Un bouquet de Strauss (I) : dix valses

#JohannStrauss200

Nous y voilà : il y a deux cents ans, le 25 octobre 1825, naissait le plus célèbre compositeur du monde. Le plus célèbre, oui, puisque ce sont plusieurs milliards de téléspectateurs qui chaque 1er janvier entendent ses oeuvres, on veut parler de Johann Strauss, que je me refuse à appeler Strauss II – il n’est ni pape, ni roi… même de la valse – éventuellement Johann Strauss fils. Même si d’évidence il a acquis une légitime et universelle célébrité, qui surpasse celle de son père (Johann) et de ses frères (Josef et Eduard) pourtant très doués.

La célèbre statue dorée de Johann Strauss dans le parc de la ville de Vienne et un chef, pur Viennois, Christian Arming, qui dirigeait l’orchestre philharmonique royal de Liège dans sa ville natale en mai 2014 (Les soirées de Vienne) / Photo JPR

Pour célébrer ce bicentenaire à ma manière – puisque mon pays, la France, est bien timide – c’est un euphémisme – en dehors d’un beau concert de l’Orchestre national – je propose trois volets très personnels d’exploration de son oeuvre avec des versions que je recommande particulièrement.

D’abord 10 valses, celles qui me touchent le plus, et pour chacune non pas une discographie exhaustive – impossible – mais, tirées de ma discothèque personnelle, des versions qui me semblent être des références et/ou des raretés (mais je mentionne pour chaque valse toutes les versions de ma discothèque !)

1. An der schönen blauen Donau / Le beau Danube bleu

La plus célèbre valse de Johann Strauss est d’abord une valse chantée, sur un texte satirique de Josef Veyl, un ami d’enfance du compositeur, qui fera scandale lors de la création le 13 février 1867 au Dianabad par le Wiener Männergesang-Verein. C’est à Paris, lors de l’Exposition universelle, le 1er avril de la même année, qu’est donnée la version orchestrale sous la direction de Johann Strauss.

La seule version avec choeur qui figure dans ma discothèque est celle de Willi Boskovsky avec le choeur de l’opéra de Vienne et bien entendu les Wiener Philharmoniker

Naguère distingué à l’aveugle par l’émission Disques en lice, Claudio Abbado, capté le 1er janvier 1988, reste une/ma référence, loin devant tant d’autres !

D’autres versions à retrouver dans cet article : Le beau Danube coule depuis 158 ans

(Abbado x2, Barbirolli x2, Barenboim x2, Bernstein, Böhm, Boskovsky x5, Dorati, Dudamel, Fiedler, Fricsay x2, Gerhardt, Gut, Harnoncourt x2, Horenstein, Jansons x2, Karajan x8, Keilberth, Carlos Kleiber x2, Krips, Maazel x4, Mehta x4, Muti x5, Ormandy, Ozawa, Paulik, Prêtre x2, Pritchard, Reiner, Sawallisch, Schneider, Felix Slatkin, Stolz, Suitner, Szell, Welser-Moest, Wildner)

2. Kaiserwalzer ou la valse des empereurs

L’Orchestre national de France et Manfred Honeck rendaient hommage récemment à Johann Strauss (lire Chiche bicentenaire).

Parmi la quarantaine de versions de ma discothèque (avec des récidivistes comme Karajan avec 8 versions studio et « live » !), j’ai mes préférences :

Jascha Horenstein a enregistré à Vienne (avec l’orchestre de l’opéra, c’est-à-dire les Wiener Philharmoniker !) deux disques parus sous diverses étiquettes. Sa Kaiserwalzer (ici à 7’50 ») est idéale d’entrain, d’allure.

Autre version oubliée, viennoise elle aussi, mais avec les Wiener Symphoniker, Wolfgang Sawallisch

(Abbado x2, Barbirolli x2, Bernstein, Böhm, Boskovsky, Fiedler, Fricsay, Furtwängler, Gielen, Gut, Harnoncourt x2, Horenstein, Jansons, Karajan x8, Keilberth, Kempe, Klemperer, Krips, Henry Krips, Maazel x4, Muti, Paulik, Prêtre, Previn, Pritchard, Reiner, Sawallisch, Schneider, Felix Slatkin, Stolz, Walter x2, Wildner)

3. Wein, Weib und Gesang / Aimer, boire et chanter

J’avais déjà consacré un long article à cette valse de 1869 assez unique dans la production de Strauss. C’est presque un poème symphonique, avec une longue introduction, souvent écourtée, voire supprimée.

Mon premier choix est toujours Willi Boskovsky, qui dirige vraiment une valse qui ne traîne pas, ne s’alanguit pas.

Mais la version de Georges Prêtre en 2010 est émouvante, en ce qu’elle révèle dans l’introduction le grand chef de théâtre qu’il fut.

(Bauer-Theussl, Boskovsky x3, Dorati, Fiedler, Guth, Horenstein, Järvi, Karajan x3, Keilberth, Mehta, Muti, Ormandy, Paulik, Prêtre, Sawallisch, Schuricht, Stolz, Suitner, Szell, Welser-Moest, Wildner)

4. Rosen aus dem Süden / Roses du Sud

Depuis des lustres, « ma » version de la valse Roses du sud (créée le 7 novembre 1880 par Eduard, le benjamin des Strauss, au Musikverein de Vienne) est celle de Karl Böhm. Indépassable !

(Barbirolli, Barenboim, Bauer-Theussl, Bernstein, Böhm, Boskovsky x2, Fiedler, Fricsay, Guth, Horenstein, Karajan, Keilberth, Krips, Maazel, Mehta, Muti, Ormandy, Paulik, Reiner, Sawallisch, Schuricht, Stolz, Alfred Walter)

5. Nachtfalter / Papillon de nuit

J’intitulais un de mes (nombreux) articles consacrés à Vienne « Capitale de la nostalgie« . S’il est une valse qui exprime précisément ce sentiment diffus qui m’envahit à chaque fois que j’écoute cette musique, c’est bien Nachtfalter (1854).Zubin Mehta avec la complicité des Wiener Philharmoniker a tout compris du caractère double de cette confidence douce-amère.

