Le bon usage

Je n’ai pas attendu d’être voisin de la famille BescherelleValmondois) pour m’intéresser à la langue française, à son bon usage et à ses évolutions, le nombre d’occurrences sur ce blogLe français est un combat – en témoigne (avez-vous testé ma dernière chère dictée ? ).

L’étymologiste musicien

Sur les réseaux sociaux se développent depuis quelques mois des profils, des sites, qui traitent de la langue française, corrigent nos erreurs, dictent le bon et le vrai, parfois de manière simpliste ou caricaturale – mais c’est bien le signe d’un intérêt grandissant, notamment des plus jeunes, pour les étrangetés de notre langue. L’un de ces profils n’a pas pu m’échapper : il s’appelle, dans la vraie vie, Sébastien Grimaud, il est musicien, professeur de latin-grec, et, sur les réseaux, il est Etymocurieux

Ouest France lui a consacré un beau portrait : Le prof de latin-grec est l’Etymocurieux d’Instagram

L’intéressé lui-même accepte la rançon de son succès : il y a tant d’esprits tordus qui ne comprennent pas qu’un jeune homme au look très actuel s’exprime aussi bien, et puisse être aussi un bon musicien. Mais il y a, heureusement, beaucoup plus (plus de 40.000 abonnés à sa chaine YouTube) d’adeptes de cette pédagogie souriante et cultivée.

Merci professeur !

Pour peu qu’on voyage un peu et qu’on regarde TV 5 Monde, souvent la seule chaîne francophone disponible, on a forcément déjà vu ce visage devenu familier.

On ne connaît pas forcément son nom – Bernard Cerquiligni – ni son oeuvre, abondante et nécessaire, dans le domaine de la langue française.

Un de ses derniers ouvrages a attiré mon attention – et pour cause puisque – je l’ignorais – Bernard Cerquiligni est comme moi – Les pièges du français – est un chaud partisan, et même dans son cas, un acteur de la simplification de notre langue.

« Force est de se rendre à l’évidence : la réforme de l’orthographe de 1990, dont Bernard Cerquiglini fut l’un des maîtres d’oeuvre, n’a pas rencontré le succès escompté. Pourquoi d’ailleurs aurait-elle réussi là où toutes les autres ont échoué ? Car elles furent nombreuses, les tentatives de remédier à « l’absurdité de notre orthographe, qui est en vérité une des fabrications les plus cocasses du monde » (Paul Valéry). Pédagogues, grammairiens, linguistes et écrivains, de Ronsard à Queneau, de Louis Meigret à Ferdinand Brunot, tous se sont heurtés au mieux à des réticences, au pire à une levée de boucliers. À qui la faute ? Bernard Cerquiglini rouvre l’enquête et part à la recherche des coupables, ces opposants à la simplification orthographique. Ah ! Si seulement nous étions tous adeptes du « phonocentrisme », nous pourrions écrire les mots comme nous les prononçons. Mais précisément : et si notre langue ne se prêtait pas à un tel idéal de graphie ? Ne vaudrait-il pas mieux réformer les réformateurs ? Retour sur un crime dont les complices ne sont pas nécessairement ceux qu’on croit.. » (Présentation de l’éditeur)

Le débat reste ouvert…

Et toujours humeurs et réactions sur mes brèves de blog

Monuments

J’ai déjà écrit ici, à l’occasion du décès d’une personnalité, ou d’un événement marquant, ma réticence à me mêler à l’émotion ou à l’admiration collectives et leur caractère automatique sur les réseaux sociaux (ah ces « RIP » qui nous envahissent… sans souvent que leurs auteurs sachent ce que cet acronyme signifie !)

Si je remonte le temps de ma semaine écoulée, j’ai été servi en monuments qu’il est convenu, convenable, d’admirer.

