Les bonnes raisons

Mon père, qui aurait eu 95 ans hier, si la grande faucheuse ne l’avait brutalement emporté il y a cinquante ans, me disait toujours quand je critiquais un camarade d’école ou de collège : « Il y a toujours quelque chose de bon à trouver chez chacun, dans chaque situation ». Vision angélique ou naïve ? Je me demande ce que le professeur adoré de ses élèves qu’il était aurait pensé du monde d’aujourd’hui. Mais je n’ai jamais oublié son injonction, qui continue de me guider. Pourquoi perdre son temps et son énergie à détester, combattre, se fâcher? Les bonnes raisons d’espérer existent en ce début d’année 2023. À nous de les préférer à la résignation.

Inutile méchanceté

Mais puisque mon dernier billet – Même pas drôle – a suscité quelques commentaires, je confirme et signe ce que j’ai écrit à propos de Roselyne Bachelot et de son passage plus que controversé au ministère de la Culture. Le Monde (Michel Guerrin) n’est pas moins sévère que moi : « Si Roselyne Bachelot pose une bonne question – à quoi sert une politique culturelle aujourd’hui ? –, ses réponses sont un peu courtes ». Le Point relève : Roselyne Bachelot règle ses comptes avec la culture, ce qui est quand même un comble pour une ministre qui était censée défendre et aider le monde de la culture.

En fait, ce bouquin est la pire des publicités qu’on puisse faire à la Culture, Comme si nous avions besoin de tomber encore plus bas… Imaginons seulement la même chose de la part d’un ancien ministre de l’Intérieur ou de la Justice qui passerait « à la sulfateuse » – c’est l’expression employée par les médias pour Bachelot – les magistrats, policiers, gendarmes, hauts responsables dont il avait la charge. Ce serait un scandale ! Mais puisque c’est la Culture, allons-y gaiement. Non merci Roselyne !

Les jeunes Siècles

L’année musicale a bien commencé pour moi. Il y a une semaine c’était le concert-anniversaire des 20 ans des Siècles au Théâtre des Champs-Elysées. J’ai écrit pour Bachtrack un compte-rendu enthousiaste : Les Siècles ont vingt ans : une fête française.

Le même programme avait été capté le 5 janvier à Tourcoing. A déguster sans modération, surtout pour la première suite de Namouna de Lalo.

Les fabuleux Pražák

Depuis que je suis rentré de vacances, je prends un plaisir non dissimulé à découvrir le contenu d’un fabuleux coffret : celui que le label Praga consacre au plus célèbre quatuor tchèque du siècle dernier, les Pražák (prononcer Pra-jacques)

Une somme admirable, un enchantement sur chaque galette

Le monde d’hier

Semaine intéressante, même si inachevée contre mon gré – rien de grave, juste quelques douleurs persistantes qui restreignent ma « mobilité » – qui faisait se confronter et se succéder le récital de Joyce DiDonato au théâtre des Champs-Elysées mercredi et le concert de l’Orchestre national de France, dirigé pour la première fois par Philippe Jordan jeudi à l’Auditorium de la Maison de la radio et de la musique.

Les bons sentiments

Puisque j’avais accepté de chroniquer le récital de Joyce DiDonato pour Forumopera, je renvoie à l’article paru sur le site : Les bons sentiments. Je n’ai pas beaucoup aimé ce show plein de tellement bons sentiments.

Mais en prime, cette courte vidéo, qui n’est pas dans l’article, si touchante :

Philippe le chevalier à la rose

Il me l’avait annoncé, lorsque la ci-devant ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, lui avait remis les insignes de chevalier de la Légion d’Honneur à la veille du premier tour de l’élection présidentielle (lire Ministère), Philippe Jordan était bien jeudi soir à la tête de l’Orchestre national de France. C’était une première, puisqu’il est dans les usages, parfois dans les contrats, que le directeur musical d’une institution parisienne – en l’occurrence ce fut l’Opéra de Paris de 2009 à 2021 – ne dirige pas un autre orchestre.

L’auditorium de la Maison de la radio était comble et l’excitation palpable dans les rangs du public. La première partie était constituée du concerto pour violon de Brahms, avec un magnifique soliste qu’on avait loué ici même il y a peu (Tables d’harmonie) et qu’on n’avait plus entendu en concert depuis belle lurette, Frank Peter Zimmermann. À 57 ans, il garde cette allure juvénile et surtout ce jeu d’une justesse, d’une élégance, d’une profondeur, sans les excès, les démonstrations que s’autorise parfois – souvent – son illustre compatriote plus célèbre, jadis couvée par Karajan.

