Le chaos ou la beauté (suite)

Je ne m’engage à aucun pronostic pour le second tour des législatives, sauf à rappeler une évidence : au premier tour on choisit, au second on élimine… ou on s’abstient. Je ne suis malheureusement pas du tout certain que les appels, les manifestations, les condamnations visant à « faire barrage » à l’extrême-droite n’aient pas l’effet inverse.

Naufrage ou survie ?

J’aurais dû lire et faire lire plus tôt un excellent essai, au titre inutilement racoleur, dont l’une des conclusions a été complètement démentie dimanche dernier :

Je n’en rajoute pas par rapport à mon précédent billet : Ce que je pense, dis ou écris, ne changera rien au chaos des esprits ni au choix des électeurs (relire éventuellement Tristes constats).

Je veux encore citer in extenso ce texte publié par l’écrivain, éditeur et critique Jean-Yves Masson sur sa page Facebook :

« On peut chercher à la dissolution décidée par le président de la République, et dont il porte seul la responsabilité, toutes les explications politiques, stratégiques, psychologiques ou même psychiatriques que l’on veut, je n’en vois en fait qu’une seule qui résume tout : la bêtise.

Je rêve d’un livre sur la bêtise dans l’histoire. C’est un facteur auquel personne ne pense jamais. La bêtise explique pourtant un très grand nombre de décisions dont les conséquences nuisibles étaient parfaitement prévisibles à un observateur, non pas omniscient ni génial, mais tout simplement sensé.

A certains moments, la bêtise éclate, se déchaîne, emporte tout sur son passage. Il faut l’appeler par son nom. Le latin stultitia ne distinguait pas la bêtise et la folie, on devrait s’en souvenir. Notre époque qui se vautre dans la vulgarité avec délices adore le mot « connerie », mais elle a doté ce mot d’une forme de complaisance qui en masque le côté nuisible. La bêtise n’est pas attendrissante. Elle est sans yeux et sans oreilles. Elle n’observe rien et si par hasard elle remarque quelque chose, elle fait tout pour n’en tirer aucune leçon. La bêtise réagit vite et presque mécaniquement à tout ce qui lui déplaît. Elle est par essence étourdie, bornée. Et le plus important, c’est que la bêtise en tant que potentialité humaine n’exclut pas du tout l’intelligence. Des gens bardés de diplômes ronflants ont parfaitement accès à la bêtise, elle les menace même d’autant plus aisément qu’ils s’imaginent en être protégés par leurs études, leur curriculum brillant.

J’ai vu se déchaîner la bêtise autour de moi de façon continue depuis plus de quarante ans, depuis que j’ai une conscience politique. Plusieurs fois, des choses que l’on croyait impossibles se sont produites, à commencer par la destruction de l’université (et du système scolaire) que j’ai pu observer de près. La lecture de la correspondance de Flaubert (et de toute son œuvre) a affiné ma sensibilité à ces phénomènes. J’ai essayé de me garder de cette part de bêtise que nous portons tous en nous et qui demande de la vigilance. Je n’ai bien sûr pas toujours réussi, mais j’espère que mes moments de bêtise (car je n’en suis pas plus exempt que n’importe qui) m’ont surtout nui à moi-même, et pas trop à autrui. La bêtise du président nuit à des millions de Français et plus encore à la France, qui est plus grande que nous tous. J’ai appris en tout cas que la plus grave forme de la bêtise consiste à ne pas savoir reconnaître ses erreurs. La bêtise se croit infaillible et pour persuader les autres commence toujours par l’autopersuasion.

Je pense très sincèrement que le 9 juin 2024 mérite d’entrer dans les grandes dates d’une histoire de la bêtise en France.

Vive le Boléro libre !

Il y a quand même quelques nouvelles réjouissantes, comme cette récente décision du Tribunal judiciaire de Nanterre qui confirme que Maurice Ravel est bien l’unique auteur du Boléro : Dans une décision d’une quarantaine de pages, les juges ont débouté les ayants droits de Maurice Ravel et d’Alexandre Benois, décorateur russe que ses héritiers souhaitaient voir reconnaître comme coauteur de l’oeuvre par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem).L’enjeu était de taille: que la Sacem, qui gère et collecte les droits d’auteur en France, reconnaisse M. Benois, décédé en 1960, comme coauteur et l’oeuvre aurait été protégée jusqu’au 1er mai 2039 (AFP).

Relevé ce matin dans Le Canard Enchaîné :

Lola, Casanova et le requiem de Fauré

Décidément, l’obituaire se remplit sans désemparer ces jours-ci. Aux articles récents de ce blog (La douce compagnie de la mort, Jodie dans les étoiles), il me faut ajouter celui-ci, à propos de stars du cinéma, que nous n’avons pas de raisons personnelles de pleurer, mais dont la disparition peut toucher ceux qui voient leur jeunesse s’enfuir avec elles.

Anouk Aimée = Lola

J’avoue que je n’aurais peut-être pas consacré un article à Anouk Aimée, morte le 18 juin dernier, non pas que je ne l’admire pas, que je n’aie pas été troublé par sa beauté, mais simplement parce que je n’ai rien à dire de plus que toutes les louanges qui lui ont été tressées. Pour tout dire, je connais mal sa filmographie, en dehors bien sûr des Lelouch.