Nos meilleurs vieux : Zubin Mehta et Pinchas Zukerman

Trois semaines après le concert du Nouvel an, l’orchestre philharmonique de Vienne (183 ans d’existence) faisait halte au théâtre des Champs-Elysées avec une affiche qui ne pouvait manquer d’impressionner : le violoniste Pinchas Zukerman – 76 ans – et le chef d’orchestre Zubin Mehta – 88 ans – rescapé d’un cancer qui l’avait sévèrement secoué il y a sept ans. La critique de ce concert est parue sur Bachtrack. : Le rendez-vous de la nostalgie

Mais pour ces seules images, je devais y être

Il est tout de même rare dans un vie de mélomane de pouvoir entendre une oeuvre, la 9e symphonie de Bruckner, qu’on a découverte avec une version enregistrée par le même chef et le même orchestre… il y a 60 ans !

Le monument David Lynch

Mercredi on apprenait la mort de David Lynch… un monument du cinéma !

Oserai-je reprendre le texte que j’avais écrit à la mort de Jean-Luc Godard ? Vous remplacez Godard par Lynch… et ça marche !

« Le monument Godard

Ce n’est pas surprenant, mais ça reste agaçant : Jean-Luc Godard meurt et tous les médias, sans exception, balancent les mêmes titres, les mêmes clichés, que tout le monde reprend sur les réseaux sociaux. Pour ne pas être pris au dépourvu, on cite les trois ou quatre films qu’on se doit d’avoir vus : A bout de souffle, Pierrot le fou, Le Mépris (ah les fesses de Bardot !), Détective (pour et parce ce que Johnny). On évoque sa personnalité, ses écrits, bref un monument qu’on est prié d’admirer.

Un ami avouait sur Facebook : « Je ne suis jamais parvenu à voir un film de Godard jusqu’au bout. Ceci n’est pas un jugement de valeur mais un constat personnel. Son univers m’ennuie terriblement, profondément… » J’ai fait l’effort, quant à moi, pour les quatre films cités plus haut, et même quelques autres (La Chinoise, Prénom Carmen…). Vaines tentatives. » (JPR, 15 septembre 2022)

Pour être tout de même sur une note positive, j’ai bien aimé Lost Highway et Mulholland Drive.

Pourquoi pas une renarde en français ?

J’adore Janáček inconditionnellement. Aussi ai-je été particulièrement heureux de chroniquer la reprise à l’Opéra Bastille de La petite renarde rusée pour Bachtrack : lire Le bestiaire enchanté de Janacek.

(Photo Vincent Pontet / Opéra de Paris)

(Photo Vincent Pontet / Opéra de Paris)

Il y a l’embarras du choix pour les grandes versions. Préférence pour cette extraordinaire collection enregistrée par Charles Mackerras avec les Viennois

Mais il existe aussi des suites d’orchestre tirées des opéras de Janacek, et celle que Vaclav Neumann avait réalisée de La petite renarde est particulièrement réussie

Le français de François

En préambule, ce rappel – parce que la faute est si courante, même chez des amis qui pourtant écrivent et parlent bien ! – on ne met pas systématiquement de majuscule lorsqu’on évoque la nationalité d’une personne ou d’un groupe. La majuscule est de rigueur seulement lorsqu’il s »agit d’un substantif et d’une personne. Ainsi : « Le Français que je suis, et le Suisse que je suis aussi, parle le français. Mes amis belges (et non « Belges ») de Liège font de même » ou encore cette citation prêtée au général de Gaulle : « Les Français sont des veaux » !

J’en profite aussi pour remettre d’actualité un article écrit ici il y a presque huit ans : Les pièges du français. Je n’ai pas à en changer une ligne

La maison du français à Villers-Cotterêts

Le président de la République a inauguré le 30 octobre dernier la Cité internationale de la langue française dans le château, entièrement rénové, de Villers-Cotterêts, qui fut l’une des résidences de François Ier, où le souverain édicta la fameuse Ordonnance d’août 1539 sur le fait de la justice et ses articles 110 et 111, jamais abrogés, qui obligent à écrire tous les actes de justice « en langage maternel français et non autrement » .

