Mises en boîtes : Copland, Mendelssohn

Le CD est mort, paraît-il, mais les éditeurs continuent de mettre en boîtes leurs fonds d’archives, parfois récentes. Et c’est une opération bien pratique pour qui a des rayons encombrés de trop de galettes individuelles.

Pour une fois, il n’y a pas eu besoin d’anniversaire prétexte pour sortir deux coffrets remarquables.

Copland by Copland

Aaron Copland (1900-1990), mort quelques semaines après son cadet Leonard Bernstein (lire Bernstein ou le génie à vif), est l’archétype du compositeur américain, l’inventeur d’une musique qui plonge toutes ses racines dans la terre américaine. Il est l’un des seuls à avoir bénéficié d’une notoriété mondiale, à défaut d’une vraie célébrité. Même si on connaît mal son oeuvre, on connaît son nom.

J’avais déjà dans ma discothèque plusieurs des CD où le compositeur dirige ses propres oeuvres, le plus souvent à la tête d’orchestres londoniens ! Sony vient de rééditer l’intégrale de ce précieux legs en 20 CD et à petit prix, il faut le relever puisque cela n’a pas toujours été le cas naguère.

C’est évidemment une somme inestimable, qui donne à connaître un créateur plus complexe que ne le laissent deviner ses oeuvres les plus connues (Appalachian Spring, Billy the Kid, Rodeo…) qui sont évidemment les plus descriptives, les plus « natives » !

Quelle chance ont eue les enfants qui, ce jour-là, assistaient à l’un des Young People Concerts animés et présentés par Leonard Bernstein, lorsqu’ils ont découvert le compositeur Aaron Copland jouant son propre concerto pour piano !

A Liège, après la restauration en 2005 de l’orgue Schyven de la Salle philharmonique, j’aurais souhaité programmer la symphonie avec orgue de Copland. Je n’y suis jamais parvenu, et mes successeurs non plus jusqu’à présent !

Mendelssohn sur les ailes du chant

C’est devenu une habitude chez Warner Classics de consacrer de forts coffrets à des compositeurs, certes les plus souvent à l’occasion d’un anniversaire. Dans le cas de Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847), aucun prétexte particulier, sauf pour réunir en 40 CD des versions déjà connues, publiées par les différents labels qui font partie aujourd’hui du groupe Warner : EMI, Electrola, Teldec, Erato, etc.

Les pièces pour piano – pour l’essentiel les cycles de Romances sans paroles – sont dues Daniel Adni avec quelques raretés bienvenues, des Etudes et caprices joués par Annie d’Arco et surtout une Première sonate avec la pianiste argentine Silvia Kersenbaum (grâce à qui j’avais découvert le 2e concerto pour piano de Tchaikovski).

C’est Marie-Claire Alain qui avait jadis gravé une part malheureusement peu connue de la production de Mendelssohn, son oeuvre pour orgue

Pour la musique de chambre, Warner n’a pas eu de mal à trouver les meilleures versions : Frédéric Lodéon (violoncelle), Maxim Vengerov (violon), le trio Fontenay, l’élégant sextuor avec piano capté lors d’un festival Argerich à Lugano, les quatuors sont partagés entre les Berg, Artemis et Cherubini.

Les concertos pour piano sont ceux de Cyprien Katsaris et Kurt Masur, une version plusieurs fois couronnée, celle que nous avions retenue, il y a bien longtemps, dans l’émission Disques en Lice (lire Une naissance) :

Sans surprise, le corpus des « grandes » symphonies est confié à Kurt Masur et à « son » Orchestre du Gewandhaus de Leipzig (qui donnent aussi un magnifique Songe d’une nuit d’été) les symphonies de jeunesse étant dévolues au Concerto Köln.

Deux absolues raretés, deux brefs ouvrages lyriques – Die beiden Pädagogen et Die Heimkehr aus der Fremde – dirigées par Heinz Wallberg avec des stars de l’époque, Peter Schreier, Dietrich Fischer-Dieskau… tout un bouquet de mélodies composite, et tout un récital du grand Fischer-Dieskau accompagné par Sawallisch au piano. L’oeuvre chorale est dévolue à Michel Corboz.

