La grande porte de Kiev (XIII): trois ans plus tard

J’ai écrit le premier article de cette série – La grande porte de Kiev – il y a presque trois ans, au lendemain de l’invasion de l’Ukraine par les troupes de Poutine. J’écris aujourd’hui le douzième, qui ne sera sûrement pas le dernier, en raison d’une double actualité, de très inégale importance.

La fin de la guerre ?

Donald Trump a raison sur une seule chose : l’Ukraine comme la Russie sont épuisées par trois années de guerre qui n’a fait que des centaines de milliers de morts et de blessés. Comme le dit l’excellent ministre français des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot : « Si Trump peut attirer Poutine à une table de négociation, on ne pourrait que s’en réjouir ». Mais tout cela assorti de toutes les réserves et principes d’usage, rappelés d’abondance sur tous les plateaux télé par nos stratèges en chambre.

Une remarque puisée de l’histoire : les médias qui ne réfléchissent pas (une majorité ?) soulignent ou dénoncent un changement de cap des Etats-Unis (America first !). Mais, comme le font remarquer des observateurs qui ont, eux, bonne mémoire, cette doctrine n’est pas née avec Trump. Première guerre mondiale, les Etats-Unis ne s’engagent qu’en 1917, Seconde guerre, seulement en 1942 après le désastre de Pearl Harbour. Beaucoup plus récemment, quand les Européens et la France sous présidence Hollande avaient une opportunité – en 2013 – de chasser Assad de Syrie, Barack Obama a opposé une fin de non-recevoir (il est vrai peut-être échaudé par la guerre d’Irak déclenchée par Bush jr. en 2003).

Qui se rappelle la conférence de Yalta en 1945 ? où Staline, Churchill et Roosevelt se partagèrent l’Europe en excluant la France et De Gaulle…

Je viens de finir un excellent bouquin – qui vient de sortir en édition de poche :

« Comment comprendre la tragique guerre menée actuellement en Ukraine ? Quel est cet empire russe après lequel court Vladimir Poutine ? Pour saisir ces enjeux brûlants, François Reynaert s’est plongé dans un millénaire de passions russes. D’Ivan le Terrible au maître actuel du Kremlin, en passant par Pierre Ier le Grand, Catherine II ou Staline, les tsars n’ont cessé d’étendre leur territoire au nom de Dieu, des soviets ou de la grande nation slave. Cette histoire faite de bruit et de fureur, de conquêtes et de chefs-d’œuvre, de splendeurs et de misères, s’étend bien au-delà des frontières actuelles de la Russie. Elle embrasse les alliés et les vassaux de cette puissance, tous ceux qui ont contribué à la renforcer ou, au contraire, l’ont fait vaciller : Suède, Pologne, Lituanie, mais aussi Ukraine, pays des Balkans ou d’Asie centrale. » (Présentation de l’éditeur).

François Reynaert dit lui-même que l’idée de ce livre lui est venue le 24 février 2022. Je n’ai rien découvert que je n’aie pas déjà appris durant mes études, mais je recommande vivement à ceux qui essaient de comprendre, au-delà des apparences et des postures, ce qui joue en Ukraine.

Les tableaux d’une exposition

La Grande Porte de Kiev c’est le dernier épisode de la pièce de Moussorgski – Les Tableaux d’une exposition*. On va beaucoup entendre ces Tableaux dans l’orchestration de Ravel (1922) puisque comme nul ne peut l’ignorer, on célèbre les 150 ans de la naissance de l’auteur du Boléro.

J’ai bien regretté de ne pouvoir assister aux concerts que vient de donner l’ami Lionel Bringuier à la tête de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, dont il prend la direction musicale en septembre (lire Le choix d’un chef)

Manifestement la presse a apprécié sa vision des Tableaux :

« La situation se corse avec Les Tableaux d’une exposition où Bringuier met habile­ment en évidence les atouts complémentaires de Moussorgski et Ravel. Du premier, il investit pleinement la carrure peu farouche, du second il cisèle l’incroyable inventi­vité orchestrale. Avec pour effet que cet étincelant concerto pour orchestre magnifie le dramatisme expressionniste de Moussorgski. Pesanteur du char de Bydlo, pépiements amusés du ballet des poussins dans leur co­ quille ou ironiques du Marché de Limoges, sauva­gerie cinglante de la cabane de Baba Yaga et grandeur hymnique de la Grande porte de Kiev : ces Tableaux intègrent les trouvailles d’orchestration de Ravel dans le flux narratif de l’écriture de Moussorgski. Le tout a un sacré panache, incontesta­blement prometteur. On en redemande. » (Serge Martin, Le Soir, 16 février 2025)

Mais comme on le sait, si l’orchestration est restée, à juste titre, la plus célèbre et la plus jouée, l’oeuvre a bénéficié de plusieurs orchestrations :

1891 : Mikhail Touchmalov (1861-1896)

1915 : Henry Wood (1869-1944), le célèbre compositeur et chef fondateur des Prom’s

1922 : Leo Funtek (1885-1965)

Le grand Leopold Stokowski dirige la version de Ravel pour le public de Philadelphie en novembre 1929 ; il réalise dix ans après sa version très personnelle de l’œuvre (réécrivant plusieurs passages). Stokowski fera plusieurs révisions et enregistrera trois fois son orchestration (1939, 1941 et 1965). La partition ne fut publiée qu’en 1971.

En 1982, c’est le pianiste et chef Vladimir Ashkenazy qui s’y essaie à son tour :

* Je suis toujours irrité de lire dans les programmes de concert « Tableaux d’une exposition » sans le déterminant « les ». La langue russe ne comporte pas d’article (ou de déterminant) et donc une traduction littérale conduit à omettre celui-ici. Le cas le plus célèbre est le roman de Tolstoi Война и мир, qui doit s’écrire en français LA guerre et LA paix et non Guerre et Paix.

