L’Orchestre de Paris est dans l’actualité (on ne parle pas d’un orchestre qui n’existe pas, sauf pour le Nouvel Obs, le « Philharmonique de Paris, cf. ma brève de blog) : son chef actuel, le futur comme le passé.
La rentrée de Klaus M.
Après avoir couvert le premier concert des Prem’s (lire Des Prom’s aux Prem’s) pour Bachtrack, j’assiste ce soir au dernier de la série, avec, comme il se doit, l’Orchestre de Paris et son chef actuel, Klaus Mäkelä.
C’est donc un compatriote de Mäkelä qui a été choisi pour lui succéder à la tête de l’Orchestre de Paris en 2027, puisqu’on sait depuis qu’il a été annoncé à Amsterdam puis à Chicago que le jeune Finlandais ne resterait pas à Paris. Le contraste générationnel est patent : Esa-Pekka Salonen aura 69 ans lorsqu’il prendra ses fonctions de « chef principal » (la nuance est d’importance, la charge est a priori moins lourde que celle de « directeur musical »).
Je me suis replongé cet été dans le coffret publié par Sony à l’occasion de son 60e anniversaire (voir le détail ici : Salonen le maître du XXe siècle)
J’y ai redécouvert un disque vraiment singulier, qui m’avait échappé, une version pour ténor et baryton du Chant de la Terre de Mahler. Et pas n’importe quels chanteurs : je connaissais l’incroyable immensité du répertoire de Placido Domingo au moins au disque, mais je me rappelais pas qu’il s’était aventuré dans Mahler. Ce n’est sans doute ma version de référence, mais cela mérite au moins d’être écouté !
Hommage à Christoph von Dohnányi
Tout a été dit et écrit – pour une fois sans erreur ni approximation – dans les médias sur la disparition du chef Christoph von Dohnányi à la veille de son 96e anniversaire. Decca annonce la parution prochaine d’un coffret des enregistrements du chef allemand avec les Viennois, après ceux de Cleveland (voir Authentiques)
Il a été rappelé que le chef allemand a été de 1998 à 2000 « conseiller musical » de l’Orchestre de Paris. Il reste quelques précieux témoignages de sa présence à Paris, en particulier le tout dernier concert qu’il y dirigea le 23 octobre 2019. que la Philharmonie a republié sur son site : https://philharmoniedeparis.fr/fr/live/concert/1104230-orchestre-de-paris-christoph-von-dohnanyi
Ici un extrait de répétition de la 3e symphonie de Brahms, avec le très regretté Philippe Aïche au premier violon.
L’année précédente c’était un programme Ligeti-Beethoven-Wagner que dirigeait le chef.
Olivier Mantei, le patron de la Philharmonie de Paris, peut être fier de son nouveau « bébé ». Comme une réplique aux célèbres Prom’s de Londres – le festival géant qui, tout l’été jusqu’à mi-septembre, rassemble chaque soir près de 5000 spectateurs au Royal Albert Hall – ses Prem’s ont, dès le premier soir (le 2 septembre) remporté un succès phénoménal (lire sur Bachtrack : Succès total pour la première des Prem’s à la Philharmonie).
L’opération est d’autant mieux venue que ce mini-festival propose une affiche extraordinaire : le Gewandhaus de Leipzig et Andris Nelsons les 2 et 3 septembre, le 5 rien moins que le Philharmonique de Berlin et Kirill Petrenko, le 7 la Scala de Milan et Riccardo Chailly et les 10 et 11 (on y sera) l’Orchestre de Paris et Klaus Mäkelä).
Le nouveau Nelsons
Sauf erreur de ma part, je n’avais pas revu le chef letton à Paris depuis trois ans et le concert qu’il avait dirigé, à la tête du Philharmonique de Vienne.
Je l’avais déjà repéré cet été en regardant quelques extraits vidéo, mais son entrée sur la scène de la Philharmonie mardi soir nous a tous impressionnés… par la transformation physique qui s’est opérée sur le chef. L’embonpoint du pope orthodoxe a laissé place à une sveltesse de mannequin
En 2020, lors du concert de Nouvel an à Vienne
juin 2022Septembre 2025
Et cela se voit et se ressent dans la manière d’Andris Nelsons de s’investir, de faire corps avec son orchestre.