Et puis avant-hier soir, je suis tombé par hasard sur ARTE sur la rediffusion du film de Jacques Demy, Lola, que je n’avais jamais vu, piètre cinéphile que je suis ! Je me suis laissé embarquer jusqu’au bout par ce petit bijou.

Je ne connaissais pas ce Demy là, cette manière si tendre, si empathique, de filmer des personnages qui semblent ignorer les noirceurs de la vie. Les tourments de l’âme, les amours impossibles, les réminiscences du passé ne semblent jamais départir ces derniers d’une sorte de résignation douce à leur sort. Anouk Aimée illumine, c’est peu de le dire, son rôle de danseuse de cabaret qui prend l’amour comme il vient. Les personnages masculins qui l’entourent n’ont rien de brutes épaisses. Tout le film est porté par une grâce qui fait un bien fou.

Eternel Casanova

Lorsque j’ai appris hier soir le décès de Donald Sutherland, une image a immédiatement surgi dans ma mémoire: celle du Casanova de Fellini

Pourquoi ce film en particulier, alors que Sutherland a marqué de son empreinte tant de rôles différents au cinéma comme à la télévision ? J’emprunte à un ami, lui cinéphile absolu, Michel Stockhem, sur Facebook ces quelques lignes :

« Les premiers obituaires paraissent, et déjà me font peur quant à la vraie mesure de la perte.

Oui, oui, il y a Hunger Games, mais dans les années 70, outre l’incontournable M.A.S.H., il y a des chefs-d’œuvre qui expliquent totalement le triomphe d’un jeune Canadien à Hollywood et à Londres, et non la valeur d’un beau grand vieillard classieux.

Jetez-vous sur « Klute », d’Alan J. Pakula (1971, avec Jane Fonda) et surtout sur « Don’t Look Now » (Ne vous retournez pas) de Nicholas Roeg (1973, avec Julie Christie – argh, la plus belle scène d’amour de toute l’histoire du cinéma), et vous comprendrez l’impact qu’a eu ce grand échalas sur le cinéma anglo-saxon.

Ses mémoires paraîtront en novembre. »

Je note que Michel Stockhem ne met dans sa liste – très provisoire – le film de Fellini. Mais je vais suivre ses conseils et revoir Klute et découvrir Don’t look now.

Le Requiem de Fauré

La dernière fois que j’ai entendu le Requiem de Fauré en concert, je crois bien que cela remonte à presque dix ans, lors de l’inauguration de la Philharmonie de Paris (lire Philharmonie), quelques jours après les attentats de janvier 2015. J’avais repéré le programme, plutôt original, que donnait hier soir l’Orchestre national de France à la Maison de la radio et de la musique : une création de Martin Matalon, le 2e concerto de Liszt et le requiem de Fauré. La pianiste Alice Sara Ott ayant déclaré forfait lors de la générale – on veut saluer ici le courage de cette jeune artiste qui affronte, comme d’autres avant elle, une terrible maladie – le concert a été raccourci d’autant, ce dont on ne s’est pas plaint.

Pour le concerto pour orchestre de Martin Matalon, il y avait dans le public quelques figures parisiennes de la musique contemporaine, l’ancien (Laurent Bayle) et l’actuel (Frank Madlener) directeurs de l’IRCAM, quelques artistes amis du compositeur. Comme je n’ai pas à faire de papier pour Bachtrack (c’est bien agréable parfois d’être un « auditeur libre » !), je n’en ferai pas plus ici, sauf à dire que l’oeuvre de Matalon est aussi accessible d’écoute que facile à oublier. Au moins il sait écrire pour grand orchestre et valoriser les solistes du National. Pour se faire une idée, rien de mieux que réécouter le concert diffusé hier en direct sur France Musique.

On conseillera de même pour le Requiem de Fauré.

Dans ma discothèque, les versions de ce requiem ne manquent pas. J’ai déjà évoqué ici celles d’Armin Jordan et de Michel Corboz. Mais jamais, je crois, deux versions, rarement citées, dont la première est celle avec laquelle j’ai découvert l’oeuvre au disque.

Daniel Barenboim et l’Orchestre de Paris

Je profite de cette allusion à l’Orchestre de Paris pour saluer un musicien que j’avais eu la chance de recruter à Liège, puis retrouvé à l’Orchestre national de France, aujourd’hui alto solo de l’Orchestre de Paris, Corentin Bordelot.

Colin Davis et la Staatskapelle de Dresde

Rien de ce que nous a légué Colin Davis (1927-2013) n’est négligeable. Quant à moi je n’en finis pas de redécouvrir et réécouter les disques du grand chef anglais, dont j’ai eu la chance d’applaudir le dernier concert à la tête du London Symphony quelques mois avant sa mort…

Il y a dix ans (I) : l’annonce

J’entreprends cette nouvelle série d’articles dix ans après une année – 2014 – qui a été un tournant dans ma vie professionnelle, et donc dans ma vie tout court. Pour y raconter des souvenirs personnels que le temps a tamisés, rétablir parfois certaines vérités, dire sans fard mon opinion sur les gens que j’ai côtoyés. Mais qu’on ne s’attende pas à un grand déballage, je n’ai aucun compte à régler, j’ai toujours l’admiration plus active que l’inimitié.