Notre-Dame : cherchez le programme !

Le 15 avril 2019 je racontais ici Ma Notre-Dame, l’épreuve, l’horreur, les souvenirs d’une cathédrale en flammes.

Ce week-end je ne pouvais pas, je ne voulais pas manquer sa réouverture. Au terme de ces festivités, le bilan est mitigé pour user d’un euphémisme.

Félicitations

Commençons par les félicitations. Je suis un lève-tôt et un fidèle de Télématin sur France 2 depuis des années. Des présentateurs, des chroniqueurs, compétents, sympathiques, parfaitement intégrés à une formule qui a fait ses preuves, et surtout, surtout, grâce sans doute à la brièveté des journaux qui rythment l’émission toutes les demi-heures, quasiment pas de ces micro-trottoirs ridicules qui ont envahi les JT de 13h ou 20 h (je n’ai pas compté le nombre de fois où le mot « émotion » a été prononcé ce week-end !).

Samedi et dimanche les équipes de Télématin étaient devant Notre-Dame, avec des invités, des reportages, des « sujets » tous remarquables sans exception. Factuels, informatifs (qui savait ce qu’était un taillandier ? l’origine du nom du personnage de Victor Hugo Quasimodo ? même moi qui fus enfant un pratiquant assidu, je ne me rappelais plus qu’il s’agissait du dimanche qui suit Pâques). Bref un modèle de « matinale » informative et divertissante.

Ratage international

On ne doute pas que la diffusion des différentes cérémonies et messes du week-end a représenté pour France Télévisions un effort sans précédent. C’était une occasion exceptionnelle de montrer au monde le savoir-faire du service public.

Occasion ratée malheureusement. Tout le monde se souvient des grandes cérémonies qui rythment la monarchie britannique, pour ne prendre que les plus récentes les obsèques de la reine Elisabeth ou le couronnement de Charles III : la musique y tient une place considérable (voir La Playlist de Charles III). A tout moment, pour qui suit la cérémonie à la télévision, la BBC donne de l’information sur ce qui se passe, met les titres des morceaux joués, donne le nom des interprètes. Là RIEN, pas la moindre indication, tant pendant la cérémonie de réouverture que pendant les messes de dimanche, RIEN. Même quand retentit l’Alleluia du Messie de Haendel par le choeur et la maîtrise de Notre Dame, RIEN !

J’exagère ? Il n’est que de regarder la cérémonie inaugurale sur une chaîne comme NBC…

Ce n’est pas comme si ces cérémonies avaient été décidées au dernier moment, comme si leur déroulé avait été ignoré des équipes de télévision.

Certes il ne manquait pas de commentateurs pour citer les personnalités politiques, ou ressasser à l’envi l’histoire de cette résurrection. Il y avait naguère un excellent journaliste, très versé dans la chose liturgique, Philippe Harrouard, personne pour le remplacer ?

L’orgue de Notre-Dame était heureusement à la fête ! Oui mais qui a parlé des quatre organistes qui se sont succédé à la tribune ? on n’a aperçu que leur crâne. Jamais un mot sur ce qu’ils faisaient, jouaient, créaient. Les téléspectateurs ont pu être désarçonnés de n’entendre aucune pièce d’orgue connue, et on a vu nombre de commentaires désobligeants.. et compréhensibles puisque personne n’a eu droit à la moindre explication…

Franchement lamentable !

Le concert inutile

Je préfère ne pas savoir qui a fait le programme du « grand concert », ni qui en a choisi les interprètes… mais je n’ai malheureusement pas été surpris.

Je connais les équipes de production et de réalisation de ce genre d’événements – ce sont les mêmes qui font le concert du 14 juillet sous la Tour Eiffel

Le 14 juillet 2014 : seule la Maire de Paris Anne Hidalgo est encore en fonctions ! De gauche à droite : Anne Hidalgo, Bruno Julliard, François Hollande, JPR, Manuel Valls (Photo Présidence de la République)

Il se trouve que Radio France est très engagée dans ce type de concerts : moyens techniques, forces musicales. Mais tout récemment nommé directeur de la Musique j’avais découvert, il y a dix ans, que nous n’avions pas eu notre mot à dire sur le programme, le choix des interprètes, accessoirement le montant des cachets versés aux artistes… Sans parler de certaines pratiques dénoncées un an plus tôt par le Canard enchaîné.

Pour la préparation du concert du 14 juillet 2015 je comptais bien remettre les choses en ordre, et reprendre la main sur la conception, la programmation et l’organisation d’une soirée qui serait dirigée par Daniele Gatti, avec l’Orchestre national de France, le choeur et la maîtrise de Radio France. C’est ce qui fut fait : je me rappelle une réunion que j’avais provoquée, avec son plein accord, dans le bureau même du chef d’orchestre à Radio France, en présence de toutes les parties prenantes, notamment de France Télévisions. On évita le défilé de stars lyriques, on chercha et on trouva des oeuvres en rapport avec la circonstance : je crois – mais je n’en suis plus sûr – que Gatti retint l’idée de diriger l’ouverture 1812 de Tchaikovski avec choeur. Autour de la table, sans vouloir vexer personne, je pense qu’à part le chef et moi, personne ne savait que Tchaikovski cite la Marseillaise et pourquoi il le fait.

Mais je n’étais plus en fonction pour assister à ce concert ni aux suivants.

