Sibelius m’était conté à Laon

Après une longue interruption (lire Retour à Laon) j’aime, depuis quelques années, reprendre régulièrement le chemin du chef-lieu du département de l’Aisne.

C’est toujours impressionnant, venant par la route, de voir au loin se dresser les deux tours de la Cathédrale de Laon, la ville ancienne étant construite sur un promontoire qui domine la plaine picarde.

J’ai raconté l’excellent concert auquel j’ai assisté mardi soir. Lire Bachtrack : Les paysages pastoraux de l’Orchestre de Picardie.

L’occasion pour moi de découvrir un autre monument de Laon, l’église Saint-Martin, située à l’entrée de la ville haute, à peine moins imposante que la cathédrale.

J’étais en bonne compagnie pour ce concert d’une originalité bienvenue (c’est la signature depuis toujours du festival de Laon et de son directeur artistique Jean-Michel Verneiges). Hasard (?) du placement, j’avais à ma droite le directeur régional des affaires culturelles des Hauts-de-France, mélomane averti qui se rappelait parfaitement notre conversation d’il y a deux ans (!), et à ma gauche le compositeur Karol Beffa, dont l’Orchestre de Picardie donnait ce soir-là une première mondiale. Je ne l’avais pas revu, pas plus que le soliste de la soirée, Bruno Philippe, depuis six ans et les Victoires de la Musique classique à Evian.

Sibelius à Laon

Dans mon papier pour Bachtrack, je parle bien sûr du Divertimento de Rautavaara (1928-2016) qui date de 1953, et j’ajoutais « quatre ans avant la mort de Sibelius ». Sibelius est bien mort, en effet, le 20 septembre 1957, il y a donc 67 ans ! Il est heureusement bien loin le temps où l’oeuvre du compositeur finlandais était encore, en France, largement terra incognita. Mais si les symphonies, le concerto pour violon, sont devenus fréquents au concert, la suite de Pelleas et Melisande que dirigeait Emilia Hoving à Laon reste peu jouée, peu connue, alors que rien ne justifie cet ostracisme.

J’ai découvert l’oeuvre par la gravure qu’en avait faite en 1981 Herbert von Karajan, grand sibélien devant l’Eternel :

A Liège, j’eus le bonheur de pouvoir la programmer en 2007 sous la direction formidable d’Hannu Lintu (lire le compte-rendu de l’époque Musiques nordiques à l’OPL)

Au disque il y a encore peu de versions de ce Pelleas nordique.

Thomas Beecham, bien sûr et le Royal Philharmonie

Serge Baudo avec la Philharmonie Tchèque avait eu l’heureuse idée d’enregistrer les quatre pièces musicales inspirées par le drame de Maeterlinck

Après le père, le fils, Paavo Järvi, a publié un disque passionnant qu’on aurait pu sous-titrer : Sibelius et le symbolisme

Hauts et bas

Indifférence

L’écrivain Christian Bobin est mort, et je ne sais qu’en penser. Si ses livres ont fait du bien, ils auront rempli leur office. Comme ceux de Paolo Coelho… Et puis j’ai lu sur Facebook ce portrait qu’en fait Augustin Trapenard, le ci-devant animateur de Boomerang sur France Inter, aujourd’hui aux manettes de La Grande Librairie sur France 5 : « Je me souviens de ses éclats de rire qui faisaient trembler le studio tellement ils étaient forts. Ce rire si contagieux, si communicatif, qui semblait surgir de nulle part et qui prenait tout le monde de court, jusqu’à ma réalisatrice de l’autre côté de la vitre du studio. Je me souviens que dans ce rire, il y avait de la bonté, de la générosité, mais aussi une bonne dose d’autodérision. Il s’amusait surtout de lui : d’une repartie, d’un bon mot ou de son incapacité à répondre dans le temps imparti. Ce rire était si sonore qu’il rendait plus intenses, étrangement, les moments d’émotion. Il y en avait eu à foison. Quand sa voix s’était brisée en parlant de ces tableaux qui nous regardent autant qu’on les observe. Quand elle s’était mise à trembler en évoquant la ville de son enfance qu’il n’a jamais vraiment quittée et qui a changée plus vite que lui. Quand elle avait carrément trébuché en commentant une variation de Bach interprétée par Glenn Gould. Je me souviens qu’il disait que notre mission sur terre était peut-être de devenir des anges. J’avais trouvé ça d’autant plus beau qu’on avait commencé et terminé en parlant de résistance.« 

Je vais peut-être réessayer Bobin.

Dérives

J’avais, il y a un an ou deux, écrit ici même un article, que j’ai finalement supprimé, parce qu’il avait été surabondamment relayé par des gens qui ne l’avaient pas lu, et que j’étais alors « en responsabilité ». J’y défendais plutôt deux frères savoyards, Renaud et Gautier Capuçon, que j’ai connus et invités l’un et l’autre à leurs débuts. Aujourd’hui, ils ne jouent plus ensemble, ils font carrière chacun de leur côté, mais en usant et abusant de toutes les armes du marketing, quitte à dévier de l’idéal artistique qu’ils ont toujours brandi comme étendard.

Gautier sort un nouveau CD – à grand renfort de passages télé et d’articles de complaisance (une page entière dans Le Monde : Violoncelliste populaire), enfonçant toujours les mêmes portes ouvertes : lui rend la musique accessible au plus grand nombre. Blabla habituel. On se demande si, avec les titres de ses « albums » – Emotions, Sensations, bientôt Vertiges ?, il ne se place pas dans la filiation d’un André Rieu plutôt que d’un Rostropovitch ?