(Oliver Dohnanyi, Mehta)

6. Tausend und eine Nacht/Mille et une nuits

Reprenant les thèmes de l’opérette Indigo et les quarante voleurs, cette valse est créée, comme Roses du sud, par Eduard Strauss au Musikverein de Vienne le 12 mars 1871.

Carlos Kleiber avait choisi cette valse, plutôt rare au concert, pour célébrer, le 1er janvier 1992, le sesquicentenaire des Wiener Philharmoniker. Le modèle absolu !

(Boskovsky, Dudamel, Fiedler, Horenstein, Kempe, Carlos Kleiber, Maazel, Ormandy, Stolz, Alfred Walter)

7. Geschichten aus dem Wiener Wald / Légendes de la forêt viennoise

Celle valse de 1868 commence par un solo de cithare, pour faire plus exotique sans doute. Dans plusieurs versions des années 60, comme celle de Boskovsky, on a fait appel à un musicien resté célèbre pour un film qui a donné à l’acteur Orson Welles l’un de ses plus grands rôles, Le Troisième homme. L’auteur du thème de Harry Lime est un artiste qui jouait dans une brasserie du Prater, Anton Karas (1906-1985)

Mes deux versions préférées de ces Légendes sont du même chef, Rudolf Kempe (1910-1976), resté justement célèbre pour son intégrale symphonique de l’autre Strauss (Richard), qui a gravé quelques anthologies de la famille Strauss, d’abord à Vienne en 1959, puis dix ans plus tard à Dresde.

Rudolf Kempe / Wiener Philharmoniker

Rudolf Kempe / Staatskapelle Dresde

J’ai dans ma discothèque une unique version chantée de cette valse : Rita Streich (1920-1987) y déploie tous ses sortilèges

(Barbirolli, Barenboim, Bernstein, Boskovsky x2, Dorati, Fiedler, Fricsay, Guth, Harnoncourt, Horenstein, Karajan x3, Kempe x2, Knappertsbusch, Krauss, Maazel x3, Mehta, Muti, Ormandy, Felix Slatkin, Stolz, Walter, Wildner)

8. Künsterleben / Vie d’artiste

Cette valse suit de peu le succès du Beau Danube bleu. L’introduction orchestrale de cette valse est un pur moment de poésie. Certains s’y attardent tellement qu’ils en oublient de valser. Ce n’est pas le cas d’un chef qui, comme Fiedler à Boston, connaissait par coeur ses classiques à Hollywood, Felix Slatkin (1915-1963),

(Bernstein, Boskovsky x2, Dorati, Fiedler, Guth, Horenstein, Jansons, Karajan x4, Keilberth, Carlos Kleiber, Maazel, Ozawa, Paulik, Reiner, Sawallisch, Felix Slatkin, Stolz)

9. Lagunen Walzer / Valse de la lagune

La valse créée en 1883 reprend – d’où son titre ! – une grande partie des thèmes de l’opérette Une nuit à Venise. J’en aime le début qui semble ouvrir sur tous les matins du monde et qui, contrairement à bien d’autres valses de Strauss, semble inexorablement optimiste.

Je n’avais pas beaucoup aimé le concert du 1er janvier 2025 censé ouvrir les célébrations du bicentenaire Strauss. Riccardo Muti qu’on a connu fringant et conquérant, dès son premier concert de l’An viennois en 1993, semblait ici engoncé, excessivement retenu. Finalement sa version est l’une des plus convaincantes.

Autre grand habitué des concerts de Nouvel an – Lorin Maazel – très irrégulier d’une année à l’autre :

(Boskovsky x2, Oliver Dohnanyi, Horenstein, Jansons, Maazel, Muti, Stolz)

10. Seid umschlungen Millionen / Embrassez-vous par millions

Un petit air d’ode à la joie ? Ce sont bien les mêmes mots qu’emploient Schiller et Beethoven dans le finale de la 9e symphonie, ce sont eux qui donnent son titre à cette valse créée en 1893. Mélancolique souvent, joyeuse parfois, ce n’est pas la plus aisée à diriger. On retrouve, comme par hasard, Abbado en 1988.

(Abbado, Barenboim, Boskovsky, Harnoncourt, Maazel, Stolz, Alfred Walter)

Ce choix de dix valses est éminemment subjectif, comme le choix des interprètes. J’ai surtout voulu attirer l’attention sur des versions dignes d’intérêt, moins connues ou repérées.

Il existe une intégrale symphonique de l’oeuvre de Johann Strauss parue chez Naxos. L’ensemble est assez médiocre du côté des orchestres et des chefs, mais au moins il y a toute l’oeuvre éditée de Strauss !

* Le titre de cette série est bien sûr un clin d’oeil, Strauss voulant dire « bouquet » en allemand… et en viennois !

Demain 2e volet de cette mini-série sur les opérettes et oeuvres vocales de Johann Strauss

Et toujours humeurs et bonheurs du jour à lire dans mes brèves de blog

Les raretés de l’été (XII) : Arthur Fiedler les racines européennes

Suite de ma mini-série sur Arthur Fiedler.(voir Arthur Fiedler le chef américain)

Arthur Fiedler naît à Boston le 17 décembre 1894. Ainsi il est l’un des rares grands chefs américains du XXe siècle, l’autre étant Leonard Bernstein – à être né sur le sol américain. Certes son père Emanuel Fiedler est d’origine autrichienne et travaille comme violoniste dans le Boston Symphony. Il va d’ailleurs suivre son père qui retourne vivre en Autriche à sa retraite et étudier notamment le violon à Berlin auprès de Willy Hess. Il quitte l’Europe de ses études lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale, revient à Boston, est engagé à son tour en 1915 comme violoniste au Boston Symphony. Dès 1924, il forme avec quelques collègues le Boston Sinfonietta, en attendant de prendre la direction en 1930 des Boston Pops, fondés 35 ans plus tôt pour employer les musiciens du Boston Symphony durant la saison estivale.