Ici en mai dernier le concert d’hommage à Chostakovitch (mort il y a 50 ans) à Leipzig :
Leipzig éternel
Je ne suis allé qu’une seule fois à Leipzig à la fin de l’année 2017. Ce n’est pas dans sa salle moderne, construite en 1981 – et dont l’intérieur rappelle furieusement la Philharmonie de Berlin – que j’ai entendu le plus vieil orchestre européen, le Gewandhaus, mais à l’opéra.
Je collectionne depuis longtemps les enregistrements de l’orchestre du Gewandhaus, en particulier tous ceux qui furent réalisés sur place par l’entreprise d’Etat est-allemande VEB Deutsche Schallplatten dans des conditions de prise de son inégalées (sous les labels Eterna ou Berlin Classics)
On recherchera évidemment des raretés comme ce disque Markevitch
Et bien sûr la cohorte des chefs principaux, directeurs musicaux qui s’y sont succédé depuis les années 50 : Konwitschny, Neumann, Masur, Blomstedt, Chailly, et tous les invités réguliers comme Kurt Sanderling
Quant à Andris Nelsons, il profite de sa double casquette Leipzig/Boston pour graver des quasi-intégrales qui ne sont pas toutes du même niveau – on est plutôt déçu par ses Bruckner.
Humeurs et réactions du jour sur mes brèves de blog : aujourd’hui j’y évoque justement l’Orchestre de Paris, des nominations (Salonen) et autres transferts…
Cela fait longtemps que je ne me suis pas amusé à l’exercice de la dictée (lire La dictée verte de Cendrillon et Ainsi fonts font fond…). C’est un panneau à l’entrée d’une rue du centre historique du Puy-en-Velay qui m’a donné l’idée de celle qui suit. Et puis on est à la veille de la rentrée scolaire : si certains professeurs veulent s’en servir, qu’ils n’hésitent pas !
Couleur chair
« Il y a une discipline qui ne coûte pas cher, mais qui m’est très chère depuis que j’ai l’âge d’écrire : l’orthographe. Dieu sait si la langue française est complexe, puisque pleine d’homophones.
Ce n’est pas à Bourges, ni au bord du Cher, ni même dans le département du Cher que j’ai découvert un panneau qui faisait allusion à une compagnie locale – les Cornards du Puy-en-Velay, qui aimait faire bombance. Mais en aucun cas ces Cornards n’étaient cannibales ni amateurs de chair humaine, fût-elle bonne. L’histoire ne dit pas si ces Cornards allaient à l’église le dimanche et écoutaient religieusement le sermon du curé en chaire, ou si l’un d’entre eux fût jamais titulaire d’une chaire universitaire. À l’époque déjà, les études coûtaient cher et l’on comprend bien qu’au Puy-en-Velay comme ailleurs dans nos chères bourgades de France et de Navarre, les plaisirs de l’existence étaient ceux du bon vin et de la bonne chère. On ajoutera qu’en ces temps reculés, ils avaient la chance de ne pas être abrutis par les chansons de Cher, seule ou en couple avec son cher Sonny !Je l’avoue, j’ai toujours préféré l’art du pianiste Cher…kassky ! » (Jean-Pierre Rousseau, 31 août 2025 / Reproduction interdite sauf accord exprès de l’auteur*)
Happy #50 Daniel !
Le chef d’orchestre Daniel Harding fête aujourd’hui ses 50 ans. Il peut être fier de son parcours d’homme et de musicien. J’ai hâte de le retrouver bientôt au pupitre de l’un de nos orchestres parisiens !
Je ne pourrai pas cette année non plus souhaiter une joyeuse Fête nationale à ma mère, mais je peux le faire à cette grande famille éparpillée de cousins, cousins et autres descendants de la branche maternelle des Zemp, et en particulier à mon cousin Joseph, auteur prolifique d’un blog passionnant (dernier article paru sur Arthur Honegger !)
En ce 1er août, honneur donc à la Suisse et à l’un de ses orchestres – je n’ai pas écrit « le meilleur » parce que la discussion s’envenime toujours lorsque, à Genève, Bâle, ou Zurich, il s’agit de s’attribuer le titre ! – Mais l’orchestre de la Tonhalle – qui, comme celui d’Amsterdam, porte le nom de la salle de concert où il se produit – compte dans le paysage musical européen : je lui avais d’ailleurs consacré tout un article (Tonhalle) à l’occasion de son 150e anniversaire en 2018.