Renaud, quant à lui, semble saisi du syndrome de Karajan, qu’on appelait dans les années 60 le Generalmusikdirektor de l’Europe, tant il cumulait de fonctions et d’honneurs (Vienne, Berlin, la Scala, Salzbourg). Musicien quasi-officiel – il est de toutes les cérémonies, hommages, réceptions à l’Elysée – créateur/animateur du festival de Pâques d’Aix-en-Provence, professeur à Lausanne et depuis peu chef de l’Orchestre de chambre de Lausanne, il s’occupe aussi du festival de Gstaad, et annonce maintenant s’occuper des Rencontres Musicales d’Evian. Le violoniste français, dans ce langage bienséant et formaté qui fait son charme, déclare à Sylvie Bonier, dans le journal Le Temps : «Plus j’en fais, moins je suis stressé, déclare le violoniste entrepreneur. C’est le grand paradoxe de ma vie. Je suis de plus en plus zen au fil des nouvelles aventures. La scène et l’organisation figurent dans mon ADN depuis toujours. Cela me donne un plaisir fou et je pense avoir acquis une certaine expérience, en plus de 25 ans de pratique. Pourquoi, alors, me priver d’élargir encore les partages avec les immenses musiciens qui jalonnent ma vie professionnelle et amicale, les jeunes qui vont faire la leur, dans ce métier exigeant, et le public qui les suit tous?»

Sauf que non, cher Renaud, on ne la fait pas à ceux qui ont connu les Rencontres d’Evian à leurs débuts, puis sous la houlette de Rostropovitch. Les découvertes, l’audace étaient de tous les programmes. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler ceux des concerts auxquels j’ai assisté dans les années 80 et 90. Quand je vois ce qui est proposé l’été prochain et qui est présenté comme une « mutation », j’hallucine : Mozart et Beethoven pour les soirées les plus audacieuses ! Le Philharmonique de Berlin annoncé avec ce pauvre Zubin Mehta, 87 ans, qui ne tient plus debout, certes avec le soutien d’une mécène d’autant plus généreuse qu’elle dépense l’héritage de son mari mort l’an dernier. Et toujours les mêmes invités… Les petits jeunes ont droit aux concerts de 11h du matin.

S’ił fallait en rajouter, que penser d’un artiste qui, depuis le début de sa carrière, a été soutenu, supporté – dans tous les sens du terme – par Warner et son patron Alain Lanceron, et qui, en pleine « promo » d’un nouveau CD des Quatre saisons de Vivaldi, passe avec armes et bagages chez Deutsche Grammophon, sans même un mot à son mentor ?

Il ne faut pas oublier de lire le papier très argumenté d’Alain Lompech dans le numéro de décembre de CLASSICA

L’avenir du côté d’Alexandre

On oublie vite ces combines pas très glorieuses, quand on écoute, comme ce fut le cas jeudi soir à la Philharmonie de Paris, des musiciens à qui la – récente – célébrité n’a pas encore fait perdre le sens des réalités : le pianiste Alexandre Kantorow, le violoncelliste Aurélien Pascal – entendu trois fois dans trois formations différentes lors du Festival Radio France 2021 – et la violoniste Liya Petrova. Aujourd’hui musicienne reconnue et confirmée, la jeune Bulgare avait participé à l’un des derniers projets discographiques que j’avais conduits à Liège ; l’intégrale des oeuvres concertantes pour violon et violoncelle de Saint-Saëns

C’était dans le triple concerto de Beethoven, avec l’Orchestre de Paris, dirigé par Stanislav Kochanovsky. Et c’était magnifique !

Disques fantômes

Ceux qui me suivent savent que je reste attaché au disque « physique », même si je suis abonné à un site – très bien fait – de téléchargement essentiellement classique. Je rationalise ma discothèque en me séparant de CD isolés – sauf lorsqu’ils présentent un intérêt documentaire particulier – au profit de coffrets récapitulatifs (cf. La quarantaine rugissante, Réévaluation).

Mais on observe depuis quelques mois un phénomène très particulier : des coffrets annoncés… qui ne paraissent jamais.

Jessye et soeur Anne

Ainsi on avait repéré, et commandé, il y a plusieurs mois, ce coffret très attendu, l’intégrale des récitals « studio » de Jessye Norman, disparue le 30 septembre 2019.

Tel la Soeur Anne de Barbe-Bleue de Charles Perrault, on n’a jamais rien vu venir. la Fnac annonce fièrement une livraison sous quelques jours… tandis que d’autres sites plus sérieux (?) évoquent une parution le 31 décembre… 2022 ! Chiche ! mais on doute franchement que le produit même ait été fabriqué ou soit même en cours de fabrication…

Ansermet ou l’Arlésienne

En novembre 2018, à l’occasion du centenaire de la fondation de l’Orchestre de la Suisse romande, j’annonçais une monumentale édition Decca du considérable legs discographique d’Ernest Ansermet. Prévue pour commémorer les cinquante ans de la mort du fondateur de l’orchestre, disparu en février 1969. Depuis lors, plus de nouvelles.

Entre temps Scribendum (voir Krips le Viennois) semble avoir comblé la « défaillance » de Decca, en rééditant les enregistrements libres de droits (avant 1963)

Mais, tout espoir n’étant pas perdu, j’ai trouvé sur un site allemand – jpc.de – l’annonce d’un coffret Ernest Ansermet : The Stereo years (Decca Edition) avec une date précise de parution : 18 février 2022.

A côté de ces coffrets fantômes, on peut s’interroger sur la pertinence de certaines rééditions, destinées paraît-il au marché japonais. Il y a quelques mois, une intégrale vraiment intégrale du vénérable Jean-François Paillard (1928-2013) dont on ne peut pas nier le rôle dans la redécouverte de certains répertoires baroques, mais dont on a peine à mesurer l’intérêt discographique.

Le coffret en question est déjà devenu « collector »…

Tout aussi inutile un coffret aperçu l’autre jour dans une Fnac, l’intégrale des enregistrements du flûtiste Jean-Pierre Rampal (1922-2000) pour Sony, autrement dit les dernières années de sa carrière.