Seul regret, pour les deux grands oratorios, Paulus et Elias, il y a mieux que les honnêtes Conlon et Frühbeck de Burgos proposés ici.

La somme est admirable, ce coffret unique, donc hautement recommandé !

Hautes études

Mauvais souvenirs

Un mot d’abord pour rappeler la messe qui était dite en l’église Saint-Roch mardi dernier, pour commémorer le décès de Nicholas Angelich le 18 avril 2022. Je n’avais pas pu assister à ses obsèques, en raison d’une réunion – qui s’est avérée inutile ! – à Montpellier, je tenais à être présent à cette cérémonie où j’ai retrouvé quelques amis, mais malheureusement aucun des artistes qui clamaient, sur les réseaux sociaux, leur amitié indéfectible pour le pianiste disparu….Ainsi va la vie. Et Nicholas reste dans nos coeurs et dans nos mémoires.

Très mauvais souvenir encore que ce 24 avril 2020 et l’annulation forcée – et avec le recul prématurée, j’y reviendrai – du Festival Radio France (lire Le coeur lourd):

Hautes études

Ce lundi je n’ai pourtant pas envie de m’attarder sur ces mauvais souvenirs.

Sauf si le mot « études » évoque, pour les apprentis musiciens que nous fûmes, des exercices pénibles, souvent peu gratifiants, mais nécessaires.

Pourtant quand Chopin, Liszt, Debussy s’en mêlent, pour ne citer que les plus illustres, les Études deviennent des chefs-d’oeuvre.

Le numéro de mai du magazine Gramophone consacre un article passionnant aux deux cahiers d’Etudes de Chopin, signé Jed Distler. Passionnant et un peu surprenant dans le choix des versions proposées. Avec quelques oublis étonnants, et, pour moi, la découverte d’inconnues !

J’ignorais- honte à moi ! – jusqu’aux noms de la pianiste française Véronique Bonnecaze

de la pianiste Juana Zayas, née à La Havane le 25 décembre 1940, formée au Conservatoire de Paris, puis aux Etats-Unis où elle semble s’être établie, selon les très maigres informations que j’ai pu recueillir sur Internet.

Sa version des deux cahiers, enregistrée en 1983, est d’ailleurs le Top Choice de Gramophone !

Autre inconnue pour moi, la Japonaise Yuki Matsuzawa, dont Distler loue tout à la fois « technical mastery, tasteful nuance, impeccable timed phrasing » et recommande la version en téléchargement.

Sans dévoiler le contenu de l’article de Gramophone, on retrouve dans l’article de Jed Distler des noms attendus, d’Alfred Cortot à Jan Lisiecki, de Ruth Slenczynska à Maurizio Pollini, pour ne citer que des versions souvent signalées par la critique et qui ne convainquent pas toujours – euphémisme – l’auteur de l’article.

Heureux, à l’inverse, d’y lire des noms comme Dinorah Varsi (lire La révélation Dinorah)

ou de Georges Cziffra (qualifié de « The Acrobat »)

ou encore d’Abbey Simon (lire Le pianiste oublié) :

Et puis il y a plusieurs oublis dans la liste de Gramophone, comme le merveilleux Geza Anda, dont la version de l’opus 25 en récital à Locarno en 1965 reste la plus chère à mon coeur.

ou encore le tout jeune Boris Berezovsky

Jed Distler aurait pu (dû?) rappeler la récente réédition de l’un des tout premiers disques du si regretté Rafael Orozco (1946-1996) – lire Le Chopin de Rafael

Le mépris du public

Je crois n’avoir aucune preuve à donner de ce qui a constitué la colonne vertébrale non seulement de mes activités professionnelles mais aussi de tous mes engagements publics : le respect du public.

Or le simple fait, pour des grands médias, de ressasser que la musique classique est « élitiste », qu’elle doit être « dépoussiérée » est déjà le signe d’un profond mépris du public. Ce « grand public » ( mon article de septembre 2015 Le grand public n’a malheureusement rien perdu de sa pertinence) que ceux qui en parlent le plus sont incapables de définir, pour la bonne raison qu’ils ignorent ce qu’est, ce qu’attend ce public qui n’est pas composé d’imbéciles !

