Quand elles chantent

D’abord un petit rappel : c’est aujourd’hui, 21 décembre, que Michael Tilson Thomas – MTT pour les intimes – fête ses 80 ans (voir MTT le chef sans âge). Comme c’est aussi le premier jour de l’hiver, merci à lui de nous avoir donné cette 1ere symphonie de Tchaikovski – Rêves d’hiver – magique.

Elles chantent Noël

Lorsqu’il y avait encore des magasins de disques aux Etats-Unis ou en Angleterre, on pouvait encore trouver de formidables compilations de chants de Noël. Pas un orchestre, pas un chef, pas une star du chant n’ont dérogé à l’obligation d’enregistrer leur album. Finalement pas si kitsch que ça, et parfois même émouvant.

En version triple sucre glace cet incunable de l’héritage de Karajan à Vienne avec son héroïne du moment Leontyne Price

Encore plus sophistiqué ce disque de noëls d’Elisabeth Schwarzkopf !

Elles composent

Le dernier concert auquel j’ai assisté cette semaine, c’était jeudi soir à la Cité de la Musique. Une belle initiative, mais comme je l’ai écrit pour BachtrackUn jardin féerique trop touffu -, une belle idée ne fait pas forcément un bon concert.

L’idée – vraiment originale – c’est celle qu’ont développée toute une bande d’artistes autour d’Héloïse Luzzatti : une sorte de calendrier de l’Avent où chaque jour est présentée une compositrice. C’est La Boîte à Pépites sur YouTube

Comme je l’ai écrit pour Bachtrack, ma critique porte non pas sur l’idée mais sur la conception d’un concert qui aligne autant de compositrices, d’extraits d’oeuvres… N’en restons pas à ces vignettes, mais explorons plus largement le talent resté trop longtemps ignoré de nombre de ces créatrices.

La victoire de la musique

Je me suis souvent exprimé ici sur les Victoires de la musique classique, avec d’autant plus de liberté que c’est moi qui avais jadis décidé d’associer France Musique à cette manifestation. Je note d’ailleurs qu’aujourd’hui le président de ces Victoires n’est autre que le directeur de France Musique, Marc Voinchet . CQFD !

Victoires 2024

Je n’ai pu suivre que la fin de la cérémonie d’hier – j’avais une bonne excuse, un concert à la Maison de la radio (critique à suivre sur Bachtrack) – mais ce que j’en ai vu et les récompenses attribuées m’ont fait bonne impression. Juste une remarque quant à la présentation : quand Frédéric Lodéon tenait la barre de ces soirées (il l’a fait jusqu’en 2018), peu importait le ou la comparse qu’on lui adjoignait, il dominait le sujet sans conteste possible. Depuis lors, comme pour toutes les manifestations musicales, on nous impose un Stéphane Bern plus guindé que jamais dans un style qui n’est plus supportable pour parler de musique et de musiciens classiques. Quel contraste hier soir avec Clément Rochefort, l’un des meilleurs producteurs que France Musique ait recrutés et formés depuis longtemps ! Que n’a-t-on laissé ce dernier piloter seul la soirée !

(Avec Clément Rochefort dans les studios de France Bleu Hérault à Montpellier en 2019)

Joie de revoir ma chère Karine Deshayes, plus éblouissante que jamais en ce 29 février – jour anniversaire de Rossini ! – avec son complice Florian Sempey. Dommage qu’il y ait eu quelques soucis de micro dans cet extrait, mais cela ne gâche pas notre plaisir… et notre admiration pour ces chanteurs.

Pas beaucoup de surprise à l’annonce des lauréats comme soliste instrumental – Alexandre Kantorow ne quitte guère les sommets qu’il a atteints depuis sa m&daille d’or au Concours Tchaikovski 2019 – ou soliste vocal – le ténor Benjamin Bernheim qui doit chanter Roméo et Juliette au Metropolitan Opera de New York dans quelques jours. Heureux que Marie Jacquot soit distinguée comme « révélation chef d’orchestre », quoique cet intitulé me paraisse à la limite du ridicule s’agissant d’une musicienne à qui sont déjà confiées d’importantes responsabilités.

Comme le public, je découvre les talents de la compositrice Florentine Mulsant, de la gambiste Salomé Gasselin ou encore de la jeune mezzo-soprano Juliette Mey.

Plus étrange est la nomination dans la catégorie « Enregistrement » du coffret d’hommage à Nicholas Angelich. On se demande d’ailleurs si cette récompense attribuée à un seul disque classique est pertinente : il y a une telle production qui n’est plus et de loin l’apanage du seul CD qu’il est illusoire de prétendre distinguer « le meilleur enregistrement . Ici, il eût été ô combien plus pertinent que ce coffret soit placé hors catégorie.

Le génie de Moussorgski

Mercredi soir, j’assistais à la première de la série de représentations de Boris Godounov proposées jusqu’au 7 mars par le théâtre des Champs-Elysées. J’ai rendu compte pour Bachtrack de cette production créée à Toulouse en décembre dernier : Les grosses ficelles d’Olivier Py dans Boris Godounov au théâtre des Champs-Elysées.