Oui Rampal a été une légende, et son premier éditeur Erato n’a pas manqué de lui rendre hommage, en rééditant abondamment des enregistrements remarquables et remarqués.

Mais Rampal, comme aujourd’hui James Galway, 82 ans, n’aurait peut-être pas dû user et abuser de sa notoriété. J’ai des souvenirs pas très brillants de Rampal (avec Stern et Rostropovitch) au festival d’Evian, dans les années 80. Il donnait encore le change, mais la gloire était déjà bien fanée.

Italie 2020 (VIII): Les bains de mer, Sibelius, Andersen, l’énigme Elgar, Dalida et Sandor Vegh

Enfant je n’ai que très peu de souvenirs de plages, de bains de mer. Mes grands-parents paternels habitaient pourtant à moins d’une trentaine de kilomètres de La Rochelle et des belles plages de sable de Vendée. Je me rappelle en tout et pour tout … deux moments à la plage. Quelques minutes de trempette à Châtellaillon – j’étais seul avec mes grands-parents qui n’avaient jamais du se mettre en maillot de bain de leur vie ! Une autre fois une petite journée à Saint-Jean-de-Monts avec ma famille, c’est le seul souvenir qui me reste de mon père en slip de bain ! La mer, la plage, ce n’était pas leur truc.

Je me suis bien rattrapé depuis, mais en fuyant les plages bondées, les bords de mer qui ressemblent au métro aux heures de pointe. Je me suis toujours interrogé sur le plaisir que peuvent éprouver des gens qui toute l’année sont entassés dans les transports, dans leurs propres habitations – et ils n’y peuvent rien – et qui, l’été venu, reproduisent les mêmes situations. Lors d’un tour en bateau pour apercevoir les Cinque Terre, j’ai pu, une petite heure, goûter (!!) aux joies d’une plage bondée et payante… Jamais plus !

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IMG_2785Mais mes souvenirs de bords de mer n’ont aucun intérêt.

A dire vrai, je ne m’attendais pas, découvrant la Ligurie et sa côte, à y trouver trace de plusieurs musiciens et écrivains connus. Je ne parle pas de Gênes et de Paganini auxquels je consacrerai un voire deux prochains articles.

Sestri Levante

À une quarantaine de kilomètres à l’est de Gênes, Sestri Levante a un indéniable cachet… et offre plusieurs tables exceptionnelles (on recommande en particulier le Portobello !). 

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IMG_2860(au menu du Portobello !)

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Mais le nom du plus célèbre auteur de contes danois, Hans-Christian Andersen (1805-1875) est étonnamment présent dans cette jolie cité : une rue, un festival – déplacé cette année de juin à septembre – un prix. 

Je ne sais si l’idée de La petite sirène est venue à Andersen au cours d’un séjour à Sestri Levante, je sais en revanche que ce conte a donné lieu à l’une des plus belles oeuvres de Zemlinsky, Die Seejungfraudont l’interprétation par Emmanuel Krivine et l’Orchestre National de France, lors du Festival radio France 2019, reste comme l’un de mes plus grands souvenirs.

 

Rapallo ou le soleil de Sibelius

Le nom même de Rapallo ne me disait pas grand chose, sauf peut-être les deux traités qui y furent signés, en 1920 et 1922 – c’est fou comme les politiques qui font l’Histoire, signent la paix ou le partage du monde, aiment à se retrouver dans de luxueuses stations balnéaires (Yalta, Evian, Rapallo...). Il faut bien quelques aises aux héros fatigués.

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IMG_2872 La ville de Rapallo est sans charme particulier, les grands hôtels et palaces entourés de jardins multicolores sont situés sur les commune voisines de San Michele di Pagana et Santa Maria Lighure.

Ce n’est dans aucun de ces palaces que Sibelius a passé le printemps 1901, mais selon les informations fournies par Stéphane Dado, sur les hauteurs de la ville, dans la Villa Molfinooù il pouvait composer tranquillement, tandis que sa famille logeait sur le front de mer à la Pension suisse.

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Comme Andersen à Sestri Levante, Sibelius a donné son nom à une avenue de Rapallo et à un festival, dont la sixième édition est annoncée cet automne (http://sibeliusone.com).

C’est ici que le compositeur finlandais commence sa Deuxième symphonie, la plus jouée et la plus célèbre de ses sept symphonies. 

Santtu-Matias Rouvalidirigeant la 1ère symphonie de Sibelius au Festival Radio France 2019encore un souvenir impérissable !

Alassio et Nimrod/Elgar

J’ai été beaucoup moins surpris de retrouver la trace d’Edward Elgar (1857-1934) à l’ouest de Gênes cette fois, à Alassio ,ravissante station balnéaire, apparemment très à la mode au début du XXème siècle. Puisque l’une de ses « ouvertures », en réalité un poème symphonique, s’intitule In the South (Alassio)Riccardo Muti l’a souvent dirigée en concert.

https://www.youtube.com/watch?v=7Ud9nHBGCoo

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C’est au cours de l’hiver 1903/1904 qu’Elgar séjourne à Alassio. Dans l’une des nombreuses lettres qu’il adresse à son ami August Johannes Jaeger – qu’il surnomme affectueusement Nimroddu titre qu’il a donné à la fameuse neuvième variation des Enigma Variations– il écrit, à Noël 1903 : « …This place is jolly – real Italian and no nursemaids calling out ‘Now, Master Johnny!’  like that anglicised Bordighera!…Our cook is an angel…We have such meals! Such Wine! Gosh!… » Plus tard il écrira : “Then in a flash, it all came to me – the conflict of the armies on that very spot long ago, where I now stood – the contrast of the ruin and the shepherd – and then, all of a sudden, I came back to reality. In that time I had composed the overture – the rest was merely writing it down.”

IMG_3105C’est la vue qu’Elgar avait sur Alassio lorsqu’il résida à la Villa della Pergola.