L’obsession des organisateurs de ce type de concerts, comme celui de Notre-Dame, est de ne surtout pas dépasser les 5 minutes (8 étant le très grand maximum) par séquence. Il paraît qu’on peut perdre ou lasser le spectateur… Ce qui est tout de même extraordinaire c’est que jamais on ne se permettrait de telles exigences avec des chanteurs de variétés (même si le format habituel d’une chanson est de l’ordre des 3 minutes), mais pour le classique tout est bon, y compris caviarder ou « arranger » un morceau pour que ça tienne… (l’autre soir, il ne suffisait pas que Lang Lang massacre le 2e concerto de Saint-Saëns, mais on avait coupé dans le finale !).

Réaction d’un vieux ronchon que la mienne ? Assurément non, parce que je revendique d’avoir fait ce beau métier d’organisateur et de programmateur durant près de quarante ans, sans jamais me moquer ni des artistes ni du public, au contraire. Relire en tant que de besoin tous les articles que j’y ai consacrés sur ce blog (comme Le grand public).

Le dernier événement que j’ai contribué à organiser était la finale du Concours Eurovision des jeunes musiciens en 2022 à Montpellier. De nouveau débat avec la production – la même que celle qui assume les Victoires de la Musique et autres rares émissions classiques à la télévision – sur la longueur des extraits et le choix de ceux-ci. Je ne dirai rien sur le résultat final, la « mise en scène » d’un spectacle calqué une soirée de variétés, mais je peux dire que les jeunes finalistes ont tous été respectés et que nous avons choisi avec eux les oeuvres qu’ils allaient jouer, sans coupure ni caviardage. Quasiment pas de supposés « tubes » grand public, mais des musiciens et des compositeurs que beaucoup ont dû découvrir ce soir-là. Je me rappelle la réaction des équipes présentes quand, déjà en répétition puis au concert, ils entendirent le vainqueur de ce concours – Daniel Matejca – jouer la cadence et le finale du 1er concerto de Chostakovitch

Comme l’orgue et les organistes ont été les grands oubliés de ce week-end, même si on les a heureusement beaucoup entendus, je leur consacrerai tout un billet demain.

Les Ex écrivent

Peut-être plus que des romans, j’aime lire essais, mémoires, témoignages de ceux qui pensent, analysent ou, mieux encore, ont été ou sont encore dans l’action publique.

Surtout quand ce sont des personnalités dont je ne partage pas les tendances, a fortiori l’idéologie.

J’ai été gâté ces dernières semaines avec trois ouvrages de très inégal intérêt.

Commençons par celui qu’un vieil et stupide a priori m’eût normalement empêché de lire, le définitivement « droit dans ses bottes » Alain Juppé.

C’est d’abord – et de loin – le mieux écrit des trois livres en question (de beaux restes du normalien qu’il fut !) et c’est surtout le plus intéressant pour comprendre les quarante dernières années de la politique française. A quelques paragraphes près – où l’on sent un peu trop les contributions extérieures – c’est du Juppé dans le texte, moins « techno » que l’image qu’il a donnée tout au long de sa carrière active, plus personnel, et d’une hauteur de vues qui est devenue rare, très rare, dans le paysage politique français. Je n’ai jamais voté pour Juppé ni pour Chirac, même si j’ai pu avoir de l’estime, voire de l’amitié pour tel ou tel de leurs ministres ou successeurs (je pense à Jean-Pierre Raffarin). Mais cette « histoire française » vaut vraiment d’être lue.

Ensuite Edouard Philippe, ex-Premier ministre lui aussi, dont il se murmure qu’il a 2027 en ligne de mire. Lui aussi sait écrire, mais les chantournements dont il use et abuse dans l’expression de sa pensée finissent par lasser et par noyer son message. Les premiers chapitres de son dernier-né, dont tout le monde aura perçu l’aimable contrepèterie du titre – qu’on peut aussi lire comme « Des dieux qui lisent » ! mélangent de longs, trop longs souvenirs personnels et familiaux (parents enseignants), et, comme s’il y avait rapport de cause à effet, de longs développements sur la nécessité de réformer l’école et le système d’enseignement français.

Je préférais de loin l’auteur de romans faussement policiers, ou les confessions sur ses goûts de lecteur écrits en duo avec son complice Gilles Boyer. Mais ce nouvel ouvrage doit s’inscrire dans la stratégie de communication pré-présidentielle de l’homme politique préféré des électeurs de droite…

Je n’avais jamais lu Nicolas Sarkozy, mais j’ai pensé que les souvenirs d’un ancien président de la République, portant sur la deuxième partie de son unique quinquennat, pouvaient avoir de l’intérêt.

C’est amusant, ici je n’ai aucune hésitation quant au véritable auteur du livre. C’est tellement mal écrit, gauche (!), autosatisfait, que c’est vraiment N.S. qui l’a écrit. Il écrit comme il parle, et là où quelques pages serrées pourraient utilement nous éclairer sur les décisions qu’il a dû prendre, les rencontres à haut niveau qu’il a vécues ou organisées, on a droit, systématiquement, à des confidences, délayées jusqu’au ridicule, sur ses sentiments, ses impressions, ses sensations. Et il s’étonne tout du long d’être la cible favorite des médias, de ses adversaires comme de ses amis politiques, et bientôt d’une écrasante majorité de Français… Le contraste avec Juppé est sidérant : là où l’ancien Premier ministre lâche parfois une flèche non pas sur les personnes mais sur les idées ou les comportements de ceux qu’il côtoie ou affronte, Sarkozy n’est que fiel et vinaigre. Personne n’y échappe…

Au moment de clore ce billet, j’entame la lecture du Journal d’Agnès Buzyn.