J’avais suivi cette inauguration à la télévision, le discours – beaucoup trop long comme d’habitude – d’Emmanuel Macron, et les reportages qui l’avaient précédée et suivie donnaient de cette nouvelle « Cité internationale – et non musée ! – de la langue française » une image des plus flatteuses. J’ai eu envie d’aller vérifier sur place…

Première impression perceptible dès le porche d’entrée et son portique de sécurité. Tout le personnel – jeune – a manifestement été bien formé à l’accueil, aimable et souriant, du public. On le souligne parce que ce n’est pas toujours la vertu la plus répandue dans des musées ou monuments plus célèbres…

On arrive dans une cour recouverte d’un étonnant velum.

Le français pour le plaisir

J’avoue avoir été un peu méfiant en pénétrant dans ce qu’on nous annonçait comme le contraire d’un musée, un parcours « ludique », une exploration en réalité augmentée de l’histoire du français et de ses mille manières de le parler à travers le monde. J’ai vite rendu les armes, d’abord en me prêtant moi-même à une suite de séquences interactives, remarquablement conçues, qui attiraient autant les plus jeunes visiteurs – heureux de voir le nombre de familles présentes ce dimanche matin – que les plus anciens, bénéficiant des techniques les plus récentes de projection, de diffusion du son et de l’image.

Tous les supports de la langue française, d’hier et d’aujourd’hui, sont mis en valeur – le cinéma, le théâtre, la chanson, l’opéra, le livre bien sûr – d’immenses rayonnages s’offrent à qui veut ouvrir, feuilleter un livre – .

Il faut saluer cette complète réussite non seulement du contenu et du parcours proposés au visiteur, mais aussi tous les à-côtés souvent négligés ou remis à plus tard : sur place on a trouvé un joli café-restaurant où rien ne manquait, l’accueil chaleureux et le service empressé, une petite carte de très bonne qualité, qui n’a pas oublié les enfants, pour des prix très modiques. Au printemps il y aura une jolie terrasse s’ouvrant sur un beau jardin en voie d’achèvement.

La restauration du logis royal

L’installation de la Cité internationale de la langue française dans cette ancienne demeure royale, qui avait servi de dépôt de mendicité sous Napoléon, puis jusque dans les années 2010 de maison de retraite en voie de grand délabrement, a été liée à la très remarquable restauration de l’unique château Renaissance de Picardie, le château de Villers-Cotterêts, que François Ier décide de faire édifier en 1528, en bordure de la forêt de Retz où il aime chasser.

L’ancienne chapelle du logis royal.

Vive la maison du français chez François !

Seul regret, l’autre grand homme du lieu n’est autre qu’Alexandre Dumas, dont la statue trône sur la place centrale de Villers-Cotterêts, il y a un Musée Dumas qui doit être intéressant. Mais il n’est apparemment pas encore venu à l’esprit de ses responsables (la municipalité ?) que ce serait intelligent de faire coïncider les jours et horaires d’ouverture avec ceux de la Cité internationale. Le dimanche c’est fermé !

Soirs de fête

Week-end chargé et heureux, placé sous le signe de la fête.

42nd Street

C’était le spectacle qui avait marqué la fin – triomphale – de l’ère Choplin en novembre 2016 au théâtre du Châtelet : la comédie musicale 42nd Street.

La même production est reprise pendant ces fêtes sur la même scène. Je l’ai revue jeudi dernier et j’en ai écrit tout le bien que j’en pense sur Forumopera : Plein la vue sur Broadway.

Un spectacle indispensable et irrésistible !

Sombre Starmania

On avait beaucoup parlé dans les médias de la reprise de Starmania, l »opéra-rock » de Michel Berger et Luc Plamondon, dans la nouvelle mise en scène de Thomas Jolly. On est donc retourné à la Seine Musicale là où, une semaine plus tôt, on avait assisté à un concert plutôt décevant (lire Du magique au banal), mais cette fois dans la « Grande Seine », voir ce Starmania 2022. En attendais-je trop ? Sans doute.