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San Remo, Dalida et un suicide

San Remo pour moi c’était d’abord les centaines de fleurs qui ornent, chaque Premier janvier, la grande salle dorée du Musikverein de Vienne. En une petite matinée, on peut découvrir une accueillante ville de bord de mer, malheureusement polluée par un trafic automobile ininterrompu. La vieille ville a gardé son charme.

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IMG_3127Le cinéma Ariston où se tient depuis 1977 le Festival de San Remo

Mais San Remo, c’est, pour ses nombreux fans, un épisode tragique de la vie et de la carrière de Dalida, qui a pour cadre précisément le Festival de chanson de San Remo. En 1967, une jeune espoir du cinéma et de la chanson, Luigi Tenco et Dalidaprésentent, à tour de rôle, la chanson Ciao amore ciao.

https://www.youtube.com/watch?v=CpABSplgh20

La chanson n’est pas retenue par le jury du festival, ni Dalida, ni Luigi Tenco ne sont primés. Luigi Tenco se suicide le 27 janvier 1967. Un mois plus tard, au Prince de Galles à Paris, la chanteuse fera une tentative (lire Dalida et Luigi, ils se sont tant aimés)

Il y a même un livre – que je n’ai pas lu – qui revient sur cet épisode tragique – le suicide de Tenco – sur lequel plane encore une ombre de mystère.

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Cervo ou le refuge de Sandor Vegh

Entre Albenca et San Remo, le ravissant village perché de Cervo  domine la Méditerranée du haut de sa splendide basilique Saint-Jean-Baptiste

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Sous la place de l’église, on emprunte la rue… Sandor Veghet on découvre, à l’occasion, que le grand violoniste, quartettiste et chef d’orchestre, né en 1912 à Kolozsvar (Hongrie) aujourd’hui Cluj-Napoca en Roumanie, mort à Salzbourg en 1997, s’était pris d’affection pour ce village médiéval et avait décidé, en 1964, d’y fonder un festival de musique de chambre qui existe toujours et qui se déroule en plein air devant l’église Saint-Jean-Baptiste.

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https://www.youtube.com/watch?v=FA9R87i45f0

L’archet fougueux

Il a quitté le micro, mais heureusement ni la musique ni la vie, comme auraient pu le laisser penser les tombereaux d’hommages qui ont fleuri sur les réseaux sociaux à l’annonce de sa « retraite » ! Frédéric Lodéon animait son dernier Carrefour de Lodéon ce dimanche sur France Musique : Humeurs beethovéniennes

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Je ne vais pas, à mon tour, succomber aux formules convenues de l’hommage anthume, mais plutôt évoquer l’admiration que j’ai pour le formidable passeur de savoir… et le grand musicien que la carrière radiophonique a masqué.

L’homme de radio

Tous ceux qui ont suivi l’aventure de Frédéric sur France Inter d’abord, et plus récemment sur France Musique, savent son incomparable talent de conteur, de raconteur des petites et des grandes histoires de la musique et des musiciens, sa capacité de toujours valoriser l’autre, celui qu’il recevait à son micro, celui dont il accompagnait les premiers pas dans la carrière – un disque, un concert à signaler – Et comme il appartenait à cette espèce, de plus en plus rare, de ces « animateurs » qui savent de quoi ils parlent (heureusement que Frédéric Lodéon était là pour présenter Les Victoires de la Musique classique… jusqu’à 2018), chacune de ses interventions à la radio ou à la télévision fourmillait d’anecdotes éminemment cultivées.

img_4507(à Evian, le 24 février 2018, les dernières Victoires de la Musique classique présentées par Frédéric Lodéon)

Mais je peux témoigner, pour avoir participé à quelques-unes des émissions de Frédéric, que l’apparente facilité, parfois le sentiment d’improvisation qui passaient à l’antenne reposaient, en réalité, sur une préparation extrêmement minutieuse, une organisation très serrée des séquences de son émission. Tout était écrit… à la main ! Chapeau l’artiste !

L’archet fougueux

Avant d’être l’homme de médias admiré, aujourd’hui regretté, Frédéric Lodéon a été un fameux musicien, un violoncelliste de haute volée – Premier prix à 17 ans du Conservatoire de Paris, seul Français à avoir remporté, ex-aequo avec Lluis Claret,  le premier Concours Rostropovitch en 1977. La plupart des disques qu’il a gravés en soliste pour Erato sont devenus difficilement disponibles. Warner serait bien inspiré de les rassembler dans un coffret, tout comme les magnifiques moments de musique de chambre partagés avec ses compères et amis.

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C’est dans les souvenirs du pianiste Jean-Philippe Collard, récemment paru, que j’ai trouvé ces lignes qui éclairent la personnalité musicale de Frédéric Lodéon et les ressorts   d’une amitié au service de la musique.

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« Quand, de la manière la plus naturelle qui soit, la rencontre avec Frédéric Lodéon et Augustin Dumay s’est produite, il allait de soi que nous avions tous les trois le même objectif, le même désir d’en découdre musicalement parlant. Les chemins de solistes que nous avions empruntés jusqu’alors ne suffisaient plus à satisfaire nos appétits »

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« J’ai bien vite trouvé ma place centrale dans cet équipage impatient. Entre un violon royal  et un archet fougueux j’agissais comme une force d’équilibre…. La force qui nous unissait n’était pas seulement celle de jeunes cavaliers qui sortaient pour aller faire prendre l’air à un trio de Schubert, c’était l’alliage de trois compagnons avides de musique. »