Et ce que Philippe Jordan fait de l’orchestre, la soie des cordes, la beauté des vents – on entend pour la première fois le nouveau hautbois solo Thomas Hutchinson, magnifiquement chantant dans le début du deuxième mouvement (ce fameux mouvement qui avait déclenché l’ire du dédicataire et créateur du concerto, Joseph Joachim, parce qu’il fait la part trop belle au hautbois !).

La seconde partie est toute entière dédiée à Richard Strauss et à la nouvelle suite d’orchestre que Philippe Jordan et Thomas Ille ont réalisée à partir de l’opéra Der Rosenkavalier / Le Chevalier à la rose. Par rapport aux suites qu’on connaît déjà, pas d’extravagance, seulement des ajouts notamment aux épisodes de valse, la sollicitation de toutes les qualités individuelles et collectives de l’orchestre. Le chef obtient un triomphe, et l’on voit tant dans les yeux des musiciens que du public ou des personnalités présentes autour de Sibyle Veil, la PDG de Radio France, le souhait manifeste que cette « première » ne soit pas une dernière.

On peut, on doit réécouter ce concert sur francemusique.fr.

PS 1. Où l’on constate que les bonnes idées finissent toujours par aboutir, même à Radio France (!) : que ce soit comme directeur de France Musique – il y a longtemps -, comme directeur de la musique – brièvement entre 2014 et 2015, ou comme directeur du Festival Radio France, je m’étais toujours étonné que le public des concerts transmis en direct sur France Musique ne puisse pas entendre (ni voir) celles et ceux qui présentent ces concerts à l’antenne. On me répondait toujours que ce n’était pas possible etc. J’avais finalement obtenu à Montpellier la présence sur scène des producteurs/présentateurs de France Musique, pour le plus grand plaisir des auditeurs/spectateurs de l’Opéra Berlioz. Jeudi soir, je ne sais qui je dois en féliciter, Benjamin François a pu introduire le concert sur scène, au lieu d’être caché dans le studio attenant. Tout le monde en a profité, le public de l’auditorium comme les auditeurs de France Musique ! Bravo !

PS 2. S’agissant de Philippe Jordan ce n’était pas une première à Radio France mais avec l’Orchestre national. Au début des années 2000, tandis que je l’invitais à Liège, l’Orchestre philharmonique de Radio France l’avait engagé, lui faisant même enregistrer l’intégrale des concertos de Beethoven avec François-Frederic Guy.

Ministère

Météo capricieuse en cette veille de second tour de l’élection présidentielle. Les colonnes de Buren qui peuplent la cour carrée du Palais Royal à Paris avaient été copieusement arrosées.

L’honneur pour le chef

Nous n’étions qu’une poignée à nous retrouver samedi après-midi dans le salon Joseph Bonaparte du ministère de la Culture à Paris. L’invitation n’était arrivée que la veille : celle qui est encore ministre pour quelques jours, Roselyne Bachelot, nous avait conviés in extremis à la cérémonie de remise de la Légion d’Honneur à Philippe Jordan, directeur musical de l’Opéra de Paris de 2009 à 2021 (lire Ce n’est qu’un au revoir).

Joie de retrouver, dans ce cadre intime et propice aux échanges, l’ami Philippe qui, dans son petit discours de remerciement, invoquait l’ombre tutélaire et affectueuse de son père Armin Jordan.

Plaisir d’échanger aussi avec la ministre sortante de la Culture qui, en politique aguerrie, se montrait plutôt optimiste quant à l’issue du second tour, mais plus circonspecte sur les législatives à venir, en raison de la décomposition des forces politiques traditionnelles.

Le vrai ministre

Présent à cette cérémonie, un récent retraité, avec qui, pendant des années, je n’avais souvent échangé que des propos rapides et convenus, un personnage avec qui j’avais construit, en 1995, une belle journée radiophonique (lire Boulez vintage), Laurent Bayle, qui a porté, contre vents et marées, puis dirigé la Philharmonie de Paris (inaugurée le 14 janvier 2015, lire Philharmonie)

La constance de son engagement pour ce projet, sa ténacité et son habileté à déjouer les pressions, les changements de cap des politiques, avaient fait de Laurent Bayle celui que tout le milieu musical et culturel désignait comme le vrai ministre de la Culture.

C’est ce que je lui rappelai samedi, en faisant une gaffe : je l’incitais à écrire ses souvenirs, à raconter par le menu les coulisses de l’exploit, ce à quoi il me répondit qu’il n’avait pu tout dire… dans le livre de souvenirs qu’il avait publié en janvier dernier ! J’avoue que j’avais raté cette parution, et que je n’en avais pas lu de critique ou de présentation dans la presse.