L’attente

Dans les premières semaines de 2014, j »avais été mis en contact avec un homme jeune, qui avait défrayé la chronique audiovisuelle en étant nommé, en 2010, président de l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) à 33 ans seulement, par Nicolas Sarkozy sur proposition du ministre de la Culture de l’époque, Frédéric Mitterrand. Mathieu Gallet était candidat, dans un secret qui a été très bien gardé, à la présidence de Radio France. Des amis communs avaient pensé que je pourrais l’aider à « porter » (je déteste vraiment ce terme mis à toutes les sauces) sa candidature sur ses aspects musicaux, le devenir des formations musicales de Radio France, etc. J’étais à vrai dire un peu surpris qu’on songe à moi, parti à Liège depuis bientôt quinze ans, même si j’avais, semble-t-il, laissé quelques bons souvenirs de mon passage à la direction de France Musique (lire L’aventure France Musique)

Le contact se fit d’abord par téléphone, puis nous convînmes d’un déjeuner le 5 mars à Paris. Tout le monde fut pris de court par la décision du Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA) prise le 27 février : Mathieu Gallet le choix du CSA. (Le Monde, 27 février 2014).

(Photo AFP BERTRAND LANGLOIS)

J’envoyai un message de félicitations au nouvel élu, qui me confirma le rendez-vous prévu. Au cours de ce déjeuner, le premier d’une série de rencontres qui allaient jalonner les semaines suivantes, j’explicitai ma vision des choses, et Mathieu Gallet me fit comprendre qu’il pourrait envisager de me nommer à la direction de la Musique de Radio France. A vrai dire, je n’y croyais pas trop – comme d’ailleurs je n’y avais pas cru lors de ma nomination à France Musique – parce que ce jeune président serait inévitablement sollicité de toutes parts par des candidats disposant de réseaux puissants, bien implantés dans les rouages politico-administratifs de la capitale. J’aurais quelques mois plus tard la confirmation du mépris que nourrissaient un des chefs de la place et sa clique (*) pour le provincial venu de Liège (quelle horreur !) que j’étais. Nous nous revîmes plusieurs fois dans le salon de thé d’un grand hôtel parisien, je le mis à l’aise en lui disant que je comprendrais qu’il choisisse finalement quelqu’un d’autre, mais Mathieu Gallet tint bon. Et le secret fut bien gardé. Le nouveau PDG prit ses fonctions le 12 mai 2014 dans la Maison ronde.

L’annonce

Il se trouve que le 14 mai, je devais annoncer à Liège, d’une part la nouvelle saison de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, d’autre part le renouvellement du contrat de Christian Arming comme directeur musical. Il était impossible que je ne parle pas de Radio France… J’avais prévenu le président de l’Orchestre, le jour même avant la conférence de presse, j’avais réuni les collaborateurs et les musiciens de l’orchestre pour leur dire… ce que j’allais annoncer.

Il fallait bien sûr que, à Paris, la communication du côté de Radio France soit concomitante. J’eus une petite idée de ce qui m’attendrait une fois en poste, en mesurant la complexité des circuits de décision et de validation pour la seule rédaction du communiqué de presse annonçant ma nomination. Je passe sur les allers-retours, les coups de téléphone qui furent nécessaires… Jusqu’à ce sorte « le » communiqué : Jean-Pierre Rousseau nommé à la direction de la Musique de Radio France

Le matin même ma boîte Messenger et ma page Facebook avaient été envahis de messages de félicitations, Mathieu Gallet ayant vendu la mèche en visitant les bureaux de la direction de la musique et de France Musique.

Et Liège ?

Comme les médias belges allaient le relater – Le directeur de l’OPRL part à Radio France – la surprise de mon départ de Liège fut totale et en partie source d’inquiétude. J’étais convenu avec mon nouvel employeur comme avec le conseil d’administration de l’Orchestre que j’assumerais mes responsabilités jusqu’à ce que mon successeur soit trouvé. Ce fut fait en novembre.

(*) J’ai pris le parti de ne jamais nommer ce personnage. Le devoir de réserve auquel je suis tenu m’interdit d’en dire plus à son sujet, et pourtant…

Des goûts et des couleurs (suite)

Je me suis brièvement connecté à Facebook – erreur peut-être ? – et ce que j’ai lu sur la disparition de Pollini (beaucoup moins sur celle de Péter Eötvös étonnamment !) me conforte amplement dans la discrétion que j’ai choisi d’observer (Crépuscules : Pollini, Eötvös). Tout de même je n’imaginais pas un tel déferlement d’insultes, sur les réseaux sociaux, sur ceux qui ont pu émettre telle ou telle réserve sur le pianiste disparu. Dans quel monde sommes-nous ?

Quand je lis, de même, les commentaires qui commencent à fleurir (l’image est mal choisie !) sur une parution que j’ai évoquée dans un billet précédent – l’intégrale de la musique pour piano de Fauré par Lucas Debargue – un jeune pianiste bien vivant lui, je me pose la même question.