Mais si l’on fait abstraction de ces trucs de mise en scène, et de la relative déception d’une direction assez banale, il faut louer sans réserve tous les chanteurs de cette production (ce sont les mêmes à Toulouse et à Paris), dont la star aurait dû être Mathias Goerne dans une prise de rôle pour lui. Le baryton allemand ayant déclaré forfait, il a été, très avantageusement, remplacé par Alexander Roslavets dans le rôle-titre

Au cas où on n’aurait pas compris la fine allusion au tsar Boris (Poutine) recevant au Kremlin le prince Chouiski (Macron)

Comme je l’écris dans Bachtrack, je songeais en écoutant Roslavets à ce qui s’était passé, il y a 111 ans, sur cette même scène : pour la saison inaugurale du théâtre construit par Auguste Perret, c’est le grand Fiodor Chaliapine qui reprenait le rôle-titre du chef-d’oeuvre de Moussorgski, qu’il avait chanté cinq ans plus tôt au Châtelet.

2890 jours : ils ont fait Montpellier (III) 17 opéras

Dès sa fondation en 1985, le Festival Radio France Occitanie Montpellier s’est singularisé dans le paysage musical international par la programmation d’ouvrages lyriques rares, voire inédits, de redécouvertes considérables. C’est une politique que j’ai résolument poursuivie, de 2014 à 2022, durant mon mandat de directeur du festival (lire 2890 jours), même si la pandémie d’une part, les réductions budgétaires d’autre part, nous ont obligé à réduire la voilure.

Il n’empêche que la liste des oeuvres jouées durant 8 éditions, et des interprètes engagés à cette fin, ne laisse pas d’impressionner.

2015 : Bodin de Boismortier, Offenbach, Lalo

(L’affiche du Festival 2015 avait été créée par l’artiste Gérard Matharan disparu en avril 2022)

Joseph Bodin de Boismortier : Don Quichotte chez la Duchesse

L’Opéra de Versailles reprenait cette fin janvier le spectacle inauguré en 2015 à MontpellierDon Quichotte chez la Duchesse – dirigé par Hervé Niquet et mis en scène par Gilbert et Corinne Bénizio (ex- Shirley et Dino)

(De gauche à droite : Corinne Bénizio, Jany Macaby, Hervé Niquet, Gilles Bénizio, JPR)

Jacques Offenbach : Fantasio

Ce fut l’événement du Festival 2015, une authentique redécouverte d’un ouvrage oublié d’Offenbach, qui a depuis fait les beaux soirs de l’Opéra-Comique (lire Brillante résurrection de Fantasio)

Edouard Lalo : La Jacquerie

2016 : Rameau, Offenbach, Aboulker, Mascagni

Jean-Philippe Rameau : Zoroastre

Pietro Mascagni : Iris

Isabelle Aboulker : Marco Polo et la Princesse de Chine

Jacques Offenbach : Ba-Ta-Clan

Il faut préciser ici que cette pochade avait été programmée avant les attentats du 13 novembre 2015 dans la salle de spectacle – le Bataclan – qui tire son nom de l’ouvrage d’Offenbach, et que ce concert a été dédié à toutes les victimes du terrorisme.

2017 : Bellini, Giordano et le mélange Niquet

2018 : Offenbach, Destouches, Delibes


2019 Pomme d’Api et Fervaal

Jacques Offenbach : Pomme d’Api

L’événement de ce festival 2019 c’est la restitution intégrale d’une partition devenue mythique à force de ne jamais avoir été jouée, a fortiori représentée, Fervaal de Vincent d’Indy.

Vincent d’ Indy, Fervaal Op. 40 

Opéra en 3 actes et un prologue sur un livret du compositeur d’après le poème « Axel » d’Esaias Tégner.

Michael Spyres (ténor), Fervaal
Gaëlle Arquez (mezzo-soprano), Guilhen
Jean-Sébastien Bou (baryton), Arfagard
Elisabeth Jansson (mezzo-soprano), Kaito
Nicolas Legoux (basse), Grympuig
Eric Huchet (ténor), Lennsmor
Kaëlig Boché (ténor), Edwig
Camille Tresmontant (ténor) 4ème Paysan, 1er Paysan sarrazin, Chennos
François Piolino (ténor), Ilbert
Rémy Mathieu (ténor), Ferkemnat, Moussah
Matthieu Lécroart (baryton), Geywihr, 5ème Paysan
Eric Martin-Bonnet (basse), Penwald, Buduann
Pierre Doyen (baryton), le Messager, 3ème Paysan, 2ème Paysan sarrazin
Jérôme Boutillier (baryton), 1er Paysan, Gwellkingubar
Anas Seguin (basse), Berddret
Guilhem Worms (baryton-basse), Helwrig
François Rougier (ténor), 2ème Paysan, Le Berger, Le Barde

Choeur de la Radio Lettone
Choeur de l’Opéra national de Montpellier Occitanie
Orchestre national de Montpellier Occitanie
Michael Schonwandt, direction

Il y avait un projet d’édition de cette soirée en CD, qui n’a jamais abouti pour des raisons non artistiques… Mais les amateurs peuvent retrouver l’intégralité de la soirée du 24 juillet 2019 sur YouTube

2021 Pas de Bacchus mais une création

Nous avions prévu, d’abord en 2020, puis en 2021, de redonner vie à un opéra de Massenet, Bacchus. Projet annulé en 2020 pour cause de pandémie.. et en 2021 pour cause de conséquences de la pandémie ! Trois ans après, tout le monde semble avoir oublié que si les festivals ont pu reprendre leur activité, c’était au prix de restrictions toujours en vigueur en matière de nombre de spectateurs, et bien sûr de distanciation sur scène, aussi bien en répétition qu’en concert. Or Bacchus exigeait un nombre important d’interprètes et surtout plusieurs formations additionnelles en coulisses. Nous avons dû très vite nous résoudre à annuler l’opération, au grand dam du chef, des musiciens et des chanteurs qui avaient travaillé sur cette partition reconstituée pour l’occasion.