Pour peu que vous soyez un peu collectionneur, de disques, de livres, de DVD, vous savez ce que c’est : vous achetez un coffret, vous l’écoutez en tout ou partie, et vous le posez dans votre bibliothèque, le destinant parfois à un repos éternel. C’est un peu ce qui m’est arrivé avec le bien mal intitulé coffret qui regroupe tous les enregistrements réalisés pour les labels américains RCA / Arte Nova / Sony par le chef américain David Zinman avec la Tonhalle dont il fut le directeur musical, vingt ans durant, de 1995 à 2014.
Pourquoi avais-je délaissé ce coffret ? et du coup, perdu de vue l’originalité, la qualité, l’intelligence de la démarche interprétative de ce chef dans un répertoire où la concurrence est vive : des intégrales des symphonies de Beethoven, Brahms, Schubert, Schumann et Mahler et un admirable bouquet de poèmes symphoniques de Richard Strauss.
Quand on célèbre – ou pas – son successeur (Paavo Järvi) dans les mêmes répertoires, quand on rappelle les mérites de feu Roger Norrington dans son intégrale Beethoven, on doit absolument se replonger dans ce legs prodigieux, où on a le sentiment que Zinman réinvente ce qu’il dirige, subtilement, sans grands effets de manche : l’articulation, l’impulsion, le phrasé, et un travail sur les rythmes internes à un mouvement.
Trois exemples éloquents :
La toute première phrase de la 8e symphonie de Beethoven est vraiment un « allegro vivace con brio », qui donne furieusement envie de poursuivre l’écoute.
La comparaison avec un autre chef que j’admire, Karl Böhm, est, comment dire, bien peu convaincante.
Même choc à l’écoute de la si rabâchée symphonie « inachevée » de Schubert. David Zinman n’en fait pas, comme tant de ses confrères, un monument brucknérien. Le 2e mouvement est une pure poésie, et surtout écoutez bien ce que font le hautbois et la clarinette, leurs ornements subtils qui ôtent à ce mouvement la dimension tragique qu’on y entend trop souvent :
Pour être tout à fait honnête, j’avais laissé de côté les symphonies de Mahler – une intégrale – de David Zinman. Quelle erreur ! En commençant par la 9e, j’ai vraiment très envie de découvrir tout le corpus, parce que j’ai l’impression qu’en suivant à la lettre les indications du compositeur – très précises et nombreuses dans ses partitions – Zinman en restitue parfaitement l’esprit.
Et puisque mon cousin évoque aujourd’hui Arthur Honegger, compositeur aussi français que suisse (et inversement !), je signale ce très beau disque… de David Zinman et la Tonhalle.
L’une des premières oeuvres que j’ai programmées à Liège était la Pastorale d’été. C’était en juin 2001, j’avais invité Stéphane Denève et Sophie Karthäuser, l’une et l’autre à l’orée d’une carrière formidable, dans un programme qui comprenait outre la Pastorale d’été, les Nuits d’été de Berlioz, la suite de Pelléas et Melisande de Fauré et la 2e suite de Bacchus et Ariane de Roussel !
Durant ma diète des festivals, j’ai passé deux jours à Paris. Sans raison, sans obligation. Juste pour le plaisir de me livrer à mon exercice favori : parcourir la ville à pied.
Fashion victims
La rue où j’habite est déserte, sauf à son extrémité où dès 9 h du matin une file s’est formée à l’approche de l’un de ces magasins éphémères qui ont remplacé quasiment toutes les enseignes classiques.
Il y a quelques semaines, un dimanche matin, à quelques mètres, c’était une autre file constituée exclusivement de jeunes femmes voilées qui attendait de pouvoir acheter des abayas dans une boutique tout aussi éphémère…
Je ne vais plus au Café Charlot surtout depuis la réponse inepte qu’on avait faite à ma remarque sur TripAdvisor. J’ai repris mes habitudes au Progrès, malgré les échafaudages qui enserrent le bâtiment et recouvrent la terrasse, mais le petit soleil du matin parvient à s’y glisser.