On reviendra sur ce qui a fait la gloire du couple Boston Pops / Fiedler, cette capacité de propager, dans des conditions artistiques optimales – avec l’un des meilleurs orchestres au monde – les mélodies, les musiques de films, les thèmes populaires – cf. le premier chapitre de cette série : Fiedler l’Américain.

Mais dans l’héritage discographique du chef, il y a beaucoup d »enregistrements qui, encore une fois, ne sont jamais cités, ni critiqués, et qui sont pourtant à mettre au sommet, comme les musiques d’Europe centrale, et singulièrement les viennoises. Là où Bernstein n’a jamais trouvé la clé – la valse viennoise -, où Ormandy enjolivait parfois outrageusement, où Fritz Reiner était parfois d’une austérité excessive, Arthur Fiedler révèle le grand chef qui a tout compris de ces répertoires, parce qu’il les a appris à la source.

Vienne à Boston

Le lien d’Arthur Fiedler avec la famille Strauss est double. Il semblerait qu’il ait joué, lorsqu’il a suivi son père à Vienne, dans l’orchestre du fils d’Eduard Strauss, le dernier des frères (1835-1919). Mais c’est surtout la présence de Johann Strauss – celui dont on célèbre cette année le bicentenaire de la naissance – à Boston en 1872 pour le World’s Peace Jubilee and International Music Festival qui est restée gravée dans la mémoire des Bostoniens.

La version d’Arthur Fiedler de la fameuse Valse des Empereurs / Kaiserwalzer (*) n’est pas loin d’être ma préférée.

(*) D’abord intitulée Hand in Hand, cette valse composée lors de la visite de Guillaume II de Prusse à Vienne change de titre, lors de la visite retour de François Joseph à Berlin le 21 octobre 1889, et devient Kaiserwalzer – qu’il faudrait donc traduire par Valse des… empereurs.

La suite tirée d’airs d’opérettes de Lehar est toute nostalgie Mitteleuropa – en dépit du titre plutôt ridicule du disque qui la contient

Et que dire de cette ouverture de SuppéCavalerie légère – dont le titre est souvent contredit par l’interprétation !

Merci à Fiedler d’avoir aussi enregistré cette ouverture de l’opérette Fatinitza du même Suppé, le seul autre enregistrement que j’en ai est celui de Charles Dutoit à Montréal

Mitteleuropa

On s’éloigne du Danube pour rejoindre le cours tumultueux de la Vltava – la Moldau est nettement plus prononçable !

Il y a surtout une somptueuse version de la Symphonie n°9 dite du Nouveau Monde de Dvořák, qu’Arthur Fiedler enregistre en 1970 avec le Boston Symphony.

Une version que j’ai découverte récemment, incluse dans un coffret censé regrouper les enregistrements de William Steinberg et du Boston Symphony pour RCA !

Exemplaire aussi cette vision de la célèbre rhapsodie roumaine n°1 d’Enesco : écoutez cette vivacité, cette liberté rhapsodique dans l’énoncé des thèmes populaires – dont l’Alouette – qui ont inspiré le compositeur roumain.

Vive la France !

Ce n’est évidemment pas à Arthur Fiedler qu’on demandait d’enregistrer le grand répertoire – rien qu’à Boston, entre Koussevitzky, Munch, Leinsdorf, Steinberg, et même Ozawa, pour ne citer que les titulaires du Boston Symphony, qui étaient aux commandes durant le mandat de Fiedler aux Pops, il y avait le choix. Mais on a laissé au roi Arthur quelques « créneaux » comme cette Gaîté Parisienne (Munch l’enregistrera aussi… mais à Londres)

Et puis il y a cet enregistrement surprenant – c’était une première aux Etats-Unis – de la suite que le compositeur russe Rodion Chtchédrine (qui s’écrit en russe avec deux fois moins de lettres : Щедрин) a réalisée pour cordes et percussions sur des thèmes de Carmen de Bizet :

Les racines irlandaises

Quand on évoque les racines européennes d’Arthur Fiedler, il est impossible – et ce serait bien dommage ! – d’oublier qu’encore aujourd’hui plus de 20% de la population de Boston se déclare d’origine irlandaise. C’est dire si les concerts monumentaux – les Irish Nights – qu’a dirigés à plusieurs reprises Fiedler sont des incontournables de sa discographie

L’éditeur a laissé tous les bruits de la fête, et on se prend à entonner tel ou tel hymne à l’écoute d’un tel événement.

Prochain épisode : Fiedler star de l’époque.

Et toujours mes https://brevesdeblog.wordpress.com/

Encore Chostakovitch

Le numéro de février de Diapason faisait sa couverture sur Chostakovitch* et consacrait au compositeur russe disparu il y a 50 ans un passionnant dossier (voir Des disques et des critiques).

Entre temps, Deutsche Grammophon regroupe dans un coffret de 19 CD (pour moins de 70 € !) une intégrale de ses symphonies, quelques musiques de scène et les six concertos pour piano, violon et violoncelle du compositeur, enregistrées par Andris Nelsons avec le Boston Symphony Orchestra, et comme solistes Yuja Wang, Baiba Skride et Yo Yo Ma. A quoi il faut ajouter rien moins que l’opéra révolutionnaire de Chostakovitch, Lady Macbeth de Mzensk. Plusieurs de ces enregistrements ne sont même pas encore sortis séparément…

Je suis loin d’avoir encore tout écouté, même si j’avais déjà prêté une oreille attentive aux premières symphonies parues ces dernières années. Je me rappelle certaines critiques, que je partageais souvent, sur les choix interprétatifs du chef letton, qui « décontextualise » cette musique pourtant difficilement séparable des circonstances qui l’ont vue naître.