Mais en co-production avec l’Opéra de Montpellier, ce fut la création de l’opéra de Philip Venables Denis et Katya.

(De droite à gauche : Philip Venables, Ted Huffmann, Jakub Jozef Orlinski et JPR)

2022 Hamlet d’Ambroise Thomas

En 2022, un seul opéra, mais pas le moindre, pour illustrer la thématique « so British » de cette édition : Hamlet d’Ambroise Thomas, mais pas dans la version baryton, la plus jouée, dans celle où le rôle-titre est chanté par un ténor. Et quel ténor en ce 15 juillet 2022 avec John Osborn !

Prochain « épisode » : les chanteurs, chanteuses, en concert ou en récital !

France Musique : 30 ans ont passé, les souvenirs restent

J’ai déjà raconté ici – L’aventure France Musique – les raisons et les circonstances de mon arrivée à France Musique le 23 août 1993, il y a donc exactement 30 ans !

J’invite ceux que cela intéresse à relire mon article d’il y a cinq ans…

J’ai découvert un peu par hasard que le 6e épisode du podcast La Maison de la Radio : 60 ans de musique et de partage évoque cette période et le rôle que j’ai pu jouer (à écouter ici ou en direct le 26 août à 9 h sur France Musique)

Je garde de précieux souvenirs des presque six années que j’ai passées à la tête de la station, mais je n’éprouve ni nostalgie ni regrets. Encore moins ce qui malheureusement alimente souvent les souvenirs de ceux qui ont été « en responsabilité », l’aigreur ou la rancoeur. Ce sont des sentiments qui me sont, qui m’ont toujours été étrangers.

Oui il m’arrive de penser que j’aurais pu faire plus, mieux, plus longtemps dans les fonctions qui m’ont été confiées, mais j’éprouve plus souvent la satisfaction de voir que les projets qu’on a lancés, les transformations qu’on a opérées – et il y en a eu beaucoup à France Musique – sans heurts, sans atteinte à la dignité des personnes, sont ancrés dans l’histoire de la chaîne et dans la mémoire de ceux qui ont participé à l’aventure, et qui pour beaucoup en font encore partie.

Deux grilles etc.

Anne-Charlotte Rémond évoque dans cet épisode la grille que j’étais chargé de préparer pour janvier 1994 (sous la supervision de Claude Samuel). Elle aurait pu ajouter ma pleine et entière responsabilité dans celle qui a été établie, cette fois avec Pascal Dumay, pour la rentrée 1997. Les principes sont restés les mêmes, mais – il y a prescription – je voudrais raconter une anecdote qui illustre l’état de tension, d’incertitude que génère inévitablement l’exercice de la refonte d’une grille de programme chez les producteurs. Dumay et moi nous étions isolés pendant un week-end à l’écart de Paris pour « finaliser » le dispositif et bien entendu nous étions convenus, au moins implicitement, que nos discussions resteraient secrètes, tant que la grille ne serait pas validée, sachant que tous guettaient le moindre signe. Dans la semaine qui suivit, mon cher assistant, Sylvain Lopez (tragiquement disparu dans un accident de voiture à l’été 1999), me rapporta des « bruits » de couloir alarmistes, forcément alarmistes, sur nos travaux du week-end! Je parvins à identifier la source de ces bruits, une jeune productrice dont on me dit qu’elle était très proche du directeur de la musique…Je me retrouvai dans la très délicate situation de devoir dire innocemment (!) à ce dernier mon incompréhension quant aux fuites qu’on me rapportait. Penaud, il me promit de mettre fin à cette situation ! Finalement, « notre » grille fut très bien accueillie tant par la « maison » que par la presse.

J’ai précieusement gardé l’article de Christian Leblé paru dans Libération en janvier 1996, quelques mois avant que Claude Samuel ne soit remplacé par Pascal Dumay à la direction de la musique de Radio France : France Musique mue et remonte. Les problématiques qui se posaient demeurent peu ou prou et la nécessité de faire une « radio à l’écoute de ses auditeurs » plus évidente que jamais.

Mémoire retrouvée

Ainsi à l’occasion du récent décès de Renata Scotto, France Musique a rediffusé quelques épisodes d’une série « Mémoire retrouvée » que j’avais lancée dès l’été 1994, sur un principe simple. En radio, la plupart des personnes interviewées le sont parce qu’elles sont dans l’actualité ou parce qu’elles ont une « promo » à faire. Mais quid de celles et ceux qui ont quitté les feux de la rampe, et qui ont des tas de souvenirs à livrer… et qu’on interroge rarement ? J’avais donc proposé à tous les producteurs de la chaîne une formule et un format inédits (j’avoue que j’ai eu un peu de mal à convaincre la structure de production, déstabilisée par la liberté que je tenais à laisser aux équipes) : j’ai demandé à chacun(e) une liste de personnalités qu’il/elle souhaiterait interroger. Une fois d’accord, les producteurs prenaient contact avec elles et nous ne fixions la durée de l’émission qu’après que la rencontre entre interviewés et producteurs avait eu lieu. Ainsi, par exemple, la même productrice fit face à deux cas de figure opposés : après avoir rendu visite à un célèbre ténor (Alain V.), elle me dit qu’avec le matériau récolté, elle tiendrait tout juste une heure. En revanche, avant même d’en avoir terminé avec la grande Renata T., elle m’annonça qu’elle en aurait bien pour cinq émissions, toute une semaine. Je ne voulais surtout pas enfermer les uns et les autres dans un format.