« Des années 1980 à nos jours, le paysage culturel et musical français a connu des métamorphoses puissantes, entre audace artistique et volonté politique. C’est de cette période passionnante et passionnée que Laurent Bayle témoigne dans ce livre éclairant.
Son parcours singulier, qui l’a mené à créer et à diriger la Philharmonie de Paris, est celui d’un engagement de plus de quarante ans au service de la musique. Il raconte ici un foisonnement artistique où sont à l’œuvre des personnages exceptionnels, dont il livre des portraits sensibles : de Pierre Boulez à Patti Smith, de Daniel Barenboim à Jean Nouvel, c’est le récit personnel d’un homme qui a bâti, avec d’autres, une certaine vision de la culture.
 » (Présentation de l’éditeur).

Ce témoignage est d’autant plus passionnant, qu’il restitue une période, que j’ai aussi connue, qui nous paraît rétrospectivement constituer une sorte d’âge d’or pour la création, le foisonnement culturel, le début des années 80. Les jeunes années de Laurent Bayle l’illustrent à merveille.

Un samedi à la Philharmonie

C’est justement dans la grande salle de la Philharmonie que j’ai passé la soirée de samedi, retrouvant avec bonheur l’Orchestre national de France, son chef Cristian Macelaru, et un magnifique violoniste que je n’avais plus entendu en concert depuis mes années liégeoises, Sergey Khatchatryan.

Programme original que Pascal Dusapin et Florence Darel assis à côté de moi n’étaient pas les derniers à apprécier : Amériques de Varèse, le premier concerto pour violon de Max Bruch, et Petrouchka de Stravinsky. De concert en concert, chef et orchestre manifestent une cohésion, une dynamique collective, qui ne cessent de m’impressionner.

J’en suis d’autant plus heureux que l’Orchestre national de France, Cristian Macelaru, ainsi que le Choeur de Radio France, seront les héros de l’une des soirées les plus emblématiques du prochain Festival Radio France Occitanie Montpellier (FROM pour les intimes), le 21 juillet, avec les Sea Pictures d’Elgar (avec Marianne Crebassa) et la grandiose Sea Symphony de Vaughan Williams (réservation vivement recommandée : www.lefestival.eu)

Présidentielles

Je viens de terminer deux bouquins, de lire des extraits de plusieurs autres, qui parlent de politique, et comme par hasard de l’élection présidentielle de 2022 (pourquoi, dans la plupart des médias, l’usage systématique du pluriel « élections présidentielles » ? on ne vote que pour un seul président, au contraire des élections municipales, départementales, régionales ou législatives !).

Je vais continuer à m’abstenir d’évoquer ici cette échéance – j’ai failli écrire « déchéance ».

Grâce aux réseaux sociaux, j’en avais suivi pas à pas le projet, puis sa réalisation : Adrien Goetz vient de publier un livre magnifique… et unique.

Cet ouvrage dévoile pour la première fois les restaurations récentes et l’ameublement actuel des résidences présidentielles, du palais de l’Elysée à ces sites mythiques et encore très secrets que sont le pavillon de la Lanterne à Versailles et le fort de Brégançon sur la Côte d’Azur. Lieux de représentation et de retrait, machines de gouvernement et boîtes à secret, décors de réception et de solitude, de cérémonie et d’action, théâtres de la grande et de la petite histoire, ces monuments ont remplacé la galerie des Glaces, ils sont des miroirs qui racontent une histoire de France. C’est là que se déploie aujourd’hui l’excellence des artistes et des artisans travaillant pour le Mobilier national et les manufactures qui perpétuent la grande tradition française des arts décoratifs (Présentation de l’éditeur)

Unique, parce que je ne pense pas qu’il ait d’antécédent ni d’équivalent. Unique aussi par la richesse et la beauté des photographies d’Ambroise Tézenas qui s’attarde sur mille détails ornementaux, nous fait pénétrer dans des lieux, des pièces, qu’on ne voit jamais à la télévision lorsque l’actualité traite de l’activité du président de la République. L’actuel président et son épouse – qui n’est pas pour rien, c’est un euphémisme, dans le grand coup de jeune qui a été donné à l’Elysée – ne sont ni montrés, ni même cités dans cet ouvrage qui n’est pas, ne peut pas être pris pour complaisant à l’égard de l’actuel locataire de ces résidences présidentielles !