J’ai toujours eu du respect, et même de l’admiration pour Agnès Buzyn. La manière dont elle a été traitée pendant et après la crise du COVID m’a toujours scandalisé. Et encore maintenant qu’elle fait le tour des plateaux télé pour la promotion de son livre, j’entends et je lis des choses ahurissantes, y compris de la part de journalistes qui n’ont pas lu le bouquin.

Elle le dit elle-même, il s’agit d’un journal qui comprend toutes les pièces, tous les documents, déjà versés à la Cour de justice de la République, mais aussi et surtout non pas d’une auto-justification, encore moins d’une revanche, mais d’un récit passionnant, palpitant même, de ce qui s’est passé au sommet de l’Etat au début de la pandémie. Mais c’est aussi le récit de tous les autres sujets – la réforme des retraites, tiens déjà ! – les déserts médicaux, la crise hospitalière, la loi sur la bioéthique, la fin de vie – que devait gérer simultanément la ministre de la Santé. C’est souvent cash – comme l’était celle qui fut la belle-mère d’Agnès Buzyn, Simone Veil – c’est parfois touchant lorsque le grand médecin qu’elle est toujours restée dans l’âme s’oppose au politique qu’elle est devenue.

Personnellement, ce livre m’a vraiment aidé à mieux comprendre les enjeux de notre système de santé, la crise qui secoue tout le secteur médical et hospitalier. Il révélera à ses lecteurs la complexité de l’action politique, à l’heure des réseaux sociaux, et, comme les mémoires d’Alain Juppé, les vertus de la modération et de la réflexion.

2890 jours : mes années Montpellier

A la différence d’une ex-ministre de la Culture qui raconte le « calvaire » qu’ont été les 682 jours qu’elle a passés au gouvernement, j’ai envie de raconter les bons souvenirs – et quelques joyeusetés aussi ! – des presque huit années que j’ai vécues à la direction d’un beau festival (lire Le coeur léger).

Nomination

J’ai été nommé directeur du festival Radio France le 18 juillet 2014, quelques semaines après avoir été nommé directeur de la musique de Radio France par le nouveau PDG de Radio France Mathieu Gallet. Deux souvenirs précis de ce moment, l’un cocasse, l’autre émouvant.

L’émotion ce 18 juillet au dernier étage de la tour du conseil régional à Montpellier, c’est celle qui étreint tous les participants au conseil d’administration du Festival, présidé par Christian Bourquin, président du conseil régional Languedoc-Roussillon, que tous savent gravement malade, mais qui n’en laisse rien paraître. A l’issue du CA, Christian Bourquin nous retient Mathieu Gallet et moi dans son vaste bureau. Plus d’une heure, pendant laquelle l’élu balaie l’horizon politique – il est farouchement opposé au redécoupage des régions opéré par François Hollande en 2013, qui donnera naissance en 2016 à un monstre, la région Occitanie -. Mathieu et moi avons le sentiment poignant de recevoir son testament politique. Christian Bourquin décèdera un mois plus tard des suites du cancer du rein qui le rongeait (lire Midi Libre)

Le cocasse de cette nomination c’est le contexte : lorsque Mathieu Gallet m’appelle à la direction de la musique de Radio France, il m’annonce clairement deux choses : je serai aussi le directeur du festival Radio France, mais il souhaite se dégager dès que possible de ce festival, il a d’autres projets à Paris, entre autres une idée, sur le papier séduisante, de Prom’s à la française. Comme toujours rien ne se passera comme prévu… puisque je resterai à la tête du festival jusqu’en juillet 2022 et que Radio France, certes plusieurs fois tenté de s’en retirer a, au contraire, conforté son emprise sur la manifestation, en en reprenant la gestion directe à ma suite.

Inextinguible

Quelques jours après ma nomination, j’écrivais ici même un billet : Inextinguible. Inextinguible comme la 4ème symphonie de Nielsen que dirigeait alors Jean-Claude Casadesus avec ses musiciens lillois, inextinguible aussi comme ma soif de découvertes que je ne parviendrais pas à étancher tout au long des huit années qui allaient suivre (lire l’interview à Forumopera). C’est aussi en ce mois de juillet 2014 que je découvris l’incroyable talent de Santtu-Matias Rouvali, l’actuel chef du Philharmonia.

Je reviendrai sur ces fabuleux souvenirs avec le chef finlandais.

(Santtu-Matias Rouvali, JPR, Jean-Luc Votano et Magnus Linberg / juillet 2019 / Montpellier)

On est heureux de suivre pas à pas l’une des plus passionnantes intégrales des symphonies de Sibelius, où le talent singulier du jeune chef s’épanouit dans un formidable geste recréateur.

Même pas drôle

Je me demandais, en refermant le dernier livre de l’ex-ministre de la Culture, si je serais le seul à le trouver nul et non avenu. En dehors de son nombril, la spirituelle et pétulante Roselyne Bachelot – c’est l’image qu’elle donne et veut donner d’elle – déteste tout le monde, balance des méchancetés sans nom sur à peu près tous ses « amis », y compris ceux qui l’ont nommée, hier et avant-hier, à des postes de ministre. Le mépris dans lequel elle tient tous ces braves gens, élus locaux, responsables culturels, qu’elle a dû se farcir pendant son mandat, est abyssal (ces gens-là Madame ne sont capables que de cadeaux « hideux » etc.)