C’est ainsi qu’avec Renata Scotto, en 1997, Mildred Clary put réaliser trois émissions : Mémoire retrouvée de Renata Scotto, à réécouter ici

Je regrette que mon successeur Pierre Bouteiller ait interrompu une série qui constitue, encore aujourd’hui, une formidable source d’archives exclusives sur le monde musical de la fin du XXème siècle.

Directs de New York et de Lyon.

Parmi les réalisations dont je reste fier, deux semaines vraiment exceptionnelles à l’automne 1998 ont marqué l’histoire de la chaîne. Anne-Charlotte Rémond évoque dans son podcast l’incroyable semaine en direct de New York avec Renaud Machart et Claude Carrière : je l’ai racontée ici lorsque Claude Carrière est mort (lire La belle carrière de Claude). Avec un incident dont je n’ai pas lieu d’être fier…

Quelques mois après l’expédition new-yorkaise, France Musique installait ses micros à l’Opéra de Lyon, pour une semaine de directs de l’amphithéâtre de la scène complètement refaite par Jean Nouvel en 1993.

Pour la première fois, les auditeurs de la chaîne allaient découvrir en direct plusieurs stars d’aujourd’hui : Karine Deshayes, Stéphane Degout, Stéphanie d’Oustrac…et l’ouvrage de Paul Dukas, Ariane et Barbe-Bleue, avec lequel le nouveau directeur général, Alain Durel, et son nouveau directeur musical, Louis Langrée, inauguraient leur mandat, Françoise Pollet incarnant glorieusement le rôle réputé inchantable d’Ariane.

Un dernier hommage à Michel Larigaudrie, disparu il y a bientôt un an, qui m’envoyait régulièrement des photos des émissions de France Musique qu’il réalisait. Je retrouve celle-ci au moment de conclure cet article : je ne reconnais pas tout le monde, sauf bien sûr à droite de la photo Rolf Liebermann (1910-1999), entre autres ancien directeur de l’Opéra de Paris, et tout à gauche Michel Larigaudrie et Olivier Morel-Maroger qui m’a lointainement succédé à la direction de la chaîne (de 2011 à 2014). Je me demande bien ce que j’étais en train de raconter à l’époque…

Pour le plaisir

C’est vraiment maintenant, à l’orée de l’été, que je mesure la liberté qui est la mienne de ne plus être « en responsabilité ». De ne plus devoir me préoccuper d’un festival. Et de me retrouver dans la situation la plus confortable, celle de l’auditeur/spectateur, que je n’ai plus connue depuis… très longtemps.

Je retournerai dans quelques jours à Montpellier assister à quelques concerts du Festival Radio France, avec un sentiment de gratitude pour les efforts, le travail d’une équipe valeureuse.

J’ai déjà « profité » de cette position pour assister au festival le plus proche de chez moi, l’un des plus anciens de France aussi, celui d’Auvers-sur-Oise, certes avec ma nouvelle étiquette de critique musical. Il n’empêche – on ne se refait pas ! – que je reste attentif au moindre détail de bonne… ou de moins bonne organisation.

Les soeurs terribles

Mercredi dernier c’était dans l’église d’Auvers-sur-Oise, une nouvelle rencontre avec les soeurs Labèque (lire Les soeurs aimées).

« Juchées sur leurs stilettos, chevelure bouclée, noire de jais, chasuble blanche sur jeans slim fit, Katia et Marielle Labèque arborent un air d’éternelles adolescentes quand elles remontent la nef de l’église Notre-Dame de l’Assomption d’Auvers-sur-Oise pour accéder au podium installé dans le transept. Qui dirait que les sœurs septuagénaires célèbrent le cinquantenaire de leur duo de pianos ?« 

La suite à lire sur Bachtrack.com : Les soeurs terribles du piano à Auvers-sur-Oise

On peut aimer moyennement cette dernière « création » de Philip Glass, mais on ne peut qu’être admiratif devant l’insatiable curiosité des deux soeurs et le nombre considérable d’oeuvres qu’elles ont commandées ou créées.

A Marciac fin juillet 2017, avec Katia et Marielle Labèque et Mathieu Gallet, alors PDG de Radio France

On n’a pas fini d’aimer ces deux soeurs…

Lambert saisi par l’émotion

Jeudi dernier, c’était au tour de Lambert Wilson et de Bruno Rigutto d’enchanter le public du festival d’Auvers. Comme je l’ai écrit dans Bachtrack : Lambert Wilson fait revivre Van Gogh.