« Bonjour les stars ! C’est ainsi que Maurice Fleuret, alors directeur de la musique au Ministère de la Culture, nous accueillit Frédéric Lodéon, Augustin Dumay et moi, au petit matin d’un rendez-vous que nous avions obtenu de haute lutte, pour défendre un projet qui nous tenait à coeur…. Abrités par de généreux châtelains dans leur domaine de Lascours, dans le sud de la France, nous avions conçu l’idée de stages d’été pour une dizaine de jeunes sélectionnés par nos soins, afin de leur offrir ce qui nous avait cruellement manqué dans nos parcours d’étudiants….. L’orchestre de chambre de Pologne, Emmanuel Krivine et Charles Dutoit avaient accepté de partager l’aventure… Le soir nous nous exprimions lors de concerts donnés dans la cour carrée du château, générations confondues, dans le silence de ces belles nuits d’été »

Echo de ces concerts, ce précieux témoignage filmé : le trio Dumay-Collard-Lodéon et Charles Dutoit dirigeant l’Orchestre de chambre de Pologne

« Méprisé par le représentant de l’Etat, ce bel élan fit long feu et consuma notre enthousiasme et notre audace » (Jean-Philippe Collard, Chemins de musique)

Audace, enthousiasme, fougue, générosité, voilà qui dessine un portrait fidèle de l’ami Frédéric Lodéon, qui n’est pas près de déserter le monde de la musique, et qu’on espère retrouver très vite pour de nouvelles aventures !

Crépuscule

Chacun, dans notre panthéon personnel, nous avons nos écrivains, nos artistes, nos compositeurs, ceux que nous aimons, chérissons, parce qu’ils nous sont indispensables.

Et puis il y a ceux que nous admirons, respectons, parce que ce sont des personnalités, des créateurs, des interprètes, qui comptent.

Maurizio Pollini appartient, pour moi, à cette seconde catégorie. Je ne vais pas me donner le ridicule de nier que c’est un grand pianiste, j’ai, dans ma discothèque, l’intégrale de ses enregistrements pour Deutsche Grammophon, dont beaucoup en leur temps ont été récompensés des plus hautes distinctions. Et jamais pourtant, ce musicien n’a parlé à ma sensibilité, à ce que j’entends et attends dans les oeuvres qu’il interprète.

 

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Jusqu’à hier, je n’avais jamais assisté à un concert ou un récital du pianiste italien. Voyant qu’il était programmé à la Philharmonie de Paris, je me suis avisé que je n’aurais peut-être plus beaucoup d’occasions de l’entendre « en vrai », et peut-être, grâce à la magie du concert, de changer d’avis, d’être surpris, accroché par cet artiste au soir de sa vie.

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J’étais très bien placé, au parterre de la grande salle Pierre Boulez – comble – de la Philharmonie, à quelques mètres du piano et du pianiste.

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Ce n’est bien sûr pas sans émotion que j’ai vu entrer, à petits pas rapides, un homme qui paraît plus que son âge (77 ans) – en comparaison, Peter Rösel à Gaveau, avait l’air d’un jeune homme avec ses 74 ans.

Pollini avait choisi un programme qu’il a donné (et donnera sans doute encore) dans toute l’Europe : les trois dernières sonates de Beethoven. Un programme court mais dense. En bis deux Bagatelles de l’opus 126.

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Au moment d’écrire, avec le plus d’honnêteté possible, ce que j’ai entendu et ressenti, je tombe sur ce papier de l’amie Sylvie Bonier dans le quotidien suisse Le Temps : Pollini, grande âme au clavier fragilisé. 

C’était en mars dernier après un récital au Victoria Hall, avec exactement le même programme, bis compris.

« Pour tous les mélomanes, musiciens ou pianistes des trois dernières générations, Maurizio Pollini restera une icône. Sa rigueur stylistique, sa perfection méticuleuse de jeu, sa virtuosité droite et implacable, son art de l’architecture musicale ainsi que sa hauteur de vue artistique ont placé très haut la barre pianistique pendant des décennies.

A l’issue de ce concert exigeant, un ami cher me soufflait: «J’ai une telle gratitude pour tout ce qu’il nous a donné que je prends congé de lui sur ce sentiment.» Il ne peut mieux exprimer les choses. Car c’est bien de révérence qu’il s’agissait là. Aux deux sens du terme. Celui d’un profond respect teinté d’admiration. Et aussi d’une forme d’au revoir à un interprète d’exception, dont le concert avait des airs crépusculaires.`

Maurizio Pollini est une grande âme et un artiste intransigeant, dont on sent toute la volonté de traduire avec force des idées musicales essentielles. Mais la mémoire s’est absentée dès les premières notes, et les doigts maîtrisaient mal les écueils des ultimes Sonates de Beethoven, apogée de son expression pianistique en solitaire. Beaucoup de pédale et un survol digital prudent n’ont pas empêché une sensation de flottement général, à part peut-être dans la structure de la phénoménale 32e, qui a semblé tenir solidement le pianiste entre ses portées (Le Temps, 5 mars 2019)

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Hier soir, la mémoire n’était pas en cause. Mais quelle hâte à se jeter dans les oeuvres, comme pour conjurer le risque de la défaillance ! Je ne sais pas ce qu’auront entendu les auditeurs placés dans les hauteurs de la salle, en dehors d’une grisaille uniforme, noyée dans la pédale.

J’ai plusieurs fois entendu, dans ma vie de mélomane (et d’organisateur) des musiciens âgés, voire très âgés, pour n’évoquer que les pianistes, des personnages comme Mieczyslaw Horszowskiquasi centenaire, à Evian, ou bien sûr Menahem Pressler (à Montpellier, au lendemain de l’épouvantable attentat de Nice en 2016)

CC680DF/SdCard//DCIM/103LEICA/L1031114.JPGCe qu’ils avaient perdu en technique, ils le restituaient en inspiration, en rayonnement, atteignant à l’essentiel.

Je n’ai malheureusement entendu hier qu’un homme à son crépuscule.

