Je voulais me lancer dans une analyse des causes et des conséquences du premier tour des élections présidentielles. Elle viendra, peut-être après le 7 mai.
La dignité d’abord.
C’était celle du président de la République, celle de son compagnon, lors de l’hommage ce matin à Xavier Jugelé, le policier assassiné jeudi dernier.
L’indignité c’est celle de candidats qui font leur commerce de la peur, de la haine, du rejet, qui n’ont pas honte de récupérer une tragédie pour laisser accroire qu’un coup de menton, des slogans martiaux, viendraient à bout du terrorisme.
L’indignité, c’est celle d’un candidat qui n’a jamais renié ses sympathies pour les dictateurs d’Amérique latine, parés des oripeaux décrépits de révolutions perverties, qui n’a jamais désavoué le régime syrien ni ses soutiens, qui ne trouve rien à redire aux morts du Vénézuéla qui luttent pour « dégager » le misérable Maduro. Et qui, le soir du premier tour, nous donne une sinistre réplique de « Je suis leur chef, donc je les suis« , en s’abstenant courageusement (!) de prendre parti pour le second.
Dignité en revanche, et même discours d’hommes d’honneur de la part de François Fillon et Benoit Hamon.
L’indignité c’est aussi celle que j’ai vue d’abondance se manifester sur les réseaux sociaux, de la part « d’amis » que je croyais plus réfléchis, moins sensibles à toutes les pseudo-analyses complotistes. Comment oser dire de Macron et Le Pen que c’est la peste et le choléra ? Comment oser traiter de bâtards et de bornés les millions d’électeurs qui n’ont pas eu l’intelligence de suivre aveuglément les slogans populistes de l’auto-proclamé lider maximo de la gauche la plus embourgeoisée qui soit ? Inutile, aux yeux de ces thuriféraires, d’essayer, juste essayer, d’expliquer pourquoi 24,1 % des électeurs ont voté Macron. Tous manipulés, tous victimes d’un méga-complot médiatico-bancaire et des manoeuvres de Hollande (les mêmes d’ailleurs qui dénoncent le quinquennat catastrophique du président sortant lui trouvent d’un coup des habiletés qui lui auraient fait cruellement défaut durant quatre ans et demi…).
Le programme de Macron pour ses contempteurs ? 1. Il n’en a pas ou 2. Il est vide (on ajoute sidéral pour bien faire) ou 3. Il est ultra-libéral 4. Il est la continuation de Hollande. Faudrait savoir !
On ose à peine, sur ces mêmes réseaux sociaux, faire remarquer que l’élection d’un jeune président pourrait, de facto, remettre la France, ses valeurs, son message, sous les projecteurs du monde – comme naguère l’arrivée au pouvoir dans leurs pays de Barack Obama, Justin Trudeau, Matteo Renzi, donner un sacré coup de balai à une classe politique usée, minée par ses divisions, changer les usages et les visages, doper une économie en manque de perspectives et d’investissements, et surtout refaire fonctionner un ascenseur social en panne depuis vingt ans, malgré toutes les recettes essayées.
Ah mais je rêve… À vrai dire, je rêve depuis quarante ans, depuis mon premier engagement civique, de cette ligne de crête, qui n’est ni le marais, ni le juste milieu, mais le chemin le plus exigeant, celui qu’empruntent les montagnards qui regardent haut et loin. Emmanuel Macron se revendique d’Emmanuel Mounier , « le fondateur de la revue Esprit, initiateur du personnalisme, ce courant spirituel qui cherchait une troisième voie entre le capitalisme libéral et le marxisme.» (Le Monde 8-9 mai 2016). Moi aussi, et fièrement.
Il faudrait faire la part des choses, et également remercier Mélenchon d’avoir siphonné de « possibles » électeurs de Le Pen qui ne sont pas fascistes, racistes mais qui veulent une autre politique économique et sociale en France et en Europe. Sans Mélenchon, Marine Le Pen aurait pu être en tête au premier tour.