D’abord – signe que j’ai vieilli ! – je ne supporte plus l’outrance des décibels, comme si les publics modernes n’étaient. composés que de sourds, ensuite – et c’est ce qui m’a heurté, déçu, la violence, la noirceur extrêmes des premiers tableaux : dans la séquence « Quand on arrive en ville » on voit des hordes armées de Kalachnikov littéralement massacrer ceux qui se trouvent sur leur passage. Je me demande ce que les enfants présents dans la salle ont pu garder comme impression de ces images atroces. Et puis l’ordre des séquences a été chamboulé par rapport aux premières versions de Starmania, et à part le très émouvant Alex Montembault qui joue le rôle de Marie-Jeanne et chante « Ziggy » je n’ai pas vraiment accroché aux autres interprètes. Il ne faut jamais avoir trop de souvenirs (Fabienne Thibeault, Maurane…)

Encore jeunes à 40 ans

Dimanche c’était, dans la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris, le concert anniversaire des 40 ans de l’Orchestre français des jeunes. Je n’avais pas entendu cette formation, par définition changeante (puisque les membres en sont recrutés/renouvelés chaque année) depuis six ans et un concert mémorable (lire Les jeunes Français sont musiciens).

On était en terrain de connaissance question chef, puisque c’est le cher Michael Schønwandt qui a repris la direction musicale de l’OFJ l’an dernier. On s’attendait à entendre Adèle Charvet annoncée dans le Poème de l’amour et de la mer de Chausson, et ce fut finalement Marie-Laure Garnier qui la remplaça au pied levé… et avec panache !

Pour le reste, lire mon compte-rendu ici : Un fringant OFJ fête ses 40 ans à la Philharmonie de Paris (Bachtrack.com)

Petits et grands arrangements (II) : les Français

J’ai lancé, le 5 mars dernier, ce qui va ressembler à une série : Petits et grands arrangements, en commençant par les Anglais (et sans aucune ambition d’exhaustivité !).

En France aussi, les compositeurs « arrangeurs » sont légion, en particulier au XXème siècle. Ils sont plus ou moins célèbres.

Gaîté parisienne

Le plus connu d’entre eux, grâce à l’oeuvre qu’il a laissée (et qui a fait sa fortune !), est sans doute Manuel Rosenthal (1904-2003) avec sa Gaîté parisienne, flamboyant « arrangement » d’airs d’Offenbach. J’ai raconté dans quelles circonstances j’avais rencontré le chef d’orchestre/compositeur (Anniversaires : privé/public), en 2000. Parmi de multiples souvenirs qu’il évoquait sans se faire prier, il me raconta pourquoi et comment il avait accepté d’écrire en 1938 cette partition à l’intention des Ballets russes de Monte Carlo, lointain successeur des Ballets russes de Diaghilev qui s’étaient installés à Paris en 1909. C’est à un autre chef, Roger Désormière (1898-1963), qui avait été le dernier directeur musical des Ballets russes de 1925 à 1929, qu’on avait proposé cette « Offenbachiade« . Désormière avait refusé, Rosenthal avait accepté non sans hésitations.

Bien lui en prit, puisque c’est aujourd’hui un tube, dont les plus grands chefs se sont emparés, comme un emblème de « l’esprit français » ! Un peu caricatural tout ça, mais une partition brillante, l’un de ces « showpieces » qui fait rutiler les orchestres.

Toutes les versions ne retiennent pas l’intégralité de cette Gaîté parisienne.

Le compositeur a lui-même gravé deux versions de son oeuvre, deux fois d’ailleurs avec le même orchestre, celui qui avait créé l’oeuvre, Monte Carlo. Pour idiomatiques qu’elles soient, on hésite à les recommander comme références, la phalange monégasque montrant ses limites, et supportant difficilement la comparaison avec les formations berlinoises, londoniennes ou américaines.