On avait fait, si je me souviens bien, un peu le même reproche à Bernard Haitink qui avait, sauf erreur de ma part, enregistré la première intégrale « occidentale » des symphonies de Chostakovitch à Londres et Amsterdam.

J’ai rappelé ici même il y a peu mes préférences pour les visions en quelque sorte natives de Kondrachine, Mravinski, les chefs russes en général.

Sans souvenirs et sans préjugés

Mais je me demande s’il n’est pas temps, comme auditeur, d’aborder Chostakovitch « sans souvenirs et sans préjugés » (pour reprendre une célèbre formule de Jacques Lonchampt à propos du Parsifal de Boulez à Bayreuth en 1966). Exercice certes difficile quand on est nourri depuis des lustres de culture russe mais sûrement salutaire pour ne pas réduire ce compositeur et son oeuvre à leur seule dimension historique.

C’est la démarche, en tout cas, qu’adopte Andris Nelsons, en choisissant d’enregistrer tout son Chostakovitch avec l’orchestre sans doute le moins familier de l’oeuvre du Russe, le Boston Symphony. On serait bien en peine de trouver un disque Chostakovitch dirigé par l’un des prédécesseurs de Nelsons à la tête de cet orchestre, qu’il s’agisse de Munch, Leinsdorf, Steinberg, Ozawa ou Levine.

On n’est pas au bout de ses – bonnes – surprises en écoutant, pas à pas, cette nouvelle intégrale, pour l’essentiel captée en concert.

Les vraies surprises viennent, pour moi, des solistes des concertos.

Dans les deux concertos pour piano, Yuja Wang se montre plutôt moins exubérante qu’on l’attendrait, et finalement assez classique dans son approche

Pour ce qui est de Yo Yo Ma, bientôt septuagénaire (!), on connaissait bien le 1er concerto pour violoncelle gravé jadis avec Eugene Ormandy, mais pour les 2 concertos ensemble, c’est une première

Quant aux concertos pour violon, ils sont confiés à une compatriote du chef, la Lettonne Baiba Skride, que j’ai bien connue (et invitée) lorsqu’elle remporta le premier prix du Concours Reine Elisabeth en 2001, à tout juste 20 ans. La carrière discographique de Baiba a pris son cours sous le label Orfeo, avec plusieurs belles réussites. Ici, certains ne manqueront pas de relever une certaine retenue, l’absence de folie dans le jeu. Mais cela correspond à l’esthétique développée par le chef, et mérite l’écoute.

Je vais maintenant prendre le temps d’écouter l’opéra maudit de Chostakovitch, mais je tenais à saluer cette nouvelle et importante contribution moderne à la discographie du compositeur.

Et toujours mes notes du quotidien : brevesdeblog

*Je refuse d’utiliser l’orthographe internationale – Shostakovich –

Bonnes et moins bonnes affaires

Je voulais consacrer ce billet aux bonnes affaires que j’ai faites ces derniers temps.

Mais je ne peux ni ne veux échapper à l’actualité

Information/désinformation

Je ne reviens pas sur les affaires Bayou ou Bétharram (cf. brevesdeblog), mais sur deux éléments d’actualité, sans commune mesure mais où la désinformation continue de primer sur l’information.

Trump/Zelensky

Zelensky est attendu ce vendredi à Washington, pour, nous dit-on, signer un accord avec les Etats-Unis concernant l’exploitation future des « terres rares » du sous-sol ukrainien. Entendu ce matin d’abord sur France Inter puis dans Télématin sur France 2, l’explication lumineuse de Guillaume Pitron :

On voit bien les diplomates et nombre de responsables politiques se boucher le nez : ainsi la paix en Ukraine se résumerait à un deal – « tu me donnes accès à ton sous-sol, je te garantis le soutien des Etats-Unis ». Comme si l’issue de tous les grands conflits dans le passé ne s’était pas soldée par des marchandages territoriaux et économiques…

Les malheurs de Cyril H.

En France, on a l’impression que le monde télévisuel est en passe de s’écrouler, parce que C8 et NRJ12 cessent d’émettre sur la TNT ce vendredi. Ah ces salauds de l’ARCOM et du Conseil d’Etat qui briment la liberté d’expression ! Ah oui ? Qui a seulement fait remarquer que la décision de l’ARCOM de supprimer à ces deux chaînes l’accès à la TNT gratuite, n’entraînait nullement leur disparition. La décision d’arrêter a été prise par les actionnaires et eux seuls. Ne pas refaire l’histoire !

J’en parle d’autant plus librement que je ne regarde jamais C8 !

Je ne résiste pas au plaisir de reproduire ici le texte posté sur Linkedin par un avocat qui sait de quoi il parle en matière de droit du travail :

Pierre-Francois ROUSSEAU • Avocat associé PHI AVOCATS

🔥 Grosse Darka en vue : Et si, au final, C8 et Cyril Hanouna devaient sortir le chéquier pour indemniser les centaines de salariés laissés sur le carreau ? 💸 ?

🚨 Rappel des faits : Le 11 décembre 2024, l’Arcom a mis fin au règne de C8 sur le TNT et fermé le doss’ en refusant de renouveler sa fréquence TNT. Décision confirmée définitivement par le Conseil d’Etat.

Résultat ? Fermeture de la chaîne, licenciements en cascade.

Pourquoi cette sentence sévère ?

👉 le non respect récurrent de la convention autorisant C8 à exploiter la fréquence

👉 35 sanctions en 12 ans, dont 7 rien qu’en 2024 (non respect des droits des personnes, défaut de protection des mineurs, atteinte à la dignité,… tout y passe).

👉 Un défaut chronique de maîtrise de l’antenne depuis plusieurs années

Or qui sont les responsables de ces manquements ? C8 et H2O (la prod de Cyril Hanouna).