Le figaro du boulevard Beaumarchais
Je vais boulevard Beaumarchais chez mon figaro habituel (!) me faire rafraîchir la tête en prévision des vacances. Et j’emprunte le bus 96 pour rejoindre le secteur de l’Odéon. Du monde en ce milieu de matinée, pas mal de personnes âgées (il faudra quand même que je me résolve à me compter parmi elles !) et de familles de touristes. Un petit garçon anglais que son père a assis à côté de moi se réveille à la vue de Notre-Dame.
Je descends au carrefour de l’Odéon et vais faire une petite visite chez Gibert. rayon classique d’abord. Tout un bac bien rempli de CD à 6,99 €, avec un paquet de parutions récentes. Je m’en fais un bouquet :
Je ne suis pas très convaincu du caractère « vendeur » de disques programmes avec des titres passe-partout (comme celui de Nathanaël Gouin) ou énigmatiques (comme celui de Pontier), mais l’un et l’autre sont très intelligemment composés. Quant au Brahms de Laloum, il manquait à ma collection de 3e sonates de Brahms 🙂
Le Debussy/Satie de Fazil Say n’est pas récent, mais il manquait à ma discothèque. Quant au CD d’Edgar Moreau – qui lui aussi succombe à la manie des titres (mais quand même plus originaux que la collection de son confrère Gautier C. que Warner ne cesse de recycler !) – il vaut pour un programme remarquable dont on comprend le fil rouge : de BlochSchelomo et From Jewish Life, le concerto pour violoncelle de Korngold, Kol Nidrei de Bruch et une transcription des deux mélodies hébraïques de Ravel. Et ce sont les Lucernois chers à mon coeur qui l’accompagnent.
Je passe ensuite du côté librairie, où comme d’habitude, je choisis un peu au hasard, quitte parfois à me retrouver avec des bouquins en double. Je me dis que ces trois-là iront bien pour lire dans l’avion ou sur un transat.
J’ai réservé une table chez Lipp. Le maître d’hôtel qui m’accueille a toujours ce faux air de Paul Meurisse. Il m’avait prévu à l’intérieur, je préfère la terrasse. Autour de moi presque exclusivement des touristes, les « habitués » ont pris leurs quartiers d’été.
Du melon, une tranche de pâté en croûte comme on n’en fait plus.. que chez Lipp, une salade et un verre de saumur feront l’affaire. En revenant des toilettes, j’avise un vieillard décati sur une banquette faisant face à un homme plus jeune : Gabriel Matzneff a vraiment tout perdu de la superbe qu’il affichait effrontément quand il était encore fréquentable et fréquent sur les plateaux de télévision. Je n’ai jamais lu aucun de ses livres, ni aimé le personnage. Une répulsion originelle.
Je reprends ma déambulation en passant devant le porche de Saint-Germain-des-Prés
La rue Bonaparte, puis la rue Jacob – je ne sais plus à quel numéro il est indiqué que Wagner a séjourné quelques mois en 1847 – pour rejoindre la rue de Seine.
la fameuse coupole de l’Institut
En débouchant sur le parvis de l’Institut, j’avise une exposition à entrée libre d’oeuvres de l’académicien Pierre-Yves Trémois (1921-2020). Le nom ni la « signature »graphique de ce dessinateur/peintre ne me sont inconnus, mais je découvre ces toiles que je ne connaissais pas.
Je franchis la passerelle des Arts, d’ordinaire noire de monde. Pour la première fois depuis longtemps, je prends place sur un banc et durant de longues minutes, je regarde la Seine et les bateaux-mouches qui s’y croisent. Dans aucune autre capitale au monde on n’a cette proximité avec le fleuve qui traverse la cité, a fortiori ces deux îles (Saint-Louis et la Cité) qui rendent plus bucolique encore la promenade du piéton.
Je traverse la majestueuse Cour Carrée du Louvre, dont les abords ont enfin été débarrassés des cabines de chantiers qui les encombraient depuis des lustres. J’emprunte la rue Jean-Jacques Rousseau, si penaude et étroite que je me demande à chaque fois pourquoi une telle différence de traitement avec ses camarades de l’époque, Diderot et Voltaire (celui-ci ayant droit, à Paris, à une rue, un quai et un boulevard !). Je vais faire un tour à la FNAC, dans ce qui reste du rayon classique, surpris par l’affluence juvénile et féminine : en fait l’agitation se fait devant tout un mur dédié au K-Pop (j’ignorais le phénomène jusqu’à ce que j’en découvre des adeptes au sein de ma propre famille !)