J’ai relu pour l’occasion ce billet : Des goûts et des couleurs, écrit il y a six ans. Je n’en change pas une ligne, et je constate, pour ne pas m’en étonner, que Jean-Marc Luisada – cité dans ce billet – ne tarit pas d’éloges sur son jeune confrère, quitte à se faire lui aussi rembarrer par ses « amis » Facebook, alors qu’il est lui-même un interprète d’élection de Fauré. La bienveillance, ça fait tellement de bien !

Sur ce, je m’en retourne aux bruits de la nature et à mes lectures, pour quelques jours loin de France !

Doráti l’Américain (suite)

Les affaires reprennent… Même si j’ai toujours un peu la tête dans les hautes vallées de l’Himalaya (Les peupliers du Ladakh).

J’avais déjà poussé un coup de gueule au début de l’année à propos d’un coffret de CD rassemblant les enregistrements réalisés par Antal_Doráti à Detroit. Cette fois c’est à propos d’une réédition des enregistrements mono et stéréo du même chef à Minneapolis :

Le premier scandale est le prix de ces coffrets, certes « remastérisés » (alors que l’essentiel était déjà paru dans les trois coffrets Mercury), et plus encore les minutages ridicules… d’origine de ces galettes présentées dans leurs couvertures elles aussi d’origine.

Totalement incompréhensible, même si on a souvent ici dit notre admiration pour Cyrus Meher-Homji qui procède à ce travail d’exploration des riches fonds de catalogue de Deutsche Grammophon, Mercury, Philips et Decca.

Jean-Charles Hoffelé évoque, admiratif, le sorcier de Minneapolis sur son blog (artalinna.com). François Laurent, dans le Diapason de septembre, est beaucoup plus réservé. S’en est comme d’habitude suivie une discussion passionnée sur Facebook. Les uns et les autres ont fini par admettre que les réussites du chef américain d’origine hongroise se limitaient au répertoire d’Europe centrale – et encore doit-on faire abstraction de la sécheresse de l’acoustique de Minneapolis et de la pauvreté de timbres de cet orchestre !, et que tout le répertoire germanique et viennois manquait singulièrement de charme.

Comme cet arrangement de valses et polkas de Johann Strauss réalisé par Doráti lui-même, le ballet Graduation Ball, qui sonne sec comme un coup de trique :

Le nouveau coffret comprend quelques valses de Strauss qui n’avaient pas été rééditées. On aurait finalement pu s’en passer… comment peut-on rater à ce point l’un des chefs-d’oeuvre du roi de la valse, Roses du Sud ? Phrasés d’une banalité à pleurer, et l’impression que le chef n’aime pas du tout ce répertoire. Alors pourquoi l’enregistrer ?

La comparaison avec Karl Böhm (et Vienne certes!) est éloquente :

Ecoutons donc Doráti pour ce qu’il nous a donné de meilleur, essentiellement à Londres. Et bien sûr plus tard avec ses intégrales irremplacées des symphonies et des opéras de Haydn !

Et je ne saurais oublier tout ce que j’ai découvert grâce à Antal Doráti, comme cette rareté de Respighi

Le piano qu’on aime

Crise du disque ? crise du classique ? pas pour le piano semble-t-il.

Quelques pépites repérées dans les dernières sorties, des pianistes, des amis que j’admire depuis longtemps.

Benjamin et Chopin

Faut-il que je redise ici tout le bien que j’entends, pense et écris de Benjamin Grosvenor ? Le pianiste anglais, qui fête ses 30 ans le 8 juillet, revient à Montpellier les 28 et 29 juillet, dans le cadre du #FestivalRF22, jouer les 3ème et 4ème concertos de Beethoven (il est recommandé de réserver au plus vite : lefestival.eu) avec ses complices du Scottish Chamber Orchestra.

J’ai profité du week-end dernier pour écouter un disque remarqué évidemment dès sa sortie il y a un an, dont je remettais l’écoute à des moments plus favorables. Et, comme toujours, avec ce diable d’artiste, le choc. Ces deux concertos de Chopin qu’on croit connaître par coeur, sous les doigts de Rubinstein, Clara Haskil (pour le second), Martha Argerich, et tant d’autres illustres, je les ai redécouverts avec Benjamin Grosvenor.

Foin d’un romantisme de jeune fille phtisique, du piano puissant, charnel, éloquent, virtuose mais une liberté souveraine dans le choix des tempi, des phrasés, un nuancier sans limite, une jeunesse enivrante.

Et puis la découverte, pour moi, d’une jeune cheffe d’orchestre chinoise, Elim Chan, qui ne se contente pas du service minimum, loin de là, pour accompagner son génial soliste.