Quand on voit l’étalage médiatique que de grandes chaînes TV et radio de service public réservent à des « artistes », à des prestations, qui sont des insultes vivantes à des milliers de musiciens qui ont fait de longues et dures études, qui affrontent les incertitudes et les affres d’une vie professionnelle, sans même parler de carrière, toujours aléatoire.

Je ne connaissais pas, jusqu’à ce que France 2 nous abreuve d’une pub aussi ridicule qu’insistante, le dénommé Riopy,

Il paraît qu’il en est à son quatrième « album » chez Warner ! Faut-il insister ?

Son « confrère » Sofiane Pamart a bénéficié, lui, de toutes les attentions d’Arte Concert.

On se demande bien pourquoi Alexandre Kantorow s’est évertué à gagner le Grand Prix du concours Tchaikovski à Moscou, pourquoi Beatrice Rana s’est présentée au concours Van Cliburn, pourquoi Yuja Wang a travaillé avec autant d’acharnement au Curtis Institute, pour ne citer que les plus beaux exemples d’immenses talents de la jeune génération. Question look, cette dernière n’a rien à redouter de la comparaison avec M. Pamart, sauf qu’elle, elle sait jouer du piano !

et n’imite pas la pianiste sino-américaine qui veut. Cette trouvaille sur YouTube vaut le détour, mais Chopin n’est-il pas un peu has been sous des doigts aussi glamour ? Admirez la posture !

Je fais, pour ma part, le pari du public,

Cela me rappelle, toutes proportions gardées, ces « crooners » qu’on a essayé de nous vendre comme les nouveaux Sinatra ou Dean Martin, qui à force de pubs ont sans doute vendu beaucoup de disques, dont la « carrière » a duré ce que vivent les roses, dont les noms sont aujourd’hui complètement oubliés. L’absence de talent finit toujours par se remarquer.

En attendant, j’ai replongé dans ma discothèque, à l’écoute de magnifiques artistes, que j’avais un peu négligés ces derniers temps. C’est mon choix de la semaine !

J’avais eu le privilège d’entendre Elisabeth Leonskaja jouer ce 3ème concerto de Beethoven à Toulouse en janvier 2018…

J’ai réécouté le contenu de deux coffrets Chopin jadis publiés par Teldec, qui n’était pas encore Warner.

Comme les valses de Chopin sous les doigts si poétiques de Maria Joao Pires

les deux cahiers d’Etudes de Chopin où éclate le génie d’un jeune pianiste, aujourd’hui malheureusement fourvoyé dans les pires errements.

ou encore les sonates 2 et 3 avec le merveilleux György Sebök, à qui Warner serait bien inspiré de consacrer un coffret réhabilitateur.

PS On conseille vivement à ceux qui l’auraient manquée l’émission « Portraits de famille » de Philippe Cassard du 1er avril dernier sur France Musique

Prokofiev en boîte

Puisqu’il a été décidé que Serge Prokofiev, mort il y a 70 ans, méritait la une des deux magazines français de musique classique (lire Les deux Serge et Prokofiev etc.), réjouissons-nous de voir paraître un copieux coffret de 36 CD chez Warner.

Simple recyclage d’enregistrements déjà bien connus ? Pour partie oui, mais avec pas mal de redécouvertes. Et surtout un choix éditorial qui, dans un catalogue aussi vaste que celui des labels désormais regroupés sous la houlette de Warner (EMI, Erato, Teldec, etc.), prend des partis, retient telle version plutôt que telle autre.

Le piano

Ainsi, pour reprendre dans l’ordre de présentation des CD, dans les sonates pour piano, on retrouve partiellement la formidable intégrale de Vladimir Ovchinnikov, mais aussi l’énorme surprise qu’est la réédition de la 2ème sonate par le tout jeune Rafael Orozco.

Nikolai Luganski joue la 6ème sonate, et c’est, comme une forme d’hommage au pianiste franco-américain trop tôt disparu, à Nicholas Angelich que revient la 8ème sonate (comme son formidable cycle des Visions fugitives)

Les cinq concertos pour piano se partagent entre Andrei Gavrilov / Simon Rattle (1), le récent Beatrice Rana / Antonio Pappano (2), trois versions et non des moindres pour le 3ème, l’historique version du compositeur lui-même secondé par Piero Coppola et le LSO en 1932, Martha Argerich/Charles Dutoit et Alexis Weissenberg/Seiji Ozawa, Michel Béroff/Kurt Masur (4) et Richter/Maazel (5).