Il se trouvera bien quelques grincheux pour trouver un tel ouvrage inutile ou trop cher (65 € ce n’est pas bon marché certes, mais le contenu et la qualité de l’édition les valent). Il y aura probablement beaucoup d’acheteurs attirés par la curiosité – et j’en fais partie ! – Ils découvriront le lien, souvent ignoré ou mésestimé, entre les nécessités de confort et d’adaptation aux fonctions des hôtes de ces lieux, et la promotion, la préservation, de métiers, d’artisanats, le soutien à la création artistique qui résulte des décisions d’aménagement de ces maisons présidentielles.

L’histoire a retenu le rôle de Georges et Claude Pompidou dans la modernisation de la partie privée du palais de l’Elysée. Comme le salon commandée à Pierre Paulin (1927-2008) – j’ai eu le privilège, il y a quelques mois, de saluer sa veuve à Montpellier.

Mobilier contemporain que Valéry Giscard d’Estaing s’était empressé de faire remiser dans les caves du Mobilier National.

Lors d’une cérémonie amicale au ministère de la Culture il y a quelques mois, Roselyne Bachelot n’avait pas été peu fière de nous montrer son bureau de ministre, qui n’est autre que celui que François Mitterrand, président de la République, avait commandé au même Pierre Paulin.

Pour qui s’intéresse à l’Elysée et à ses locataires successifs, un indispensable – actualisé et désormais disponible en poche – dû à mes amis Jacques Santamaria et Patrice Duhamel

Quant à l’auteur de ces Résidences présidentielles, Adrien Goetz, je dois avouer que je l’ai d’abord découvert comme auteur d’intrigues policières qui sont toujours le prétexte à de passionnantes excursions historiques et/ou artistiques.

Une fête pour la musique à la radio

La célèbre Maison ronde du quai Kennedy, inaugurée par le général de Gaulle en 1963, a changé de nom hier : c’est désormais la Maison de la radio et de la musique.

Y avait-il une raison de rebaptiser la maison de la radio ? La sortie d’une crise qui a profondément affecté Radio France, comme tous les Français, en a été le prétexte.

Mais, comme l’a rappelé excellement Jean-Michel Jarre, la radio de service public, est depuis toujours une maison de musique, pas seulement parce qu’on y donne plus de 300 concerts par an, pas seulement parce qu’elle héberge quatre formations prestigieuses – l’Orchestre National de France, l’Orchestre philharmonique de Radio France, le Choeur et la Maîtrise de Radio France – (lire Ma part de vérité), mais aussi parce que, depuis des décennies, on y a expérimenté, créé, innové dans le champ des musiques électroniques, les techniques de captation, de prise de son – les équipes de Radio France sont réputées et recherchées pour cela -. Et bien entendu, parce que, depuis la mi-novembre 2014, cette maison dispose de deux magnifiques salles de concert (voir La Fête), l’Auditorium et le Studio 104.

On a retrouvé avec plaisir bien sûr les actuels dirigeants de la Maison de la radio … et de la Musique, la présidente de Radio France depuis 2018, Sibyle Veil, le directeur de la musique et de la création Michel Orier, les patrons de toutes les chaînes du groupe, à commencer par Marc Voinchet (France Musique) et Sandrine Treiner (France-Culture), rejoints pour la photo par la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, qui, règles électorales obligent, est restée muette.

(de gauche à droite, Jean-Michel Jarre, Didier Varrod, Sibyle Veil, Michel Orier, Roselyne Bachelot)

Beaucoup de visages familiers, Frédéric Lodéon, les anciens présidents de Radio France, Jean-Paul Cluzel (celui qui avait lancé le chantier de l’Auditorium en 2005), Mathieu Gallet (qui l’avait inauguré en 2014), le président du CSA Roch-Olivier Maistre, Antoine de Caunes, Nicolas Droin (le directeur de l’Orchestre de chambre de Paris), beaucoup de musiciens, le quatuor Hermès, Félicien Brut, Edouard Macarez, Marie Perbost, le Bastet (l’ensemble de contrebasses du Philharmonique de Radio France), des gens qu’on connaît bien au Festival Radio France

Le public présent a pu aussi bénéficier d’une répétition de l’Orchestre National de France, en prélude au concert de ce jeudi soir.

Le maître de ballet

90 ans depuis septembre, cet Australien ne restera pas dans l’histoire de la musique et du disque que comme l’époux de la Stupenda – c’est ainsi qu’on surnommait sa compatriote, disparue il y a dix ans, la cantatrice Joan Sutherland, dont il a dirigé quasiment tous les enregistrements d’opéras.