Excellent conteur, on sait le comédien très bon chanteur… de chansons (lire Performance) mais je l’ai vraiment découvert ce soir-là en interprète bouleversant de Fauré et surtout de Duparc (une Chanson triste qui me donne encore des frissons). J’avais accompagné Lambert au dernier récital de Mathias Goerne au Théâtre des Champs-Elysées en mars 2022 et surpris une conversation très technique, professionnelle, entre eux à l’issue du concert. Il paraît qu’il existe un disque de mélodies enregistré il y a longtemps par Lambert Wilson et Jean-Philippe Collard. On va le rechercher…

Souvenir encore très vif évidemment – puisque j’évoquais Montpellier – du concert d’ouverture du Festival Radio France 2016, une soirée que j’avais voulue autour de la figure de Shéhérazade.

(Bien entouré par Karine Deshayes et Lambert Wilson)

Ce dimanche 10 juillet 2016, c’était aussi la finale de l’Euro 2016 de football, qui opposait la France au Portugal. Après le concert qu’on avait fait débuter plus tôt que d’habitude, j’avais prévu d’emmener les artistes dîner sur une terrasse, l’une des seules ouvertes à Montpellier un dimanche soir d’été. Empruntant la rue Montpelliéret pour nous rendre à ce restaurant, nous passons devant un bar noir de monde où était diffusé le match de finale, l’un puis l’autre clients reconnaissent Lambert Wilson, l’interpellent, s’approchent de lui. Et Lambert de répondre « je suis là incognito, s’il vous plaît soyez discrets », les types interloqués s’en retournent à leur match. « Je dis toujours cela quand je ne veux pas être importuné, ça gêne beaucoup les gens » ajoute-t-il pour notre petit groupe dans un grand éclat de rire. Nous dinons et n’entendons plus aucun bruit, sauf peut-être quelques cris… de supporters portugais ! A la fin du dîner nous reprenons le même chemin qu’à l’aller, les clients du bar se consolent de l’échec des Bleus, ils ne sont plus devant leur écran et reconnaissent immédiatement l’acteur qui va rester un bon moment à discuter avec eux, leur expliquer sa passion pour la musique, le festival Radio France etc… Il signe un joli paquet d’autographes et ces gamins oublient illico la tristesse de leur soirée de foot !

La saison des saisons

Je n’ai jamais vraiment compris cette mode – qui confine souvent à la course de vitesse – des présentations au printemps des saisons à venir des opéras, des salles de concerts, des festivals. Comme si le public de ces établissements n’était composé que de fidèles abonnés, qu’il s’agit de conserver et de choyer. Les publics qu’on veut conquérir ce n’est jamais comme cela qu’on va les chercher.

Je le dis avec d’autant plus d’assurance que j’ai expérimenté à peu près toutes les formules, du temps de mes responsabilités à l’Orchestre philharmonique royal de Liège, à Radio France puis au festival Radio France.

Comme si les temps n’avaient pas changé, comme si la crise sanitaire n’était pas passée par là. On sait très bien que les publics sont de plus en plus volatils, et qu’une bonne communication dans leur direction passe par quantité de canaux qui doivent être maniés avec une extrême souplesse. C’est souvent le jour même, voire quelques heures avant l’événement que ces publics, les plus jeunes, les plus engagés dans la vie active, mais aussi désormais les plus âgés, se décident à assister à un concert, un opéra ou une pièce de théâtre.

Mais puisque ce type de présentation solennelle persiste, prenons connaissance de ce qui nous est proposé. Deux choix pour le moment, l’un à Paris, l’autre à Montpellier

L’Opéra-Comique

Louis Langrée l’avait dit, au moment de sa prise de fonction, en novembre 2021, comme directeur de l’Opéra-Comique, il tient les promesses qu’il a faites. La saison 2023/24 n’est pas seulement remarquable en raison des ouvrages programmés, mais aussi parce que, comme le grand vaisseau de la Philharmonie l’a fait depuis son ouverture en 2015, l’Opéra-Comique proposera à tous les publics des voies d’entrée dans cette belle maison, d’accès à ses répertoires, à ses métiers, à ses pratiques : La saison 2023-2024 de l’Opéra-Comique.

(Photo Fabrice Robin / Le Monde)

Dans la belle interview qu’il a donnée au Monde, Louis Langrée explique :

« Ma première mission est de faire en sorte que le mot « opéra-comique », qui est un faux ami, soit bien compris. Louis XIV a créé trois théâtres : celui où l’on chante, l’Opéra de Paris, celui où l’on parle, la Comédie-Française, et le théâtre où on fait les deux, l’Opéra-Comique, dont le postulat veut que l’œuvre littéraire et la musique soient d’égale importance. On pense trop souvent que le chef d’orchestre s’occupe de ce que l’on entend et le metteur en scène de ce que l’on voit. C’est exactement le contraire. Le metteur en scène doit rendre le spectateur sensible à la musique de la langue, tandis que le chef doit rendre tangible la force théâtrale d’une œuvre« 

Il faut cultiver notre identité, c’est notre langue, le trésor que l’on partage, l’ADN de cette maison. Dans l’histoire de l’Opéra-Comique, il y a eu 3 000 créations en trois cents ans. Le rythme s’est évidemment beaucoup ralenti au fil des siècles, à mesure que le répertoire s’imposait. Mais il faut continuer avec les particularités qui font partie de la musique française. C’est un Italien, Lully, qui a créé la tragédie lyrique, un Allemand, Gluck, qui a réformé l’opéra français, un autre Allemand, Meyerbeer, qui a mis au point le grand opéra à la française, quand Offenbach donnait ses lettres de noblesse à l’opérette. Monter des ouvrages en français, ce n’est pas faire du Eric Zemmour !« 

(Le Monde, 01/04/2023)

Montpellier 2023

L’affiche est belle, la brochure bien faite, le contenu intéressant. Mais il y a quelque imprudence à parler d’un « nouveau » festival, d’un « nouveau » projet et à le placer sous le signe de la « jeunesse », l’un et l’autre états étant on le sait éphémères !