Le violon

C’est sans doute dans le chapitre « violon » et musique de chambre qu’il y a le moins de surprises : pour les deux sonates les inusables Repin et Berezovsky, pour les deux concertos les Oistrakh multi-réédités (j’aurais préféré les versions, pour moi insurpassées, de Nathan Milstein avec Giulini (1) et Frühbeck de Burgos (2)), mais aussi les moins connus Perlman avec l’apport de Rojdestvenski au podium.

Pierre et le Loup

Pour ce coffret, Warner avait l’embarras du choix dans les versions du conte musical Pierre et le Loup. Il y a pas moins de 6 versions, en français ,anglais, allemand, japonais, espagnol et néerlandais ! Avec d’illustres narrateurs : une version longtemps introuvable en allemand de Romy Schneider, à l’époque des Sissi, en espagnol avec Miguel Bosé, et en français c’est Claude Piéplu qui est annoncé sur la pochette… et c’est Peter Ustinov qu’on entend aux côtés d’Igor Markevitch et de l’Orchestre de Paris (1969). Le même Peter Ustinov, enregistré plusieurs années auparavant, est également présent dans la version anglaise avec Karajan et le Philharmonia (chef et orchestre qui manquent singulièrement de poésie !)

Les Ballets

C’est sans doute le point faible de ce coffret. En dehors des versions archi classiques d’André Previn de Roméo et Juliette et Cendrillon et du bien médiocre Fils prodigue de Lawrence Foster, rien dans les autres ballets et musiques de scène de Prokofiev à se mettre dans l’oreille ! En revanche une belle surprise avec les trois suites de Roméo et Juliette, dues à Armin Jordan et l’orchestre de la Suisse romande, passées sous les radars à leur sortie.

Rien de neuf non plus côté musiques de films ou assimilées : l’Alexandre Nevski d’André Previn manquant vraiment de « russité », l’impressionnant Ivan le Terrible de Riccardo Muti.

Les opéras

A l’instigation de Claude Samuel, les forces musicales de Radio France – Choeur et Orchestre National – avaient prêté leur concours à un très coûteux pour les finances d’Erato : le monumental Guerre et Paix sous la conduite passionnée de Mstislav Rostropovitch. L’Amour des trois oranges réunit la fine fleur du chant français sous la houlette nettement moins fervente de Kent Nagano.

Les symphonies

C’est toujours Rostropovitch et le National qu’on retrouve pour la plupart des symphonies (notamment pour les deux versions de 4ème), Previn conduisant les 1 et 7. On aurait pu imaginer un choix un peu plus vaste, notamment pour la 5ème symphonie…

Le livret du coffret est réduit au minimum, pas de détails sur les CD, les dates d’enregistrement etc… (tout cela c’est sur chaque pochette, écrit en minuscules minuscules !). Un bon texte de Loic Chahine en trois langues.

Précision : j’achète tous les disques et coffrets que je commente et présente dans mon blog. Je n’ai jamais demandé ni reçu ce qu’on appelle dans le jargon professionnel des « services de presse » (gratuits).

Barenboim #80 : complexité, perplexité, admiration

À un homme malade, sérieusement malade selon ses propres déclarations, on doit d’abord adresser des vœux de meilleure santé, avant même de fêter son quatre-vingtième anniversaire.

Daniel Barenboim est né le 15 novembre 1942 à Buenos Aires, un an après sa compatriote Martha Argerich.

Le titre de ce billet reflète ce que l’on peut penser d’une personnalité de tout premier plan, un premier plan que Barenboim n’a pas toujours occupé ni conquis par ses seules qualités musicales.

