Diète estivale

Comme me le disait le rédacteur en chef de Bachtrack (édition française) au début de l’été : « Les vacances ça fait du bien aussi ». Donc je fais une sorte de diète de festivals cette année. Avant Montpellier jusqu’en 2022, je faisais un tour à Avignon, Aix-en-Provence, Orange, et après Montpellier j’étais comme vidé de toute envie de spectacle ou de concert. C’est ainsi que j’ai délaissé depuis longtemps La Roque d’Anthéron ou Salon-de-Provence, où j’ai pourtant de merveilleux souvenirs

Ici même j’ai rendu compte des deux seuls concerts auxquels j’ai assisté en juillet (lire Le chant merveilleux de Marianne et Le phénomène Yuja). Les prochains seront pour la dernière semaine d’août.

Ma nouvelle fonction de reviewer (je préfère finalement le terme anglais au prétentieux « critique musical » français) m’a permis depuis deux ans de visiter des festivals que je ne connaissais pas ou mal.

À Colmar – où je n’étais plus revenu depuis trente ans – je découvrais, en 2023, la programmation du nouveau directeur artistique, mon ami Alain Altinoglu, et surtout ce très jeune chef finlandais, dont tout le microcosme musical faisait grand cas, Tarmo Peltokoski (Le début d’une belle histoire entre Peltokoski et le Capitole de Toulouse).

Ça c’était début juillet, et à la fin du même mois, je m’étais laissé embarquer à Marvão,: « Les lieux sont spectaculaires : à 2h30 de route à l’est de Lisbonne, un promontoire rocheux culminant à 900 mètres et dominant toute la plaine de l’Alentejo, à quelques kilomètres de l’Espagne. » (lire Pépites portugaises). Dans un lieu improbable, j’avais découvert un chef – Dinis Sousa – un orchestre – l’Orquestra XXI – et entendu une formidable Cinquième de Mahler (Un grand Mahler) le 29 juillet 2023.

Je découvre sur YouTube cette captation faite le lendemain à Lisbonne :

Alain Lompech est allé à Marvão cette année. Son enthousiasme à lire sur Bachtrack : Marvão, royaume de la musique et des musiciens rejoint et ravive les souvenirs de cette expédition.

En 2024 j’étais retourné à Colmar, cette fois pour y entendre le maître des lieux avec ses musiciens de La Monnaie et fin août, dans une ville que je connais presque par coeur et que je pensais bien peu festivalière – Nîmes – j’avais entendu la joyeuse équipe réunie autour d’Alexandre Kantorow

Mais quand au cours de mes balades – (Loin du monde), je vois des noms familiers affichés au programme de telle abbaye, de telle église, quand je lis leur actualité sur Instagram, j’ai un peu l’impression de prolonger d’abord une amitié, ensuite des souvenirs, tant de souvenirs partagés.

Thomas Ehnco était hier soir à La Romieu, que je visitais le 18 juillet dernier.

Le cloître de la Collégiale de La Romieu (Gers)

Certains souvenirs me poursuivent et me poursuivront longtemps, comme celui de Jodie Devos, ce 15 juillet 2022 à Montpellier…

Message personnel

Le 25 juillet Laurent Guimier – qui fut un éphémère mais formidable collègue à Radio France – écrivait sur un réseau social que je ne fréquente plus guère : » Il est amoureux. Tout le temps. Amoureux de la musique, de la radio, des soirs à l’Auditorium, au 104 et des festivals ensoleillés. Amoureux d’une équipe qui pense et fabrique sa radio avec passion. Alors moi j’aime @mvoinchet et tout ce qu’il fait pour @francemusique« 

Le 14 juillet 2015, je voyais débarquer à Montpellier ce Marc Voinchet que je ne connaissais que de loin. Il venait d’être pressenti par Mathieu Gallet pour prendre la direction de France Musique, et nous avions passé une bonne partie de la soirée à évoquer cette chaîne qui avait tant compté pour moi (30 ans ont passé) et qui était alors en pleine crise. J’avais parié avec Marc qu’il dépasserait le score de tous ses prédécesseurs – dont la durée de vie à cette fonction n’excédait pas deux ou trois ans ! –

Marc a traversé de redoutables épreuves personnelles ces derniers mois. Je l’ai vu à Montpellier il y a quelques jours. Je sais qu’il a besoin de tous nos messages, de toute notre amitié. Je l’embrasse.

Les humeurs du moment toujours à lire sur mes brèves de blog

Paris 2024 : les classiques de l’ouverture

Retour sur la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris : tous, même les grincheux et coincés que je brocardais dans mon dernier billet (Hymnes à l’amour), ont noté que Thomas Jolly n’avait pas oublié de faire une place à la musique et aux musiciens classiques. Comment aurait-il pu négliger ce qui fait une part essentielle de son activité de metteur en scène (Macbeth Underworld de Pascal Dusapin, Fantasio d’Offenbach – les deux donnés à l’Opéra-ComiqueRoméo et Juliette de Gounod à l’Opéra de Paris, pour ne citer que les plus récentes productions, et bien sûr Starmania à la Seine musicale) !

Mais le plus remarquable, et c’est une vraie différence avec les quelques très rares émissions de télévision dévolues à la musique classique, Thomas Jolly a respecté les artistes, les compositeurs et les oeuvres, même dans la contrainte d’un spectacle d’une telle ampleur qui n’avait certes pas prévu le déluge qui a arrosé la cérémonie ! Il a aussi évité d’inviter les stars habituelles des plateaux télé, on ne citera pas de noms (l’un d’eux, sans doute vexé de ne pas être de la fête, a ostensiblement posté vendredi une photo de lui avec ses deux filles à la plage !). Il a ainsi fait découvrir à des millions de téléspectateurs, en France et dans le monde, des talents qui n’étaient souvent connus que d’un cercle restreint de mélomanes.