Surtout si la « nouveauté » est perçue comme une réduction sensible de la durée, du périmètre, et du nombre de concerts d’un festival qui n’est pas né d’hier.

Tandis que le festival s’était, dès 2005, développé dans le Languedoc-Roussillon, puis, à partir de 2016, avait pris des points d’appui et consolidé ses positions dans toute la région Occitanie, à la demande du conseil régional et de sa présidente, principal financeur du festival, ce travail qui avait enthousiasmé des publics, très souvent éloignés des centres de culture, est réduit à peau de chagrin au profit d’un « recentrage » sur la seule ville et agglomération de Montpellier.

La nouveauté n’est pas non plus dans le choix des programmes et des interprètes, les valeurs sûres sont privilégiées, peut-être pour (ré)conforter un public traditionnel de mélomanes, qui se réjouiront de retrouver des hôtes réguliers du festival (Fazil Say, Bertrand Chamayou, Karine Deshayes, bien sûr les orchestres de Radio France, ceux de Montpellier et Toulouse), mais pourquoi s’être privé – alors que la « jeunesse » est invoquée – de la présence d’un orchestre de jeunes, comme celui de la Méditerranée, basé à Aix-en-Provence, ou d’une formation étrangère ? Dommage.

D’aucuns regretteront l’absence d’opéra en version de concert, alors que c’était l’un des marqueurs du festival (celui, nous disaient les attachés de presse, qui pouvait attirer la presse internationale). Trop cher sans doute ?

On sera bien le dernier à critiquer les choix faits par la nouvelle direction et le conseil d’administration et on souhaite à cette édition 2023 d’un festival, qui reste cher à notre coeur, l’éclatant succès qu’elle mérite.

Il y a assurément de belles promesses de grands moments de musique dans la brochure téléchargeable du festival : lefestival.eu.

Je me rappelle encore avec beaucoup d’émotion le concours Eurovision des jeunes musiciens qui s’était tenu à Montpellier le 23 juillet 2022 et avait récompensé le formidable jeune violoniste tchèque Daniel Matejča. Il sera présent le mardi 18 juillet à 12h30 à la salle Pasteur. On ne le manquera pas !

Voix de reines

La série n’est pas terminée… et tant mieux ! Dans la ligne de mon précédent billet (Rita, Nadia, Cécile…) les femmes sont toujours à l’honneur.

Les reines d’un soir

On était mardi soir au théâtre des Champs-Elysées pour le double récital de Marina Rebeka et Karine Deshayes. Compte-rendu complet sur Bachtrack : Les reines d’un soir

(Les deux cantatrices enregistrées pour la télévision en 2018 dans le même Théâtre des Champs-Elysées)

Jessye inédite

Ce matin je recevais un coffret commandé il y a plusieurs semaines, qui faisait déjà beaucoup parler de lui avant même sa parution. Des enregistrements inédits de la grande Jessye Norman (Les Chemins de l’amour).

L’éditeur de ce coffret, Cyrus Meher-Homji, responsable de la formidable collection Eloquence Australie – qui réédite les trésors de l’immense fonds Philips, Decca, Deutsche Grammophon – écrit à propos de ces disques sous le titre « Le fruit défendu » : « Les multiples spéculations, articles, blogs, et groupes de discussions autour des inédits de Jessye Norman trouvent aujourd’hui une réponse avec ces enregistrements réalisés entre 1989 et 1998 »« .

On va donc parcourir les 3 CD de ce coffret, sans a priori, en particulier – le 1er CD – les extraits de Tristan et Isolde captés à Leipzig du 19 au 30 mars 1998, sous la direction de Kurt Masur (avec Thomas Moser en Tristan, Hanna Schwarz en Brangäne et Ian Bostridge en jeune marin), le 2ème comporte deux cycles déjà enregistrés « officiellement » par la chanteuse, les Vier letzte Lieder de Richard Strauss en mai 1989 et les Wesendonck-Lieder de Wagner en novembre 1992, les deux fois « live » à Berlin avec James Levine à la tête des Berliner Philharmoniker. Le troisième rassemble, sous la houlette de Seiji Ozawa avec le Boston Symphony, la cantate Berenice, che fai ? de Haydn, La mort de Cléopâtre de Berlioz, et Phèdre de Britten, soit au moins deux inédits (Haydn, Britten) de la discographie de Jessye Norman. Reste la question de savoir pourquoi la chanteuse n’avait pas autorisé la sortie de ces enregistrements, et pourquoi ses héritiers sont passés outre…

Virginia Zeani (1925-2023)

La cantatrice roumaine, morte à 97 ans, n’était qu’un nom sur un CD de compilation d’airs de Puccini, jusqu’à ce que Decca réédite ce disque-récital. Elle est pour moi à jamais la Musetta de la Bohème

Un beau dimanche à Paris

Mozart, Berlioz, Stravinsky à la Bibliothèque

Le site historique de la Bibliothèque Nationale de France, établi entre les rues Vivienne et de Richelieu dans le centre de Paris, a été fermé pendant des années – la dernière fois qu’on y était venu, Jean-PierreAngrémy (Pierre-Jean Rémy de son nom de plume) en était le président (entre 1997 et 2002). Il vient de rouvrir après une complète restauration, ou plutôt une métamorphose.