Ministre de la Culture, c’était son rêve, et chacun de complaisamment relayer son goût et sa prétendue expertise pour la chose lyrique. Mardi j’écoutais par hasard Les Grosses têtes sur RTL quand Laurent Ruquier s’avisa, à propos d’une question sur les deux grandes rivales des années 50, Callas et Tebaldi, de tester Roselyne Bachelot en faisant entendre un extrait de Casta diva. On comprit vite pourquoi elle ne voulait pas se soumettre à ce test. Ruquier insista, et n’importe quel amateur d’opéra put reconnaître immédiatement Tebaldi dans le premier extrait diffusé… sauf Bachelot qui, péremptoire, annonça Callas. Fous rires et réflexions désobligeantes de toutes les autres Grosses Têtes.

Hier soir ce fut Yann Barthès dans Quotidien sur TMC qui nous régala d’un festival de citations de toutes les vacheries dispensées dans ce bouquin en forme d’auto-justification d’une non-politique culturelle.

J’étais d’autant plus intéressé à lire ce bouquin qu’il est censé relater l’action – ou l’inaction – du ministère de la Culture pendant une période qui a durement éprouvé tous ceux qui travaillent pour et vivent de la culture et que j’ai traversée comme directeur d’un festival. Festival superbement ignoré par la ministre, qui avait trouvé le moyen de se déplacer jusqu’à Montpellier au cours de l’été 2021 – élus prévenus au dernier moment – pour aller se goberger dans le nouvel établissement des frères Pourcel, sans même chercher à rencontrer les responsables des trois grands festivals de Montpellier, ni évidemment assister à un concert…

Ce bouquin compile quantité de notes et bilans écrits par les conseillers de l’ex-ministre, mais à aucun moment ne transparaît la moindre empathie pour les artistes, le milieu culturel en général. Ne parlons même pas des politiques que Madame Bachelot se targue de tutoyer, d’appeler par leurs prénoms, fussent-ils présidents de la République (Jacques, François, Nicolas…). Dès qu’un compliment point, on est sûr que le dézingage arrive dans la phrase suivante. Tout le monde y passe, y compris Brigitte Macron à propos d’un projet de flèche pour Notre-Dame !

D’ailleurs j’aurais dû lire la « présentation de l’éditeur ». Roselyne Bachelot ne craint pas le ridicule !

« 682, c’est le nombre de jours que Roselyne Bachelot a passés au ministère de la Culture sous la présidence d’Emmanuel Macron. Dans ce journal d’une ministre, Roselyne Bachelot fustige le bal des hypocrites, ceux qui n’ont pas voulu reconnaître la culture comme « bien essentiel », ceux qui lui ont mis des bâtons dans les roues alors qu’elle luttait pour garder en vie les salles de spectacles, le cinéma, les troupes de théâtre. Elle n’oublie pas les technos de tout poil et les obsédés de l’ordre sanitaire, qui laissaient circuler les rames de métro bondées mais interdisaient l’ouverture des théâtres et des cinémas. Elle égratigne certains artistes qui ont joué les victimes sacrifiées alors que l’argent public coulait à flot et décrit sans complaisance les complots misérables de politiciens en perdition. Roselyne tire à vue« 

Elle n’a manifestement pas supporté d’être remplacée par la conseillère culture d’Emmanuel Macron. C’était très perceptible lors de la passation de pouvoir. Voici ce que j’écrivais le 23 mai dernier : « Ainsi, à écouter la longue, très longue, litanie d’autojustification de la ministre de la Culture sortante, la si médiatique Roselyne Bachelot, on pouvait avoir le sentiment d’y perdre au change avec l’arrivée d’une conseillère de l’ombre, inconnue du grand public, dotée d’un patronyme qui signale la « diversité », Rama Abdul Malak. Ceux qui ont eu affaire au ministère de la Culture ces dernières années n’ont pas du tout la même perception du bilan de la rue de Valois pendant la pandémie…En revanche, la nouvelle ministre c’est moins de paillettes mais plus de sérieux. Le milieu culturel ne l’a pas encore dézinguée. De bon augure ? »

Madame Bachelot qui aime tant parsemer ses ouvrages de références littéraires, sait d’évidence de qui est cette célèbre phrase : « La vieillesse est un naufrage ».

La mer, le cinéma et des livres

Le rythme des jours, des soirs et parfois des nuits d’un directeur de festivalQue la fête commence ! – serait intenable si je ne prenais pas le temps de m’extraire d’un maelström incessant.

La mer

Premier bain de mer dimanche matin. À Villeneuve-lès-Maguelone avant l’invasion. Sensation d’une eau glacée, à 20° pourtant.

Une salade fraîche au Carré Mer, la paillote la plus courue de l’endroit, pas de réservation, mais un accueil comme toujours parfait – c’est une constante des établissements des frères Pourcel – et l’on se retrouve parfaitement placé avec vue sur la mer. Recharge complète des batteries pour retrouver la belle programmation d’une Fiesta Latina dans le fabuleux parc départemental du Château d’O, et le soir le concert de l’Orchestre philharmonique de Radio France (on en reparlera !)

Le cinéma

Suivi de loin en loin le Festival de Cannes, la remise de la palme d’Or à Julia Ducournau pour Titane. Irai-je voir le film ? Rien n’est moins sûr.

En revanche, première séance de cinéma depuis le déconfinement, en milieu d’une journée de 14 juillet très venteuse et nuageuse, au Diagonal à Montpellier. Un film qui se laisse regarder, à la condition d’oublier les modèles, de ne pas chercher la vraisemblance ni a fortiori le rapport à la réalité : Présidents d’Anne Fontaine

Impeccables Jean Dujardin, Grégory Gadebois, et peut-être plus encore leurs conjointes dans le film, Doria Tillier et Pascale Arbillot.