Reprenons le fil de la cérémonie

Félicien Brut

Félicien a été un abonné du Festival Radio France, où je n’oublie pas qu’il avait accepté de relever le défi d’un « Festival autrement » à l’été 2020 après que nous avions dû annuler l’édition prévue pour cause de pandémie (voir Demandez le programme) :

Il avait remis cela en 2021 – La fête continue – avec une belle bande de copains, Jordan Victoria, Thomas Enhco, Thibaut Garcia, Édouard Macarez pour un hommage survolté à Piazzolla !

Mais l’image de Félicien Brut (on ne prononce pas le « t » final) juché sur le pont d’Austerlitz, apparaissant après l’écran de fumée tricolore, au tout début de la cérémonie, restera, pour lui, pour les Auvergnats (lire dans La Montagne : Félicien Brut a illuminé la cérémonie d’ouverture), pour nous tous, un moment de grâce poétique.

Marina Viotti

La grande soeur de Lorenzo Viotti, la fille chérie du chef Marcello Viotti (1954-2005) a fait le bonheur des mélomanes parisiens ces deux dernières saisons, après sa nomination aux Victoires de la musique classique en 2023. Dans la cérémonie d’ouverture, elle a fait partie de l’un des tableaux les plus puissants, en interprétant la chanson révolutionnaire Ah ça ira avec le groupe de heavy metal Gojira, et surtout un extrait de Carmen

Jakub Jozef Orlinski

L’apparition de Jakub Józef Orliński, en breakdancer puis chanteur, fut un peu décousue et mal filmée.

Mais cela m’a rappelé combien l’artiste est aussi doué que très sympathique. Souvenir d’une belle soirée au Festival Radio France en juillet 2021.

Alexandre Kantorow ou le piano englouti

On se rappellera longtemps cette image d’Alexandre Kantorow (maintes fois célébré sur ce blog) jouant les Jeux d’eau de Ravel sous le déluge…

La nouvelle Marseillaise

Quelle idée géniale d’avoir confié à l’une des jeunes chanteuses françaises les plus prometteuses, lauréate du concours Voix d’Outre Mer 2023, Axelle Saint-Cirel, le soin de chanter La Marseillaise !

On se souviendra d’elle comme d’une autre de ses illustres aînées, Jessye Norman, sur la place de la Concorde pour le bicentenaire de la Révolution, en 1989.

Il faut évidemment aussi mentionner la Maîtrise, le Choeur de Radio France et l’Orchestre national de France, leur chef Cristian Macelaru… qui n’ont pas non plus échappé à la pluie et qu’on a à peine aperçus…

2890 jours : ils ont fait Montpellier (I) en blanc et noir

J’ai quitté la direction du festival Radio France à la fin de l’été 2022, j’y avais été nommé il y a dix ans en juillet 2014. Mais je n’avais pas eu le temps jusqu’à maintenant de remercier tous les artistes que j’ai eu le bonheur d’inviter à Montpellier et dans la région Occitanie entre 2015 et 2022 pour les huit éditions que j’ai organisées.

Mon outil statistique comme ma mémoire n’étant pas infaillibles, je prie par avance ceux que j’aurais oubliés de me pardonner. Je rectifierai autant que possible !

Les claviers – piano, clavecin, orgue – se sont logiquement taillés la part du lion. Avec quelques fidélités assumées à des artistes qui, très souvent, ont fait leurs débuts au festival. Et des absences tout aussi assumées, sachant que je ne me suis jamais laissé imposer qui que ce soit.

En blanc et noir

Behzod Abduraimov (21)

Benjamin Alard (15)

Magda Amara (15)

Piotr Anderszewski (15)

Deux pianistes surpris en pleine conversation : Piotr Anderszewski et François-Frédéric Guy (Montpellier 2015)

Kristina Balanas (16)

Margarita Balanas (18)

Guillaume Bellom (17, 18)

Boris Berezovsky (17)

Beatrice Berrut (22)

Gabriel Bianco (21)

David Bismuth (15, 21)

Florent Boffard (17, 19)

Florian Caroubi (18)

Philippe Cassard (16)

Bertrand Chamayou (16, 18, 19, 21)

Emmanuel Christien (16)

Geoffroy Couteau (19)

Michel Dalberto (16, 18, 21)

Lucas Debargue (16)

Romain Descharmes (21)

Barry Douglas (22)

François Dumont (17, 18, 21)

Frank Dupree (19)

Nicolas Elmer (21)

Thomas Enhco (16, 19)

Yuri Favorin (15)

Theo Fouchenneret (19)

Lukas Geniušas (16, 17, 19)

Filippo Gamba (15)

Jean-Paul Gasparian (17, 18)

Nelson Goerner (15, 18)

Jorge Emilio Gonzalez-Buajasan (19)

Véronique Goudin-Léger (15)

Nathanael Gouin (18, 21)

Benjamin Grosvenor (21, 22)

Alexander Gurning (21)

François-Frédéric Guy (15)

Judith Jaurégui (15)

Paavali Jumpannen (19)

David Kadouch (15, 18)

Alexandre Kantorów (16, 21)

(Bien avant sa victoire spectaculaire au Concours Tchaikovski de Moscou en 2019, Alexandre Kantorow donnait son premier récital au festival, à 19 ans, le 25 juillet 2016)

Nikolai Khoziaynov (15)

Irina Kirpicheva (22)

Evgueni Kissin (19)

Andrei Korobeinikov (15, 17)

Paloma Kouider (17)

Lukas Krupinski (19)

Natacha Kudritskaia (19)

Katia et Marielle Labèque (15, 17)

Avec David Chalmin, Katia et Marielle Labèque

Olivier Latry (22)

Florian Lattuga (22)

Ingmar Lazar (20)

Eric Le Sage (16)

Yoav Levanon (21)

Yoav Levanon, 17 ans, joue Gershwin (Montpellier 2021)