Redécouverte des lieux hier dimanche.

L’entrée se fait rue Vivienne (il est recommandé de réserver à l’avance, même si la file d’attente des visiteurs n’est pas dissuasive

La fameuse « salle ovale » surprend toujours par ses proportions… et par le silence qui y règne. Ce dimanche, la salle de lecture est comble. On entend à peine la rumeur des visiteurs qui en font le tour.

A l’étage, la galerie Mazarin, elle aussi restaurée dans sa splendeur originelle, expose quelques-uns des trésors de la BNF, et notamment quelques manuscrits de partitions célèbres, qu’on savait déposés ici mais qu’on n’avait jamais vus.

Au milieu le manuscrit du Sacre du Printemps d’Igor Strawinsky, à droite la Symphonie Fantastique de Berlioz !

De gauche à droite, la sonate Appassionata de Beethoven, le Te Deum de Marc-Antoine Charpentier, le Don Giovanni de Mozart.

Il faudra revenir, revenir souvent !

En relation avec le manuscrit de Stravinsky… et une récente visite de l’exposition consacrée à Pierre Boulez dans l’autre site de la BNF (lire Découvrir Boulez), la toute première version gravée par Pierre Boulez du Sacre du printemps.

Les amis de Karine

On ne pouvait imaginer terminer mieux ce dimanche pluvieux qu’avec ce concert célébrant les 25 ans de carrière de Karine Deshayes à l’Opéra Comique.

(Ci-dessus, le 15 juillet 2017 à Montpellier, après une représentation en concert des Puritains de Bellini, avec le chef Jader Bignamini)

Je ne sais par où commencer si je dois égrener mes souvenirs d’une chanteuse, d’une musicienne sur qui l’âge semble n’avoir aucune prise – elle a fêté ses 50 ans en début d’année -. Peut-être, comme je le rappelais hier soir à l’actuel directeur de la chaîne Marc Voinchet, l’opération que nous avions menée avec France Musique, toute une semaine de directs à l’Opéra de Lyon en septembre 1998 : Karine Deshayes, Stéphane Degout et quelques autres de leurs camarades, aujourd’hui au faîte de leur carrière, y avaient fait leurs débuts radiophoniques ! Noter que la soirée d’hier sera diffusée le 26 décembre sur France Musique !

Il y avait donc foule hier, place Boieldieu, dans la salle et sur la scène. Pour un programme peut-être trop copieux, qui n’a pas laissé s’installer le côté bande de copains qu’on eût aimé, et que Karine sans aucun doute avait souhaité. Mais on ne boudera pas son plaisir, et si tout ne fut pas de la même eau, on retiendra des presque deux heures ininterrompues que dura cet « instant lyrique », des séquences émouvantes et surtout la confirmation d’un talent, d’une personnalité que l’expérience et la maturité embellissent.

Philippe Jaroussky s’étant fait porter pâle – il devait chanter le célèbre « duo des fleurs » de Lakmé – c’est l’une des plus glorieuses Lakmé de l’histoire – entendue et applaudie sur cette même scène de l’Opéra Comique en 1998 – Natalie Dessay.. qui remplaça Jaroussky !

A la fin de ce concert, tout le monde rejoint Karine Deshayes pour le nostalgique Youkali de Kurt Weill.

Mais la soirée n’était pas tout à fait terminée, puisque, à peine sorti de l’Opéra Bastille où il chantait Don José dans Carmen, Michael Spyres se transformait en Pollione pour la Norma incandescente de Karine Deshayes !

Et tout le monde cette fois de venir saluer la « Reine des bulles » comme l’a si justement surnommée Natalie Dessay, le goût pour le champagne et les bulles de Karine Deshayes n’étant pas une légende !

Générique de cette soirée :

Catégorie chanteurs : Karine Deshayes, Natalie Dessay, Delphine Haidan, Cyrille Dubois, Michael Spyres, Paul Gay

Catégorie pianistes : Antoine Palloc, Mathieu Pordoy, Bruno Fontaine, Johan Farjot

Catégorie instrumentistes : Geneviève Laurenceau (violon) , Christian-Pierre La Marca (violoncelle), Arnaud Thorette (alto), Pierre Génisson (clarinette), André Cazalet (cor)

Catégorie compositeurs : Meyerbeer, Mozart, Rossini, Massenet, Richard Strauss, Poulenc, Schubert, Verdi, Godard, Bizet, Delibes, Burwell, Gounod, Weill, Bellini.

Italie 2020 (III) : Rossini à Pesaro

J’avais prévu de longue date un séjour en Ombrie près de Gubbio, séjour un temps compromis par la crise sanitaire et finalement maintenu.

Ce n’est qu’après avoir confirmé ma présence à mes hôtes que je me suis aperçu que la charmante cité balnéaire de Pesaro – où certains de mes chers amis font une sorte de pèlerinage annuel en dévotion à l’enfant du pays, Rossini – était à une bonne heure de route de ma villégiature.