Je ressors assez vite du forum des Halles, pour rejoindre les rues plus familières du Marais. Le ciel menace mais j’aurai encore le temps de boire un thé à la terrasse des Marronniers. Je cherche un bon moment le nom de l’acteur qui vient de s’asseoir à deux chaises de moi. Je l’ai souvent vu dans des seconds rôles, mais j’ai surtout le souvenir de ses « stand-up » vraiment très drôles il y a une trentaine d’années. Je découvre sur YouTube une série désopilante « Marguerite et François » où Laurent Spielvogel joue alternativement Marguerite Duras et François Mitterrand.
Je poursuis mon chemin dans le dédale de petites rues que je connais par coeur, comme la rue des Rosiers, où je trouve l’affluence inhabituelle pour un mardi après-midi. Tout un groupe d’enfants et d’adolescents vêtus comme pour aller à la synagogue s’affaire autour de deux stands que je ne prends pas le temps d’examiner. Un jeune garçon m’aborde : « Pardon Monsieur, êtes-vous de confession juive ? » Je lui réponds par la négative dans un sourire. Je le sens comme gêné.
Mais j’aurais pu lui raconter les origines de ma famille maternelle, d’un patronyme – Zemp – qui n’a rien de germanique, mais qui puiserait plutôt ses racines du côté de juifs hongrois qui auraient trouvé refuge et accueil bienveillant en Suisse orientale il y a quelques siècles.
Je regagne mes pénates en passant par la rue de Thorigny, où le musée Picasso ne semble pas attirer la foule habituelle.
Je vais retourner dîner chez Nicolas Flamel – une adresse dont j’avais parlé il y a plus de deux ans dans un article, dont il faudrait que je révise plusieurs paragraphes Bonnes Tables). Troisième chef en moins de trois ans, mais le jeune Italien Marco Sergiampietri qui est aux manettes depuis janvier semble bien reparti pour regarnir sa table d’une étoile Michelin.
Il est de ces jeunes chefs que les grandes phalanges symphoniques s’arrachent, mais il est loin d’être (encore) aussi médiatisé que ses trois collègues finlandais Klaus Mäkelä, Santtu-Matias Rouvali ou Tarmo Peltokoski. Il est russe, originaire de la région de Nijni-Novgorod, au confluent de la Volga et de l’Oka, et il est temps que je lui consacre tout un billet, après l’avoir ici et là mentionné et salué sur ce blog : Maxim Emelyanychev.
Maxim Emelyanychev je le connais d’abord par la rumeur – qui se répand vite dans le milieu professionnel quand on a le sentiment d’être tombé sur l’oiseau rare. Je crois bien que c’est à Toulouse que j’en ai entendu parler pour la première fois.
J’ai d’abord acheté ses premiers disques.
Ce qui m’a immédiatement frappé, en écoutant ses disques, en le regardant diriger, c’est l’absence totale de dogmatisme dans la manière d’aborder les oeuvres et les répertoires, c’est aussi et surtout l’humilité, la modestie de l’approche – il ne bombe pas le torse, ne cherche pas à épater la galerie, à prendre la pose – à la différence de tant de ses jeunes confrères. J’ai eu la chance, plus tard, de mieux le connaitre, de dîner avec lui. Comme avec un autre chef que j’adore – Santtu-Matias Rouvali – on a l’impression qu’il est en permanence branché sur le courant alternatif, non pas qu’il soit agité, mais traversé par une énergie irrésistible.
Ce qui frappe tout autant, c’est ce qu’on a remarqué jeudi soir avec l’Orchestre national de France, c’est l’éventail de ses curiosités, de ses répertoires, et cette capacité, assez unique dans le paysage musical, d’être aussi convaincant dans le baroque – c’est un formidable claveciniste et pianofortiste ! – que dans le grand répertoire romantique. Parce qu’il semble redécouvrir les oeuvres, sans posture ni excès.