La liste des chefs et des orchestres qui se sont frottés à cette Gaîté parisienne est assez impressionnante. Mais c’est peu dire que tous n’ont pas été également inspirés, confondant rutilance et vulgarité dans le traitement de l’orchestre, élégance et racolage dans l’énoncé des mélodies, légèreté et lourdeur dans la conduite rythmique. Parmi les beaux ratages il me faut malheureusement nommer des chefs que j’admire infiniment par ailleurs :

Inattendus dans cette liste, mais beaucoup plus convaincants que leurs illustres collègues américains, Felix Slatkin et Arthur Fiedler :

Autre inattendu dans la série, et récidiviste de surcroît, Georg Solti ! Les alanguissements, les lourdeurs, pas vraiment pour lui, ça court la poste et ça manque souvent d’un peu de charme, de tendresse. L’avantage de cette version gravée à Londres en 1958 c’est qu’elle reprend la totalité des numéros.

On découvre même Solti en concert sur cette vidéo :

Mais tout bien écouté, la palme revient incontestablement à Karajan, le chic, le charme, l’esprit, et la perfection de la réalisation orchestrale.

J’ai du mal à départager les versions berlinoise (1971) et londonienne (1958).

Si je devais n’en retenir qu’une, ce serait peut-être le Philharmonia…

Le beau Danube parisien

Où l’on retrouve Roger Désormière

Au printemps 1924, le comte Étienne de Beaumont organise les Soirées de Paris (titre-hommage à Apollinaire) au Théâtre de la Cigale à Montmartre, soirées artistiques et de ballet avec Léonide Massine en danseur-étoile et chorégraphe et Roger Désormière en directeur musical et chef d’orchestre. Les compositeurs sont Erik Satie, Darius Milhaud… Henri Sauguet réinterprète Olvier Métra… les costumes et les décors sont de Pablo Picasso et Georges Braque… Jean Cocteau livre sa propre vision de Roméo et Juliette. Pour cette musique, c’est Auric qui est pressenti, Poulenc devant donner sa propre version des valses de Vienne. Mais Diaghilev va mettre son veto à leur participation, c’est donc Désormière qui va composer ces deux dernières musiques, l’hommage à Vienne devenant le Beau Danube

Et cette œuvre de circonstance va être souvent reprise et grande source de royalties

Malgré ce succès, Désormière n’enregistrera jamais cette musique sur disque lui-même.

Selon le même principe que plus tard Rosenthal avec Offenbach, Désormière procède par collage de thèmes empruntés à des oeuvres plus ou moins connues de Johann Strauss. Mais quelque chose ne fonctionne pas, le charme n’opère pas. Ce Beau Danube sent l’exercice de style, rapidement troussé. D’ailleurs, à la différence de Gaîté parisienne, l’oeuvre n’a quasiment pas survécu à la Seconde Guerre mondiale. Elle a été peu enregistrée. Je reparlerai dans une autre billet d’arrangements beaucoup plus réussis d’oeuvres de Strauss.

Un seul disque réunit les deux oeuvres, Gaîté parisienne d’Offenbach/Rosenthal et Le Beau Danube de Strauss/Désormière. A la tête de l’orchestre de la radio de Berlin, un expert, le chef américain Paul Strauss (1922-2007), qui commença sa carrière en dirigeant nombre de ballets à … Monte Carlo, Londres, Berlin – j’ai eu la chance de connaître à la fin de sa vie celui qui fut de 1967 à 1977 le patron, redouté et admiré, de l’Orchestre philharmonique royal de Liège.

Le chapitre des « arrangeurs » français est très loin d’être clos. A moins qu’il faille plutôt ouvrir un nouveau chapitre « orchestrateurs », où on retrouvera d’illustres figures comme Ravel, Caplet, Büsser…

Journal du Portugal (I) : Lisbonne et Porto

Lorsque j’ai annoncé à mes proches que j’avais choisi le Portugal pour mes vacances d’été, j’ai vu nombre de sourires s’afficher : « Vous n’allez pas être seuls »…

Il faut croire, en effet, que les Français en particulier s’y sont précipités en masse. Qu’on parcoure les rues de Lisbonne ou Porto, voire les cités plus petites de l’Alentejo, on constate vite cette présence qui n’est pas toujours – euphémisme – ni la plus discrète, ni la plus raffinée. Pourquoi faut-il que mes compatriotes, dès qu’ils sont plus de trois ou quatre, se fassent remarquer en parlant fort et mal à propos, pensant que personne ne les comprend ?

