia Varady en Abigaille :

Hugues Gall aimait le pouvoir, et même s’il n’était dupe d’aucun des travers des puissants, auxquels il réservait une ironie jouissive, il aimait les honneurs. La liste de ses décorations m’a toujours fait sourire : Commandeur de la Légion d’honneur, Grand officier de l’Ordre national du Mérite, Commandeur des Arts et Lettres, Commandeur des Palmes académiques… et même Chevalier de l’ordre du Mérite agricole ! Sous la présidence Sarkozy, il jouait le rôle de ministre bis de la Culture. Il présida l’Orchestre français des jeunes et son influence y fut réelle (je me rappelle un échange de correspondances plutôt vif entre lui et Mathieu Gallet, alors PDG de Radio France, lorsque ce dernier envisageait de ne plus héberger l’OFJ dans les locaux de la Maison ronde, faute de place en raison des travaux de « réhabilitation » du bâtiment).

Le dernier souvenir que j’ai de lui, c’était il y a quelques mois : le hasard du protocole nous avait assis l’un à côté de l’autre à l’Opéra Bastille. Je ne l’avais pas revu depuis longtemps et je m’étonnais de sa présence, sachant qu’il avait refusé de revenir comme spectateur à l’Opéra de Paris durant tout le mandat de Stéphane Lissner… Il s’était montré charmant et apparemment très informé de mes activités, puisque nous étions « amis » sur Facebook et que, s’il s’exprimait peu sur ce réseau, il suivait manifestement de près les aventures des uns et des autres.

2890 jours : mes années Montpellier

A la différence d’une ex-ministre de la Culture qui raconte le « calvaire » qu’ont été les 682 jours qu’elle a passés au gouvernement, j’ai envie de raconter les bons souvenirs – et quelques joyeusetés aussi ! – des presque huit années que j’ai vécues à la direction d’un beau festival (lire Le coeur léger).

Nomination

J’ai été nommé directeur du festival Radio France le 18 juillet 2014, quelques semaines après avoir été nommé directeur de la musique de Radio France par le nouveau PDG de Radio France Mathieu Gallet. Deux souvenirs précis de ce moment, l’un cocasse, l’autre émouvant.

L’émotion ce 18 juillet au dernier étage de la tour du conseil régional à Montpellier, c’est celle qui étreint tous les participants au conseil d’administration du Festival, présidé par Christian Bourquin, président du conseil régional Languedoc-Roussillon, que tous savent gravement malade, mais qui n’en laisse rien paraître. A l’issue du CA, Christian Bourquin nous retient Mathieu Gallet et moi dans son vaste bureau. Plus d’une heure, pendant laquelle l’élu balaie l’horizon politique – il est farouchement opposé au redécoupage des régions opéré par François Hollande en 2013, qui donnera naissance en 2016 à un monstre, la région Occitanie -. Mathieu et moi avons le sentiment poignant de recevoir son testament politique. Christian Bourquin décèdera un mois plus tard des suites du cancer du rein qui le rongeait (lire Midi Libre)

Le cocasse de cette nomination c’est le contexte : lorsque Mathieu Gallet m’appelle à la direction de la musique de Radio France, il m’annonce clairement deux choses : je serai aussi le directeur du festival Radio France, mais il souhaite se dégager dès que possible de ce festival, il a d’autres projets à Paris, entre autres une idée, sur le papier séduisante, de Prom’s à la française. Comme toujours rien ne se passera comme prévu… puisque je resterai à la tête du festival jusqu’en juillet 2022 et que Radio France, certes plusieurs fois tenté de s’en retirer a, au contraire, conforté son emprise sur la manifestation, en en reprenant la gestion directe à ma suite.

Inextinguible

Quelques jours après ma nomination, j’écrivais ici même un billet : Inextinguible. Inextinguible comme la 4ème symphonie de Nielsen que dirigeait alors Jean-Claude Casadesus avec ses musiciens lillois, inextinguible aussi comme ma soif de découvertes que je ne parviendrais pas à étancher tout au long des huit années qui allaient suivre (lire l’interview à Forumopera). C’est aussi en ce mois de juillet 2014 que je découvris l’incroyable talent de Santtu-Matias Rouvali, l’actuel chef du Philharmonia.

Je reviendrai sur ces fabuleux souvenirs avec le chef finlandais.

(Santtu-Matias Rouvali, JPR, Jean-Luc Votano et Magnus Linberg / juillet 2019 / Montpellier)

On est heureux de suivre pas à pas l’une des plus passionnantes intégrales des symphonies de Sibelius, où le talent singulier du jeune chef s’épanouit dans un formidable geste recréateur.

Le monde d’hier

Semaine intéressante, même si inachevée contre mon gré – rien de grave, juste quelques douleurs persistantes qui restreignent ma « mobilité » – qui faisait se confronter et se succéder le récital de Joyce DiDonato au théâtre des Champs-Elysées mercredi et le concert de l’Orchestre national de France, dirigé pour la première fois par Philippe Jordan jeudi à l’Auditorium de la Maison de la radio et de la musique.