Jan Liesicki (19)

Magnus Lindberg (19)

David Lively (18)

Lily Maisky (21)

Ismael Margain (17)

Denis Matsuev (16)

Selim Mazari (21)

Rodolphe Menguy (22)

Dominique Merlet (15)

Natalia Milstein (17)

François Moschetta (19)

Vincent Mussat (19, 21)

Nicolas Namoradze (22)

Florian Noack (16)

Marie-Ange Nguci (19, 21)

Maki Okada (19)

Ferhan & Ferzan Önder (16)

(Les pianistes jumelles Ferhan et Ferzan Önder, les percussionnistes Alex Georgiev, et Martin Grubinger père et fils)

Aimo Pagin (19)

Alexander Paley (15)

Alexander Panfilov (19)

Janos Palojtay (17)

Cédric Pescia (15)

Cédric Pescia, Philippe Cassard, Nelson Goerner (2015)

Aline Piboule (18,22)

Alain Planès (22)

Menahem Pressler (16)

Annabelle Weidenfeld, Menahem Pressler, JPR, Michel Dalberto (18 juillet 2016)

Gabriel Prokofiev (22)

Beatrice Rana (16, 18)

(C’est à Montpellier, en ouverture du festival 2016, que Beatrice Rana joue pour la première fois en public les Variations Goldberg avant de les enregistrer pour un disque qui sera multi-récompensé)

Mūza Rubackytė (15, 16, 19)

Kärt Rüubel (19)

Carlos Sanchis (19)

Nima Sarkechik (15)

Fazil Say (15, 17, 18)

Herbert Schuch (17)

Louis Schwizgebel (15, 18)

Dmitri Shishkin (21)

Edna Stern (15)

Gabriel Stern (21)

Frederik Steenbrink (17)

Emmanuel Strosser (15)

Dania Tchalik (16)

Cédric Tiberghien (21)

Simon Trpčeski (17)

Mikhail Turpanov (16)

Varvara (18)

Vassilis Varvaresos (16, 19)

Lukáš Vondráček (17)

Tanguy de Williencourt (16, 21)

À suivre : la folle aventure Scarlatti 555

Une fête de la jeunesse

Retour sur un festival (voir Pépites portugaises) qui a véritablement célébré la jeunesse : Au Festival international de Marvão, le triomphe de la jeunesse.

C’était d’ailleurs assez amusant d’être au Portugal, et même dans les lieux les plus reculés de l’Alentejo, et d’y voir des centaines, des milliers de jeunes déjà présents sur place pour les Journées mondiales de la jeunesse. C’est ainsi que visitant la cathédrale de Portalegre dimanche dernier, on y a surpris un groupe de jeunes Français répétant pour la messe qui allait suivre…

La jeunesse, elle irriguait tout le festival de Marvão, comme on a pu le constater durant tout le week-end dernier.

J’aimerais m’arrêter sur trois des artistes qui m’ont particulièrement intéressé, et qui méritent vraiment d’être mieux connus, en particulier en France où ils semblent ignorés.

L’Orquestra XXI et Dinis Sousa

Créé en 2013, Orquestra XXI est un projet qui rassemble de jeunes musiciens portugais vivant à l’étranger – souvent membres de grandes phalanges – avec le double objectif de maintenir un lien fort entre ces jeunes et leur pays d’origine.

Ce que j’ai entendu samedi dernier je l’ai écrit ici : Un grand Mahler. Mon seul regret est de n’avoir pas connu plus tôt cet excellent orchestre et de n’avoir donc pu l’inviter au Festival Radio France, où pendant huit ans, j’avais instauré la tradition d’inviter à Montpellier chaque été un orchestre de jeunes .

J’ espère que les grandes salles européennes, en dehors du Portugal, inviteront ces musiciens dans leurs saisons Ils le valent bien !

L’archet de Leia

C’était la plus jeune soliste du concert de clôture du festival de Marvao. A 16 ans, la jeune Britannique Leia Zhu (prononcer « joue ») – ses parents, tous deux d’origine chinoise se sont rencontrés en Angleterre où ils se sont établis – a déjà tout d’une grande, reconnue comme telle au Royaume-Uni – débuts à 12 ans aux Prom’s -, et rien d’un phénomène de foire. Elle-même comme sa mère, avec qui j’ai pu converser à l’issue du concert, sont extrêmement sereines et réalistes quant aux perspectives de carrière, aux risques d’une célébrité trop vite acquise. Leia continue ses études en pension à Oxford. Mais elle comme sa mère sont surprises que la France ne lui ait encore rien proposé (sauf m’ont-elles dit une invitation à… Reims pendant les Jeux olympiques de 2024 !);

Simon Rattle n’avait pas hésité, lui, à l’inviter avec le London Symphony il y a deux ans !

Tout comme Paavo Järvi en avril dernier à la Tonhalle de Zurich :

Ceux qui me suivent savent que je me laisse difficilement séduire par les sirènes de la pub (ou de la com c’est pareil) lorsqu’il s’agit de « vendre » un nouveau talent. Mais je crois savoir reconnaître quelqu’un d’authentiquement musicien. Cette jeune violoniste ne se la joue pas, son attitude sur et hors scène, son sourire disent la tête bien faite, la belle personnalité.

Gabriel Pidoux le hautbois chantant

Même si ce ne fut pas dans les meilleures conditions acoustiques – le plein air peut parfois s’avérer impitoyable – j’ai été heureux d’entendre le hautboïste français Gabriel Pidoux (26 ans) jouer le concerto de Richard Strauss (lire Le triomphe de la jeunesse). Tiens encore un artiste qu’on avait invité au Festival Radio France il y a deux ans après qu’il eut été désigné « Révélation soliste instrumental » par les Victoires de la musique classique en 2020. Le jeune homme a de la branche : père Raphaël (le trio Wanderer) et grand-père Roland violoncellistes renommés.

