Joseph Macé-Scaron – une amitié de plus de 40 ans ! – écrivait, il y a quelques heures, sur Facebook :
« Il y a toujours dans l’Histoire, des lieux protégés.
Ce fut le cas du duché d’Urbino, ce confetti de principauté, joyau de la Renaissance qui fut l’Athènes de l’Italie.
Le grand Bélisaire a conquis la ville, Montaigne l’a visitée…
Elle est la capitale secrète de la péninsule, bien davantage que Sienne, Rome, Florence etc. Et puis, c’est à Urbino que Castiglione, plus utile à lire que Machiavel (là aussi travers français), nous dit ce que doit être un gentilhomme »
Et d’apostropher les intellectuels français, Debray, Sollers, qui ne jurent que par Naples ou Venise !
Je n’ai passé que quelques heures à Urbino, sur le chemin de Pesaro (lire Rossini à Pesaro) Assez pour ressentir cette intense impression d’être dans une cité – modeste par la taille – où tous les murs, les palais, les églises disent l’intelligence, la science, l’art qui les ont vu éclore.
On confirme les termes de Montaigne – dans son Journal de voyage en Italie (1581) – qu’ Urbin est.sur le haut d’une montagne de moyenne hauteur, mais se couchant de toutes parts selon les pentes du lieu, de façon qu’elle n’a rien d’égal, et partout il y a à monter et à descendre.
L’arrivée au pied du monumental Palazzo Ducale, l’ascension par une scala en pente douce
pour déboucher sur la place principale, constituent une expérience fascinante pour le visiteur.
Malheureusement, le jour de notre visite, cathédrale et palais ducal étaient fermés pour cause de fêtes traditionnelles dans la ville.
Quand on visite Urbino, le nom qui vient en premier à l’esprit est celui du peintre Raphaël, né le 6 avril 1483 à Urbino, mort le 6 avril 1520 à Rome, Raffaele da Urbino. On se console de n’avoir pu visiter le musée du palais ducal, l’essentiel des oeuvres de Raphaël ayant été dispersées dans les grands musées du monde.
On se rappelle notamment le choc et les longues minutes passées à Dresde (voir Les musées de Dresde) devant la Madone Sixtine, et les deux angelots les plus célèbres du monde.
En revanche, la fermeture du musée nous a privés de quelques-unes des toiles célèbres de celui qui a travaillé plus de quatre ans au service du maître d’Urbino, Federico III da Montefeltro, seigneur de la cité de 1444 à 1482, grand protecteur des arts, des lettres et de la science. Piero della Francesca (lire Les fresques de Piero) réalise un double portrait fameux du seigneur et de son épouse Battista Sforza, visible au musée des Offices à Florence.
Deux toiles du maître d’Arezzo sont conservées à Urbino, dont cette exceptionnelle Flagellation du Christ qui révèle une maîtrise absolue de la perspective et de la complexité géométrique de la part de son auteur.
Au début du XVIème siècle, Baldassare Castiglione (1478-1529) fréquente la cour d’Urbino, la plus brillante et raffinée d’Europe.
(Le portrait de Castiglione réalisé en 1519 par Raphaël – Musée du Louvre)
C’est très certainement à partir des joutes intellectuelles, des « discussions » entre les habitués et les visiteurs de la cour d’Urbino, que Castiglione va concevoir son Livre du courtisan, qui, dès sa parution en 1528, et sa traduction en français en 1537, est un bestseller dans toute l’Europe !
Le Livre du courtisan n’est pas un livre théorique. C’est une conversation pleine d’esprit, de grâce et de désinvolture (les trois plus grandes qualités de l’homme de cour selon Castiglione), de poésie aussi, qu’échangent des amis dans le cadre de la cour du palais ducal d’Urbino, une des plus raffinées d’Italie à l’aube du XVIe siècle. Pendant quatre soirées, on danse, on écoute de la musique, on plaisante, et surtout on discute des « manières », bonnes ou mauvaises, des princes, dont il faut attirer les faveurs, des femmes, de l’amour.