Une idée pour Roselyne Bachelot : s’il y a un chef d’orchestre qui mériterait la Légion d’honneur, c’est bien Richard Bonynge.

Le superbe coffret que Decca édite en cette fin d’année en témoigne à la perfection : aucun chef n’a autant servi et enregistré la musique française que lui.

Entendons-nous, Richard Bonynge n’a jamais cherché à concurrencer Munch, Paray, Martinon et autres hérauts de Berlioz, Ravel, Debussy, mais le travail de recherche qu’il a inlassablement entrepris pour mettre au jour, réhabiliter, éditer tout un trésor de partitions oubliées du XIXème siècle français, est proprement hallucinant

Personne ne prétend, lui moins encore, que tout ce répertoire n’est fait que de chefs-d’oeuvre, l’inspiration tire souvent à la ligne, et il ne faut pas chercher autre chose que du divertissement, de l’écoute agréable et légère, dans ces ballets, connus (Delibes, Tchaikovski) ou inconnus. Mais que tout cela est fait avec un chic, une allure, magnifiées par des prises de son dans la plus pure tradition Decca.

Il faut aussi louer l’éditeur Decca : les rééditions de cette qualité se font rares, les galettes sont parées de leurs couvertures d’origine, le livret est richement documenté et permet de s’y retrouver très facilement dans les compositeurs, les oeuvres, les interprètes.

Merci Monsieur Bonynge !

Le contenu de ce coffret de 45 CD :

Adam: Le Diable à quatre; Giselle (2 versions); Le Corsaire
Auber: Marco Spada; Gustave III – Ouverture & ballet; Concerto pour violoncelle
Delibes: Coppelia; Sylvia (2 versions)
Leoni: Prayer and the Sword
Burgmüller: La Peri
Chopin: Les Sylphides
Thomas: Hamlet
Verdi: Le trouvère, ballet
Massenet: Manon (ballet); Le Carillon; Scènes Alsaciennes et Dramatiques; Fantaisie pour violoncelle et orchestre; La Cigale; Valse tres lente; Le Cid; Meditation de Thais (Nigel Kennedy)
Berlioz: Les Troyens, ballet
Weber/Berlioe: Aufforderung zum Tanz
Lecocq: La Fille de Madame Angot
Donizetti: La Favorita, ballet
Messager: Les deux Pigeons
Minkus / Delibes: La Source
Drigo: La Flûte magique
Minkus / Lanchbery: La Bayadere
Gounod: Faust, ballet
Offenbach: Le Papillon
Popper: Concerto pour violoncelle (Silverstein)
J. Strauss II: Aschenbrödel/Cendrillon; Ritter Pasman; Le beau Danube (Désormière); Die Fledermaus, Ouverture et ballet
Tchaikovski:  Casse-Noisette, Le lac des cygnes, La Belle au bois dormant
Händel: Alcina, ballet
Rossini / Respighi: La Boutique fantasque
Rossini/Britten: Soirées musicales, Matinees musicales
Meyerbeer: Les Patineurs
Ouvertures du XVIIIème siècle
Ouvertures d’opéras français
L’art de la Prima ballerina
Hommage à Pavlova
Entractes et ballets d’opéras français

Orchestre de la Suisse Romande / London Symphony Orchestra / Covent Garden / National Philharmonic Orchestra / English Chamber Orchestra

Le chant doit être un plaisir

Je n’ai pas connu, et je ne pense pas avoir vu sur scène, la chanteuse française disparue avant-hier, Christiane Eda-Pierre (1932-2020). Chanteuse française, et non « cantatrice martiniquaise » comme l’ont répété les « brèves » annonçant son décès, comme si « martiniquais » était une nationalité. Oui la cantatrice était née à Fort-de-France, oui elle était noire, et une carrière lyrique était sans doute plus difficile à envisager, comme le rappelait Roselyne Bachelot dans une chronique sur France Musique il y a deux ans

Si l’on veut comprendre pourquoi ses amis, ses fans la pleurent aujourd’hui, il faut écouter cette interview de Christiane Eda-Pierre : la simplicité, l’humanité, la force de caractère, qui se dégagent de ses propos en disent long sur la belle personne et la grande artiste qu’elle a été.

La discographie de Christiane Eda-Pierre est bien maigre. Il faut chercher dans des vidéos ou des « pirates » de qualité très moyenne l’éclat, la rondeur, la sensualité d’une voix dont le timbre, la couleur n’ont aucune des caractéristiques généralement attachées aux voix « noires » (comme ses contemporaines Jessye Norman, Leontyne Price ou même Barbara Hendricks).