Les bons sentiments

Puisque j’avais accepté de chroniquer le récital de Joyce DiDonato pour Forumopera, je renvoie à l’article paru sur le site : Les bons sentiments. Je n’ai pas beaucoup aimé ce show plein de tellement bons sentiments.

Mais en prime, cette courte vidéo, qui n’est pas dans l’article, si touchante :

Philippe le chevalier à la rose

Il me l’avait annoncé, lorsque la ci-devant ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, lui avait remis les insignes de chevalier de la Légion d’Honneur à la veille du premier tour de l’élection présidentielle (lire Ministère), Philippe Jordan était bien jeudi soir à la tête de l’Orchestre national de France. C’était une première, puisqu’il est dans les usages, parfois dans les contrats, que le directeur musical d’une institution parisienne – en l’occurrence ce fut l’Opéra de Paris de 2009 à 2021 – ne dirige pas un autre orchestre.

L’auditorium de la Maison de la radio était comble et l’excitation palpable dans les rangs du public. La première partie était constituée du concerto pour violon de Brahms, avec un magnifique soliste qu’on avait loué ici même il y a peu (Tables d’harmonie) et qu’on n’avait plus entendu en concert depuis belle lurette, Frank Peter Zimmermann. À 57 ans, il garde cette allure juvénile et surtout ce jeu d’une justesse, d’une élégance, d’une profondeur, sans les excès, les démonstrations que s’autorise parfois – souvent – son illustre compatriote plus célèbre, jadis couvée par Karajan.

Et ce que Philippe Jordan fait de l’orchestre, la soie des cordes, la beauté des vents – on entend pour la première fois le nouveau hautbois solo Thomas Hutchinson, magnifiquement chantant dans le début du deuxième mouvement (ce fameux mouvement qui avait déclenché l’ire du dédicataire et créateur du concerto, Joseph Joachim, parce qu’il fait la part trop belle au hautbois !).

La seconde partie est toute entière dédiée à Richard Strauss et à la nouvelle suite d’orchestre que Philippe Jordan et Thomas Ille ont réalisée à partir de l’opéra Der Rosenkavalier / Le Chevalier à la rose. Par rapport aux suites qu’on connaît déjà, pas d’extravagance, seulement des ajouts notamment aux épisodes de valse, la sollicitation de toutes les qualités individuelles et collectives de l’orchestre. Le chef obtient un triomphe, et l’on voit tant dans les yeux des musiciens que du public ou des personnalités présentes autour de Sibyle Veil, la PDG de Radio France, le souhait manifeste que cette « première » ne soit pas une dernière.

On peut, on doit réécouter ce concert sur francemusique.fr.

PS 1. Où l’on constate que les bonnes idées finissent toujours par aboutir, même à Radio France (!) : que ce soit comme directeur de France Musique – il y a longtemps -, comme directeur de la musique – brièvement entre 2014 et 2015, ou comme directeur du Festival Radio France, je m’étais toujours étonné que le public des concerts transmis en direct sur France Musique ne puisse pas entendre (ni voir) celles et ceux qui présentent ces concerts à l’antenne. On me répondait toujours que ce n’était pas possible etc. J’avais finalement obtenu à Montpellier la présence sur scène des producteurs/présentateurs de France Musique, pour le plus grand plaisir des auditeurs/spectateurs de l’Opéra Berlioz. Jeudi soir, je ne sais qui je dois en féliciter, Benjamin François a pu introduire le concert sur scène, au lieu d’être caché dans le studio attenant. Tout le monde en a profité, le public de l’auditorium comme les auditeurs de France Musique ! Bravo !

PS 2. S’agissant de Philippe Jordan ce n’était pas une première à Radio France mais avec l’Orchestre national. Au début des années 2000, tandis que je l’invitais à Liège, l’Orchestre philharmonique de Radio France l’avait engagé, lui faisant même enregistrer l’intégrale des concertos de Beethoven avec François-Frederic Guy.

L’aventure France Musique (VII) : la séparation

Il y a vingt ans, en août 1999, j’étais rentré d’un long et magnifique voyage dans l’ouest des Etats-Unis, que je n’avais pas voulu annuler ou réduire, malgré l’incertitude dans laquelle je me trouvais quant à mon avenir professionnel.

Retour en arrière.

En novembre 1998, au terme de manoeuvres dont il a toujours été coutumier (il y en aurait tant à raconter à son propos !), Jean-Marie Cavada était désigné par le CSA pour succéder à Michel Boyon à la présidence-direction générale de Radio France. Il y avait été fortement aidé par Jean-Luc Hees, qui en serait remercié en étant nommé quelques semaines plus tard directeur de France Inter.

C’est, paraît-il, l’habitude dans l’audiovisuel public (on ne commet pas les mêmes erreurs dans le privé) et personne ne l’a jamais sérieusement contestée : un PDG qui arrive débarque l’équipe sortante et installe ses protégés. Exception à la dite règle : Michel Boyon, arrivant fin 1995 à Radio France, se garda bien de l’appliquer, même s’il procéda à des changements après avoir consulté, écouté, pris des avis.