Hauts et bas

Indifférence

L’écrivain Christian Bobin est mort, et je ne sais qu’en penser. Si ses livres ont fait du bien, ils auront rempli leur office. Comme ceux de Paolo Coelho… Et puis j’ai lu sur Facebook ce portrait qu’en fait Augustin Trapenard, le ci-devant animateur de Boomerang sur France Inter, aujourd’hui aux manettes de La Grande Librairie sur France 5 : « Je me souviens de ses éclats de rire qui faisaient trembler le studio tellement ils étaient forts. Ce rire si contagieux, si communicatif, qui semblait surgir de nulle part et qui prenait tout le monde de court, jusqu’à ma réalisatrice de l’autre côté de la vitre du studio. Je me souviens que dans ce rire, il y avait de la bonté, de la générosité, mais aussi une bonne dose d’autodérision. Il s’amusait surtout de lui : d’une repartie, d’un bon mot ou de son incapacité à répondre dans le temps imparti. Ce rire était si sonore qu’il rendait plus intenses, étrangement, les moments d’émotion. Il y en avait eu à foison. Quand sa voix s’était brisée en parlant de ces tableaux qui nous regardent autant qu’on les observe. Quand elle s’était mise à trembler en évoquant la ville de son enfance qu’il n’a jamais vraiment quittée et qui a changée plus vite que lui. Quand elle avait carrément trébuché en commentant une variation de Bach interprétée par Glenn Gould. Je me souviens qu’il disait que notre mission sur terre était peut-être de devenir des anges. J’avais trouvé ça d’autant plus beau qu’on avait commencé et terminé en parlant de résistance.« 

Je vais peut-être réessayer Bobin.

Dérives

J’avais, il y a un an ou deux, écrit ici même un article, que j’ai finalement supprimé, parce qu’il avait été surabondamment relayé par des gens qui ne l’avaient pas lu, et que j’étais alors « en responsabilité ». J’y défendais plutôt deux frères savoyards, Renaud et Gautier Capuçon, que j’ai connus et invités l’un et l’autre à leurs débuts. Aujourd’hui, ils ne jouent plus ensemble, ils font carrière chacun de leur côté, mais en usant et abusant de toutes les armes du marketing, quitte à dévier de l’idéal artistique qu’ils ont toujours brandi comme étendard.

Gautier sort un nouveau CD – à grand renfort de passages télé et d’articles de complaisance (une page entière dans Le Monde : Violoncelliste populaire), enfonçant toujours les mêmes portes ouvertes : lui rend la musique accessible au plus grand nombre. Blabla habituel. On se demande si, avec les titres de ses « albums » – Emotions, Sensations, bientôt Vertiges ?, il ne se place pas dans la filiation d’un André Rieu plutôt que d’un Rostropovitch ?

Renaud, quant à lui, semble saisi du syndrome de Karajan, qu’on appelait dans les années 60 le Generalmusikdirektor de l’Europe, tant il cumulait de fonctions et d’honneurs (Vienne, Berlin, la Scala, Salzbourg). Musicien quasi-officiel – il est de toutes les cérémonies, hommages, réceptions à l’Elysée – créateur/animateur du festival de Pâques d’Aix-en-Provence, professeur à Lausanne et depuis peu chef de l’Orchestre de chambre de Lausanne, il s’occupe aussi du festival de Gstaad, et annonce maintenant s’occuper des Rencontres Musicales d’Evian. Le violoniste français, dans ce langage bienséant et formaté qui fait son charme, déclare à Sylvie Bonier, dans le journal Le Temps : «Plus j’en fais, moins je suis stressé, déclare le violoniste entrepreneur. C’est le grand paradoxe de ma vie. Je suis de plus en plus zen au fil des nouvelles aventures. La scène et l’organisation figurent dans mon ADN depuis toujours. Cela me donne un plaisir fou et je pense avoir acquis une certaine expérience, en plus de 25 ans de pratique. Pourquoi, alors, me priver d’élargir encore les partages avec les immenses musiciens qui jalonnent ma vie professionnelle et amicale, les jeunes qui vont faire la leur, dans ce métier exigeant, et le public qui les suit tous?»

Sauf que non, cher Renaud, on ne la fait pas à ceux qui ont connu les Rencontres d’Evian à leurs débuts, puis sous la houlette de Rostropovitch. Les découvertes, l’audace étaient de tous les programmes. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler ceux des concerts auxquels j’ai assisté dans les années 80 et 90. Quand je vois ce qui est proposé l’été prochain et qui est présenté comme une « mutation », j’hallucine : Mozart et Beethoven pour les soirées les plus audacieuses ! Le Philharmonique de Berlin annoncé avec ce pauvre Zubin Mehta, 87 ans, qui ne tient plus debout, certes avec le soutien d’une mécène d’autant plus généreuse qu’elle dépense l’héritage de son mari mort l’an dernier. Et toujours les mêmes invités… Les petits jeunes ont droit aux concerts de 11h du matin.

S’ił fallait en rajouter, que penser d’un artiste qui, depuis le début de sa carrière, a été soutenu, supporté – dans tous les sens du terme – par Warner et son patron Alain Lanceron, et qui, en pleine « promo » d’un nouveau CD des Quatre saisons de Vivaldi, passe avec armes et bagages chez Deutsche Grammophon, sans même un mot à son mentor ?

Il ne faut pas oublier de lire le papier très argumenté d’Alain Lompech dans le numéro de décembre de CLASSICA

L’avenir du côté d’Alexandre

On oublie vite ces combines pas très glorieuses, quand on écoute, comme ce fut le cas jeudi soir à la Philharmonie de Paris, des musiciens à qui la – récente – célébrité n’a pas encore fait perdre le sens des réalités : le pianiste Alexandre Kantorow, le violoncelliste Aurélien Pascal – entendu trois fois dans trois formations différentes lors du Festival Radio France 2021 – et la violoniste Liya Petrova. Aujourd’hui musicienne reconnue et confirmée, la jeune Bulgare avait participé à l’un des derniers projets discographiques que j’avais conduits à Liège ; l’intégrale des oeuvres concertantes pour violon et violoncelle de Saint-Saëns

C’était dans le triple concerto de Beethoven, avec l’Orchestre de Paris, dirigé par Stanislav Kochanovsky. Et c’était magnifique !