Comme l’écrit Sylvain Fort sur Forumopera : « Le New York Times, dans un long article intitulé « Illness puts maestro on pause » rappelle l’ampleur de l’empire Barenboim. Son absence se fait d’autant plus cruellement sentir qu’il préside aux destinées de la Staatskapelle de Berlin, de l’orchestre du Divan, de la Staatsoper de Berlin – autant de formations pour lesquelles à travers le temps il a obtenu de généreuses subventions et des concours privés considérables. A la lecture de cet article, l’on comprend que Daniel Barenboim, s’il indique lui-même avoir vécu par ou pour la musique, aura aussi joué un rôle politique considérable dans l’univers culturel au sens large. »

Argentinian-born Israeli conductor Daniel Barenboim is pictured as he conducts the Vienna Philharmonic Orchestra during the New Year concert on January 1, 2009 in Vienna. AFP PHOTO/DIETER NAGL (Photo by DIETER NAGL / AFP)

Mais soyons clair: l’admiration l’emporte de loin sur la critique. Ne serait-ce que sur ce blog, les occurrences « Barenboim » se comptent par dizaines. Et ce n’est pas parce que, le 1er janvier dernier, il n’était plus que l’ombre de lui-même – un concert de Nouvel an crépusculaire – que ses derniers disques chez Deutsche Grammophon n’ajoutent vraiment rien à sa gloire (voir Le difficile art de la critique), qu’on doit oublier tout ce que le pianiste et chef d’orchestre nous a donné.

Je renvoie aux deux articles que j’avais consacrés à Daniel Barenboim… il y a cinq ans : Barenboim 75 ou l’artiste prolifique, Barenboim 75 première salve. Rien à changer dans mes choix de discophile, ni dans mes souvenirs de jeunesse. Les concertos et les sonates de Mozart, les concertos de Beethoven, les symphonies de Franck et Saint-Saëns, la 4ème symphonie de Bruckner, ce sont mes premiers disques… avec Barenboim.

Pour terminer sur un message heureux en lien avec la ville où Daniel Barenboim s’est établi depuis des lustres, j’avais aussi découvert par hasard – un CD trouvé dans un magasin d’occasions en Allemagne – l’équivalent à Berlin de la Marche de Radetzky à Vienne, le Berliner Luft du bien trop méconnu compositeur berlinois Paul Lincke… grâce à Daniel Barenboim, qui, au lieu de courir la poste comme nombre de ses confrères, adopte le tempo giusto d’une marche, dansée, chantée et sifflée.

Ici une vidéo que je ne connaissais pas, la fin d’un concert la Saint-Sylvestre 1997, dans la grande salle de la Staatsoper.

Printemps qui commence

Une semaine après le second tour de l’élection présidentielle, je ne change pas une ligne à ce que j’écrivais ici : Gagnants et perdants. Le feuilleton Mélenchon continue, à l’heure où j’écris ces lignes, après les écolos, ce qu’il reste du parti socialiste et du parti communiste semble tout près d’une complète reddition. Quelques sièges de députés valent bien le reniement de quelques principes.

Reine de la nuit

Je l’aimais bien, Régine, disparue ce 1er mai. J’ai un vague souvenir du New Jimmy’s, sa boîte mythique, à la fin des années 70.

La morte oubliée

J’avais consacré, il y a plus de deux ans, un billet à une artiste est-allemande dont la notoriété n’a jamais franchi le rideau de fer, bien à tort : Le piano venu de l’Est, Annerose Schmidt.

Personne n’a relevé le décès, le 10 mars dernier, d’Annerose Schmidt, de son vrai Annerose Boeck. Il nous reste heureusement, sur les sites de téléchargement, et sous le label Berlin Classics, une belle documentation discographique de l’art de cette pianiste, notamment une intégrale des concertos de Mozart, que je chéris particulièrement.

Contrairement à ce qui est mentionné sur le bandeau inférieur, ce n’est pas le 21ème mais le 22ème concerto de Mozart qui est à entendre ici.

Kurt Masur, un héritage

Cette intégrale mozartienne avec Annerose Schmidt révèle un aspect peu connu de la carrière et de l’art du chef allemand Kurt Masur (1927-2015), qu’on ne retrouve pas dans l’intégrale que Warner publie de ses enregistrements réalisés pour Teldec et EMI, pour l’essentiel avec l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig, dont Masur fut le directeur musical de 1970 à 1996 – fameux bail ! -, et dans une mesure plus limitée avec le New York Philharmonic et le London Philharmonic qu’il dirigea après Leipzig.