M. Cavada, dès la première réunion de direction qu’il présida, entendit bien montrer qu’il était le patron. On lui avait signalé, quelque part en France, une rupture de faisceau qui avait laissé une antenne locale muette pendant quelques minutes : le patron de la « technique » présent autour de la table se le fit vertement reprocher. L’algarade n’épargna aucun des participants, puisque le nouveau PDG nous indiqua aimablement que la porte était ouverte pour qui voulait la prendre… On eût espéré meilleure entrée en matière !

Le 6 janvier 1999, on apprenait la mort de Michel Petrucciani.

Nous fûmes convoqués à une réunion extraordinaire chez le « président », qui s’impatienta de la lenteur – selon lui – de la réaction des chaînes de Radio France, exigea un plan d’émissions spéciales, etc. Je suggérai que, Radio France étant aussi une grande maison de musique, on organise un grand concert d’hommage à Petrucciani avec tout ce que la planète jazz compte d’admirateurs du musicien disparu. Le dimanche 24 janvier eut lieu un concert-événement, comme on en a peu connus avant et depuis : quatre heures d’antenne, un studio 104 archi comble et le monde entier accouru à Paris.

Toute la soirée on guetta le passage du PDG, qui avait si vigoureusement réclamé un tel hommage. On ne le vit point.

Le lendemain, malgré la fatigue de la soirée, je m’apprêtais à gagner mon bureau d’assez bonne heure, lorsque je reçus, vers 8h30, un appel… de la présidence. Au bout du fil, Jean-Marie Cavada. Pour me remercier de la soirée de la veille ? Que nenni ! Pour me dire très exactement ceci : « Je tiens une conférence de presse à 9 h, je voulais vous avertir que j’y donnerai le nom de votre successeur« . Interloqué – on le serait à moins – j’eus quand même la présence d’esprit de lui demander qui était ce « successeur« . – « Pierre Bouteiller » me dit-il, « mais je vous verrai dans la journée pour vous proposer un autre poste à la hauteur de vos mérites« .

Il y avait dans l’après-midi une cérémonie, à laquelle j’avais été convié, pour fêter les 10 ans de l’existence du CSA. Je ne fus pas d’humeur de m’y rendre, et préférai rassurer mes équipes et proches collaborateurs, auxquels j’avais appris la nouvelle avant qu’elle ne fût rendue publique. J’attendis, bien sûr, en vain l’invitation de M. Cavada au rendez-vous qu’il m’avait promis. Je finis par l’obtenir quelques jours plus tard, sans en attendre grand chose, instruit que j’avais été entre temps des manières de l’ex-animateur de La Marche du Siècle, promesses jamais tenues, débauchages jamais suivis d’effet…

Je finis par comprendre à demi-mots que je serais peut-être recasé à la direction des affaires internationales. Dès que le bruit s’en répandit dans la Maison ronde, le titulaire du poste, qui bénéficiait d’appuis politiques que je n’avais pas (et que je n’ai jamais eus ni revendiqués !), s’empressa de faire barrage à cette initiative.

C’est ainsi que j’échouai avec d’autres collègues « virés » (les directeurs de France Inter, France Culture entre autres !) au septième étage de la maison de la radio, où on transféra nos bureaux… dans l’attente de jours meilleurs. Nous eûmes vite fait de baptiser cette portion de couloir, « l’allée des cyprès » ! De quoi se plaignait-on ? Nous continuions d’être payés, avec les avantages attachés à nos fonctions. Là encore, une triste habitude du service public : le placard plus ou moins doré pour les cadres écartés !

Confusion

Sitôt annoncées, J.M.Cavada entendait que les nominations soient immédiatement effectives. Les nouveaux directeurs devraient prendre leurs fonctions toutes affaires cessantes, comme lors de la formation d’un nouveau gouvernement.

Le seul petit problème qui avait échappé au « grand professionnel » de l’audiovisuel qu’il se targuait d’être est qu’une grille de programmes ne se manipule pas au gré des humeurs d’un PDG. Ainsi, Pierre Bouteiller animait une quotidienne très écoutée sur France Inter, qu’il ne pouvait abandonner du jour au lendemain, surtout pour prendre la direction d’une chaîne – France Musique – dont tous les contrats et les programmes étaient arrêtés jusqu’à la fin de la saison. Pierre Bouteiller, qui lui était un vrai professionnel de la radio – il avait été directeur des programmes de France Inter de 1989 à 1996 – me demanda comme un service d’assurer la continuité de l’antenne, le temps qu’il puisse « céder » son émission et prendre ses marques. Ce que je fis d’autant plus volontiers que les méthodes du nouveau PDG avaient hérissé au plus haut point l’ensemble des collaborateurs de la Maison ronde.