Des livres

Tout arrive, même qu’on se prenne de sympathie pour le Français qui fait la course en tête des bestsellers – Marc Lévy – et qu’on trouve non seulement du plaisir mais de l’intérêt à la lecture de son dernier roman… qui fait froid dans le dos tant il semble inspiré d’une inquiétante réalité

Fini un autre livre, dont le titre est inutilement grandiloquent. Giesbert ou son éditeur n’ont pas trouvé mieux sans doute. Je ne sais pas, à l’heure où j’écris ces lignes, dans quel état se trouve Bernard Tapie. Quoi qu’on pense de lui, on peut au moins admirer son courage à affronter le cancer qui le mine. Mais ce que ce bouquin révèle et nous apprend – car Frantz-Olivier Giesbert rétablit bien des vérités – ce sont toutes les facettes, ombres et lumières, franchise et ambiguïté, moine-soldat et voyou, d’un personnage qu’il est impossible d’aimer ou de détester absolument.

J’ai quelques autres romans sous le coude, ce sera pour plus tard.

Et comme je ne suis jamais loin de la musique, je viens de commencer un essai, dont quelque chose me dit que je ne devrais pas trouver trop de points de désaccord avec l’auteur. Lionel Esparza fait partie des voix et des têtes pensantes de France Musique (je n’ai jamais regretté, bien au contraire, de l’avoir « recruté » jadis sur la chaîne).

« Le génie des Modernes est une réflexion de fond sur le devenir de la musique classique dans les sociétés occidentales, notamment européenne. Partant du constat du dépérissement de cet univers (public vieillissant mal renouvelé, image élitiste persistante malgré les efforts des acteurs concernés, éducation à la pratique amateur ou professionnalisante de plus en plus ténue, survie sous perfusion – subventions -), il tente d’en établir les causes en questionnant notamment le rapport de l’homme au sacré (l’art fut-il et est-il encore sacré ? et l’artiste ?), à la culture savante et populaire. Ne se posant jamais en censeur ou en défaitiste, mais en prenant un recul pour observer la crise actuelle du monde musical classique (y compris celle due au Covid-19) à l’aune des siècles et de l’Histoire.« 

Les discours du président

Tout le monde s’accorde à reconnaître que l’allocution d’Emmanuel Macron – regardée par près de 25 millions de téléspectateurs – ce jeudi soir a été de haute tenue, convaincante et rassurante pour deux tiers des Français. Je partage cette opinion, même si je trouve toujours le président de la République trop long, usant de la répétition, comme s’il avait du mal à conclure. Je crois savoir que sa propre épouse lui en fait souvent le reproche…

Le hasard fait  que j’ai commencé, il y a quelques jours, la lecture d’un ouvrage qui n’est pas parti pour devenir un bestseller, dont l’auteur m’était inconnu, et qui s’avère exceptionnellement riche en informations, puisant aux meilleures sources.

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« On les appelle  » les plumes « . Elles vivent recluses au cœur du pouvoir. Elles écrivent les discours des présidents et des grandes figures politiques. Elles trouvent les mots qui pourraient marquer l’Histoire, et les formules qui feront date. Qui sont-elles ? Comment les interventions des puissants se préparent-elles ? Cette enquête raconte les arcanes de la politique et les dessous de la Ve République, au travers de l’art oratoire.
Comment Emmanuel Macron a-t-il changé sa façon d’écrire et de dire les discours après la crise des  » gilets jaunes  » ? Comment Nicolas Sarkozy a-t-il réagi quand, au moment de prononcer son intervention au pupitre, il en manquait encore des pages ? Pourquoi 106 versions ont-elles été nécessaires à l’allocution télévisée d’au revoir de Jacques Chirac ?
Le lecteur pénètre dans la fabrique des discours et assiste à de drôles de séances de relecture dans le Salon vert de l’Elysée. Des batailles homériques éclatent entre des conseillers qui se disputent sur les expressions à placer dans la bouche d’un Président. Certains discours ont changé la société et la vie de leur orateur. Mais on découvre aussi des plagiats, des interventions ratées ou écrites dans la tempête. Et même des discours rédigés mais jamais prononcés, comme celui d’un candidat à la présidentielle hésitant à se retirer avant de se raviser. Ces textes ont été dits au Vel’ d’Hiv, devant la Knesset ou au Bundestag. Ils ont rendu hommage à des victimes d’attentats, à des figures de l’Histoire ou à Johnny Hallyday. Ils ont dénoncé  » le monde de la finance  » ou proclamé que l’Homme Africain n’était  » pas assez entré dans l’Histoire « . Ils ont annoncé l’abolition de la peine de mort, la déchéance de nationalité, la dissolution de l’Assemblée ou des adieux à la politique.
Les  » plumes  » ont accepté de témoigner sans masque, comme la plupart des grandes personnalités politiques. Certains discours sont devenus des moments d’Histoire. Tous ont une histoire. » (Présentation de l’éditeur).

Pour qui est passionné d’histoire contemporaine (quelques billets de ce blog en témoignent !), cette incursion dans les coulisses de la parole présidentielle, la somme de témoignages récoltée auprès des plus proches collaborateurs des présidents de la Vème République, constituent un document de première importance. On sait gré à l’auteur de n’avoir aucune approche partisane. Certains découvriront, sans doute, des aspects peu connus, parfois contraires à l’image publique que certains présidents ont donnée d’eux (c’est le cas en particulier pour Chirac ou Hollande).

Habilement, Michaël Moreau ne procède pas par ordre chronologique, mais ouvre son livre sur l’actuel président.

J’ai reconnu, parmi ces « plumes » des personnages que j’ai parfois eu la chance d’approcher et de connaître. Je me suis rappelé aussi mes premières années professionnelles, où, à un niveau bien plus modeste, j’ai prêté ma plume à tel sénateur, tel député ou responsable politique.