Comme le dit Christiane Eda Pierre dans l’interview ci-dessus – il faut l’écouter parler de ses partenaires, Pavarotti en particulier ! – « le chant doit être un plaisir ».

Avec elle, il le fut, il le reste pour nous grâce à elle.

L’infantilisation comme mode de gouvernement ?

Me voici depuis dix jours dans un pays, l’Italie, qui a été l’un des premiers en Europe à subir la crise du COVID-19. Dans les lieux touristiques, les restaurants, les musées, tout le monde respecte les consignes – port du masque, distance, parfois prise de température – dans la bonne humeur et sans crispation apparente.

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(Bergame)

Je ne suis pas l’actualité italienne mais je n’ai pas l’impression que la crise sanitaire fasse la une des titres et des médias. Pas comme en Belgique ou en France où il ne se passe pas une journée que des titres auxquels je suis abonné en remettent une couche, avec une énième intervention du Monsieur Jourdain de la politique, ce Premier ministre qui surjoue son ancrage territorial et l’accent rocailleux de son Gers natal quand il a fait l’essentiel de sa carrière de haut fonctionnaire à Paris, et qui doit déjà sérieusement agacer celui qui l’a nommé, ou de tel de ses ministres qui appliquent rigoureusement les « éléments de langage » fournis par Matignon.

Il n’est pas jusqu’à la ministre de la Culture, la pourtant sympathique et compétente Roselyne Bachelot, qui semble avoir adopté la langue de bois de son prédécesseur : elle se promet « d’accompagner » le monde de la culture en engageant des « discussions » dès la semaine prochaine. Je n’ai rien lu d’elle protestant contre l’autorisation délivrée par le préfet de Vendée (donc l’Etat !) au Puy du Fou – juteuse entreprise privée – de s’affranchir de la règle des 5000 participants maximum !

D’autres et non des moindres – des sommités scientifiques (j’invite à lire le blog de l’ancien Recteur (Président) de l’Université de Liège, Bernard Rentier)  politiques, constitutionnelles – l’ont écrit : cette crise sanitaire a révélé et continue de révéler la dérive infantilisante de ceux qui nous gouvernent.

Le gouvernement de Twitter

On a tellement moqué Trump pour son usage immodéré de Twitter, mais je ne vois pas bien en quoi les élites françaises, tellement plus intelligentes et cultivées que le président américain, diffèrent de sa pratique.

Un feu de forêt, un accident de la route, une « incivilité « – ah qu’en termes élégants ces choses là sont dites ! – dans les transports, et c’est automatiquement une rafale de tweets tous sur le même modèle, avec les mêmes mots qui ne veulent plus rien dire. S’y ajoutent dès déplacements ministériels en grand appareil – au fait quel est le coût financier et écologique de ces expéditions aéroportées ? – qui, pardon de le dire brutalement, ne servent à rien ni à personne sauf à faire de belles (?) images censées impressionner le bon peuple et lui démontrer que ses gouvernants sont « sur le terrain » !

Bravo Macron !

Exception à cette règle, la réaction d’Emmanuel Macronà la tragédie de Beyrouth, son déplacement au Liban 48 heures à peine après les faits. Il fallait le faire, le président de la République l’a fait et bien fait !

Comme en 1992 François Mitterrand décidant nuitamment, après un sommet européen en Espagne, de se rendre à Sarajevo assiégée

Irresponsabilité

N’attribuons pas aux seuls politiques la responsabilité de la cacophonie qui s’est manifestée pendant de longues semaines dans la communauté scientifique. Sauf quand, sans rien y connaître, ils reprenaient à leur compte les hypothèses ou pire les certitudes que les nouvelles stars des plateaux télé énonçaient complaisamment.

On pensait que scientifiques et politiques avaient tiré les leçons de plusieurs mois de doutes, d’errements, d’incohérences.

En cette mi-août, on a en réalité l’impression que tout recommence comme avant : prédictions alarmistes, informations anxiogènes, édictées sans le minimum de rigueur, de vérification des données et des chiffres. L’important c’est de faire du titre, du « buzz »…

Et le plus insupportable de tout : alors que les messages officiels ne cessent d’appeler à la responsabilité individuelle – respect des gestes-barrière, port du masque, tests – le comportement même du gouvernement (je parle de la France, mais la Belgique voisine n’est pas mieux lotie !). les annonces contradictoires, floues placent les citoyens, les chefs d’entreprises, les « acteurs »culturels – pour reprendre la novlangue en vigueur – en situation de complète irresponsabilité.