Cédric et Ravel

Gramophone en a fait son « disque du mois » de juin. Alain Lompech ne tarit pas d’éloges sur les réseaux sociaux. C’est le dernier disque de Cédric Tiberghien et de François-Xavier Roth (je n’oublie pas la présence de Stéphane Degout, j’y reviendrai plus loin) :

« Ecouté, réécouté avec une attention soutenue, chaque fois plus soutenue devrais-je dire, ce disque est une merveille à laquelle je ne fais qu’un reproche : le choix d’un grand patron Pleyel de 1892 en lieu et place du Erard qui s’imposait ici : c’était l’instrument de Ravel, celui dont son imaginaire sonore s’est nourri, et le grand Erard cordes parallèles 90 notes en cadre serrurerie ou le rarissime cordes parallèles avec cadre en fonte s’imposaient ici d’un point de vue historique et musical.
Ceci dit, le Pleyel joué par Cédric Tiberghien est une merveille et joué par lui une splendeur dont bénéficient les mélodies qu’il accompagne de façon magistrale, et je pèse mes mots, à Stéphane Degout qui chante d’une façon directe, sans apprêt, d’une façon qui vise juste en chaque mot, chaque accent…
Les deux concertos se hissent tout en haut de mon panthéon en raison de la façon si précise, si fulgurante parfois dont Thibergien les joue, en raison aussi de la sensibilité sans la moindre sollicitation dont il fait preuve: le deuxième mouvement du concerto en sol est à couper le souffle tant il sait le tenir en apesanteur, comme sa joie conquérante dans le finale et son allant si swinguant dans le premier mouvement. Le même pianiste réussit le Concerto de la main gauche au-delà de toute espérance, car il n’est pas si fréquent que le même pianiste réussisse les deux de façon également convaincante. Tiberghien joue dents serrées, taille dans le vif du clavier et chante sa cadence finale admirablement sur un piano qui tient le choc et rend les textures plus transparentes… François Xavier Roth et les Siècles sont vraiment exemplaires : la saveur des couleurs des instruments d’hier et le caractère précis, analytique et inspiré de la direction apportent vraiment beaucoup à ces deux oeuvres…
(Alain Lompech sur Facebook, 27 juin 2022).

L’une des merveilles de ce disque est la présence de plusieurs mélodies de Ravel, où l’on retrouve Stéphane Degout et Cédric Tiberghien.

J’en profite pour rappeler que Stéphane Degout est l’un des invités de choix du prochain Festival Radio France (lefestival.eu), d’abord parce qu’il donne le 25 juillet le cycle La Belle Maguelone de Brahms, quasiment sur les lieux mêmes de la légende (lire La légende de la belle Maguelone) mais aussi parce qu’il anime une Masterclass les 26,27 et 28 juillet.

Eric et Mozart

L’ami et compagnon de tant d’aventures Eric Le Sage se lance au disque dans Mozart.

Une surprise ? Pas pour ceux qui suivent le pianiste français depuis longtemps (souvenir personnel d’un concerto de Mozart avec Armin Jordan à Liège !) Celui qui a été unanimement reconnu, et souvent récompensé, pour ses Schumann, Poulenc en solo, ses Fauré et Brahms en musique de chambre, trouve pour ces deux concertos un partenaire de choix en la personne de François Leleux et de son orchestre suédois.

Je n’ai pas encore pu entendre tout le disque – le mouvement lent du 24ème sur Idagio – et ce matin une partie du 17ème concerto sur France Musique (à réécouter ici). J’aime l’allégresse, le mouvement allant, voire très allant, qu’adoptent Eric Le Sage et François Leleux. Et la grande et belle allure de ce Mozart franco-suédois.

Agatha, Yuja, Klaus et Maurice

On n’oublie pas l’Ukraine loin de là (Unis pour l’Ukraine), on a parfois honte de certains débats ou de certaines prises de position (lire à ce sujet l’excellent billet du jeune musicologue Tristan Labouret sur Facebook)

Mais on vient de passer deux soirées bienfaisantes, l’une au théâtre, l’autre à la Philharmonie de Paris. Récit.

L’inconnu d’Agatha C.

Cela fait un moment que j’avais repéré ce spectacle qui se donne depuis le 24 janvier dans un théâtre – une salle moderne du 11ème arrondissement – où je n’avais jamais mis les pieds, l’Artistic Athévains


Je suis depuis mon adolescence un lecteur et un fan d’Agatha Christie, on connaît ses « recettes » pour nouer des intrigues policières et dérouter ses lecteurs jusqu’à la fin. Ses pièces de théâtre sont moins fréquentes. Raison de plus pour assister à ce Visiteur inattendu.

Le « pitch » est simple, trop simple pour être honnête évidemment ! Un soir de brouillard, un homme survient dans une maison isolée, sa voiture ayant versé dans le fossé, il arrive sur une scène de crime, un homme tué par balles dans une chaise roulante et lui faisant face une femme tenant un revolver et expliquant qu’elle vient de tuer son mari. On se doute que, comme dans tous les romans et les pièces d’Agatha Christie, tous les personnages qui vont intervenir ont tous une raison d’être impliqués dans ce crime, on ne dira évidemment pas qui est le coupable !

Ce qui est admirable dans ce spectacle, c’est d’abord une mise en scène astucieuse, judicieuse de Frédérique Lazarini, c’est la densité de chacun des personnages, chacun des rôles, et l’excellence de tous les interprètes : Sarah BIASINI Pablo CHERREY-ITURRALDECédric COLAS Antoine COURTRAY Stéphane FIEVETEmmanuelle GALABRU Françoise PAVY Robert PLAGNOL.

Cela se joue encore jusqu’à fin avril !