Devoirs de vacances

Enfin quelques jours de vacances, les premières depuis mon expérience singulière de novembre dernier.
J’ai fait ce qu’il faut pour que ma voix s’exprime demain lors de ce premier tour capital de l’élection présidentielle.

En attendant, menu classique pour des vacances : lectures, écoutes toujours remises, balades, rencontres, lieux inédits.

D’abord lire en détail le numéro d’avril de Diapason et l’excellente interview que Camille de Rijck a faite d’Alexandre Kantorow. Et se dire qu’on a bien eu de la chance de croiser et d’inviter cet artiste dès 2016.

Ecouter un coffret qui rassemble les enregistrements réalisés pour EMI (maintenant Warner) par la pianiste française Cécile Ousset (lire Frontières). Au risque de la déception. Mais attendons de confirmer ou infirmer certaines impressions.

Réécouter aussi une intégrale des symphonies de Sibelius, qui a suscité pour le moins le débat… et peut-être prouvé, une fois de plus, que l’univers du compositeur finlandais autorise des explorations, des visions, extrêmement différentes, divergentes même.

Plus encore que dans n’importe quel répertoire symphonique, je me garderai bien de comparer avec les contemporains ou les aînés du jeune chef finnois, tant apprécié récemment à la tête de l’Orchestre de Paris (Klaus Mäkelä);

Moins couru, mais procédant d’une démarche qui m’intéresse depuis plusieurs années, le travail de l’organiste et chef autrichien Martin Haselböck, pour partie rassemblé dans un passionnant coffret.

Et puis, pour la bonne humeur et le souvenir d’un spectacle très réussi (Le mois de l’opérette), lire la critique parue sur Forumopera (Un joyeux drille nommé Albert Roussel) et surtout écouter l’unique opérette d’Albert Roussel : Le Testament de la tante Caroline:

Baudelaire en musique

A l’occasion d’un autre anniversaire, le centenaire de la mort du compositeur néerlandais Alphons Diepenbrock – le 5 avril dernier – Le Hollandais oublié -, j’ai évoqué incidemment Baudelaire qui a inspiré à Diepenbrock plusieurs très belles mélodies, comme cette Invitation au voyage magnifiquement chantée par Aafje Heynis.

L’un de nos plus grands poètes, Charles Baudelaire, est donc né le 9 avril 1821, il y a deux cents ans.

J’emprunte à Jean-Yves Masson, écrivain, éditeur, professeur, une partie du magnifique texte qu’il publie sur sa page Facebook. A défaut d’avoir sa connaissance encyclopédique de Baudelaire, je partage son admiration, son amour de l’auteur des Fleurs du Mal et de tant d’autres chefs-d’oeuvre

« J’ai aimé Baudelaire d’instinct, dès que j’ai commencé à le lire sérieusement, c’est-à-dire je pense au tout début de mes études. Je l’ai aimé comme un frère puisqu’il m’appelait son semblable, son frère, et que j’ai compris que c’était vrai. Rimbaud l’avait déclaré « le premier voyant, roi des poètes, un vrai dieu « /…./ mais qu’il était évidemment Baudelaire est probablement le plus grand poète chrétien (je ne dis pas catholique) de toute la langue française, en tout cas le plus grand depuis les poètes baroques qu’il aimait tant.

Je me suis nourri de Baudelaire, j’ai vécu avec Baudelaire, je l’ai emporté partout en voyage, il est l’intelligence suprême faite poésie, jusque dans sa critique d’art….

. « Baudelaire est une origine », a dit Pierre-Jean Jouve, ce que le romantisme français n’a pas su être (ailleurs en Europe, oui, mais pas en France). Jouve a raison: ce qu’on appelle la poésie a révélé avec un lui un visage nouveau dans notre langue et personne ne peut l’ignorer…

Hugo serait bien surpris s’il revenait et découvrait que l’œuvre de Baudelaire pèse aussi lourd sur la balance de l’Esprit que les dizaines de milliers de vers de la sienne, et sans doute même plus lourd. Je sais ce que vaut quelqu’un au jugement qu’il porte sur Baudelaire et à la manière dont il en parle. S’il n’y avait pas Montaigne et Rimbaud, il est clair que, sur une île déserte, j’emporterais Baudelaire. Il est vrai que comme je le connais presque par cœur, autant que Rimbaud, le dilemme serait vite résolu. » Bon anniversaire, souverain maître ! (Jean-Yves Masson, 9 avril 2021)

L’invitation au voyage

C’est incontestablement L’invitation au voyage dans le recueil des Fleurs du Mal (1857) qui a eu le plus de succès chez les compositeurs : près d’une dizaine se sont essayés, avec des fortunes diverses, à parer ces vers de mélodies.

Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté
.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
— Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Léo Ferré

Benjamin Godard

Emmanuel Chabrier

Mais c’est pour moi définitivement Henri Duparc qui donne sa perfection musicale à cette sublime Invitation

J’avoue aimer autant la version orchestrale que la version avec piano, surtout avec des interprètes de la qualité de Françoise Pollet et de José Van Dam !

Impossible d’être exhaustif quant aux multiples « mises en musique » de Baudelaire (on renvoie à une page Wikipedia très bien faite)

Encore quelques exemples, parfois inattendus.