À l’automne 2019, je m’étais rendu en Ecosse notamment pour rencontrer les responsables du Scottish Chamber Orchestra en prévision d’une édition 2021 du Festival Radio France que je souhaitais vouer à la musique anglaise. Finalement pour cause de pandémie, l’édition sera retardée à 2022, mais le Scottish Chamber et Maxim Emelyanychev sont bien venus à Montpellier clore une fabuleuse édition avec deux concerts, avec un soliste exceptionnel, Benjamin Grosvenor, qui avait joué deux concertos de Beethoven ! Je râle encore de l’absence des micros de France Musique…
La même joie contagieuse se retrouve dans son clavecin :
Emelyanychev a entrepris une intégrale des symphonies de Mozart. A en juger par les deux premiers volumes, on pourrait tenir là la grande version moderne de ce corpus.
La tragique actualité de ces derniers jours -les pompiers ensevelis à Laon, la surveillante de collège poignardée à Chaumont, subit malheureusement toujours le même traitement de la part des médias et des politiques. On sait à l’avance les mots qui seront prononcés et qui ne veulent plus rien dire : que veut dire « exprimer sa solidarité » à des victimes, à des personnes endeuillées?. De la compassion oui (mais connait-on encore ce mot ?), des condoléances aussi, une communion de pensées. Et ces micro-trottoirs indécents, où l’on s’empresse de mettre un micro sous le nez de témoins, d’habitants d’une cité meurtrie pour obtenir là aussi des mots qu’on ne sait pas, plus, manier. On ne parle pas des ministres, condamnés depuis des lustres, à faire les mêmes promesses de réponses énergiques et déterminées à des actes insupportables… Les minutes de silence se succèdent au Parlement, et parfois dans les classes d’écoles (où elles ne sont même pas toujours respectées). Pendant ce temps, les extrêmes prospèrent, les populismes triomphent (cf. mes brèves de blog d’hier)
Heureusement, il y a des journalistes qui sauvent l’honneur de leur profession, comme Nathalie Duelz, dont je reproduis le texte qu’elle a publié ce matin sur Linkedin :
Impact
« Je présente mes plus sincères condoléances à la famille des verbes « influencer », « affecter », « toucher », « influer », et bien d’autres, mais aussi à celles des mots « conséquence», « effet », « incidence »,« répercussions », malheureusement morts ou en passe de l’être. Tous victimes d’un seul et même verbe qui n’existe même pas : « impacter » !
Combien de fois n’entend-on pas ou ne lit-on pas au cours d’une journée, « il a impacté », c’est « impactant, « il a eu un impact sur ». Une utilisation familière (et erronée) importée du verbe anglais « to impact ».
« Ce nouveau contrat aura une incidence sur les profits de l’entreprise » est tout de même plus beau (et correct) que « ce nouveau contrat impactera les profits de l’entreprise », non ?
N’est-on pas suffisamment entourés de violence et de guerres pour, en plus, dans notre quotidien, user et abuser d’un mot qui à l’origine se rapporte à un projectile qui frappe un autre corps ou endroit ? »
(Nathalie Duelz / Le Vif)
Les mots de la musique
Il y a aussi des lecteurs qui ne savent pas lire. J’ai donné à lire sur un groupe Facebook consacré aux chefs d’orchestre l’article que je consacrais dimanche à la nouvelle version de la Symphonie fantastique dirigée par Klaus Mäkelä.
En précisant bien que je limitais mes comparaisons aux seules versions de l’Orchestre de Paris et de ses chefs successifs, en signalant in fine l’excellence de la version Markevitch/Lamoureux.
Que de commentaires ridicules sur ce jeune chef – qui n’est évidemment pas à la hauteur des grands anciens – sur ce disque – et de dévider l »habituelle liste des « références » incontournables ! Sans qu’évidemment aucun de ces « commentateurs » n’ait lu la moindre ligne de mon article.
Georges Bizet est mort à 37 ans, il y a exactement 150 ans, le 3 juin 1875, d’une crise cardiaque, deux mois après la création de son ouvrage le plus célèbre, Carmen.
La symphonie du jeune homme
C’est en 1933 seulement qu’on découvre la partition d’un jeune homme de 17 ans, la Symphonie en do Majeur , composée en 1855 par Bizet. Après sa création à Bâle en 1935 par Felix Weingartner, le succès de cette symphonie parfaite – un modèle d’inspiration mélodique et d’invention rythmique – ne s’est jamais démentie. J’ai fait le compte : 20 versions au moins dans ma discothèque, à commencer par celle de Thomas Beecham avec laquelle j’ai découvert l’oeuvre, si. riche des couleurs si françaises de l’Orchestre national de la fin des années 50.