Les semaines s’écoulaient. J’étais toujours salarié de Radio France, mais plus directeur de France Musique, et dans la plus totale incertitude. Je prenais des contacts à l’extérieur, sans pouvoir clairement poser de candidature à tel ou tel emploi. Situation des plus inconfortables. Rien ne bougeait du côté de la présidence. A la demande du bras droit de J.M.Cavada, j’avais élaboré un projet de refonte du programme Hectorun programme musical classique diffusé en continu par satellite, et la nuit sur France Musique. Je m’aperçus quelques mois plus tard qu’on avait généreusement emprunté à mon texte ! Pas de droit d’auteur sur les bonnes idées…

J’annonçai au secrétariat du PDG que je prendrais quelques semaines de vacances en juillet, je n’eus ni réponse ni avis contraire.

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Convocation

De retour de vacances début août, je trouvai une lettre recommandée venant de Radio France… me convoquant à un entretien le 18 juillet ! J’appelai la Direction du personnel (on ne disait pas encore DRH) qui, confuse, me confirma que l’ordre était venu de M.Cavada lui-même d’en « finir » au plus vite avec moi (et de préférence au milieu de l’été pour éviter d’éventuelles vagues !).

Nous convînmes d’un nouveau rendez-vous, je fus reçu par le directeur général de Radio France, et l’adjointe de la directrice du personnel. L’un et l’autre s’excusant de devoir se prêter à cette procédure. Il leur fallait trouver un motif pour me licencier, une baisse de l’audience de France Musique peut-être ? Çà tombait mal, la dernière vague Médiamétrie de juillet faisait état d’une audience établie à 1.7, en nette remontée par rapport à la vague et à l’année précédentes. Cette audience étant mesurée sur « ma » grille de programmes, puisqu’il n’y avait aucun changement depuis mon remplacement par P. Bouteiller en janvier ! Je finis par souffler à mes interlocuteurs désolés qu’on pouvait invoquer un « désaccord » entre le nouveau PDG et l’un de ses principaux collaborateurs. Ainsi fut écrite ma lettre de licenciement ! Mon départ de Radio France fut réglé avec une rare élégance par la directrice du personnel, avec qui je m’étais parfaitement entendu pour traiter de situations souvent délicates (lire Fortes têtes). 

C’était le grand saut dans l’inconnu, mais je préférais mille fois la clarté et la liberté à l’ambiguité dans laquelle j’étais placé depuis le début de cette année 1999. Quelques semaines plus tard, allait commencer une autre aventure, inattendue, inespérée. J’y reviendrai !

PS 1 Ce n’est pas parce que j’évoque la fin de mon aventure à France Musique, que je ne ne reviendrai pas à certains souvenirs, à certains portraits.

PS 2 Au moment où France Musique et les autres chaînes présentent leurs grilles de rentrée, je me rappelle avoir été, bien involontairement, à l’origine des « grilles d’été » de Radio France. Arrivant de la Radio Suisse romande, où les deux mois d’été étaient déjà sous le régime d’une grille « allégée », je proposai dès l’été 1995 un système de même type, une grille d’été très différente de la grille de saison (j’en reparlerai à l’occasion)  La règle à Radio France c’était juste le mois d’août en mode service minimum, beaucoup de rediffusions, et la quasi-totalité des producteurs, journalistes et animateurs en vacances. A l’été 1996, mes collègues de France Inter et France Culture m’emboitèrent le pas, tout le monde trouvant beaucoup d’avantages à la liberté, à la souplesse que permet une grille d’été (notamment pour tester de nouveaux concepts, de nouvelles voix).

La petite histoire (V) : les politiques au micro

Je l’avais promis dans cet article L’aventure France Musique : fortes têtes : Je raconterai une autre fois quelques rendez-vous savoureux, étonnants ou émouvants, que nous eûmes, François Serrette et moi, avec des personnalités que nous souhaitions inviter dans « Domaine privé », notamment une belle brochette d’hommes politiques…

« Domaine privé » était une émission quotidienne de France Musique, voulue par Claude Samuel, qui souhaitait y inviter des personnalités à livrer leurs souvenirs et leurs dilections musicales.

861502_4662915090120_1586218311_n(De gauche à droite, Gérard Courchelle, grand mélomane, alors présentateur vedette du journal de 8h sur France Inter, Claude Samuel, Janine Reiss, François Serrette, le comédien Pierre Vaneck, Michel Larigaudrie, le réalisateur de l’émission, l’écrivain et académicien Frédéric Vitoux, Peter Diamand, alors conseiller artistique de l’Orchestre de Paris et JPR)

J’avais suggéré, avant une élection importante (présidentielle de 1995?), qu’on consacre une semaine de ce « Domaine privé » à des hommes politiques mélomanes. Idée retenue, mais pas évidente à réaliser : il nous fallait des personnalités connues, aux goûts musicaux avérés, mais pas directement impliquées dans la vie politique ni a fortiori dans l’élection à venir, et reflétant l’éventail des sensibilités politiques de l’époque.