 

 

La petite histoire (V) : les politiques au micro

Je l’avais promis dans cet article L’aventure France Musique : fortes têtes : Je raconterai une autre fois quelques rendez-vous savoureux, étonnants ou émouvants, que nous eûmes, François Serrette et moi, avec des personnalités que nous souhaitions inviter dans « Domaine privé », notamment une belle brochette d’hommes politiques…

« Domaine privé » était une émission quotidienne de France Musique, voulue par Claude Samuel, qui souhaitait y inviter des personnalités à livrer leurs souvenirs et leurs dilections musicales.

861502_4662915090120_1586218311_n(De gauche à droite, Gérard Courchelle, grand mélomane, alors présentateur vedette du journal de 8h sur France Inter, Claude Samuel, Janine Reiss, François Serrette, le comédien Pierre Vaneck, Michel Larigaudrie, le réalisateur de l’émission, l’écrivain et académicien Frédéric Vitoux, Peter Diamand, alors conseiller artistique de l’Orchestre de Paris et JPR)

J’avais suggéré, avant une élection importante (présidentielle de 1995?), qu’on consacre une semaine de ce « Domaine privé » à des hommes politiques mélomanes. Idée retenue, mais pas évidente à réaliser : il nous fallait des personnalités connues, aux goûts musicaux avérés, mais pas directement impliquées dans la vie politique ni a fortiori dans l’élection à venir, et reflétant l’éventail des sensibilités politiques de l’époque.

Pour ce qui était alors le RPR, le mouvement d’inspiration gaulliste fondé par Jacques Chirac en 1976, le choix n’était pas large. On ne pouvait pas inviter le ministre de la Culture de l’époque, Jacques Toubon. Olivier Morel-Maroger, qui travaillait auprès de Claude Samuel (et qui sera directeur de France Musique de 2011 à 2014), donna le nom d’un député de Paris dont il était proche et qui portait un patronyme qui ne pouvait laisser personne indifférent, Jean de Gaulle

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Pour la mouvance écologiste, mêmes interrogations. Je ne sais plus qui nous suggéra finalement de rencontrer Brice Lalonde, ce que nous fîmes François Serrette et moi. L’ancien ministre de Michel Rocard fut d’abord surpris de notre démarche, et accepta avec enthousiasme de se plier à l’exercice, il raconterait les musiques qui avaient bercé son enfance et son adolescence.

Les trois autres invités s’imposèrent comme des évidences.

Pour le Parti Communiste, la figure de Jack Ralite, longtemps maire d’aubervilliers, éphémère ministre de la Santé de Mitterrand – il n’aura jamais été ministre de la Culture – était incontournable. Je n’ai pas le souvenir d’une programmation musicale marquante, mais Ralite était intarissable et eut d’ailleurs du mal à respecter les contraintes horaires de l’émission.

Pour le Parti Socialiste, notre choix ne surprit que ceux qui ne fréquentaient pas les salles de concert parisiennes (assurément très nombreux !). Même du temps qu’il était ministre, Pierre Joxe était un auditeur/spectateur assidu. Il était devenu premier président de la Cour des Comptes en 1993. François Serrette et moi nous rendîmes donc rue Cambon après avoir sollicité un entretien avec l’ancien ministre de François Mitterrand. Erreur de secrétariat ? Après une longue attente, nous vîmes arriver dans le sombre couloir orné de tapisseries d’Aubusson où nous patientions, Pierre Joxe accompagné d’un personnage qui se présenta comme le premier rapporteur de la Cour. Manifestement, l’un et l’autre attendaient d’autres visiteurs que nous. Je dus insister auprès d’un premier président bien peu aimable pour qu’il écoute au moins l’objet de notre visite. Et soudain l’austère visage s’éclaira : « D’accord je ferai votre émission, mais je veux carte blanche, je ferai moi-même le programme, le découpage » 

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Ce qui fut promis fut tenu, Pierre Joxe arriva le jour dit, parfaitement préparé, refusant qu’on le dérange dans les minutes précédant le direct (même Jean Maheu, le PDG descendu tout exprès au studio, en fut pour ses frais).

Pour l’UDFle nom de l’ancien Premier ministre de Giscard, Raymond Barre tombait sous le sens. Retiré de la vie politique nationale depuis son échec à l’élection présidentielle de 1988, Barre soignait son image d’économiste réputé et de politique rigoureux (l’actualité récente a sévèrement écorné cette image : La fortune secrète de Raymond Barre). Serrette et moi avions obtenu, non sans mal, un rendez-vous avec lui, à ses bureaux du boulevard Saint-Germain (« mais pas plus de vingt minutes, l’agenda du Premier ministre est très chargé » !. 

Ambiance club anglais, fauteuils profonds, Raymond Barre nous accueillit courtoisement mais, encore une fois mal informé du propos de notre visite, nous dissuada d’emblée : « Je ne donne plus d’interview, je n’ai rien à dire » ! Mais comme avec Pierre Joxe, le changement de ton fut immédiat lorsque nous commençâmes à évoquer Mozart, Aix, Salzbourg, les festivals que l’ancien premier ministre aimait fréquenter. Je lui rappelai l’inauguration, quelques années auparavant, de la Grange aux Lacs à EvianEt lui d’évoquer ses compositeurs, ses opéras, ses disques préférés, avec une vraie pertinence et une vraie connaissance de mélomane averti. A deux reprises, une secrétaire vint l’interrompre (« Vous êtes attendu à l’Assemblée Nationale », « Vous allez être en retard« ) et s’entendit répondre : Les députés attendront, ce n’est pas tous les jours que j’ai l’occasion de parler musique en excellente compagnie ! Laissez moi tranquille !

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La présence de Raymond Barre dans les studios de France Musique fit sensation. Ce fut sans doute, des cinq émissions « politiques », la plus suivie et commentée positivement. A la différence de Pierre Joxe, l’ancien premier ministre parut très soucieux de l’avis et du conseil des collaborateurs de la chaîne, du réalisateur de l’émission en particulier. Il sembla savourer le moment, cette parenthèse musicale et radiophonique, jusqu’à nous avouer que, s’il avait été plus jeune, il aurait peut-être envisagé une nouvelle carrière… sur France Musique !