Un souvenir me revient d’un lointain voyage (1973) en Roumanie. Je visitais, avec un cousin, un monument de la ville d’Alba Iulia, un seul petit bar s’y trouvait, avec bien peu de choses à proposer. Le lieu était désert. À une autre table étaient assis deux garçons qui parlaient fort, apostrophaient le serveur en le traitant de tous les noms… en français. Nous avons vite commandé et bu un breuvage approximatif, et en partant je n’ai pu m’empêcher d’aller « féliciter » les deux autres consommateurs de l’excellente image qu’ils venaient de donner  de notre pays. Ils détalèrent vite fait le rouge au front.

Lisbonne donc semble être à 75 % française durant l’été. Mais j’avais déjà observé le phénomène lors d’un précédent voyage à l’automne 2016 (Lisboa mer amor).

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Quelques bonnes surprises culinaires : le soir de notre arrivée (un dimanche soir) nous arrivons un peu par hasard dans un nouvel établissement… français, ouvert au mois de mai sur une ravissante placette de l’Alfama (Grenache),

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le lendemain nous trouverons dans le quartier du Barrio Alto une petite adresse à l’écart de « la » rue des restaurants de fado, Fado ao Carmo

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Par chance, le musée Calouste Gulbenkian (voir Collection Gulbenkian I et Gulbenkian modernen’attire pas les foules…

Porto nous réservera d’autres surprises, d’abord météorologiques, trois jours sous les nuages et la pluie… et un afflux proportionnel de touristes obligés de quitter bord de mer et plages. La ville est conforme à l’image qu’on en a, toute en escarpements et ruelles obscures côté vieux Porto, et sur l’autre rive du Douro, côté Vila Nova de Gaia, les chais et caves de porto, et pour les relier le fameux pont Eiffel (qui n’est pas de Gustave Eiffel lui-même mais de l’un de ses disciples).

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Au chapitre restauration, en dehors de l’inévitable porto consommé sur la place de la Ribeira, on a exploré des quartiers moins fréquentés. N’eût été un service invraisemblablement long, on eût conseillé l’Artesão Bistrô – mais une heure entre chaque plat a de quoi dissuader le plus patient des gastronomes. Explication : le chef est seul en cuisine, et veut tout faire et contrôler lui-même ! A l’écart du centre, la très bonne surprise est venue de 4 Royal, cuisine portugaise de très belle venue, impeccablement servie, jolie carte de vins du pays, le tout à prix très modérés. Plus « authentique » encore, dans un cadre qui semble n’avoir pas bougé depuis cinquante ans, le restaurant Rito qui affiche la couleur – Cozinha Regional – plats simples en quantités plus que généreuses, service exclusivement masculin.

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Et puis on quitte Porto et ses froideurs humides, pour gagner l’est du Portugal, et la capitale du nord de l’Alentejo, Evora. De magnifiques découvertes nous attendent…

Immersive

Les langues, la langue française en particulier, sont ma passion première. Je ne compte pas les chroniques que je lui ai consacrées sur ce blog (Le français chanté).

Il y a plusieurs mois déjà, j’avais dénoncé, sans aucun espoir d’être entendu, l’usage intempestif et fautif du suffixe -if : Inclusif intrusif.

Piqûre de rappel avec cette annonce répétitive (!) sur les chaînes de service public vantant Toutânkhamon, une exposition, une expérience « immersive »! 

J’avais manqué, pendant mes vacances au Sri Lanka, une autre annonce : Van Gogh, l’exposition immersive à l’Atelier des lumières.

On devine ce que cet adjectif est censé évoquer pour le visiteur : l’idée d’une véritable plongée, d’une immersion, au coeur d’une oeuvre, d’une exposition. C’est la nouvelle mode : on ne vient plus regarder des tableaux, des objets, on vient au cinéma !

