Je n’ai jamais vraiment compris cette mode – qui confine souvent à la course de vitesse – des présentations au printemps des saisons à venir des opéras, des salles de concerts, des festivals. Comme si le public de ces établissements n’était composé que de fidèles abonnés, qu’il s’agit de conserver et de choyer. Les publics qu’on veut conquérir ce n’est jamais comme cela qu’on va les chercher.
Je le dis avec d’autant plus d’assurance que j’ai expérimenté à peu près toutes les formules, du temps de mes responsabilités à l’Orchestre philharmonique royal de Liège, à Radio France puis au festival Radio France.
Comme si les temps n’avaient pas changé, comme si la crise sanitaire n’était pas passée par là. On sait très bien que les publics sont de plus en plus volatils, et qu’une bonne communication dans leur direction passe par quantité de canaux qui doivent être maniés avec une extrême souplesse. C’est souvent le jour même, voire quelques heures avant l’événement que ces publics, les plus jeunes, les plus engagés dans la vie active, mais aussi désormais les plus âgés, se décident à assister à un concert, un opéra ou une pièce de théâtre.
Mais puisque ce type de présentation solennelle persiste, prenons connaissance de ce qui nous est proposé. Deux choix pour le moment, l’un à Paris, l’autre à Montpellier
L’Opéra-Comique
Louis Langrée l’avait dit, au moment de sa prise de fonction, en novembre 2021, comme directeur de l’Opéra-Comique, il tient les promesses qu’il a faites. La saison 2023/24 n’est pas seulement remarquable en raison des ouvrages programmés, mais aussi parce que, comme le grand vaisseau de la Philharmonie l’a fait depuis son ouverture en 2015, l’Opéra-Comique proposera à tous les publics des voies d’entrée dans cette belle maison, d’accès à ses répertoires, à ses métiers, à ses pratiques : La saison 2023-2024 de l’Opéra-Comique.

(Photo Fabrice Robin / Le Monde)
Dans la belle interview qu’il a donnée au Monde, Louis Langrée explique :
« Ma première mission est de faire en sorte que le mot « opéra-comique », qui est un faux ami, soit bien compris. Louis XIV a créé trois théâtres : celui où l’on chante, l’Opéra de Paris, celui où l’on parle, la Comédie-Française, et le théâtre où on fait les deux, l’Opéra-Comique, dont le postulat veut que l’œuvre littéraire et la musique soient d’égale importance. On pense trop souvent que le chef d’orchestre s’occupe de ce que l’on entend et le metteur en scène de ce que l’on voit. C’est exactement le contraire. Le metteur en scène doit rendre le spectateur sensible à la musique de la langue, tandis que le chef doit rendre tangible la force théâtrale d’une œuvre«
Il faut cultiver notre identité, c’est notre langue, le trésor que l’on partage, l’ADN de cette maison. Dans l’histoire de l’Opéra-Comique, il y a eu 3 000 créations en trois cents ans. Le rythme s’est évidemment beaucoup ralenti au fil des siècles, à mesure que le répertoire s’imposait. Mais il faut continuer avec les particularités qui font partie de la musique française. C’est un Italien, Lully, qui a créé la tragédie lyrique, un Allemand, Gluck, qui a réformé l’opéra français, un autre Allemand, Meyerbeer, qui a mis au point le grand opéra à la française, quand Offenbach donnait ses lettres de noblesse à l’opérette. Monter des ouvrages en français, ce n’est pas faire du Eric Zemmour !«
(Le Monde, 01/04/2023)
Montpellier 2023
L’affiche est belle, la brochure bien faite, le contenu intéressant. Mais il y a quelque imprudence à parler d’un « nouveau » festival, d’un « nouveau » projet et à le placer sous le signe de la « jeunesse », l’un et l’autre états étant on le sait éphémères !

Surtout si la « nouveauté » est perçue comme une réduction sensible de la durée, du périmètre, et du nombre de concerts d’un festival qui n’est pas né d’hier.
Tandis que le festival s’était, dès 2005, développé dans le Languedoc-Roussillon, puis, à partir de 2016, avait pris des points d’appui et consolidé ses positions dans toute la région Occitanie, à la demande du conseil régional et de sa présidente, principal financeur du festival, ce travail qui avait enthousiasmé des publics, très souvent éloignés des centres de culture, est réduit à peau de chagrin au profit d’un « recentrage » sur la seule ville et agglomération de Montpellier.
La nouveauté n’est pas non plus dans le choix des programmes et des interprètes, les valeurs sûres sont privilégiées, peut-être pour (ré)conforter un public traditionnel de mélomanes, qui se réjouiront de retrouver des hôtes réguliers du festival (Fazil Say, Bertrand Chamayou, Karine Deshayes, bien sûr les orchestres de Radio France, ceux de Montpellier et Toulouse), mais pourquoi s’être privé – alors que la « jeunesse » est invoquée – de la présence d’un orchestre de jeunes, comme celui de la Méditerranée, basé à Aix-en-Provence, ou d’une formation étrangère ? Dommage.
D’aucuns regretteront l’absence d’opéra en version de concert, alors que c’était l’un des marqueurs du festival (celui, nous disaient les attachés de presse, qui pouvait attirer la presse internationale). Trop cher sans doute ?
On sera bien le dernier à critiquer les choix faits par la nouvelle direction et le conseil d’administration et on souhaite à cette édition 2023 d’un festival, qui reste cher à notre coeur, l’éclatant succès qu’elle mérite.
Il y a assurément de belles promesses de grands moments de musique dans la brochure téléchargeable du festival : lefestival.eu.
Je me rappelle encore avec beaucoup d’émotion le concours Eurovision des jeunes musiciens qui s’était tenu à Montpellier le 23 juillet 2022 et avait récompensé le formidable jeune violoniste tchèque Daniel Matejča. Il sera présent le mardi 18 juillet à 12h30 à la salle Pasteur. On ne le manquera pas !
Les propos de Louis Langrée sont admirables et quelle finesse dans la réflexion.