Un souvenir particulier me revient, en lien avec mon papier d’avant-hier (Prétention)

J’ai travaillé quelques semaines, début 1978, auprès de Jean Lecanuet, alors président du parti centriste, le CDS, comme chargé d’études.

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Je devais fournir à celui qui avait été un candidat remarqué à l’élection présidentielle de 1965 des fiches, des argumentaires sur quantité de sujets. Nous étions à la veille d’élections législatives cruciales.

Georges Chérièrele fondateur et alors directeur de Diapason, avait engagé une campagne pour obtenir la baisse du taux de TVA sur le disque, qui était taxé à 33% comme un produit de luxe ! Il avait demandé audience à tous les présidents de parti. J’avais conseillé à Jean Lecanuet, l’un des principaux responsables de la majorité sortante, de le recevoir… et de faire droit à sa demande. Lecanuet ,que je n’avais pas entendu porter un intérêt particulier à la culture, a fortiori au disque, tout agrégé de philosophie qu’il fût, reçut Chérière en ma présence (j’avais 22 ans !), le convainquit au-delà de ce que j’imaginais. Résultat dans le numéro suivant de Diapason : la prise de position de Jean Lecanuet était mise à la une, tant elle rompait avec le discours de la droite. Chérière avait été séduit, et ne se cachait pas pour le dire… Il faudra cependant attendre 1987 pour que la TVA sur le disque passe de 33% à 18,6%… mais je me suis dit que, peut-être, le conseil d’un modeste chargé d’études, neuf ans plus tôt, n’y avait pas été étranger…

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Derniers jours chargés en tristes nouvelles.

Peter Serkin

Le pianiste américain Peter Serkin est mort le 1er février, à l’âge de 72 ans. Fils de Rudolf Serkin, petit-fils d’Adolf Busch, c’est un artiste nourri aux meilleures sources classiques en même temps qu’un aventurier curieux des musiques de son temps qui disparaît.

Tom Deacon : « Ses concertos de Mozart sont parmi mes préférés de tous les enregistrements des concertos de Mozart. Le nec plus ultra. »

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Superbe bouquet de concertos de Mozart, où le piano vif-argent de Peter Serkin est en osmose avec la direction de feu d’Alexander Schneider.

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Un coffret reprenant tous les enregistrements de Peter Serkin pour RCA devrait être publié imminemment.

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Philippe Andriot

Il est parti, le 27 janvier, aussi discrètement qu’il l’avait toujours été dans la vie. Philippe Andriot, j’avais eu le bonheur de faire sa connaissance il y a plus de trente ans, et je l’avais quelque peu perdu de vue ces derniers mois, alors que je le voyais jadis régulièrement au concert ou à l’opéra avec sa compagne, la merveilleuse pianiste Teresa LlacunaInstallés près de Lyon, leur curiosité était insatiable. Nombre d’entre nous se rappellent les parfaites notices de bon nombre de disques EMI, les interventions au micro lyonnais des antennes de Radio France de Philippe Andriot. La chaleur de sa voix, son érudition, sa vraie gentillesse transparaissent dans ce sourire qu’on n’est pas près d’oublier…

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David Kessler

J’ai rarement lu pareille pluie d’hommages sur un homme de l’ombre. David Kessler  est mort ce 3 février à 60 ans. « Fin, cultivé, exquis, grand esprit, grand commis de l’Etat, David Kessler est parti trop tôt… On pleure un ami délicieux, amoureux du cinéma, un type bien », a notamment déclaré Gilles Jacob, ancien président du Festival de Cannes (Le Monde).

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J’ai parfois croisé David Kessler, mais n’ai jamais eu à faire à lui dans le cadre professionnel. Un parcours impressionnant, des vies multiples, publiques, exposées et pourtant, sans doute, des fêlures intimes que la mort emporte.

Nello Santi

Le vieux chef italien est mort hier à Zurich, à 88 ans.

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Que dire de ce chef qu’un de ses proches collègues (côtoyé à Bâle et à Zurich), Armin Jordan, citait souvent comme « le » musicien par excellence, celui qui pouvait tout diriger d’expérience et d’instinct, en premier lieu le répertoire lyrique italien qui n’avait guère de secrets pour lui ?

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La collection Eloquence de Decca ressortait il y a quelques mois des extraits d’ouvrages d’Ermanno Wolf-Ferrari dirigés par Nello Santi.

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Quand les sondages ont tort

Les soirées électorales se suivent… et se ressemblent.

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À entendre la grande majorité des intervenants sur les plateaux de télévision, c’est toujours la même musique : les électeurs ont quand même un culot incroyable, puisqu’ils démentent les sondages !

Et toutes les analyses de se faire non pas à partir de la réalité sortie des urnes, mais en rapport avec les sondages. On parle ainsi de victoire « inespérée », « inattendue » des Verts – mais par rapport à quoi? à ce qu’annonçaient les fameux sondages ! -, d’effondrement des Républicains – mais, pire encore, par rapport aux espérances trompettées par les soutiens de M. Bellamy, avec le soutien de médias importants !

Et puis bien sûr le « triomphe » de Marine Le Pen, « l’échec » d’Emmanuel Macron, etc. Résultat final, l’écart entre les deux listes n’est que de 0,9 % !