Yuja Wang, Klaus Mäkelä et Maurice Duruflé

Je n’avais pas encore eu l’occasion de voir et d’entendre le nouveau directeur musical de l’Orchestre de Paris, le jeune Finlandais Klaus Mäkelä qui vient de fêter ses 26 ans ! Le programme de cette semaine était, de surcroît, d’une originalité rare dans les concerts parisiens : l’Ebony concerto de Stravinsky, le Premier concerto pour piano de Rachmaninov et le Requiem de Maurice Duruflé.

Philippe Berrod ouvre le bal à la clarinette et s’amuse bien avec ses excellents collègues dans ce faux concerto faussement jazz mais vraiment Stravinsky sous la houlette élancée et élégante du jeune chef.

Puis vient le moins joué des quatre concertos de Rachmaninov qui servit – les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître – d’indicatif à la mythique émission de Bernard Pivot Apostrophes (dans la version de Byron Janis).

Quel bonheur de voir entrer, moulée dans une robe jaune (l’Ukraine?), la pianiste chinoise Yuja Wang, une artiste qu’on tient pour véritablement exceptionnelle depuis qu’on l’a entendue notamment en 2014 à Zurich dans le 2ème concerto de Prokofiev, et un an plus tard avec Michael Tilson Thomas dans le 4ème concerto de Beethoven, c’était à la Philharmonie ! (Les surdouées).

Yuja Wang a cette sorte de charisme, de personnalité hors norme, qui emporte l’adhésion et la sympathie immédiates du public, elle manifeste une telle joie de jouer, se défiant de tous les obstacles techniques – son deuxième bis hier soir, les redoutables variations sur Carmen de Vladimir Horowitz, elle s’en amusait, elle s’en régalait, comme si aucune difficulté ne pouvait lui résister -, son contrôle du clavier est proprement sidérant.

Requiem pour la paix

En dehors du disque (Michel Plasson) je n’avais jamais entendu en concert le Requiem de Maurice Duruflé (1902-1986), le chef-d’oeuvre choral de celui qui fut jusqu’à la fin de sa vie l’organiste de Saint-Etienne-du-Mont à Paris. La filiation avec Fauré est évidente (comme le couplage des deux oeuvres au disque). Le requiem de Duruflé a été créé à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1947

Hier, au-delà de la confirmation que Klaus Mäkelä est un chef très inspiré, en osmose avec son orchestre, on a vécu l’un de ces moments forts dans la vie d’un mélomane, dans une vie d’homme tout simplement. La puissance, la beauté, la cohésion des forces musicales – magnifique choeur de l’orchestre de Paris -, la présence de deux solistes ukrainiens, Valentina Plujnikova et Yuri Samoilov, le très long silence recueilli à la fin du requiem, avant que n’éclate un tonnerre d’applaudissements dans le public de la Philharmonie, particulièrement adressés aux deux interprètes ukrainiens, et au-delà d’eux, à tout un peuple martyr.

Marché de printemps

J’ai quelques amis fous… de musique et surtout de disques, vinyles et CD. J’en ai d’autres qui ont numérisé toute leur discothèque. J’ai adopté, pour ma part, une position… centriste ! Tout est affaire de place et d’utilité.

J’ai donné l’essentiel de mes 33 tours, n’en conservant que ceux qui avaient une valeur affective ou un caractère de rareté et qui n’ont pas été reportés en CD. Quant aux CD, j’adopte la même attitude. Comme la mode est, depuis quelques années, chez les majors à la réédition en coffrets exhaustifs, en général bien documentés, je n’hésite pas à libérer les rayons de ma discothèque.

Passage culturel

Durant le « pont » de l’Ascension, je suis passé par Cholet, aimable chef-lieu d’arrondissement dont je ne connaissais que les… mouchoirs, où j’ai découvert, en plein centre ville, au rez-de-chaussée de l’ancien théâtre, une belle et grande surface culturelle, le Passage culturel

Et un rayon disques classiques qui en remontrerait à plus d’une FNAC…où j’ai trouvé, à prix cassé, quelques galettes qui m’avaient échappé.

Le disque d’Olivier Latry a un intérêt désormais historique, puisque c’est le dernier à avoir été enregistré sur les grandes orgues de Notre-Dame de Paris, avant l’incendie de la cathédrale le 15 avril 2019 !

Melomania

Les Parisiens, privés de leurs grandes « surfaces culturelles » pour cause de confinement, devraient être plus nombreux à fréquenter le seul disquaire spécialisé dans le classique dans la capitale, l’incontournable Melomania, situé au 38 boulevard Saint Germain, Paris 5ème.

On a toujours des chances d’y trouver le CD introuvable, des centaines de belles occasions, des imports japonais, des DVD jamais vus ailleurs.

Où l’on s’aperçoit que les chefs français ne sont pas les plus manchots pour diriger le répertoire classique viennois (mais Jean-Jacques Kantorow et Emmanuel Krivine ont en commun d’avoir été (EK) et d’être encore (JJK) des violonistes de premier rang… et d’avoir souvent enregistré ensemble !)