Mais voilà où ça devient croustillant 👀

La jurisprudence est formelle :

⚖️ Quand l’employeur est responsable des difficultés économiques de son entreprise, le licenciement qui en découle est sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 29 mai 2024, n°22-10654).

⚖️ Les salariés peuvent même attaquer un tiers (ici, la prod de « TPMP ») s’il a contribué à la chute de l’entreprise (Cass. Soc. 28 sept. 2010, n° 09-41.243).

Baba a toujours dit : « La télé, c’est une grande famille »… Mais là, certains vont peut-être vouloir récupérer l’héritage ! 📺

Affaire à suivre, mes p’tites beautés ! 🥰

Et pour les férus de droit du travail, petit paradoxe en cas d’action judiciaire : au prudhommes C8 bénéficiera des plafonds du barème Macron alors que H2O devant le tribunal judiciaire pourrait être condamnée sans limite. Mais une chose est certaine les deux ne pourront pas être condamnées en même temps car la Cour de Cassation rejette la double indemnisation (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 janvier 2021, 18-23.535) ». (Linkedin, 27.02.2025)

Bonnes affaires

Pour revenir à la musique, quelques-unes de mes bonnes affaires récentes.

Ormandy à l’italienne

Pré-commandé il y a plusieurs semaines à la FNAC, le second coffret des enregistrements stéréo d’Eugene Ormandy (1964-1983) sort ces jours-ci. Je me suis aperçu, comme pour le précédent coffret, qu’il est 30 € moins cher sur Amazon.it. Avis aux amateurs !

Tout Albeniz

Je n’avais pas spécialement repéré ce coffret paru chez Bis. Mais au prix proposé actuellement sur jpc.de, on achète et on écoute

Anniversaires

On m’a toujours appris que les anniversaires se fêtent le jour même, ni avant (ça porte malheur) ni après (c’est impoli), mais pour les grandes institutions la règle ne vaut pas ou plus. Le dixième anniversaire de leur inauguration c’était huit jours avant pour l’auditorium de Radio France, et pendant toute une semaine et un long week-end-end pour la Philharmonie de Paris

Sir Simon #70

Avec quelques heures de retard, je souhaite à mon tour un bon anniversaire à Simon Rattle, 70 ans ce 19 janvier, dont 50 ans d’une carrière qui donne le tournis, et dont on ne parvient pas toujours à distinguer les lignes de force. Eclectisme assurément, références plutôt rares dans une abondante discographie à Birmingham comme à Berlin

Il peut encore nous surprendre à Munich avec l’orchestre de la radio bavaroise dont il est le directeur musical depuis 2023 (lire Une suffocante Sixième de Mahler)

Le Russe oublié : Reinhold Glière

Selon le calendrier grégorien, il est né il y a 150 ans, le 11 janvier 1875, mort en 1956. Reinhold Glière est un compositeur indéniablement russe, pas très facile à classer. Il est d’ailleurs rarement cité, pas beaucoup plus d’ailleurs que son presque contemporain Glaznounov. Pourtant la flamboyance de son écriture post-romantique lui a valu l’attention de plusieurs grands chefs : Ormandy, Stokowski ont laissé de magnifiques versions de sa 3e symphonie qui évoque la légende du guerrier Ilya Muromets au service du grand prince de Kiev, Vladimir, au Xe siècle

J’avais programmé au festival Radio France 2017 le très rarement donné Concerto pour colorature avec Alina Shagimuratova (lire le papier de Forumopera)

Messages perso

Il y a vingt ans, ses parents, son frère et sa grand-mère n’étaient pas peu fiers de se mêler à la foule qui se pressait dans l’une des salles du Palais de Justice de Paris pour la prestation de serment de toute une promotion de jeunes avocats. Fierté du brillant avocat qu’il est devenu, et de l’éthique qu’il promeut (Lire privé/public).

Ce 20 janvier est aussi l’anniversaire de Sabine B. à qui me lient tant de souvenirs de mes années liégeoises et une indéfectible affection.

L’Amérique d’avant : Ives, Bolet, Stokowski

J’ai bien fait de faire un saut aux Etats-Unis il y a un an (New York toujours, Sur les rives de l’Ohio). Je ne suis pas près d’y retourner dans les quatre ans à venir…

Pour entretenir l’admiration que j’ai pour ce pays et sa culture, il y a heureusement la musique, et d’innombrables témoignages d’un glorieux passé, comme le prouvent trois superbes rééditions.

Charles Ives (1874-1955) le sesquicentenaire

Il n’y a pas eu beaucoup de précipitation chez les éditeurs pour célébrer le 150e anniversaire de la naissance du compositeur : « L’intérêt de Charles Ives pour le mélomane européen est qu’il n’entre dans aucune case, aucune catégorie pré-définie. Et s’il nous fallait simplement des oreilles neuves, débarrassées de références, de comparaisons, pour écouter une oeuvre disparate, audacieuse, singulière » (Ives l’Américain)

Sony vient de publier l’un des coffrets les plus intelligents et documentés qui soient, une « anthologie » d’albums enregistrés par et pour la Columbia entre 1945 et 1970. Avec une excellente présentation – en anglais – du compositeur, de ses oeuvres et de ses interprètes.

Pour un prix – pour une fois – très modique, c’est l’occasion ou jamais de pénétrer un univers surprenant, parfois déconcertant, toujours passionnant.

Ainsi son oeuvre chorale :

Charles Ives est encore admiré par les compositeurs d’aujourd’hui, comme ici Matthias Pintscher dirigeant l’Ensemble Intercontemporain dans ce qui reste l’une des oeuvres les plus jouées de l’Américain : Three Places in New England

Dans ce coffret, il y a du connu, les 4 symphonies – Bernstein, Ormandy, Stokowski pour la 4e – et les pièces d’orchestre connues (Central Park in the Dark, The unanswered question, les variations sur America), la musique de chambre peu nombreuse, le piano (les 2 sonates)

et surtout peut-être un extraordinaire bouquet de mélodies chantées par Evelyn Lear etThomas Stewart, excusez du peu !