Comme tous les autres festivals, Pesaro a été près d’annuler – Karine Deshayes devait y faire ses débuts dans Elisabetta regina d’Inghilterra – et s’est finalement résolu à produire une édition 2020 « adaptée « . Deux spectacles d’opéra seulement : une création ll cambiale di matrimonio et une reprise d’une mise en scène de…2001 Il Viaggio a Reims. Et des récitals !

Il ne faut pas croire Chabrier

 

On avait laissé Louis Langrée triomphant, il y a tout juste un an, à l’Opéra Comique, dans le Comte Ory de Rossini (Monsieur le Comte est bien servi). On l’a retrouvé, hier soir, pour la première d’Hamlet d’Ambroise Thomas

C’est à Emmanuel Chabrier  qu’on doit cette flèche célèbre : « Il y a deux espèces de musique, la bonne et la mauvaise. Et puis il y a la musique d’Ambroise Thomas ». 

Christophe Rizoud écrit ce matin sur Forumopera:

Tous les compositeurs ne sont pas égaux au tribunal de la postérité. Ambroise Thomas tente de sortir du purgatoire où l’avait consigné un mot assassin de Chabrier. L’occasion à Paris n’est pas si fréquente. Pour ne pas laisser passer une nouvelle fois la chance, l’Opéra Comique a mis les bouchées doubles : un chef convaincu par ce répertoire qui au moment des saluts brandit la partition d’Hamlet en un geste justicier, certains de nos meilleurs chanteurs français et, comme si ce n’était pas assez, un metteur en scène cinéaste – Cyril Teste – invité avec ses techniciens et ses caméras. Qui osera ensuite dire Thomas ringard ?

Un « chef convaincu », et diablement convaincant, je peux l’attester ! J’avais déjà eu la chance de voir la production de Covent Garden en 2003, Louis Langrée y dirigeait un bouleversant Simon Keenlyside et une époustouflante Natalie Dessay.

Hier soir, le couple vedette était formé de Stéphane Degout (Hamlet) et Sabine Devieilhe (Ophélie).

Impossible de rêver mieux : Stéphane Degout que j’avais vraiment découvert lors d’une semaine que France Musique avait passée à l’Opéra de Lyon à l’automne 1998, parmi toute une ribambelle de chanteurs qui ont, depuis, tous fait un magnifique parcours (Stéphanie d’Oustrac, Karine Deshayes…) – semaine qui s’était achevée par la production inaugurale du – bref – mandat de Louis Langrée, Ariane et Barbe-Bleue de Dukas, avec Françoise Pollet dans le rôle-titre ! – Stéphane Degout donc, que j’avais invité pour un récital à Liège en 2003 ou 2004, dont j’ai suivi le fabuleux parcours grâce aux réseaux sociaux, mais que je n’avais pas vu ni entendu en scène depuis longtemps. Quel acteur, quel admirable chanteur – rondeur, chaleur du timbre, puissance et homogénéité sur toute la tessiture, diction absolument parfaite -, il est Hamlet ! 

Tout comme Sabine Devieilhe est Ophélie. Follement applaudie au IVème acte, elle se joue de toutes les difficultés de son grand air, où la seule virtuosité ne suffirait pas à rendre justice au personnage, elle émeut jusqu’aux larmes.

Toute la distribution est admirable : Sylvie Brunet-Grupposo en reine Gertrude fait plus d’une fois penser à Rita Gorr, les hommes – Laurent Alvaro, Julien Behr, Jérôme Varnier (formidable Spectre), Kevin Amiel, Yohann Dubruque, Nicolas Legoux – sont tous à saluer ! Il faut évidemment applaudir le choeur Les Eléments, habitués des lieux, toujours si bien préparés par Joël Suhubiette.

Dans la fosse, une formation qui, décidément, prend goût au répertoire lyrique et au travail avec Louis Langrée, puisque, sauf erreur de ma part, c’est leur troisième collaboration sur un opéra (après Pelléas et Mélisande et Le Comte Ory) : l’Orchestre des Champs-Elysées et ses solistes si sollicités (le trombone solo!) se couvrent de gloire. La balance fosse-scène est idéale, dans cette salle si sonore, Louis Langrée révèle toutes les richesses de la partition, en évitant surcharge et grandiloquence, pour se concentrer sur le drame, le théâtre, l’humanité des personnages.

A l’entracte, les sentiments étaient mélangés sur la mise en scène de Cyril Teste. Moi j’ai marché, le recours à la vidéo, qui peut vite tourner au procédé, m’a semblé ici parfaitement coller au propos, à l’intemporalité du drame shakespearien. Belle direction d’acteurs, pas de gadget superflu.

Longue, très longue ovation finale pour tous les protagonistes d’une production qui restera dans les annales de l’Opéra comique !

Le spectacle doit être capté par MediciTv et Mezzo, il sera diffusé sur France Musique le 6 janvier 2019. A ne pas manquer, pour ceux qui n’auraient pas la chance de le voir d’ici le 29 décembre.

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Côté people, c’était assez amusant de constater la présence de pas mal d’ex, un ex-directeur de l’Opéra comique, une ex-directrice de la Danse de l’Opéra, une ex-ministre de la Culture faisant la bise à un ex-PDG de Radio France, pas rancunier, que j’ai eu plaisir à revoir et à féliciter pour sa nouvelle activité (Majelan, la plate-forme de podcasts de Mathieu Gallet).