Martinon et Mackerrras

Les mêmes amis que je citais au début de ce billet lancent volontiers des discussions, parfois interminables, sur les mérites comparés de tel chef, telle version d’un chef-d’oeuvre, tel incunable. Je rentre rarement dans la mêlée, et je m’amuse le plus souvent de ces échanges parfois vifs, tranchés, définitifs, surtout lorsqu’ils proviennent de gens beaucoup trop jeunes pour avoir jamais entendu « en vrai » les chefs qu’ils révèrent ou détestent. Mais c’est la grande vertu du disque, et aujourd’hui de tous les documents disponibles en numérique, que d’abolir le temps et de nous rendre familiers, voire intimes, des interprètes que nous n’avons jamais connus.

Et c’est la grande vertu de ces débats – en général sur Facebook – que d’attirer l’attention – la mienne en tout cas – sur des versions qu’on a sinon oubliées, du moins un peu négligées.

Tom Deacon nous lançait récemment sur les grandes versions des symphonies d’Elgar, et chacun de citer les évidents Boult et Barbirolli. Jusqu’à ce que T.D. nous signale les introuvables versions de Charles Mackerras gravées pour Argo.

Des disques que je me rappelle très bien avoir eus dans ma discothèque… et qui en ont disparu, conséquence probable d’un déménagement.

Autre débat récent, à propos d’un Boléro de Ravel dirigé par Riccardo Chailly, diffusé ce dimanche sur Arte. Soporifique, sans élan, j’en passe et de meilleures ! Et plusieurs de citer comme une référence, l’exact contraire de Chailly, la version que Jean Martinon a gravée à Chicago en 1966, republiée dans un coffret RCA/Sony où tout est passionnant (détails à voir ici)

Parmi les pépites que contient ce coffret, j’ai envie de distinguer une flamboyante 2ème suite de Bacchus et Ariane de Roussel et une véritablement « inextinguible » 4ème symphonie de Nielsen. Orchestre phénoménal, et prises de son exceptionnelles.

Les raretés du confinement (I)

Lors du premier confinement au printemps dernier j’avais entrepris de publier chaque jour sur Facebook une symphonie de Haydn (il y en a… 107!) dans des versions aussi contrastées et originales que possible.

Depuis le reconfinement intervenu en France le 30 octobre dernier, j’ai entamé une nouvelle série d’enregistrements, tirés de ma discothèque personnelle, qui présentent un caractère de rareté, une oeuvre inhabituelle dans le répertoire d’un interprète, un musicien qui emprunte des chemins de traverse, un chef qui se hasarde là où on ne l’attend pas… Récapitulation d’une première décade de publications:

2 novembre

Aujourd’hui Claudio Abbado dirigeant le Concert de l’an 1991 des Wiener Philharmoniker: l’ouverture de l’opérette Waldmeister (1895) de Johann Strauss

3 novembre

#ElectionDay En ce jour d’élection présidentielle américaine, cet extrait d’une soirée donnée au Carnegie Hall de New York en 1988 pour le centenaire d’Irving Berlin. Marilyn Horne chante « God bless America« .

4 novembre

En attendant les résultats de l’élection américaine, ce témoignage inattendu d’hommage au drapeau américain de la part d’Antonin Dvorak, directeur du Conservatoire de New York de 1892 à 1895. Michael Tilson Thomas dirige le RSO Berlin

5 novembre

Un compositeur américain d’origine russe, Alexei Haieff` (1914-1994) qui m’était complètement inconnu avant que je le découvre dans le gros coffret RCA des rééditions de Charles Munch (1891-1968). La 2ème symphonie de Haieff a été créée le 11 avril 1958 par Munch et le Boston Symphony Orchestra

6 novembre

Pour rester dans la sphère américaine, cette étonnante pépite de la discographie du vénérable chef britannique Adrian Boult (1889-1983) qui, à 80 ans passés, enregistre un bouquet de marches, dont la célébrissime « Stars and Stripes forever » de John Philip Sousa (1854-1932) – lire America is beautiful

7 novembre

Le grand Fritz Reiner (1888-1963) délaisse son orchestre de Chicago pour enregistrer, en 1962, à Londres, avec le Royal Philharmonic Orchestra, une extraordinaire Quatrième symphonie de Brahms, celle que je place au sommet de ma discographie de l’oeuvre. Une version rare, superbement enregistrée par Kenneth Wilkinson au Walthamstow Town Hall, publiée par Chesky Records

8 novembre

Clin d’oeil au nouveau président élu, Joe Biden, à la nouvelle vice-présidente élue, Kamala Harris,la plus surprenante des versions de l’ouverture de « Candide » de Bernstein… ou quand le grand chef russe Evgueni Svetlanov (1928-2002) se déchaîne en public à la tête du London Symphony Orchestra au Festival d’Edimbourg le 28 août 1978.