Pour ce qui était alors le RPR, le mouvement d’inspiration gaulliste fondé par Jacques Chirac en 1976, le choix n’était pas large. On ne pouvait pas inviter le ministre de la Culture de l’époque, Jacques Toubon. Olivier Morel-Maroger, qui travaillait auprès de Claude Samuel (et qui sera directeur de France Musique de 2011 à 2014), donna le nom d’un député de Paris dont il était proche et qui portait un patronyme qui ne pouvait laisser personne indifférent, Jean de Gaulle

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Pour la mouvance écologiste, mêmes interrogations. Je ne sais plus qui nous suggéra finalement de rencontrer Brice Lalonde, ce que nous fîmes François Serrette et moi. L’ancien ministre de Michel Rocard fut d’abord surpris de notre démarche, et accepta avec enthousiasme de se plier à l’exercice, il raconterait les musiques qui avaient bercé son enfance et son adolescence.

Les trois autres invités s’imposèrent comme des évidences.

Pour le Parti Communiste, la figure de Jack Ralite, longtemps maire d’aubervilliers, éphémère ministre de la Santé de Mitterrand – il n’aura jamais été ministre de la Culture – était incontournable. Je n’ai pas le souvenir d’une programmation musicale marquante, mais Ralite était intarissable et eut d’ailleurs du mal à respecter les contraintes horaires de l’émission.

Pour le Parti Socialiste, notre choix ne surprit que ceux qui ne fréquentaient pas les salles de concert parisiennes (assurément très nombreux !). Même du temps qu’il était ministre, Pierre Joxe était un auditeur/spectateur assidu. Il était devenu premier président de la Cour des Comptes en 1993. François Serrette et moi nous rendîmes donc rue Cambon après avoir sollicité un entretien avec l’ancien ministre de François Mitterrand. Erreur de secrétariat ? Après une longue attente, nous vîmes arriver dans le sombre couloir orné de tapisseries d’Aubusson où nous patientions, Pierre Joxe accompagné d’un personnage qui se présenta comme le premier rapporteur de la Cour. Manifestement, l’un et l’autre attendaient d’autres visiteurs que nous. Je dus insister auprès d’un premier président bien peu aimable pour qu’il écoute au moins l’objet de notre visite. Et soudain l’austère visage s’éclaira : « D’accord je ferai votre émission, mais je veux carte blanche, je ferai moi-même le programme, le découpage » 

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Ce qui fut promis fut tenu, Pierre Joxe arriva le jour dit, parfaitement préparé, refusant qu’on le dérange dans les minutes précédant le direct (même Jean Maheu, le PDG descendu tout exprès au studio, en fut pour ses frais).

Pour l’UDFle nom de l’ancien Premier ministre de Giscard, Raymond Barre tombait sous le sens. Retiré de la vie politique nationale depuis son échec à l’élection présidentielle de 1988, Barre soignait son image d’économiste réputé et de politique rigoureux (l’actualité récente a sévèrement écorné cette image : La fortune secrète de Raymond Barre). Serrette et moi avions obtenu, non sans mal, un rendez-vous avec lui, à ses bureaux du boulevard Saint-Germain (« mais pas plus de vingt minutes, l’agenda du Premier ministre est très chargé » !. 

Ambiance club anglais, fauteuils profonds, Raymond Barre nous accueillit courtoisement mais, encore une fois mal informé du propos de notre visite, nous dissuada d’emblée : « Je ne donne plus d’interview, je n’ai rien à dire » ! Mais comme avec Pierre Joxe, le changement de ton fut immédiat lorsque nous commençâmes à évoquer Mozart, Aix, Salzbourg, les festivals que l’ancien premier ministre aimait fréquenter. Je lui rappelai l’inauguration, quelques années auparavant, de la Grange aux Lacs à EvianEt lui d’évoquer ses compositeurs, ses opéras, ses disques préférés, avec une vraie pertinence et une vraie connaissance de mélomane averti. A deux reprises, une secrétaire vint l’interrompre (« Vous êtes attendu à l’Assemblée Nationale », « Vous allez être en retard« ) et s’entendit répondre : Les députés attendront, ce n’est pas tous les jours que j’ai l’occasion de parler musique en excellente compagnie ! Laissez moi tranquille !

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La présence de Raymond Barre dans les studios de France Musique fit sensation. Ce fut sans doute, des cinq émissions « politiques », la plus suivie et commentée positivement. A la différence de Pierre Joxe, l’ancien premier ministre parut très soucieux de l’avis et du conseil des collaborateurs de la chaîne, du réalisateur de l’émission en particulier. Il sembla savourer le moment, cette parenthèse musicale et radiophonique, jusqu’à nous avouer que, s’il avait été plus jeune, il aurait peut-être envisagé une nouvelle carrière… sur France Musique !

 

Premier avril

Le très honorable Camille de Rijck écrivait hier soir sur sa page Facebook : Je suis déjà épuisé par tous les poissons d’avril qui vont nous tomber dessus et nous faire rire comme des tyroliens en culotte de peau qui se claquent les paumes sur les cuisses en vidant un demi !

Je ne partage pas le sentiment de l’excellent producteur de Table d’écoute (entre autres) sur Musiq3Je trouve que le « poisson d’avril » a tendance à se raréfier sur les antennes de radio et de télévision, au motif sans doute que l’actualité est trop sérieuse ou tragique pour qu’on puisse en plaisanter…

Je me rappelle pourtant de grands moments sur les chaînes où j’ai travaillé ou que j’ai dirigées. Deux me reviennent particulièrement en mémoire, sur France Musique, au début des années 90.