De La Havane à la Californie

J’ai eu la chance de voir une fois en concert, à Genève, avec l’Orchestre de la Suisse romande, le pianiste cubain Jorge Bolet (1914-1990), né à La Havane, mort en Californie. En réalité, je le connais par le disque et quelques vidéos. Je lui ai toujours trouvé tant dans le port que dans son jeu une allure aristocratique, un faux air de colonel de l’armée des Indes.

Peut-être parce qu’ils avaient oublié le centenaire de sa naissance, les responsables de Decca sortent… pour ses 110 ans, une intégrale vraiment intégrale de ses enregistrements, déjà connus, souvent réédités (notamment un coffret Liszt). C’est un bonheur de retrouver cette noblesse, ce quelque chose qui nous paraît venu d’un temps oublié, où la chaleur du son, l’éloquence de la diction, imposaient une personnalité.

Peut-on mieux jouer ces pièces si célèbres qu’on ne les entend plus au concert….

Stokowski et l’Everest

Leopold Stokowski (1882-1977) est un sujet inépuisable de polémiques… et d’admiration. Encore récemment (Vive le live) j’évoquais la parution d’un coffret de prises de concert réalisées par la BBC avec le chef anglais (en dépit d’un patronyme qu’il tient d’un père aux ascendances polonaises, Stokowski n’a jamais été russe ni assimilé !). Et j’écrivais : On est à nouveau frappé par l’immensité du répertoire que Stokowski a abordé tout au long de sa carrière et jusqu’à un âge très avancé. Il a longtemps passé pour un chef excentrique, privilégiant le spectaculaire au respect de la partition. Stokowski vaut infiniment mieux que cette caricature. Stokowski a bénéficié d’un nombre impressionnant de rééditions, à la mesure d’une carrière et d’une discographie gigantesques.

J’ai dans ma discothèque bon nombre d’autres disques isolés, trouvés souvent par hasard lorsqu’il y avait encore, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, des disquaires spécialisés, et en France chez Gibert ou Melomania. Notamment pour des labels toujours tenus en très haute estime pour la qualité de ses prises de son.. Vanguard et Everest. Le label britannique Alto qui recycle nombre d’enregistrements, parfois devenus introuvables, a l’excellente idée de regrouper dans un coffret de 10 CD tout le legs Stokowski pour Everest.

Parmi les « spécialités » de Stokowski, il y avait outre ses arrangements spectaculaires de Bach, les suites symphoniques qu’il réalisait de grands opéras de Wagner ou… Moussorgski. Mais le chef fut surtout l’un des plus ardents promoteurs, voire créateurs, de la musique de son temps, de ses contemporains du XXe siècle. Témoins certaines des pépites de ce coffret :

Mes symphonies de Sibelius

J’ai été vraiment très heureux de participer, la semaine dernière, à une aventure unique : l’intégrale en trois concerts consécutifs des symphonies de Sibelius par l’Orchestre philharmonique de Radio France dirigé par son directeur musical, Mikko Franck. J’ai tout raconté sur Bachtrack : Le fascinant parcours de Mikko Franck dans les paysages de Sibelius.

Cette intégrale est à réécouter sur France Musique

Ce qui était unique ici, c’est l’immersion trois soirs de suite dans les sept symphonies de Sibelius, avec le même chef et le même orchestre.

Sibelius autorise une multiplicité d’approches, d’interprétations. Plutôt que les habituelles références toujours citées pour les intégrales, je voudrais distinguer quelques versions moins attendues, plus rares de chacune des symphonies, qui occupent une place de choix dans ma discothèque.

Symphonie n°1 : Carl von Garaguly / Orchestre philharmonique de Dresde

Carl von Garaguly (1900-1984) est un chef d’origine hongroise, qui a fait l’essentiel de sa carrière en Scandinavie et qui a laissé des enregistrements remarquables des 1e, 2e et 7e symphonies de Sibelius avec l’orchestre philharmonique de Dresde (à ne pas confondre avec la Staatskapelle de la même ville !)

Symphonie n°2 : Pierre Monteux / London Symphony Orchestra

Comme c’est de loin la plus enregistrée des symphonies de Sibelius, j’en compte un grand nombre de versions dans ma discothèque. La plus juvénile d’entre elles est celle d’un homme de 85 ans, l’immense Pierre Monteux (1875-1964), nommé en 1961 chef à vie du London Symphony Orchestra !

Symphonie n°3 : Okko Kamu / Orchestre philharmonique de Berlin (DG)

En 1969, le jeune chef finlandais gagne le concours de direction Herbert von Karajan. Dans la foulée, le chef de l’Orchestre philharmonique de Berlin lui confie son orchestre pour enregistrer la 2e symphonie, mais c’est à Helsinki en 1971 que Kamu grave la 3e avec l’orchestre de la radio finlandaise.

Symphonie n° 4 : Ernest Ansermet / Orchestre de la Suisse romande (Decca)

Le grand chef suisse, fondateur de l’Orchestre de la Suisse romande, s’est peu aventuré en terres nordiques, mais on n’est pas étonné qu’il ait été attiré par la plus « moderne » des symphonies de Sibelius, la Quatrième, dont il souligne l’âpreté et les audaces

Symphonie n° 5 : Herbert von Karajan / Orchestre philharmonique de Berlin (live 28 mai 1957)

Herbert von Karajan, justement, a été l’un des interprètes les plus constants et inspirés de Sibelius. Les enregistrements de studio avec le Philharmonia ou les Berlinois sont légendaires, mais cette captation d’un concert à Berlin, le 28 mai 1957, quelques mois avant la mort du compositeur, est vraiment exceptionnelle : le finale est époustouflant ;

Symphonie n° 6 : John Barbirolli / Hallé Orchestra

Le chef britannique John Barbirolli (1899-1970). a toujours été un interprète particulièrement inspiré de Sibelius. Il creuse cette 6e symphonie comme peu le font, lui donnant une dimension tragique peu banale.