Tous les détails de ce coffret à retrouver ici : Kurt Masur, l’héritage Teldec Warner.

Parmi les rééditions notables, une intégrale un peu oubliée, à tort, des poèmes symphoniques de Liszt.

Cécile Ousset introuvable

Dans ce coffret Masur, et dans d’autres, on trouve une pianiste, française, Cécile Ousset, contemporaine d’Annerose Schmidt, que j’avais rencontrée il y a quelques années (Frontières), à qui Warner consacre également une belle boîte :

Je suis pour le moins perplexe, après avoir écouté les enregistrements que je ne connaissais pas (Debussy, Chopin, Rachmaninov). Du piano solide, au fond du clavier, mais qui me semble bien court d’inspiration et de feu.

Amadeus Corea

Chick Corea est mort hier, des suites d’un « cancer rare » selon les médias, à quelques semaines de son 80ème anniversaire.

C’est curieusement par et dans Mozart que j’ai découvert le jazzman. Il fallait être Harnoncourt pour réunir en 1989 deux personnages, deux personnalités aussi contrastées que Friedrich Gulda et Chick Corea pour enregistrer le concerto pour deux pianos de Mozart. Oserai-je dire, sans attenter à la réputation du pianiste autrichien, que les incursions de Gulda dans le jazz – même s’il pouvait être un improvisateur génial en concert – ne m’ont pas toujours convaincu ? Tandis que Chick Corea m’a toujours semblé être chez lui dans Mozart.

Autre témoignage très émouvant de la pratique mozartienne de Chick Corea, cette vidéo d’un concert partagé avec un autre géant du jazz… et du classique, Keith Jarrett, qui a dû renoncer à jouer, en raison d’une paralysie consécutive à deux AVC.

Il y a un autre disque que je chéris comme un trésor, Mozart encore cette fois avec Chick Corea et Bobby McFerrin. Une vision si libre et joyeuse, conforme à l’esprit d’un Wolfgang qui ne se privait pas d’improviser au clavier. « Cette pratique abandonnée depuis longtemps est l’un des éléments du style mozartien que le chef d’orchestre Bobby et le pianiste Chick Corea explorent dans The Mozart Sessions, qui comprend des enregistrements des Concertos pour piano n ° 20 de Mozart en ré mineur, K.466 et n ° 23 en la. Major, K.488, joué avec le Saint Paul Chamber Orchestra. Les sessions Mozart sont sorties en octobre 1996. Non seulement Corea joue ses propres cadences dans les concertos, mais lui et Bobby associent leurs improvisations individuelles pour conduire l’auditeur directement dans chacun des concertos. Ce qui rend ces improvisations si inhabituelles est le fait que Bobby et Chick, un pianiste de jazz, apportent leurs propres styles créatifs distinctifs à la musique de Mozart. L’improvisation était considérée comme un talent essentiel pour un pianiste de concert à la fin du 18e siècle. Mozart et Beethoven ont ébloui le public par leur talent d’improvisation » (Chick Corea : The Mozart Sessions)

Beethoven 250 (XII) : le quatuor Alban Berg

Quel magnifique cadeau que ce coffret, commandé il y a plusieurs semaines, reçu aujourd’hui : pas moins que l’intégrale des enregistrements réalisés d’abord pour Teldec, puis pour EMI – labels aujourd’hui réunis sous l’étiquette Warner – par le légendaire quatuor Alban Berg.

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Beethoven: deux intégrales

Beethoven est la super-star de ce coffret ! Jugez-en : trois intégrales des quatuors, deux en CD, la troisième en DVD ! Est-ce bien raisonnable ?

Günter Pichler, 80 ans en septembre, l’inamovible premier violon du quatuor fondé en 1971, qui a cessé son activité à l’été 2008, raconte l’origine de la première intégrale :

« Le Quatuor n’a pas encore dix ans, EMI nous propose d’enregistrer une intégrale des quatuors de Beethoven.  N’étant pas sûrs d’avoir la maturité nécessaire pour relever ce défi, nous demandons conseil à Norbert Brainin, du Quatuor AmadeusSa réponse : « Si vous attendez d’être suffisamment mûrs, vous ne le ferez jamais ». EMI veut boucler le projet en deux ans, nous insistons pour l’étaler sur cinq ans »

Cette première intégrale est bien réalisée de 1978 à 1983, et ne cessera plus d’être une référence maintes fois rééditée.