Avec la complicité de la rédaction de France Culture / France Musique, l’équipe des Dépêches Notes, les brèves d’actualité, entend développer une information de première importance : à compter de ce 1er avril, la Sécurité sociale va rembourser la musique classique, les bienfaits de la musicothérapie étant révélés par une étude commandée par le gouvernement ! L’équipe obtient une interview exclusive du Premier ministre de l’époque, Edouard Balladur, et pour faire bonne mesure, enregistre la réaction de l’ancien ministre de la Culture de François Mitterrand, l’indéboulonnable Jack Lang, qui revendique la paternité de cette mesure !

Lors de la réunion de direction qui rassemble les patrons de chaînes et autres directeurs de la Maison ronde autour du PDG de Radio France (à l’époque Jean Maheu), mes collègues me félicitent de ce joli poisson d’avril et me demandent comment nous avons convaincu le Premier ministre et l’ancien ministre de se prêter au jeu !

Personne n’a entendu la supercherie ! Ce n’était ni Balladur ni Lang, mais un jeune et déjà très talentueux imitateur qui fait alors partie de l’équipe de l’émission Rien à cirer animée par Laurent Ruquier sur France Inter: Laurent Gerra

Autre souvenir : L’annonce de la réconciliation de deux figures dominantes de la vie musicale de ces années-là, Pierre Boulez et Marcel Landowski

Celle-ci s’est déroulée lors d’une soirée disco dans une boîte de nuit très en vogue à Paris, comme le confirme l’académicien lui-même au micro de France Musique. Cette fois c’est bien Marcel Landowski qui s’est beaucoup amusé à donner cette vraie-fausse interview ! On a su après coup que Pierre Boulez avait bien ri de ce poisson d’avril !

 

Marcel Landowski, né en 1915, mort il y a vingt ans le 23 décembre 1999, n’a pas laissé, comme compositeur, le souvenir d’une personnalité très originale – euphémisme ! -. En revanche, on lui doit l’organisation de la vie musicale française, les orchestres en région, lorsqu’il fut le premier directeur de la musique du Ministère de la Culture sous Malraux. Une organisation qui aurait le plus grand besoin d’évoluer…

Conférence de presse

La conférence de presse est une institution aussi vieille que les saisons de concert ou d’opéra et les festivals. À l’heure des médias globaux, des réseaux sociaux, est-elle encore pertinente ? Doit-elle nécessairement revêtir la forme compassée – et passablement ennuyeuse ! – d’une suite de discours ?

A Liège, j’avais, dès 2000, répondu à la question en présentant la nouvelle saison – ma première – de l’Orchestre Philharmonique de Liège – simultanément à la presse, au public… et à l’orchestre. Une formule développée, amplifiée… et maintenue depuis lors, je le crois à la satisfaction de tous, à commencer par le public !

Dans le cas du Festival Radio France Occitanie Montpellier, pour la présentation de ma première programmation, celle du festival 2015, je m’étais plié à la tradition d’un rendez-vous solennel à l’Hôtel de Région de Montpellier : une table officielle où siégeaient les présidents ou représentants de la Région (alors Languedoc-Roussillon), du Département de l’Hérault, de la Ville de Montpellier, de Radio France, et en bout de table le directeur du Festival. Et une succession de discours, qui n’avaient pas tous – euphémisme – vocation à illustrer l’édition à venir du Festival. Une fois que l’auditoire, composé de représentants de la presse locale et régionale, avait eu largement le temps de décrocher, il revenait au dernier intervenant la mission de réveiller l’attention en essayant de parler des quelque 200 concerts prévus pour célébrer les 30 ans du Festival ! Tout cela sans musique ni vidéo…

En 2016, je propose à la nouvelle présidente de la Région Occitanie, Carole Delga, et au PDG de Radio-France – qui, statutairement, sont les deux co-présidents du Festival Radio France Occitanie Montpellier – une formule allégée, plus alerte, centrée sur la musique et la programmation du festival. Outre « mes » co-présidents, le maire de Montpellier et le représentant du département prennent la parole, mais beaucoup plus brièvement. Il n’y a plus de tribune, les journalistes sont sur des chaises hautes près de « mange-debout » où ils peuvent prendre des notes, et j’ai surtout prévu avec l’équipe du festival une vidéo de présentation, d’une quinzaine de minutes, qui dit mille fois mieux qu’un discours, ce que sera la richesse et la diversité du programme 2016. Même dispositif en 2017.

Pour être complet, il faut ajouter que, comme je l’avais fait à Liège, dès 2015 je conviais le public montpelliérain à la Salle Pasteur du Corum à découvrir une partie substantielle du programme lors d’une séance complémentaire de l’exercice de la conférence de presse, et à partir de 2016 avec quelques surprises musicales.

Hier changement de lieu, de format, de contenu ! Paris, Quartier général de la Garde Républicaine !

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Cette vidéo n’existe pas

Accueil en fanfare. Première surprise pour les invités, à commencer la présidente de la Région Occitanie (qu’on aperçoit sur cette vidéo).