 

La grand-mère du piano

Avalanche de bonnes nouvelles discographiques ce week-end.

Un coffret attendu, espéré, cinquante ans après la disparition prématurée du chef allemand Joseph Keilberth (1908-1968) : Lire Joseph Keilberth, 50 ans après

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Mais j’avoue que le plaisir de retrouver ces enregistrements jusqu’alors mal diffusés du chef allemand n’était rien en regard de celui que j’ai éprouvé avec le cadeau que nous fait Scribendum.

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37 CD c’est une somme, la somme qu’on attendait pour rendre à la grand-mère du piano russe, Tatiana Petrovna Nikolaieva (1924-1993), l’hommage qui lui est dû, vingt-cinq ans après sa mort.

J’ai eu le privilège de siéger au sein du jury du Concours de Genèveà deux reprises, en 1988 et 1990, comme représentant de la Radio suisse romande. Deux crus très différents, en 1990 Nelson Goerner, 1er prix à l’unanimité, haut la main, au sein d’une compétition très riche en talents. En 1988, pas de premier prix, mais un jury où je vais côtoyer la pianiste russe, allure et tenue de бабушка (babouchka)Petite, replette, chignon de cheveux gris. Adorable, mais intraitable lorsqu’il s’agissait de défendre les intérêts des candidats russes. Il était évident pour tout le jury qu’aucun candidat ne pouvait prétendre au premier prix. Mais les deux jurés russes (outre Tatiana Nikolaieva, il y avait un professeur du Conservatoire de Moscou, Viktor Merjanov, look d’apparatchik grisâtre, taciturne) ne pouvaient revenir bredouilles au pays. Le jury finit, bien contre mon gré – mais mon avis pesait bien peu face à ces contraintes diplomatiques – par décerner un deuxième prix à une bien pâle candidate, dont plus personne n’a jamais entendu parler par la suite.

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Au gré des pauses, je l’entreprends, en russe (pour une fois que j’ai l’occasion de pratiquer une langue apprise pendant mes études !), elle me dit qu’elle n’a jamais joué à Genève, qu’elle aimerait bien que… J’en parle aussitôt à Armin Jordan, le patron de l’OSR. Tatiana Nikoliaeva fera ses débuts (!) à Genève au printemps 1990 dans deux concertos de Bach. Puis je l’entendrai à nouveau au festival d’Evian dans le concerto en ré mineur BWV 1052 : plus jamais entendu aussi fabuleuse interprétation…

J’ai ensuite collectionné à peu près tout ce que je pouvais trouver de Tatiana Nikolaieva, d’abord ses Bach (Quand j’ai eu mon Bach), ses sonates de Beethoven, et deux disques de concertos de Bach et Mozart…puis les préludes de Chostakovitch, et ses Tchaikovski.

Tout cela nous est restitué dans de très bonnes conditions, si je me fie aux premiers CD écoutés.

Détails du coffret ici : Tatiana Nikolaieva, les indispensables.

Victoires jubilaires

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Alors que j’avais émis quelques réserves l’an dernier (lire Quelles victoires ?) je dois saluer la réussite des 25èmes Victoires de la musique classique qui ont eu lieu hier soir dans le cadre magique de la Grange au Lac d’Evian.

Sans doute parce que tant de souvenirs m’attachent à ce lieu, à l’inauguration duquel j’avais assisté. J’ai déjà évoqué ici l’âme et l’instigateur de cette Grange au Lac (lire Anniversaires 90 + 175 :

« Evian d’abord où le grand patron d’industrie Antoine Riboud s’était entiché de Slava, dont il avait fait, en 1987, le président et l’âme des Rencontres Musicales d’Evian (fondées en 1976 par Serge Zehnacker) et à qui il avait offert une salle de concert hors norme dans le parc de l’hôtel Royal, la Grange aux Lacs.

Beaucoup de souvenirs pas seulement musicaux de ces retrouvailles annuelles, auxquelles j’assistais en voisin. J’y reviendrai, tant il y en eut d’émouvants, d’agaçants ou de cocasses. L’un me revient à propos de Pierre Bouteiller : celui-ci n’était jamais le dernier à courir les cocktails d’après-concert, surtout lorsqu’ils avaient lieu au Royal. A l’heure où la plupart des convives rassasiés partaient se coucher, Pierre se mettait au piano près du bar et jouait des standards de jazz…

Autre souvenir lié à l’inauguration devant un parterre très people de la Grange aux Lacs. La soirée avait été particulièrement pluvieuse, les abords immédiats de la salle n’étaient pas achevés, et c’est sur des chemins de terre détrempés que les invités devaient rejoindre le dîner au Royal en contrebas. Sortant par hasard de la salle à côté de Raymond Barre, j’entendis l’ancien Premier ministre s’exclamer : « Ce n’est pas la Grange aux lacs ce soir, c’est la grange aux flaques » !

La soirée d’hier était aussi mieux rythmée, plus courte (relativement, puisque terminée à 23h30). Leila Kaddour-Boudadi a de loin surclassé ses consoeurs stars de la télé qui s’étaient naguère essayées avec nettement moins de bonheur à l’exercice délicat de la présentation de cette soirée et bien entendu Frédéric Lodéon nous a encore servi des anecdotes dont il a le secret, après avoir avoué que ce serait la « der des der » et qu’il était temps pour lui de transmettre le flambeau après 17 ans de présentation des Victoires de la musique classique.

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Sur le nombre de récompenses, la sélection des « nommés », les votes de la profession, les critiques n’ont jamais manqué et n’épargneront pas ces 25èmes Victoires. Je constate simplement que le tableau d’honneur de cette soirée était à nouveau très impressionnant, qu’aucun des nommés, a fortiori aucun des récipiendaires de cette année n’était indigne d’y figurer, bien au contraire. Le plus surprenant – qui atteste d’ailleurs de l’incroyable foisonnement de talents français dans cette discipline – est peut-être que les prix de la Révélation du soliste instrumental et du meilleur Soliste instrumental soient allés à deux violoncellistes, quasiment du même âge, les excellents Bruno Philippe et Victor Julien-Laferrière.

