La fougue et la grâce

Beaucoup de place consacrée ici, ces dernières semaines, aux gloires du passé. Grâce à des rééditions bienvenues (Doráti, Klemperer, les chefs de Cincinnati, Jessye Norman, Victoria de Los Angeles). L’avalanche d’automne n’est pas terminée… et il ne faudrait pas succomber aux facilités de la nostalgie.

Mais il y a heureusement quelques – rares – nouveautés qui exaltent le talent de la génération montante.

Domingo Hindoyan à Liverpool

D’abord un disque comme on n’en fait plus – des intermezzi d’opéras véristes. J’ai tellement aimé celui de Karajan, et tellement pas le médiocre remake de Riccardo Chailly

Voici qu’aujourd’hui l’un des chefs dont j’ai aimé voir éclore le talent en l’invitant souvent à Liège Domingo Hindoyan, chief conductor depuis 2021 du Royal Liverpool Philharmonic Orchestra, publie un disque très réussi de préludes et d’intermezzi d’opéras de Mascagni, Ponchielli, Puccini, Cilea, etc.

Rien n’est plus difficile à réussir ces pièces d’orchestre, avec le chic, l’élégance, le fini orchestral qui s’imposent, Domingo Hindoyan n’est pas loin d’égaler son illustre aîné berlinois.

Je n’en suis pas surpris de la part d’un chef qui avait fait très forte impression à Montpellier, en dirigeant en 2016 Iris de Mascagni et en 2017 Siberia de Giordano, avec à chaque fois dans les rôles-titres sa propre épouse, la grande Sonya Yoncheva.

Tant de souvenirs avec ces deux-là…

Santtu-Matias Rouvali à Göteborg

Voici bientôt dix ans que j’ai découvert ce phénomène, aujourd’hui à la tête de l’une des grandes phalanges européennes, le Philharmonia de Londres. Il y a un mois, je l’applaudissais encore, dirigeant l’Orchestre philharmonique de Radio France. Santtu-Matias Rouvali poursuit son intégrale des symphonies de Sibelius avec l’orchestre de Göteborg, et ce qui est très intéressant, s’agissant d’un chef qui fête ses 38 ans dans quelques jours, c’est qu’il suscite controverses et divergences à chaque nouveau disque, à chaque concert. On n’admire plus seulement la jeunesse d’un talent hors norme, on se met à discuter ses choix interprétatifs, alors qu’il ne fait qu’affirmer une vision, un regard originaux, surprenants parfois, sur des oeuvres rebattues. Moi j’aime ça ! C’est tellement mieux que l’eau tiède !

Aziz Shokhakimov à Strasbourg

Du jeune chef ouzbek qui dirige désormais l’orchestre philharmonique de Strasbourg, Aziz Shokhakimov, j’avais écrit pour Bachtrack (L’audacieux pari d’Aziz Shokhakimov) tout le bien qu’on pouvait en penser. Mais je n’avais pas évoqué le disque publié à l’occasion de cette rentrée. C’est assez culotté, dans une discographie saturée, d’oser sortir une Cinquième de Tchaikovski et Roméo et Juliette. Défi largement relevé, disque magnifique.

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