Fauré : Chant d’automne

Chausson : L’Albatros

Harmonie du soir mise en musique par Debussy, donne aussi Harmonie des Abends sous la plume de Zemlinsky

Plus étonnant encore, le premier des trois Lieder que compose un Karlheinz Stockhausen de 22 ans, en 1950, Der Rebell / Le rebelle

Le Vin selon Berg

Alban Berg compose, en 1929, Der Wein, pour soprano et orchestre. Il choisit trois des poèmes des Fleurs du Mal parmi les cinq que contient la section intitulée Le Vin, dans la traduction du poète allemand Stefan George : L’âme du fin/ Die Seele des Weines, Le vin des amants / Der Wein der Liebenden, Le vin du solitaire / Der Wein des Einsames

Tout un monde lointain

L’oeuvre la plus célèbre d’Henri Dutilleux, dédiée à et créée par Mstislav Rostropovitch en 1970, Tout un monde lointain, emprunte son titre à un vers du poème La Chevelure :  Tout un monde lointain, absent, presque défunt.

Dutilleux cite Baudelaire en exergue de chacun des cinq mouvements enchaînés de son concerto pour violoncelle :

Énigme (Très libre et flexible)…Et dans cette nature étrange et symbolique… , Poème XXVII

Regard (Extrêmement calme)…le poison qui découle
De tes yeux, de tes yeux verts,
Lacs où mon âme tremble et se voit à l’envers
… , Le Poison

Houles (Large et ample) …Tu contiens, mer d’ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts…
 , La Chevelure

Miroirs (Lent et extatique) Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.
 », La Mort des amants

Hymne (Allegro) …Garde tes songes:
Les sages n’en ont pas d’aussi beaux que les fous!
La Voix

Ici dans une version enregistrée en 2013 à Helsinki par le tout jeune Aurélien Pascal, 19 ans à l’époque, Aurélien Pascal qui sera l’un des invités de marque, en duo avec Alexandre Kantorow le 24 juillet prochain à Montpellier (voir lefestival.eu

Ceux qui me connaissent ne seront pas étonnés que je recommande ces deux disques, de la plus francophile et francophone des chanteuses britanniques, la chère Felicity Lott

Les raretés du confinement (XII) : Tavernier, Faust, Levine, Grumiaux…

Confinement, épisode 3

Depuis ma dernière chronique – Les raretés du confinement (XI)- les heureux habitants de 19 départements français, dont l’Ile-de-France, ont eu droit à un troisième confinement qui ne dit pas son nom. Et, pour ce qui me concerne, je suis entré en période d’abstinence, abstinence de JT sur le service public (France 2, France 3) : je ne supporte plus ces micro-trottoirs, ces « directs » dans les villes confinées, et, pire, ces sujets anxiogènes, toujours les mêmes – « le gouvernement va devoir donner un tour de vis supplémentaire ». Alors que, dans le même temps, on ne voit ni n’entend jamais un sujet sérieux, qui demanderait, il est vrai, un peu plus de travail et d’investigations, sur la réalité des contaminations en extérieur. Les télés nous montrent à l’envi des rassemblements sur les quais de Seine, à Marseille, tandis qu’on entend les spécialistes, et même le ministre de la Santé, proclamer que le risque de propagation du virus est infime : qu’attend-on pour enquêter sur les suites de ces « rassemblements », y a-t-il eu augmentation consécutive des hospitalisations, des contaminations ? Des faits précis, plutôt que des suppositions et des approximations, n’est-ce pas le minimum qu’on puisse attendre de ceux qui ont mission de nous informer ?

14 mars : le pianiste inconnu

En me replongeant dans l’imposant coffret paru l’été dernier consacré à John Barbirolli (1899-1970) : – voir Sir John) j’ai trouvé cet enregistrement du 5ème concerto de Beethoven, auquel je n’avais pas prêté attention, et ainsi découvert un pianiste, dont – je le confesse à ma grande honte – je n’avais jamais entendu parler de Mindru Katz, roumain et israélien, né à Bucarest en 1925, mort à Istanbul en 1978. Un « Empereur » impérial sous ses doigts !

15 mars : mes premières Danses hongroises

Jean-charles Hoffelé évoquait récemment la noble figure d’un chef allemand que j’aime entre tous depuis longtemps : Hans Schmidt-Isserstedt (1900-1973). Je citais sa lumineuse et parfois oubliée intégrale des Symphonies de Beethoven (Beethoven 250: Schmidt-Isserstedt). J’évoquerai bientôt mes découvertes de jeunesse d’oeuvres de Dvořák et Brahms grâce à lui. Avant-goût avec la première intégrale des Danses hongroises de Brahms qui figura dans ma discothèque d’adolescent.

17 mars : les sérénades de HSI

Grâce à plusieurs rééditions récentes, on redécouvre l’art de l’un des grands chefs allemands du XXème siècle, Hans Schmidt-Isserstedt (1900-1973) – La découverte de la musique: Hans Schmidt-Isserstedt. En 1965, il enregistrait une version lumineuse, pastorale, de la Sérénade pour cordes de Dvořák, à la tête de « son » orchestre de la radio de Hamburg (NDR Orchester):

18 mars : la mort de Jimmy

James Levine était un exceptionnel chef d’opéra, l’incontesté patron et l’âme du Metropolitan Opera de New York pendant 40 ans, mais c’était aussi un formidable chef symphonique. Comme en témoigne une série de symphonies de Sibelius enregistrée avec les Berliner Philharmoniker. (Lire : Dear Jimmy )

Sibelius : Symphonie n°2

Orchestre philharmonique de Berlin dir. James Levine

19 mars : Levine, une vie pour la musique

#JamesLevine encore : Une vie pour la musique Le génie protéiforme du chef lyrique, du maître de l’orchestre symphonique, et un pianiste qui s’amuse avec quelques illustres collègues

20 mars : l’air de Berlin

Je ne me rappelais plus que James Levine avait dirigé l’un des célèbres concerts berlinois en plein air de la Waldbühne en 1999. Ici le bis que tout le monde attend en fin de concert, la marche Berliner Luft / L’air de Berlin de Paul Lincke (1866-1946)

21 mars : Printemps qui commence

Printemps qui commence… sous le signe du confinement pour beaucoup de Français !Printemps qui commence)

« Printemps qui commence » par ma Dalila de coeur, la grande Rita Gorr (1926-2012), voix ô combien troublante et charnelle.