9 novembre

Le 9 novembre 1989 le mur érigé en 1961 entre Berlin Ouest et Berlin Est cédait sous la ferveur populaire.Le 25 décembre, dans la superbe salle du Konzerthaus (à l’époque à Berlin-Est), Leonard Bernstein – qui allait mourir dix mois plus tard – dirigeait la Neuvième symphonie de Beethoven, dont le finale était rebaptisé « Ode an die Freiheit » (Ode à la liberté). Ce concert réunissait autour de l’orchestre de la Radio bavaroise des musiciens des orchestres de Paris, Dresde, Londres, New York et Leningrad (Kirov), les choeurs de la radio bavaroise, de la radio de Berlin-Est et le choeur d’enfants de Dresde, ainsi que quatre solistes June Anderson (USA), Sarah Walker (Grande-Bretagne), Klaus König (RDA) et Jan-Hendrik Rootering (Pays-Bas)

10 novembre

Dans le prolongement de l’élection présidentielle américaine, cette absolue rareté dans la discographie pourtant très abondante d’Antal Dorati, un disque intitulé « Be Glad then America! » et cette oeuvre de Robert Russell Bennett (1894-1981), une commande de l’orchestre National de Washington pour le bicentenaire de l’Indépendance en 1976 : « The fun and faith of William Billings, American ».William Billings (1746-1800) est considéré comme le père de la musique chorale américaine

11 novembre

Le chef suisse Ernest Ansermet est né le 11 novembre 1883 (et mort le 20 février 1969). Il a réalisé l’essentiel de ses enregistrements pour Decca avec l’ OSR – Orchestre de la Suisse Romande qu’il avait fondé en 1918. Ici il dirige, le 17 mars 1966 (à 83 ans), avec une énergie juvénile, un répertoire où il était moins attendu, la Troisième symphonie de Brahms à la tête de l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks

Voici ce que j’écrivais le 8 avril 2016 – On aime Brahms

Quant à la 3ème symphonie, depuis que François Hudry me l’avait fait découvrir, je mets au premier rang un chef qu’on n’associe pas spontanément à Brahms (et qui a pourtant réalisé une très belle intégrale – méconnue – chez Decca avec « son » Orchestre de la Suisse romande)Ernest Ansermet, avec l’orchestre de la Radio bavaroise, un « live » de 1966. Tout simplement exceptionnel !

La nostalgie des météores

Allez savoir pourquoi, cette semaine se termine dans la mélancolie…

Une visite à ma vieille mère à Nîmes, qui suivait un coup de téléphone où s’entendait toute la lucidité déprimée d’une tête parfaitement alerte dans un corps que les forces abandonnent lentement mais inexorablement ? L’évocation de mon passage dans le berceau familial (lire L’été 69), la vue de la maison abandonnée, mais aussi le rappel de cette amitié d’enfance – presque 90 ans ! – avec Hildegard, la fille de l’hôtel d’en face qui existe toujours ! Quelques heures, un thé, des tartes aux fraises, et une brève escapade en fauteuil roulant au Carrefour Market d’à côté, et tout sembla aller mieux… Jusqu’à la prochaine fois.

Retour aussi à Montpellier, équipe réduite mais à la tâche, heureuse de lire ce qu’Alain Lompech a écrit dans le Classica de septembre à propos des festivals, et de celui de Radio France en particulier :

« Le Festival Radio France Occitanie Montpellier qui avait été l’un des derniers à annuler le 24 avril, sera l’un des premiers à organiser un « festival autrement », plus léger, plus inventif avec la création d’une radio faite par le festival pour commencer puis l’organisation de concerts en plein air dès la sortie du confinement. Pas moins de treize concerts ont ainsi été captés, pas moins de 30 heures de direct ont été diffusées, et pas moins de 60 heures d »émissions originales ont été produites pour pas moins de 480 heures de diffusion ! Voilà qui nous a ramenés aux origines d’une manifestation dont les premières éditions, voici bientôt 40 ans, étaient d’une originalité qui tenait en une formule – faire jouer les tubes du répertoire par les jeunes et les oeuvres oubliées par des grands noms – et doublaient les concerts par des journées entières d’émissions en direct sur l’antenne de France Musique. Heureux temps où l’argent et les moyens techniques coulaient à flots ! Mais la crise nous démontre que, sans grands moyens, un grand festival décentralisé dans la métropole occitane peut inventer de nouvelles méthodes de travail, reprendre une programmation de zéro… Tope là ! » Merci Alain !

Et puis, comme s’il fallait alimenter cette mélancolie, la réécoute, la redécouverte même de deux musiciens, de ceux qu’on porte dans son coeur plus encore que dans sa mémoire, destins brisés, météores qui continuent de briller longtemps après que ces poètes ont disparu : Youri Egorov (1954-1988) et Rafael Orozco (1946-1996)

Sur l’un et l’autre j’ai déjà écrit, tenté d’établir une discographie (Eternels présents, Un grand d’Espagne)

Dans le dernier numéro de BBC Music Magazine, un article rappelle qui était ce pianiste russe, passé à l’Ouest en 1976, mort du SIDA à Amsterdam à 34 ans. Et les enregistrements miraculeux qu’il a laissés pour EMI et dans les archives des radios hollandaises.

Ce Carnaval de Schumann, un remède à la mélancolie ?

Pour ce qui est de Rafael Orozco, la situation discographique n’a guère évolué depuis mon article d’août 2015 !

La bonne surprise – signalée par Alain Lompech (!) et quelques autres mordus sur Facebook – c’est la réédition digitale d’un disque Brahms réalisé pour EMI en 1970, avec la 3ème sonate et quelques intermezzi. Lompech compare le jeune Orozco à Nelson Freire ou Bruno Leonardo Gelber dans la même oeuvre. C’est exactement ça !

Magnifique prise de son (que les sites de téléchargement comme Qobuz ou Idagio restituent parfaitement)