Visitant le château d’Auvers-sur-Oise, il y a un an, avec mon petit-fils, j’avais constaté que le parcours pédagogique illustrant la présence des peintres à Auvers (le plus célèbre étant Van Goghqui y a fini ses jours en juillet 1890), avait été transformé en voyage « immersif » à grand renfort de projections murales. Le prix d’entrée avait été multiplié par deux… tout ça pour ne voir quasiment aucun tableau, aucun objet, mais une série de petits films et de projections. Comme à la télé !

J’avoue que je ne sais quoi penser de cette nouvelle formule « immersive » ! Démocratisation de l’accès à l’art ? L’art considéré comme un simple divertissement ? Quand et comment l’oeil, le regard, l’écoute même, peuvent-ils s’exercer surtout chez les plus jeunes ?

J’en connais plus d’un qui risque d’être… déceptif !

 

 

 

 

Amours de cinéma

Deux films ce week-end, l’un pour sacrifier à l’actualité, l’autre pour se remémorer un chef-d’oeuvre.

Pour parodier Woody Allen, tout le monde dit I love La La LandAlors on est allé voir, et comme souvent lorsque la promotion est univoque, insistante, on est sorti mitigé, ni enthousiaste, ni déçu.

Damien Chazelle est brillant, habile – la scène d’ouverture que toute la presse a louée est un petit chef-d’oeuvre à elle seule – mais le scénario est d’une platitude rare et l’histoire s’étire sans jamais captiver. Une histoire d’amour contrariée, deux destins d’Américains moyens, qui ne sont pas compensés par un montage virtuose, des cadrages esthétisants, et quelques allusions, mais vraiment allusives, à Minelli ou à Jacques Demy. Ajouterai-je que je trouve Ryan Gosling sans charme, quelconque, Emma Stone sympathique.sans plus.

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De retour chez moi, j’ai eu envie de revoir l’un des plus grands films soviétiques, Quand passent les cigognes (1957) de Mikhail KalatozovSi tous les films de propagande avaient été du niveau de celui-là, l’URSS aurait aisément dominé le cinéma mondial. Mais le réalisateur ne s’en laissa jamais conter (Révolutionset ce film fait craquer le cadre formel du héros soviétique et de l’amour que lui voue la magnifique Tatiana Samoilova

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La virtuosité, l’originalité des plans, des angles de vue, la beauté formelle des images, le jeu des acteurs, font de ce film un must. 

C’est l’un des grands compositeurs – encore trop méconnu – du XXème siècle qui en signe la musique : Mieczysław WeinbergOn y reviendra…

La La Land mention bien, Quand passent les cigognes mention chef-d’oeuvre !

Cadeaux

Je ne suis pas revenu les mains vides de mon week-end liégeois, les amis ayant souhaité anticiper un anniversaire qui n’a lieu que dans trois jours. Et comme ils me connaissent bien, ils ne sont pas trompés. Cela peut même donner quelques idées à ceux qui sont encore en panne de cadeaux à faire pour ces fêtes…

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J’avais déjà reçu des mêmes amis, et dédicacés par Pierre Lecrenier, les deux premiers tomes, inutile de dire que ce troisième est mieux venu encore. Pour ce que j’en ai déjà feuilleté, le trait est juste, les traits jamais excessifs, mais tellement inspirés de la réalité. Bravo !

Dans un genre plus direct, j’ai bien reconnu la patte d’un ami militant de toutes les causes qui nous tiennent à coeur dans le choix de ce qui est en train de devenir un bestseller

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Pour conjurer l’avenir…

L. avait repéré l’affection que j’ai pour les livres d’André Tubeuf, style et mémoire inimitables. Et qu’il me manquait certainement celui-ci. Bien vu !

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Autre album, intéressant et frustrant à la fois, parce que ce beau livre ne peut donner qu’un faible aperçu de plus de 50 ans de vie, de travail, de création au sein de la Maison de la radio (inaugurée en 1963). L’ami Gérard Courchelle a fait des choix qui n’auraient pas été les miens, mais c’est un travail remarquable, richement documenté, et sans aucun doute passionnant pour qui veut découvrir l’arrière du décor.