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Les Berg remettront l’ouvrage sur le métier à la fin des années 1980, pour une série captée en concert, en juin 1989, dans la salle Mozart du Konzerhaus de Vienne, série doublement restituée – en CD et en DVD – dans ce coffret.

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Mais l’intérêt de ce pavé est bien de nous restituer le legs d’un quatuor authentiquement viennois, qui, en toute logique, a servi Haydn, Mozart, Schubert, Brahms comme peu d’autres. Le livret reprend la notice que Jean-Michel Molkhou a consacré au Quatuor dans son récent ouvrage sur Les grands quatuors du XXème siècle paru chez Buchet-Chastel

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Une discographie où quelques contemporains trouvent leur place, mais dont sont curieusement absents Schoenberg (à la différence de Berg et Webern), Schumann, les derniers quatuors de Mendelssohn, une grande part de ceux de Haydn, et Chostakovitch –  mais Pichler avoue que, sans aucunement mépriser ce compositeur, les Berg ne se sentaient pas légitimes dans un répertoire où le Quatuor Borodine, par exemple, faisait référence.

Tous les détails de ce coffret ici Alban Berg complete recordings

Debussy : de la belle ouvrage

Les anniversaires sont les meilleurs palliatifs au manque d’imagination des organisateurs…et des éditeurs (cf. tout ce qu’ont suscité les…40 ans de la disparition de Maria Callas !)

En 2018 nous allons être gâtés : deux centenaires – la naissance de Leonard Bernstein (voir Les géants), la mort de Claude Debussyun bicentenaire – la naissance de Charles Gounod.

Dès lors que l’anniversaire est plus qu’un prétexte à une opération de recyclage, mais l’occasion d’approfondir notre connaissance de l’oeuvre et de l’interprétation d’un  compositeur, d’un artiste en général, on l’accueille plus volontiers.

Le coffret de 33 CD que Warner vient de publier – Claude Debussy, The Complete Works – mérite, de ce point de vue, tous les éloges. En tous points, de la très belle ouvrage.

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Depuis que je l’ai acheté jeudi dernier, je vais de découverte en émerveillement.

Une édition extrêmement soignée, ce qui n’est plus si fréquent : les pochettes des 33 galettes illustrées, comme la couverture du coffret, de superbes estampes d’Hokusai

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Un livret trilingue (français, anglais, allemand) érudit, mais fuyant le jargon, de Denis Herlin :

Une iconographie de même niveau, un luxe de détails sur les oeuvres, les artistes, les lieux et dates d’enregistrements.

On imagine l’embarras de ceux qui se sont attelés à la confection de ce coffret : comment choisir dans les fonds considérables des labels désormais regroupés sous l’étiquette Warner (EMI, Teldec, pour l’essentiel), les interprétations « de référence » ? S’en tenir à des versions « légendaires », qui, à force d’être tenues pour des références, finissent par ne plus susciter qu’un intérêt poli, et ne représentent plus grand chose pour l’auditeur novice ou le mélomane d’aujourd’hui ?

Je trouve que les partis qui ont été pris témoignent d’abord d’une authentique connaissance et d’une recherche très fine dans les catalogues existants, même si on pourra toujours préférer tel interprète à tel autre. Ensuite beaucoup d’enregistrements récents, empruntés à d’autres labels (Actes Sud, Palazzetto Bru Zane…), ou réalisés pour précisément compléter le catalogue des oeuvres à 4 mains ou 2 pianos, comme les transcriptions que Debussy avait faites de Schumann… ou Saint-Saëns (sa 2ème symphonie, les airs de ballet d’Etienne Marcel !). Il y a donc plusieurs premières mondiales dans ce coffret !

Pour Pelléas et Mélisandec’est le choix de la version d’Armin Jordan qui a été fait, et c’est justice ! Pour l’oeuvre symphonique, on ne s’est pas arrêté à Martinon ou Cluytens, mais on nous restitue les magnifiques lectures de La Mer et des Nocturnes par Giulini avec le Philharmonia des grandes années, ou les Images vues par Rattle à Birmingham.