Saint-Saëns : Samson et Dalila, air « Printemps qui commence »

Rita Gorr, mezzo-soprano Orchestre de la Société des concerts du Conservatoire dir. André Cluytens

21 mars : Grumiaux centenaire

Le violoniste belge Arthur Grumiaux est né il y a cent ans, le 21 mars 1921 – et mort à 65 ans seulement en 1986. Il laisse une discographie considérable (très bientôt rééditée en coffret). Grumiaux a été un des premiers à enregistrer les méconnus concertos pour violon de Haydn.

Haydn: Concerto pour violon en sol Majeur Hob.VIIa/4 1er mvt allegro moderato

Arthur Grumiaux, violon New Philharmonia Orchestradir. Raymond Leppard

22 mars : la mort de Boris

Hommage à l’un des plus grands chanteurs russes, le baryton-basse Evgueni Nesterenko, mort hier, à 83 ans, des suites de la COVID-19.

Inoubliable interprète de Chostakovitch, Tchaikovski et bien sûr de Boris Godounov de Moussourgski, il est ici le Boris d’une célèbre production de 1978 du Bolchoi

23 mars : Divertimento à la hongroise

L’un des chefs-d’oeuvre de Béla Bartók, son Divertimento pour cordes écrit en 1939, avant l’exil du compositeur hongrois aux Etats-Unis, créé le 11 juin 1940 par son commanditaire et dédicataire Paul Sacher et l’orchestre de chambre de Bâle. Ici dans ma version préférée : Antal Dorati dirige le BBC Symphony Orchestra (1964)

24 mars : Déodat de Séverac

Spéciale dédicace à Carole Delga et Hussein Bourgi cette musique délicieuse du compositeur occitan #DeodatdeSeverac né à St Felix Lauragais en 1872 mort il y a 100 ans le 24 mars 1921 à Céret, par le pianiste Aldo Ciccolini qui fut un invité régulier du Festival Radio France Occitanie Montpellier

25 mars : adieu Bertrand

#BertrandTavernier est mort (lire : Bertrand Tavernier: coup de torchon).

Parmi toutes ses qualités, il y avait son goût et sa connaissance de la musique. Le 11 janvier 2019, l’ Orchestre Philharmonique de Radio France jouait sous la direction de Bruno Fontaine la musique composée par Bruno Coulais pour le film-documentaire de Bertrand Tavernier « Voyage à travers le cinéma français« 

26 mars : Faust en prime time

Faust de Gounod a ses fans, ce n’est pas mon cas. Trop « grand opéra », trop long, tout est trop dans ces 5 actes. Mais il y avait de quoi se réjouir que France 5 diffuse, un vendredi soir, en « prime time », la toute récente production, donnée sans public, de l’Opéra de Paris. Un chef – Lorenzo Viotti – qui a tout pour lui, le talent, la jeunesse (il vient de fêter son 31ème anniversaire !) et, dans cet ouvrage, la capacité de saisir toutes les atmosphères, et d’alléger un tissu orchestral parfois bien lourd, d’excellents chanteurs (même si, dans ce rôle et ce personnage de Faust, j’attends une voix plus corsée que celle, ô combien lyrique et élégiaque, de Benjamin Bernheim). Une mise en scène dont toute la presse a salué la pertinence et l’inventivité, celle de Tobias Kratzer.

Côté disques, on en reste aux grands classiques Cluytens et Plasson, pour des distributions qui savent chanter le français (les grands chanteurs de la célèbre version de Georges Prêtre sont vraiment trop exotiques dans un ouvrage où la compréhension du texte chanté n’est pas accessoire !)

27 mars : Around Midnight

De toutes les qualités qu’unanimement on s’accorde à reconnaître à Bertrand Tavernier, il y a sa connaissance et son amour de la musique, comme France Musique l’a déjà rappelé et continue de l’évoquer tout ce week-end.

Il y a eu ce film magnifique de 1986 Autour de minuit :

Réécouter absolument la chronique de Max Dozolme dans la Matinale de France-Musique du 26 mars : Bertrand Tavernier, un portrait musical

Soft porn au Conservatoire ?

Est-ce parce que le numéro de septembre de Diapason connaît de sérieux problèmes de distribution ? Je n’ai vu nulle part repris les propos explosifs de l’ex-directeur du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse (CNSMD pour les intimes) de Paris, mon cher Bruno Mantovani

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Interviewé à la suite du très complet dossier que le mensuel consacre au blues des conservatoires de France, Bruno Mantovani qui, à 45 ans, fait le bilan de ses 9 ans de mandat à la tête de la prestigieuse école, n’y va pas par le dos de la cuillère.

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A la question Le CNSM prépare-t-il mieux aujourd’hui ses élèves à une insertion professionnelle qui ne va plus de soi ?, Bruno Mantovani répond :

« C’était une de mes priorités. Nous avons créé des séminaires sur la pratique du métier, avec des modules sur la santé, la culture administrative des contrats et droits, la façon de se présenter et de promouvoir, l’engagement social dans les écoles, les hopitaux, les prisons. Mon but c’est de former des honnêtes gens.

Mais je dois m’avouer un peu désabusé devant le marketing de la musique classique, je me demande si on n’aurait pas dû créer des séminaires de mannequinat et de soft porn en ligne. C’est normal de ne plus voir en scène de jeunes artistes moches ? Combien de grands génies ressemblaient jadis à des sacs à patates ?.