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Et puis demain j’évoquerai dans le détail l’une des plus belles publications discographiques de l’année, somptueux contenant et contenu. À la mesure de celui qu’elle honore pour son centenaire.

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Sviatoslav Richter ou l’exception faite homme. Et auprès de lui un immense chef d’orchestre, qui mériterait à son tour pareil hommage, Kirill Kondrachine. 

 

 

Les pièges du français

A1E+zevt7VLJe vérifiais l’autre jour que les ouvrages, dictionnaires, jeux sur le français, la langue française, l’usage du français, n’ont jamais été aussi nombreux à être proposés comme cadeaux pour les fêtes.

C’est le paradoxe de notre époque : plus on abîme notre langue au quotidien, plus on la révère comme objet de musée.

Faisant partie de ceux qui ont l’orthographe « naturelle » – j’avais toujours zéro faute aux dictées à l’école ! – et qui aiment profondément la langue française, je pense depuis longtemps que nos règles sont beaucoup trop complexes et inutiles, qu’il faudrait donc les simplifier précisément pour aider les millions de francophones à mieux la parler.

Les exemples sont légion :

  • le participe passé : on accorde quand le complément d’objet direct est placé avant le verbe, on n’accorde pas quand il est après. Règle inutile, non signifiante ! Qu’on m’explique la différence de sens (et donc la nécessité d’une orthographe différenciée) entre : Madame la boulangère, je vous ai acheté d’excellentes chouquettes l’autre jour / merci pour les excellentes chouquettes que je vous ai achetées l’autre jour !
  • même inutilité dans ce cas de figure : « elle s’est dit en elle-même qu’elle s’était trompée » 
  • espérer/souhaiter : on nous a expliqué dans les précis de grammaire de notre enfance qu’espérer gouverne l’indicatif, parce que l’espérance est une  certitude (c’est même l’un des fondements de la foi chrétienne), et que souhaiter gouverne le subjonctif, puisque le souhait exprime une forme d’incertitude subjective. Cela donne donc : J’espère que vous pourrez venir à mon anniversaire, mais je souhaite que vous puissiez y venir ! Résultat de cette règle idiote : tout le monde écrit maintenant : « en espérant que vous puissiez venir » (mais je n’ai pas encore lu ni entendu : j’espère que vous puissiez venir). Bref encore une complication pour rien !
  • après que doit logiquement être suivi de l’indicatif (puisqu’il s’agit de faits avérés), à l’inverse de avant que qui entraîne le subjonctif de l’incertitude. On devrait donc dire : Après que vous m’avez rendu visite, j’ai pris mes informations avant que j’aille à mon rendez-vous. Cette règle est depuis longtemps obsolète, on lit et on entend couramment « après que vous m’ayez rendu visite« .

On l’a compris, il faut simplifier, sans aucunement dénaturer notre belle langue.

En revanche, il n’y aucune raison de se soumettre à certaines modes, à des mots ou des expressions de pur jargon, qui non seulement n’améliorent pas la compréhension des notions qu’ils désignent, mais appauvrissent notre vocabulaire au lieu d’en exalter les richesses.

Trois exemples courants :

 » La France a un vrai problème avec le chômage de masse » devient, en langue techno-politique : « Le chômage, c’est un sujet« .  – Monsieur le Ministre, que pensez-vous de la baisse des prix du pétrole ?- C’est un sujet en effet…

 » Maintenant un reportage qui vous montre comment les attentats du 13 novembre ont impacté la vie des Français. » Je veux bien répondre éventuellement à une question sur l‘impact que ces événements ont eu sur mon quotidien, en quoi ils m’ont touché, atteint…

En réunion, on présente aux interlocuteurs un projet « à date« . Avec un petit effort, on comprend que c’est la dernière version, la plus actuelle, celle du jour, même si cela va de soi (à quoi bon se réunir pour parler d’un projet obsolète ou dépassé ?).

Bref ce n’est pas demain la veille qu’on réduira les chausse-trapes (eh oui, il ne faut pas écrire chausse-trappes !) de notre bien vivante langue française. En attendant, on peut profiter des fêtes de famille pour s’en amuser…

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