Parmi les versions moins attendues de ma liste, la fièvre d’un jeune homme de 95 ans, et je crois le dernier enregistrement de Leopold Stokowski
Encore plus exotique, la version du grand chef tchèque Zdeněk Košler :
Quel bonheur que ces sonorités si typiques de la Philharmonie tchèque, ces bois fruités de Bohême.
On pourrait presque s’en tenir aux seules versions enregistrées avec l’Orchestre national de France. J’aime beaucoup l’équilibre et la poésie de Seiji Ozawa
Rareté aussi que cette splendide version de Bernard Haitink, enregistrée pour Philips en 1977
Souvenirs de Rome
Bizet ayant remporté le Prix de Rome en 1857, il passe les deux années suivantes à étudier gratuitement à l’Académie de France à Rome, il y reste jusqu’en juillet 1860. Il en résultera une oeuvre qui est loin d’avoir connu une notoriété équivalente à la symphonie en ut, la Symphonie Roma, ou simplement Roma une fantaisie en quatre mouvements créée dans sa version définitive en 1875 après la mort du compositeur.
Belle version aussi que celle de Paavo Järvi avec l’Orchestre de Paris
La patrie de Bizet
C’est l’oeuvre qui est jouée aux obsèques de Bizet, un an après sa création par l’orchestre Pasdeloup auquel elle était destinée : Patrie, une ouverture dramatique dédiée à Massenet;
Plus rare au disque, elle était très prisée de chefs comme Charles Munch et Paul Paray
Droit de suites
Mais si Bizet est toujours aussi souvent joué dans les concerts symphoniques, c’est bien grâce aux suites d’orchestre qui ont été tirées de son opéra Carmen d’une part, de sa musique de scène pour l’Arlésienne d’autre part.
Difficile de faire une sélection dans d’innombrables versions. Mais on peut en rester à des valeurs sûres, Abbado, Beecham, Markevitch, Martinon, Paray, liste non limitative.
Igor Markevitch avec les sonorités savoureuses des Concerts Lamoureux représente la référence pour les suites de Carmen et de l’Arlésienne
Jeux d’enfants et La jolie fille de Perth
Il faut encore mentionner ces Jeux d’enfants, d’abord conçus comme une suite de douze pièces pour piano à 4 mains, dont Bizet tirera pour l’orchestre une « petite suite » de cinq mouvements.
De son opéra La jolie fille de Perth, Bizet extrait une jolie suite d’orchestre qu’il sous-titre « Scènes bohémiennes ». La version de référence est celle de Jean Martinon avec l’orchestre national.
Il est rare d’enchaîner deux soirées qu’on avait quelques craintes d’aborder – pour des raisons très différentes – et qui finalement vous comblent.
La Maréchale de Véronique Gens
Celle qui a si souvent chanté les tragédiennes baroques, des rôles rares dans des ouvrages méconnus – Véronique Gens était une invitée régulière du Festival Radio France à Montpellier – rêvait d’incarner la Maréchale du Chevalier à la rose de Richard Strauss. Michel Franck, pour sa dernière production comme directeur du théâtre des Champs-Elysées, lui a offert ce rôle, où elle nous a émus et éblouis tout à la fois.
Le Chevalier à la rose n’est pas l’opéra que je regarde ou écoute le plus souvent, sauf par extraits. Je n’ai pas beaucoup changé de références au fil des ans.
Les deux DVD dirigés par Carlos Kleiber, dans la mise en scène archi-traditionnelle d’Otto Schenk, avec deux distributions d’exception et surtout, évidemment, la plus belle direction d’orchestre qui soit
Souvenir inoubliable des représentations données au Châtelet avec l’impériale maréchale de Felicity Lott dirigée par Armin Jordan en septembre 1993 (je venais d’arriver à la direction de France Musique.
Au disque, tout aussi impérissable, le miracle Karajan-Schwarzkopf-Ludwig-Stich Randall
Blomstedt pour l’éternité
Jeudi soir je redoutais un peu d’être le spectateur d’un vieillard jadis admiré, mais qu’on vient observer comme une curiosité, Herbert Blomstedt, 98 ans dans quelques jours ! Certes l’entrée et la sortie de scène deviennent très difficiles, mais une fois installé sur son banc de pianiste, le vieux chef suédois fait des miracles avec un Orchestre de Paris en état de grâce (voir Bachtrack: Herbert Blomstedt et l’Orchestre de Paris pour l’éternité).