Je me bats contre cette dictature de l’image, contre les Victoires de la Musique, le vu à la télé et périmé dans trois ans. Contre l’impudeur des réseaux sociaux. Peut-être hélas contre les moulins à vent, tant est profonde l’anxiété face au début de carrière. »

C’est cash, direct, et c’est malheureusement la réalité. L’exposition médiatique des jeunes artistes n’est pas toujours – euphémisme – proportionnelle à leur talent.

Illustration, parmi d’autres, de ce que dénonce Bruno Mantovani, cette couverture de disque

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A l’inverse, on ne va pas se plaindre qu’un très bon musicien soit aussi joli garçon.

 

Mais je doute qu’on propose à une fantastique pianiste de 21 ans, qu’on a entendue cet été à Montpellier (Festival Radio France), Toulouse, La Roque d’Anthéron ou Bagatelle, d’abord un enregistrement, ensuite une « promo » sur son look. Marie-Ange Nguci est un talent formidable, une musicienne extrêmement cultivée, mais elle attache plus d’importance à son art qu’à son apparence en concert.

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La dictature de l’image a évidemment contaminé le monde de l’opéra : combien d’exemples ces dix dernières années de cantatrices recalées sur de grandes scènes parce que trop grosses, pas assez glamour !

Impensable d’imaginer aujourd’hui une couverture de disque comme celle-ci, il est vrai, particulièrement moche.

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La collection Decca Eloquence vient de rééditer ce récital d’Anita Cerquetti, en en changeant opportunément la photo de couverture…

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Le deuxième concerto

Le grand vainqueur du Concours Tchaikovski, Alexandre Kantorows’est d’emblée distingué en choisissant le Deuxième concerto de Tchaikovski au lieu du célébrissime Premier,

Bien lui en a pris ! Cet opus 44 n’est ni moins long, ni moins exigeant techniquement que l’opus 23, il en partage même beaucoup d’aspects : un premier mouvement qui est un monde en soi, qui dure plus de la moitié de l’oeuvre, une virtuosité spectaculaire. Et en introduction de son mouvement central – à l’instar du 2ème concerto de Brahms, son exact contemporain – un long dialogue entre violon et violoncelle solos avant que n’entre le piano, comme sur la pointe des pieds..

Tchaikovski , pas rancunier, dédie ce deuxième concerto à Nikolai Rubinstein (1830-1881) qui avait pourtant refusé la dédicace du Premier, jugeant celui-ci injouable et si mauvais qu’il en avait la nausée (sic)! Le dédicataire meurt brutalement, la partition à peine achevée. Après une première new-yorkaise le 12 novembre 1881, le Deuxième concerto est créé à Moscou en mai 1882 par Serge Tanéiev au piano et le frère de Nikolai, Anton Rubinstein à la baguette. Il est plusieurs fois remanié par le compositeur lui-même et surtout par l’un de ses élèves, Alexandre Ziloti (1863-1945) dont la version est la plus fréquemment jouée aujourd’hui.

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Longtemps ce deuxième concerto est resté l’apanage de quelques originaux, certes pas des moindres (voir ci-dessous), il a aujourd’hui les faveurs de la nouvelle génération de pianistes, Boris Berezovsky, Denis Matsuev, Yuja Wang… et bien sûr Alexandre Kantorow, magnifiquement soutenu par Vassily Petrenko

https://www.youtube.com/watch?v=L0Hr6onpT-s

Mikhail Pletnev est sans doute le pianiste russe le plus admirable dans cette oeuvre (comme dans tant d’autres évidemment !).

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Ce n’est pas avec Pletnev que j’ai découvert l’oeuvre mais avec une pianiste argentine, Sylvia Kersenbaumqui a connu une célébrité plutôt éphémère en France, lorsqu’au début des années 70, elle grava quelques disques pour EMI, dont ce Deuxième concerto avec l’Orchestre National de l’ORTF et Jean Martinon. Une version qui m’est toujours chère, puisque ce fut ma première, et qui a été heureusement rééditée dans le beau coffret hommage au chef français.

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A peu près en même temps parut un coffret qui fit sensation, les trois concertos de Tchaikovski avec un Emile Guilels au sommet de sa carrière, accompagné par Lorin Maazel et le New Philharmonia.

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A la réécoute, je suis moins enthousiaste face à cette version un peu trop carrée, prévisible, à laquelle il manque l’étincelle, la folie, qui rendaient nombre de « live » de Guilels proprement irrésistibles.

Boris Berezovsky est époustouflant, notamment dans le finale, mais l’hyper-virtuosité dont il fait preuve ôte à ce mouvement son caractère de danse populaire endiablée et le rend injouable pour les pauvres musiciens d’orchestre qui s’essoufflent littéralement à essayer de le suivre.

817+GYrEzpL._SL1500_Denis Matsuev succombe un peu au même travers…

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Enfin, last but not least, un artiste que j’admire infiniment (et à qui je n’ai, étrangement, jamais encore consacré le moindre article de ce blog… il faudra corriger cela !), un personnage, une personnalité unique, que j’ai eu la chance d’entendre en récital il y a une trentaine d’années dans le cadre de Piano aux Jacobins à Toulouse : Shura Cherkassky (1909-1995). Préparant cet article, j’ai trouvé cette prodigieuse vidéo, qui réunit deux géants à la fin de leur carrière, Cherkassky et Svetlanov, captés au Japon en 1990. Il y a des notes à côté chez le pianiste, mais quelle classe, quel art de faire sonner son instrument, et surtout quelle manière inimitable de faire chanter le pays natal, ce foisonnement de thèmes et mélodies populaires russes et ukrainiennes qui ont toujours nourri et inspiré Tchaikovski. L’essence du romantisme en quelque sorte…

Je connais au moins deux enregistrements studio du pianiste russe, le second réalisé à Cincinnati (en stéréo) avec un grand chef, Walter Süsskindaujourd’hui bien oublié (un autre article à prévoir !) :

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