D’aucuns n’ont pas manqué de manifester leur surprise, lorsque je leur avais annoncé mon choix, il y a quelques semaines. Pourquoi Paris, alors que le Festival a lieu à Montpellier et en Occitanie ? Pourquoi la Garde Républicaine ?

IMG_5678(Bravo à Cristobal et Chloé pour la photo réalisée sans montage en sortant de la matinale de France-Musique à la Maison de la Radio)

La Garde Républicaine ,ce sont plusieurs formations musicales, pas seulement la Fanfare de cavalerie qu’on voit le 14 Juillet ou dans les grandes occasions nationales, c’est un orchestre symphonique, un orchestre d’harmonie, et le Choeur de l’Armée française, qui seront les hôtes d’honneur du Festival. Toutes sont mobilisées par le Festival Radio France, pour illustrer le thème principal de l’édition 2018 « Douce France » et participer à plusieurs événements du Festival. Comme la création le 26 juillet des Cris de Paris de Georges Kastner, un contemporain de Berlioz, sous la houlette d’Hervé Niquet.

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Cette vidéo n’existe pas

Les journalistes et les invités n’étaient pas au bout de leurs surprises, après que les deux co-présidentes, Carole Delga et la nouvelle présidente-directrice-générale de Radio France, Sibyle Veil, et moi-même eûmes présenté l’esprit et le contenu des 175 événements prévus du 9 au 27 juillet, d’est en ouest, du nord au sud de la vaste Occitanie.  Des membres du Choeur de l’Armée française dans un répertoire qui n’est pas le plus familier, et dont on m’a dit qu’ils l’avaient étudié spécialement pour l’occasion…

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J’aurai l’occasion de revenir sur un autre projet, vraiment fou, conçu avec le directeur de France Musique, Marc Voinchet, dont nous avons parlé hier matin dans la matinale de France Musique, au micro de Gabrielle Oliveira Guyon : émission qui peut être réécoutée ici : Jean-Pierre Rousseau invité de France Musique.

PS Je précise, pour les Montpelliérains, journalistes ou non, qui n’ont pu participer à cette réunion parisienne, qu’un nouveau rendez-vous leur est proposé le mardi 29 mai à 18 h, au Gazette Café, 6 rue Levat à Montpellier. Avec, comme de bien entendu, quelques (bonnes) surprises !

 

 

Un président peut en cacher un autre

On ne peut pas ne pas avoir remarqué le jeu de cache-cache médiatique auquel se livrent cette semaine deux présidents de la République, l’actuel, Emmanuel Macron, et son prédécesseur, François Hollande.

Quand le premier est l’hôte du JT de TF 1 à 13 h ce jeudi, l’autre qui était déjà sur France 2 mardi soir, s’invite sur la 5 le même soir dans C à vousalors qu’il avait déjà fait la matinale de France Inter. Et on nous annonce pour dimanche soir une interview croisée   d’Emmanuel Macron face à Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin.

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Evidemment, cette concomitance, organisée ou fortuite (?), encourage journalistes et commentateurs à ne retenir que les oppositions entre les deux hommes, les tacles de celui qui ne manque pas une occasion, dans son livre et sur les plateaux de télévision, de rappeler qu’il a sinon « créé » Macron du moins que sans lui, Hollande, son successeur n’aurait jamais pu… lui succéder !

Alors ce livre de François Hollande ? D’abord une remarque que j’ai peu vu partagée : c’est, sauf erreur de ma part, la première fois qu’un ancien chef d’Etat, français ou étranger, écrit ses souvenirs – on aurait du mal à appeler cela mémoires – moins d’un an après son départ du pouvoir.

Ensuite, comme l’a relevé un journaliste malicieusement, c’est un peu un remake du bestseller de Gérard Davet et Fabrice Lhomme (Un président ne devrait pas dire çà).

Il n’empêche que ce témoignage vaut pour les chapitres qui n’ont pas retenu l’attention des médias (Macron, les femmes de Hollande) : les relations internationales, les rapports avec les dirigeants de la planète, la solitude inhérente à la fonction. Du coup, on en reste à un goût de trop peu – y aura-t-il une suite plus élaborée ? – et à l’impression un peu pénible d’un personnage, pour qui on a souvent éprouvé de la sympathie mais qui n’a toujours pas digéré son retrait forcé le 1er décembre 2016.

Quant à Emmanuel Macron, je suis en train de lire un bouquin vraiment intéressant – et bien écrit ce qui ne gâche rien ! – qui vaut infiniment mieux que le résumé schématique de son bandeau de couverture.

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Oui Mathieu Larnaudie s’est bien intéressé à la désormais fameuse promotion Senghor de l’ENA, qui a vu sortir le futur président de la République et toute une génération qui est aujourd’hui aux commandes de nombre d’entreprises, de ministères ou d’institutions.

Et si on veut bien se donner la peine de lire les portraits et les interviews menés par Larnaudie, jamais à charge ni complaisants, de personnalités qui ont certes en commun le passage par l’ENA au début du siècle, mais qui sont loin d’avoir les mêmes opinions politiques, on constatera vite l’inanité des commentaires, de la presse ou des réseaux sociaux, sur le « clan » Senghor qui se partagerait tous les postes, dans le cadre évidemment d’un complot organisé.