Symphonie n°7 : Lorin Maazel / Orchestre philharmonique de Vienne (Decca)

Pour l’ultime symphonie, on a l’embarras du très bon choix. C’est par la version du jeune Lorin Maazel à Vienne (1964) que j’ai découvert l’oeuvre : les timbres des Viennois, la somptuosité de la prise de son, rendent pleinement justice à ce chef-d’oeuvre.

Tout cela n’est évidemment pas exhaustif ! Pour chaque symphonie, je pourrais citer tant d’autres versions qui, à un titre ou un autre, me séduisent ou m’intéressent. Sur ce blog, j’ai nombre souvent évoqué Sibelius et ses interprètes, comme Santtu-Matias Rouvali, Paavo Järvi (la première intégrale enregistrée avec un orchestre français, l’Orchestre de Paris !), Alexander Gibson, Paavo Berglund évidemment et ses trois intégrales plus quelques versions isolées, Eugene Ormandy et la photo, dont il n’était pas peu fier, de sa rencontre avec le compositeur en 1955

le formidable James Levine pour les 2e, 4e, 5e symphonies, Klaus Mäkelä à Oslo, Mariss Jansons, Neeme Järvi, Horst Stein, Esa-Pekka Salonen, plus étonnant peut-être dans cette liste Georges Prêtre…. Liste non exhaustive qu’on complètera à l’occasion…

Pour revenir à Mikko Franck, sa discographie sibélienne se résume à un seul disque enregistré au tout début de sa carrière avec une très belle version de la Suite de Lemminkäinen.

Noël est une fête

Le 25 décembre on a envie de croire que toutes les douleurs du monde s’effacent, que le sourire d’un enfant dans une crèche peut sauver le monde, qu’un message d’amour universel peut vaincre la haine ordinaire.

C’est le souvenir que j’ai des Noëls de mon enfance, des fêtes toujours marquées par de la musique et des chants. En remontant le cours de cette année 2023, j’ai l’embarras du choix pour ce qui est des musiciens qui ont joué, chanté Noël, en particulier aux Etats-Unis où c’était une étape obligée pour toutes les grandes formations et leurs chefs.

Eugene Ormandy à Philadelphie, avec le Temple University Choir (Les années Ormandy)

Leonard Bernstein et le Mormon Tabernacle Choir (Bernstein ou le génie à vif)

Je n’oublie pas le week-end passé à Cincinnati en octobre dernier (Sur les ailes de la musique). J’invite à lire ou relire l’interview que j’avais alors réalisée de Louis Langrée pour Bachtrack : « Le chef providentiel n’existe pas ».

Comme à Boston, et d’autres villes américaines, le Cincinnati Symphony devient, l’été venu, Cincinnati Pops Orchestra. Son chef fut pendant 32 ans Erich Kunzel (1935-2009)

Mais personne ne détrônera jamais dans ma discothèque les Boston Pops et leur légendaire chef Arthur Fiedler (1894-1979)

On l’avait tellement attendu, depuis 2019 et le cinquantenaire de sa disparition, qu’on avait cru ne jamais le voir paraître : Ernest Ansermet (1883-1969) a enfin été honoré d’abord par un coffret de ses enregistrements stéréo (un autre avec les disques mono est annoncé pour le début 2024 !) – Ansermet enfin -.

Dans ce coffret, deux indispensables, une rareté, la Nuit de Noël (1895) de Rimski-Korsakov

et une version de référence de Casse-Noisette de Tchaikovski

Quand Rachmaninov rime avec Trifonov (la suite)

Il y a cinq ans déjà, je consacrais tout un billet à l’intégrale des concertos de Rachmaninov que venaient de publier le pianiste russe Daniil Trifonov, le chef québécois Yannick Nezet-Seguin et le plus « rachmaninovien » des orchestres, celui de Philadelphie.

Ce 30 octobre, je retrouvais les mêmes en concert à la Philharmonie de Paris, et comme l’a écrit Alain Lompech pour Bachtrack, Philadelphie et Trifonov ont fait chavirer la Philharmonie. Après l’avoir entendu à New York dans le concerto de Schumann, j’étais évidemment impatient d’entendre Daniil Trifonov dans ce kaléidoscope que forment les 24 variations sur le 24ème caprice de Paganini – la Rhapsodie sur un thème de Paganini – de Rachmaninov.

Une chose est d’avoir entendu cette équipe dans un disque magnifique, une autre est de les entendre « en vrai ». D’être submergé par la somptuosité d’un orchestre unique au monde – le Philadelphia Sound si amoureusement construit par Eugene Ormandy au long de presque un demi-siècle de règne, si jalousement conservé, entretenu par des générations de musiciens exceptionnels et des chefs comme Riccardo Muti, Wolfgang Sawallisch et, depuis quinze ans, Yannick Nézet-Seguin, ce Philadelphia Sound n’est décidément pas une légende.

Le chef québécois qui ne m’a pas toujours séduit en concert (ni dans certains de ses disques d’ailleurs) m’a ici subjugué par sa vision de la Première symphonie de Rachmaninov, l’injustement mal-aimée. Je vais écouter plus attentivement l’intégrale des symphonies qu’il vient de publier chez Deutsche Grammophon.

Les morts de Diapason

Dans la liturgie catholique, on célèbre le 1er novembre tous les saints de l’Eglise, c’est une fête de joie. Mais depuis belle lurette on confond la Toussaint et le 2 novembre le jour des morts. Ce que fait Diapason aujourd’hui en consacrant un article passionnant aux sépultures des grands musiciens : Où voir les tombes des grands compositeurs ?