J’en sais quelque chose comme responsable d’une équipe et organisateur d’un grand festival (lire Un festival malgré tout. Il a fallu à mes équipes et moi quasiment plus de temps pour lire, déchiffrer, des livres entiers de consignes, compléter des dossiers de plusieurs dizaines de pages de demande d’autorisation de spectacles (j’aurais dû demander un coup de pouce à Philippe de Villiers !), que pour monter la douzaine de concerts que, contre vents et marées administratifs, nous avons finalement organisés. Je peux l’avouer maintenant, j’ai reçu le jeudi 16 juillet l’autorisation du préfet de l’Hérault pour les concerts du week-end des 18 et 19 juillet ! 

Emmanuel Macron avait finalement reconnu, fin juin, qu’au lieu de tout décider uniformément d’en haut, il eût fallu faire confiance aux régions, aux collectivités territoriales, aux « acteurs de terrain » (novlangue bis).

Jouer la responsabilité plutôt que l’irresponsabilité !

Infantilisation

Prenons ou plutôt reprenons l’exemple des festivals, plus largement de la vie culturelle. 

D’abord ce triste constat : même si ce n’est jamais explicite, la culture reste toujours considérée par une majorité de politiques, et plus largement les dirigeants, comme une donnée accessoire, un divertissement, une variable d’ajustement des politiques publiques. Roselyne Bachelot et quelques autres ont beau rappeler que le secteur culturel pèse sept fois plus que l’industrie automobile dans le PIB, rien n’y fait, on doit penser que le sauvetage d’un pan aussi essentiel de notre économie peut attendre. 

Depuis des mois, on nous a placés – nous les responsables d’institutions, de salles, de festivals, nous les « acteurs culturels » (novlangue ter) – dans des situations intenables, insoutenables, parce que dépendant de décisions, ou d’indécisions d’un Etat central, d’une technocratie souvent compétente par beau temps, mais tétanisée dans la tempête. 

Pense-t-on vraiment qu’Olivier Py pour le festival d’Avignon, Jean-Louis Grindapour les Chorégies d’Orange, Pierre Audipour Aix-en-Provence, auraient été incapables de gérer leur édition 2020 en respectant toutes les mesures sanitaires, incapables d’accueillir leur public, de faire travailler leurs artistes ? Ah oui, mais c’était avant le 15 juillet, date fatidique énoncée par le gouvernement Philippe – sur quelle base scientifique, quels critères sanitaires ? – ! René Martin pour La Roque d’Anthéron, Eric Le Sage pour Salon-de-Provence, ont été plus malins que nous, ils ont continué de préparer leurs festivals en silence, en le reconfigurant – pas d’orchestre sur la grande scène de La Roque -.

À Montpellier, on a pu organiser deux concerts d’orchestre… dans un lieu clos (l’opéra Berlioz) les 10 et 11 juillet, avant le fameux week-end des 18/19 en plein air. 

Pense-t-on sérieusement qu’un directeur de festival, un responsable de salle, auraient pris un risque quelconque tant à l’égard du public que des interprètes ? La réponse des uns comme des autres a été évidente : salles combles, dans des jauges réduites des 2/3, répertoires choisis en fonction d’un nombre limité de musiciens sur scène. 

Quand je vois les annonces se succéder sur la rentrée dans les écoles, dans les entreprises, toutes sur un mode infantilisant, irresponsabilisant – si vous n’êtes pas sages cet été, attention le reconfinement vous guette ! – j’en viens à me demander sérieusement si l’infantilisation du citoyen n’est pas devenu un mode de gouvernement…

Expliquer que le risque zéro n’existe nulle part, que le bon sens adapté aux situations réelles est souvent la meilleure solution, cesser le mode compassionnel, émotionnel à propos de n’importe quel fait divers aussi pénible soit-il contribuerait peut-être à enrayer la désagrégation du politique, de la politique.

Fiction ou réalité ?

Je ne sais pas si je dois être rassuré par une série Le Baron noir dont je n’avais rien vu jusqu’à cet été.

Je trouve cette fiction assez remarquable, d’ailleurs est-ce une fiction ? Pour une fois une série « politique » n’est pas caricaturale, à l’exception peut-être de l’un ou l’autre acteurs – je ne trouve absolument pas crédibles Anna Mouglalis en présidente de la République ou Pascal Elbé en premier ministre centriste.