IMG_4503(Bruno Philippe en pleine discussion avec le pianiste Jérôme Ducros)

IMG_4512Que Sabine Devieilhe ait raflé deux Victoires n’aura étonné personne !

On est moins convaincu par l’utilité d’un vote pour le « meilleur compositeur » de l’année, comme si on pouvait juger de l’oeuvre et du travail d’un compositeur dans ce genre de compétition, mais on est heureux qu’après Thierry Escaich l’an passé, ce soit Karol Beffa qui ait été honoré hier soir.

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Et puis il faudrait remercier Paul Meyer, Nelson Goerner, Anna Vinnistakaia, Lucas Debargue, et tous les autres, des moments rares de musique qu’ils nous offerts, exercice particulièrement périlleux dans ce genre de soirée télévisée. On me pardonnera d’avoir à mon tour succombé – après plus de 2 millions de personnes qui l’ont vu sur les réseaux sociaux – à la voix, au talent, au charme du contre-ténor polonaos Jakub Józef Orlinski

Toute la soirée est à revoir/réentendre sur francemusique.fr25èmes Victoires de la musique classique (mais contrairement à ce qu’indique le site de France Musique, ce n’est pas l’Orchestre national mais celui de l’Opéra de Lyon qui officiait hier soir)

28276254_1477216289072764_142791242358761763_n(Nelson Goerner après un Clair de lune de Debussy gorgé de poésie)

IMG_4511(Paul Meyer jouant un extrait du concerto de Thierry Escaich).

Enfin nul n’oubliera la prestation survoltée de Barbara Hannigan, chef et soliste d’un arrangement de Girl crazy de Gershwin

Tous les détails du palmarès de ces 25èmes Victoires ici : Le palmarès des 25èmes Victoires de la musique classique

 

Anniversaires : 90 + 175

Certains artistes deviennent des emblèmes de leur vivant, des icônes après leur mort. Callas c’est LA cantatrice, Menuhin c’est LE violoniste, et Mstislav Rostropovitch c’est LE violoncelliste ! Tout est prétexte à les célébrer et les recélébrer, multiples rééditions en prime.

Hier France Musique consacrait toute sa journée au « violoncelliste du siècle », né le 27 mars 1927 et disparu le 27 avril 2007. Deutsche Grammophon et Warner proposent deux imposants coffrets (rien d’inédit) : cf. L’aristocrate et le moujik

51AMDe6GCDL81z1lKxGIIL._SL1400_Deux souvenirs personnels de Rostro.

Evian d’abord où le grand patron d’industrie Antoine Riboud s’était entiché de Slava, dont il avait fait, en 1987, le président et l’âme des Rencontres Musicales d’Evian (fondées en 1976 par Serge Zehnacker) et à qui il avait offert une salle de concert hors norme dans le parc de l’hôtel Royal, la Grange aux Lacs.

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Beaucoup de souvenirs pas seulement musicaux de ces retrouvailles annuelles, auxquelles j’assistais en voisin. J’y reviendrai, tant il y en eut d’émouvants, d’agaçants ou de cocasses. L’un me revient à propos de Pierre Bouteiller : celui-ci n’était jamais le dernier à courir les cocktails d’après-concert, surtout lorsqu’ils avaient lieu au RoyalA l’heure où la plupart des convives rassasiés partaient se coucher, Pierre se mettait au piano près du bar et jouait des standards de jazz…

Autre souvenir lié à l’inauguration devant un parterre très people de la Grange aux Lacs. La soirée avait été particulièrement pluvieuse, les abords immédiats de la salle n’étaient pas achevés, et c’est sur des chemins de terre détrempés que les invités devaient rejoindre le dîner au Royal en contrebas. Sortant par hasard de la salle à côté de Raymond Barre, j’entendis l’ancien Premier ministre s’exclamer : « Ce n’est pas la Grange aux lacs ce soir, c’est la grange aux flaques » !

Pour les 70 ans de Mstislav Rostropovitch, ce fut une fête comme Paris en a peu connues à la fin du siècle dernier, un concert hors norme au Théâtre des Champs-Elysées le jeudi 27 mars 1997. Le compte-rendu du New York Times est éloquent. France Musique diffusant la soirée en direct (non sans d’âpres négociations préalables !), j’avais obtenu une petite place au parterre du théâtre (je me rappelle avoir été assis à côté du chroniqueur des têtes couronnées qui n’était pas encore la star des médias qu’il est devenu Stéphane Bern ! il avait fort à faire ce soir-là avec le prince de Galles, la reine Sophie d’Espagne et quelques autres célébrités du Gotha). Tout était too much, à la mesure et à la démesure du héros de la soirée. On n’avait pas encore de smartphone/appareil photo… sinon j’aurais sûrement conservé des instantanés magiques comme cette conversation surprise dans un recoin du théâtre entre Maia Plissetskaia et Van Cliburn  Le pianiste américain nous gratifia d’un Widmung à pleurer…

Ce 28 mars est un autre anniversaire : le premier concert de l’Orchestre philharmonique de Vienne, il y a 175 ans, en 1842, sous la direction du compositeur Otto NicolaiFaut-il en rajouter sur l’admiration qu’on porte depuis toujours à une phalange qui a jalousement préservé son identité sonore ? Lire L’orchestre en gloire.

Deutsche Grammophon annonce un coffret anniversaire, qui risque de décevoir l’amateur de raretés mais qui comblera ceux qui veulent un aperçu fidèle d’une histoire prestigieuse.

91feMDszKcL._SL1500_91q9zdVz0ZL._SL1500_Détails à venir sur bestofclassic