Un coffret qui doit figurer dans toute discothèque, assurément !

Et puisqu’on marquait, le 5 janvier, les deux ans de la disparition de Pierre Boulezj’ai retrouvé un document qui m’avait échappé, enregistré quelques mois avant sa mort : Pierre Boulez s’exprime sur l’édition critique de Debussy, et de manière plus générale, sur les partitions, le « matériel » des compositeurs. Très émouvant.

Tous les détails des 33 CD du coffret Warner à lire ici : Debussy Complete Works

 

L’admirable Nelson

Je m’aperçois que je ne l’ai jamais évoqué sur ce blog, alors que je l’admire depuis si longtemps. J’avais manqué – pour cause de fête de famille (L’eau vive) – un concert que j’avais pourtant contribué à organiser, que France Musique a eu l’excellente idée de diffuser hier soir. Nelson Freire jouait le 4ème concerto pour piano de Beethoven, accompagné – le terme est impropre, tant l’osmose entre soliste, chef et orchestre était évidente – par Louis Langrée et l’Orchestre National de France (qui proposait, en seconde partie, un Pelléas et Mélisande de Schoenberg d’anthologie).

Un concert à réécouter ici : ONF/Louis Langrée/Nelson Freire (24 mai 2017)

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J’ai tant de souvenirs avec ce magnifique musicien. Rien de ce qu’il est, de ce qu’il joue, ne m’a jamais laissé indifférent ou déçu. Il suffit de l’avoir vu, rencontré une fois, il suffit de voir la photo qui orne la pochette ci-dessus, pour entrer définitivement en sympathie avec lui. Et ne plus avoir envie de jouer les critiques, de comparer telle version d’il y a trente ans et un remake plus récent. Ci-dessous, j’ai simplement mis en avant quelques disques de chevet, mais je n’en exclus aucun autre.

Ma première rencontre professionnelle avec Nelson Freire remonte à 1987. Pour célébrer le centenaire de la naissance d’Heitor Villa Lobos, j’avais été chargé de monter un programme un peu exceptionnel avec l’Orchestre de la Suisse romande au Victoria Hall à Genève. En faisant quelques recherches dans la phonothèque de la Radio suisse romande, je tombe sur une bande copiée d’un disque enregistré dès 1948 par Ernest Ansermet et l’OSR… du 1er concerto pour piano de Villa Lobos, une commande de la pianiste canadienne Ellen Ballon au compositeur brésilien.

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Le plus grand pianiste brésilien vivant étant Nelson Freire, je pense immédiatement à lui pour rendre cet hommage à Villa Lobos, dont il a déjà enregistré quelques pièces.

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Mais ni lui, ni aucun autre pianiste d’envergure n’a ce concerto à son répertoire. Nelson accepte, sans discuter, d’apprendre l’oeuvre pour le concert – et accepte une diffusion en direct et sur les radios membres de l’UER ! –

Je devrai attendre quelques années pour réinviter Nelson Freire. À Liège il nous offre un mémorable récital Chopin en 2004.

Quelques mois plus tard, pour un concert de gala, il remplace Maria Joao Pires qui a annulé pour je ne sais plus quelle (mauvaise) raison, et nous fait entendre le plus beau « Jeunehomme » – le 9ème concerto pour piano de Mozart – que j’aie jamais entendu en concert !

Longtemps erratique, sa discographie s’est heureusement enrichie depuis quelques années grâce à Decca. Quantité de disques admirables, où rayonne suprêmement l’art d’un musicien singulier. Un coup de coeur peut-être pour celui-ci

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Mais on ne m’en voudra pas de revenir à une série d’enregistrements plus anciens, que j’avais patiemment collectionnés, dès que je les trouvais, en Allemagne ou en Grande-Bretagne, plus rarement en France, et qui sont aujourd’hui tous réédités. Ils sont tous indispensables !

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Et bien sûr ces 2 CD miraculeux… ou quand deux amis se rejoignent sur les cimes du génie !

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https://www.youtube.com/watch?v=VGQmfF7LOvo

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