Au hasard de mes voyages, j’ai pu m’arrêter sur les tombes de certains d’entre eux, le plus souvent sans l’avoir cherché.

Claudio Monteverdi est inhumé à Venise dans l’immense nef de Santa Maria Gloriosa dei Frari

C’est à Venise, dans le cimetière de l’île San Michele, que sont également enterrés Igor et Vera Stravinsky (lire Sonate d’automne), tout près du fondateur des Ballets Russes, Serge Diaghilev

Bien sûr c’est dans le choeur de l’église Saint-Thomas de Leipzig dont il fut le Cantor que repose Jean-Sébastien Bach

Durant l’été 2022, j’avais visité les lieux chers à Puccini, à Lucques et à Torre del Lago.

Mort des suites d’une opération d’un cancer de la gorge à Bruxelles, le corps de Puccini avait d’abord été rapatrié à Milan avant d’être finalement inhumé dans la petite chapelle de sa maison de Torre del Lago.

Coup de chapeau à Domingo Hindoyan pour ce très beau disque de préludes et d’intermezzos d’opéras de Puccini en particulier :

Rachmaninov : une Première mal aimée

Cet été j’ai pas mal voyagé et donc écouté beaucoup de musique. Une programmation aléatoire m’a fait entendre deux versions de la Première symphonie de Rachmaninov et m’a, du même coup, rappelé une promesse que je m’étais faite d’établir quelques discographies des oeuvres du compositeur russe, né il y a 150 ans et mort il y a 70 ans.

Les heureux Parisiens auront la chance de pouvoir l’entendre fin octobre à la Philharmonie avec l’orchestre « rachmaninovien » par excellence, celui que dirigea le compositeur lui-même et avec lequel il enregistra plusieurs de ses oeuvres, l’orchestre de Philadelphie et son actuel chef Yannick Nezet-Seguin

En attendant, revue de quelques versions -de ma discothèque- pas toujours les plus connues :

  1. Lorin Maazel, Orchestre philharmonique de Berlin (DG)

Une fois de plus, ce n’est pas spontanément qu’on associe Rachmaninov à un chef comme Lorin Maazel. Et pourtant sa gravure des trois symphonies avec Berlin est plus qu’intéressante, elle a été heureusement rééditée dans le coffret presque complet des enregistrements DGG du chef américain disparu en 2014.

2. Walter Weller, Orchestre de la Suisse Romande (Decca)

A l’occasion du décès du violoniste et chef viennois Walter Weller (1939-2015) en juin 2015, j’avais écrit ceci :

« Quelques années plus tôt, j’avais acheté au marché aux puces de St Ouen un coffret de 3 33 tours des Symphonies de Rachmaninov et j’avais été fasciné par la 1ere symphonie (plus, à l’époque, que par les 2e ou 3emes) et par la beauté de la version de….Walter Weller et de l’Orchestre de la Suisse Romande, une captation Decca réalisée en 1971 au Victoria Hall de Genève.

Je me dis que jamais plus je n’aurais l’opportunité d’entendre « en vrai » l’oeuvre et les interprètes de ce disque, si je ne demandais pas à Walter Weller de reprendre cette 1ere symphonie de Rachmaninov vingt ans après cet enregistrement. Il fut d’abord très surpris de ma demande – peut-être n’avait il jamais plus redonné l’oeuvre en concert depuis l’enregistrement ?!, moi-même j’ai dû attendre 2007 et l’enthousiasme de Patrick Davin pour la reprogrammer à Liège ! –

Inutile de dire que ce concert genevois de Walter Weller m’est resté en mémoire (d’autant plus que le Berg donné en première partie avait pour soliste un Pierre Amoyal au sommet de ses moyens).

3. Vladimir Ashkenazy, Concertgebouw Amsterdam (Decca)

Autant je suis loin d’être convaincu par le pianiste Ashkenazy – qui a beaucoup, trop, enregistré – autant je lui reconnais pas mal de belles réussites comme chef d’orchestre, en particulier dans l’oeuvre symphonique de Rachmaninov, où il bénéficie de surcroît du somptueux Concertgebouw d’Amsterdam

4. Charles Dutoit, orchestre de Philadelphie (Decca/Newton)

Ce n’est pas – et de loin – la part la plus connue de la discographie du chef suisse, et pourtant la quasi-intégrale symphonique Rachmaninov que Charles Dutoit a enregistrée l’a été à Philadelphie et compte pour moi parmi les plus inspirées.

5. Zoltan Kocsis, Orchestre national de Hongrie (Budapest Music Center)

Lorsque j’avais rendu hommage à Zoltan Kocsis, le grand pianiste hongrois disparu en novembre 2016, j’avais évoqué, trop brièvement, son activité de chef d’orchestre. La dernière fois que je m’étais rendu à Budapest (et que j’avais encore trouvé un magasin de disques !) j’avais pu acheter ce CD, comportant… la Première symphonie de Rachmaninov !

Je n’ai malheureusement pas trouvé de vidéo de cet enregistrement… mais je le recommande très chaudement. Comme on a toujours chaleureusement recommandé Kocsis dans les concertos de Rachmaninov…

6. Mikhail Pletnev, Orchestre national de Russie (DGG)

Le pianiste Mikhail Pletnev est, de mon point de vue, aussi génial au clavier que sur le podium du chef. Il ne laisse personne indifférent, et c’est pour cela qu’on l’admire.

Il a aussi gravé les trois symphonies de Rachmaninov, et ses partis-pris dans la 1ere peuvent déconcerter autant que passionner l’auditeur.

Pour ne pas encourir le reproche que d’aucuns de mes lecteurs ne manqueraient pas de me faire, je précise que les versions que j’ai retenues ici n’excluent pas évidemment les références que sont Ormandy, Jansons, Svetlanov, et qui demeurent chères à mes oreilles !