Que n’a-t-on pas lu, par exemple, sur la toute récente désignation de Sibyle Veil comme présidente de Radio France ? A peine avait-elle annoncé sa candidature, qu’on soulignait sa double « proximité » avec Emmanuel Macron – membre de la même promotion Senghor et de surcroît épouse de Sébastien Veil, censé être du « premier cercle » du nouveau président ! – Et il allait de soi que le CSA, aux ordres, allait la choisir pour complaire au Château… Que Sibyle Veil ait fait une partie de sa carrière au cabinet de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, qu’elle ait été nommée à l’été 2015 – deux ans avant l’élection d’E.Macron ! – directrice des finances et des opérations de Radio France, et que sa candidature à la présidence – à la suite de la révocation de Mathieu Gallet – ait eu une pertinence évidente pour poursuivre le travail qu’elle avait déjà engagé au sein de l’équipe dirigeante de la Maison ronde, que son projet présenté publiquement devant le CSA ait été le plus complet et le plus convaincant, tout cela compte peu… face à l’argument définitif embouché par tous ceux qui ont oublié de réfléchir avant de parler…

Orgues, lapins et merveilles

Deux sujets qui n’ont vraiment rien à voir l’un avec l’autre, sauf peut-être l’anecdote qu’a livrée Mathieu Gallet hier soir lors de la cérémonie d’inauguration officielle du grand orgue de l’Auditorium de la Maison de la radio.

13166016_10153639226327602_6390561583870009807_n(Michel Orier, directeur de la musique et de la création culrurelle et Mathieu Gallet, président de Radio France, coupent le ruban symbolique de la console du grand orgue).

Le PDG de Radio France raconte que, membre du cabinet de la ministre de la Culture de l’époque, Christine Albanel, il avait reçu en 2007 Jean-Paul Cluzel, son prédécesseur à la tête de la Maison ronde, venu plaider la cause d’un grand orgue à installer dans le futur Auditorium. Jean-Paul Cluzel qui se trouve être le parrain de la fille aînée d’Alain Juppé, dont il sera question plus loin dans ce billet !

Alors ce très grand instrument conçu et construit par les équipes de Gerhard Grenzing ? On l’aura finalement inauguré avec seulement 18 mois de retard sur le calendrier prévu, calendrier que j’avais découvert à mon arrivée à la direction de la musique de Radio France en juin 2014 et qualifié aussitôt d’illusoire, instruit par l’expérience de la rénovation et de la réinstallation des grandes orgues Schyven de la Salle philharmonique de Liège. Ce que peu de gens savent – et je ne l’ai personnellement appris qu’au contact des facteurs d’orgue qui ont travaillé sur le projet liégeois – c’est que, malgré toutes les technologies modernes, un orgue doit être harmonisé tuyau par tuyau, dans un calme absolu. On peut imaginer le casse-tête que cela a été – plus de 5000 tuyaux ! – dans le cadre d’une part de l’ouverture de l’Auditorium (et de son fonctionnement à plein régime) d’autre part du chantier de réhabilitation de Radio France qui n’en finit pas…

Mais voici donc que nous découvrions enfin la palette de sonorités d’un grand instrument finalement bien accordé à l’intimité de l’Auditorium de la Maison de la radio. Contraste saisissant avec celui de la Philharmonie de Paris !

Quel dommage qu’on ait dû subir un programme inaugural aussi peu tourné vers le public néophyte, qui ne respirait que trop peu l’esprit de fête qui eût du présider à cette soirée !

Rien à voir avec ce qui précède, mais l’anecdote Cluzel me donne l’occasion d’évoquer un bouquin qui a été le compagnon virtuel de mes voyages récents. J’ai hésité à le télécharger, après vu brièvement son auteur, un peu bobo fofolle, faire sa promo à la télévision. Et puis je dois reconnaître que j’ai craqué, et que ce Lapins et Merveilles est un OVNI dans le domaine du livre politique.

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Il y avait déjà eu Yasmina Reza qui avait suivi le candidat Sarkozy en 2007, Laurent Binet François Hollande en 2012, et leurs récits ne manquaient ni d’intérêt ni de (im)pertinence.

Ici on est dans autre chose, Alain Juppé n’est pour le moment que candidat à la primaire de la droite, et Gaël Tchakaloff, sous une apparente désinvolture, parvient à révéler au grand jour une personnalité qui répugne tant à se livrer aux journalistes que c’en est devenu une marque de fabrique. Le plus surprenant c’est que le lecteur n’est jamais dans la position du voyeur ou de l’amateur d’anecdotes croustillantes, alors que le bouquin fourmille de mille faits et gestes. La blonde journaliste nous embarque dans son aventure, dont elle ne nous cache rien, les hauts, les bas, les coups de cafard, avec un authentique talent de plume d’abord, et une connivence bienfaisante avec son sujet autant qu’avec son lecteur… Chapeau !