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En revanche, Kad Merad est une révélation en « grande gueule » de gauche, et – le plus étonnant – François Morel incarne de manière époustouflante un personnage qui ressemble à s’y méprendre à Jean-Luc Mélenchon !

JPRousseau | 16 août 2020 à 09:55 | Étiquettes : Aix en Provence, ANna Mouglalis, Audi, Avignon, Bachelot, Baron noir, Bayrou, Bergame, Beyrouth, Chorégies, culture, Dorandeu, Eric Le Sage, festival radio France, gouvernement, infantilisation, italie, Jean Louis Grinda, Kad Merad, La Roque d’Anthéron, Macron, Mélenchon, Mitterrand, Montpellier, Morel, Olivier Py, Orange, Pascal Elbé, Puy du Fou, René Martin, Rickwaert, Riester, Salon, Sarajevo, Thorigny | Catégories : actualité, Critique, Non Classé

 

Leon Fleisher : le pianiste aimé

Je n’ai jamais eu la chance ni de l’entendre en concert ni a fortiori d’assister à l’une de ses masterclasses, encore moins d’être son élève… Mais quand je vois ces extraits d’un atelier d’interprétation, je me dis que je regretterai longtemps de n’avoir pu fréquenter le pianiste Leon Fleisher né le 23 juillet 1928 à San Francisco, mort hier à 92 ans à Baltimore.

Quand je vois et lis tous les témoignages de ceux qui l’ont connu, approché, de ceux qui ont bénéficié de son enseignement, de ses conseils, je mesure la réalité de l’émotion que suscite sa disparition.

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Ici aux côtés de son aîné Menahem Pressler (né en 1923 !).

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Ici avec François-Frédéric Guy qui dit avoir perdu son deuxième père.

Roselyne Bachelot, la ministre française de la Culture, n’a pas attendu que son cabinet lui ponde l’une de ces réactions ministérielles si souvent banales et convenues, pour saluer ce grand musicien, confronté, à l’acmé de sa carrière en 1964, à une paralysie de la main droite – ce qu’en des termes choisis on appelle une dystonie focale – ,condamné à jouer le répertoire pour la main gauche qu’avait suscité le pianiste autrichien Paul Wittgenstein amputé du bras droit au cours de la Première Guerre mondiale, et à force de travail et d’obstination revenu à la pratique des deux mains : « Hommage à Leon Fleisher, pianiste et chef d’orchestre américain mort hier. Il perd l’usage de sa main droite à 36 ans, réussit à en retrouver l’usage après plusieurs années et célèbre ce retour par un enregistrement baptisé Two hands. Sa leçon de vie : ne jamais s’avouer vaincu. »

Restent heureusement de si beaux disques, notamment un admirable coffret, dont je m’étonne de ne jamais avoir parlé ici…. alors que j’y reviens régulièrement, pour y entendre notamment ces concertos de Mozart, Beethoven ou Brahms gravés pour l’éternité avec George Szell.

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Ou si l’on ne veut que les concertos :

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Surprise

La nostalgie aurait pu me gagner, lorsque Facebook me montre les photos prises et publiées il y a un an, deux ans, etc… Toujours des photos qui correspondent au début d’une édition du Festival Radio France Occitanie Montpellier.

Le 24 avril dernier j’annonçais l’annulation de l’édition 2020 (Le coeur lourdet après de longues semaines marquées par les hésitations, les atermoiements du ministère de la Culture, mais aussi par un formidable travail – à distance – d’une équipe du Festival plus motivée que jamais, le 17 juin nous évoquions un Festival Autrement.

Voici qu’aujourd’hui, à la date initialement prévue pour l’ouverture de l’édition 2020, nous ouvrons ce Festival Autrementd’abord avec une radio – la Radio du Festival – qui commence à émettre aujourd’hui à 16 h et qui sera disponible 24h/24

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Radio écoutable grâce à une appli téléchargeable.

Dès lundi 13 juillet, c’est au tour de France Musique d’entrer dans la danse pour deux semaines, avec chaque jour ou presque à 16h et 20 h la rediffusion des grandes heures du Festival.

Mais il y aura d’abord, pour les Montpelliérains – et les auditeurs de la Radio du Festival – la surprise de deux concerts en public de l’Orchestre National Montpellier Occitanie, le pilier, le partenaire historique du Festival, ce soir et demain à l’Opéra Berlioz.

Et le week-end prochain une dizaine de concerts en plein air avec des artistes déjà engagés pour l’édition « normale ».  On passera sur la complexité de la mise en place de ces concerts, pour ne retenir que la joie qui sera celle du public, des musiciens… et de l’équipe du Festival.