Deux symphonies au programme : la Première de Brahms et en première partie la 2e symphonie de Berwald (1842). A ma connaissance, Blomstedt n’a gravé que les 1ere et 4eme symphonies à San Francisco. Les intégrales symphoniques de Berwald se limitent à quelques versions, avec une préférence pour Ulf Björlin et le Royal Philharmonic
C’est de la musique joliment troussée, qui se laisse écouter.
La Première de Brahms c’est évidemment autre chose, et les grandes versions au disque sont légion. Relire ce que j’écrivais ici à propos de l’un des plus beaux thèmes de toute la symphonie, chanté au cor dans le dernier mouvement : Le son du cor au fond de Brahms.
Il faut évidemment écouter Blomstedt dans une oeuvre dont il connaît tous les secrets
Une expo à voir et entendre
Passant par hasard devant l’hôtel de Soubise, dans le Marais à Paris – c’est le siège et le musée des Archives nationales – j’y ai découvert une belle exposition sur le thème Musique et République(voir mes brèves de blog).
Beaucoup de documents qu’on a rarement l’occasion de voir et de lire. Iconographie et muséographie de premier plan. C’est gratuit et on se précipite
On n’en a jamais fini avec Schubert (lire Le retour à Schubert). Le programme que proposaient, mardi soir à la Philharmonie de Paris, l’Orchestre national d’Ile-de-France et le Choeur de Radio France, était suffisamment rare pour qu’on s’y précipite : après l’ouverture Leonore III de Beethoven, une rareté, une cantate due à la soeur de Mendelssohn, Fanny Hensel, et surtout la Messe n° 5 de Schubert.
Pas de critique à ‘rédiger ce soir, donc pas de pression. Je n’avais pas beaucoup aimé le dernier concert de Case Scaglione (voir Bachtrack), je suis d’autant plus à l’aise pour dire le bien que j’ai pensé de sa direction, surtout dans la messe de Schubert. Certes il n’était pas gâté – et nous non plus – par les stridences de la soprano soliste, mais le Choeur de Radio France était à son meilleur dans une pièce où il peut s’investir complètement.
Les six messes de Schubert
En dehors de la sixième et dernière messe de Schubert, qui a parfois les faveurs d’une programmation et de quelques disques, le répertoire sacré du compositeur viennois, mort à 31 ans (!) reste largement méconnu.
Première recommandation, cette intégrale magnifique due à Bruno Weil
Pour la 6e messe, j’ai souvent exprimé ici mon admiration pour la version d’Armin Jordan, qui comprend le plus émouvant Et incarnatus est de toute la discographie, avec les voix lumineuses et recueillies des ténors Aldo Baldin et Christoph Homberger et surtout la merveilleuse Audrey Michael
En regard de. cette version, toutes les autres me paraissent trop démonstratives, avec des solistes qui se croient plus souvent à l’opéra qu’à l’église.
Comme dans cette version de 1987 de Claudio Abbado :
Et voici que je trouve sur YouTube cet extrait d’un concert de 2012 à Salzbourg – Abbado n’a plus que quelques mois à vivre, et cet Incarnatus est, comme celui d’Armin Jordan, me trouble et me bouleverse :
S’il y a un grand chef qui a tout au long de sa carrière voué au répertoire choral de Schubert une dévotion sans faille, c’est bien Wolfgang Sawallisch (lire Les retards d’un centenaire). Des deux dernières messes, il a donné deux versions, l’une pour Philips, l’autre pour EMI.
J’ai une nette préférence pour les versions de Dresde (orchestre, choeurs, solistes superlatifs)
Karl Böhm n’a jamais enregistré de messe de Schubert, mais on trouve sur YouTube une étonnante version de concert, enregistrée en juillet 1976 dans une église de Vienne… avec les Petits Chanteurs de Vienne (Wiener Sängerknaben). Un témoignage intéressant.
Dans ma discothèque, j’ai aussi ceci, qui mérite l’écoute à défaut d’être des références pour la Messe n° 5.