En politique, il vaut mieux éviter d’avoir la mémoire courte. La comparaison des résultats de 2014 et 2019 est édifiante et devrait inciter les responsables politiques et ceux qui font profession de journalisme à un peu plus d’exigence et de rigueur :

2014 :
François Hollande est président de la République
Abstention 57,57 %
Votants 42,43%

Front National 24,86%  24 sièges
UMP 20,81    20
Union de la Gauche 13,98  13
Union du Centre 9,94 7
Europe Écologie – Les Verts 8,95 6
Front de Gauche 6,33 3
Divers gauche 3,18 1
Total sièges 74

2019
Abstention 49,27 %
Votants 50,73

Rassemblement national 23,31% 23 sièges
La République en marche, Modem  22,41 23
Europe Écologie – Les Verts 13,47 13
Les Républicains (LR) 8,48 8
La France Insoumise (LFI) 6,31 6
Parti socialiste 6,19 6
Total sièges 79 (après que le Royaume-Uni aura quitté l’Union européenne !)

De même, lorsqu’on voit la composition du prochain parlement européen, il y a de quoi se réjouir que, dans la plupart des pays européens, les électeurs aient déjoué les prévisions des sondages… Les pro-européens ont gagné cette élection, les extrêmes sont loin de triompher !

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Il y a cinq ans, j’écrivais ceci : Changer

Je n’ai pas reconnu ma France hier soir.

Mais je ne me sens pas le droit d’insulter ces compatriotes qui ont mis beaucoup d’ombre sur le bleu de notre drapeau tricolore. Ni d’insulter qui que ce soit d’autre d’ailleurs. À un choc pareil, très largement irrationnel, dé-raisonnable, on n’oppose pas l’invective ou le mépris. On essaie de comprendre, et je ne suis pas loin de penser, comme plusieurs analystes l’ont fait remarquer hier soir, que depuis le 21 avril 2002 – pour rappel, l’élimination du candidat socialiste Lionel Jospin au 1er tour de l’élection présidentielle, et la présence au second tour de Jean-Marie Le Pen face au président sortant Jacques Chirac –  on n’a tiré aucun enseignement, on n’a rien changé au logiciel politique français. Les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, comment s’étonner que triomphe la seule parole qui s’adresse à ces millions d’électeurs déboussolés, désarçonnés, révoltés, en leur promettant des lendemains qui chantent ? L’invocation de l’Histoire, la mémoire de ses horreurs, n’ont aucun poids, quand on n’a pour horizon que son malheur quotidien.

La parole publique doit changer, les hommes et les femmes de culture doivent changer, les politiques doivent  changer. Sortir de leur entre-soi, de leurs conventions, de leurs lamentations.

Il y a bientôt 25 ans, tous nos frères d’Europe orientale ont cru de toutes leurs forces que la liberté était possible, pour peu qu’on la veuille, que le changement était possible, pour peu qu’on le veuille. A-t-on déjà oublié la dernière Révolution du siècle passé ? (26 mai 2014)

Le seul changement intervenu depuis cinq ans, c’est effectivement l’éparpillement façon puzzle – pour paraphraser Michel Audiard dans Les Tontons flingueurs – qu’a provoqué l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. Mais les raisons du succès de l’extrême droite, elles, n’ont pas changé…

 

 

 

Remaniement

Trop souvent dans le passé, remaniement a rimé avec reniement. Oubliées les promesses de campagne, perdus de vue les enthousiasmes des débuts, reniées les alliances politiques.

Celui qui vient d’intervenir, après une attente qui a paru insupportable au microcosme médiatique, a au moins le mérite d’échapper à cette sinistre litanie. On ferait presque le reproche au président de la République de conforter sa majorité, de mieux s’appuyer sur ses alliés, de faire plus largement confiance à des élus de terrain, au détriment de ces fameux représentants de la « société civile » qui ont toujours, cette fois comme par le passé, démontré leurs limites dans l’exercice d’une fonction ministérielle (qui se rappelle Pierre Arpaillange à la Justice, Francis Mer à l’Economie, Luc Ferry à l’Education ?).

Souvenons-nous, ce n’est pas si loin que ça, de la nomination surprise par Nicolas Sarkozy de Frédéric Mitterrand au ministère de la Culture en 2009.

 » Je suis devenu ministre par surprise. C’est sans doute vrai puisque je l’ai entendu dire un peu partout. Enfin, j’ai essayé de faire de mon mieux et j’ai quand même tenu trois ans. Avec le recul, ce qui m’a plu dans cette aventure c’est d’avoir osé sauter dans la cage aux lions. Ce fut à la fois dangereux, excitant et amusant.
J’ai reçu pas mal de coups de griffes mais j’en suis sorti sain et sauf.
J’ai retrouvé ma vie d’avant sans regrets ni amertume pendant qu’ils continuent à s’entredévorer. À condition d’apprécier ce type de sport et d’apprendre à courir plus vite que les grands fauves, ça vaut vraiment le coup d’essayer.
L’existence n’offre pas beaucoup de récréations de ce genre…  »
Frédéric Mitterrand

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Une expérience ministérielle doublement racontée par Frédéric Mitterrand.

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« Qu’est-ce qu’être ministre de la Culture et de la Communication à l’heure où la politique culturelle est un des grands enjeux des élections, et où le ministère comme son occupant actuel sont l’objet de vives controverses ? En nous livrant un témoignage direct sur son action aujourd’hui, Frédéric Mitterrand revient sur les conditions de son arrivée au ministère, depuis la direction de la Villa Médicis à Rome et son baptême du feu avec le vote de la loi HADOPI, et sur tous les domaines de son action : la préservation de son budget, les défis du numérique, du livre à la télévision, l’action culturelle outre-mer, les grands chantiers, le patrimoine, le cinéma, les langues, le spectacle vivant, les coopérations internationales… Un témoignage très personnel sur des sujets parfois méconnus des citoyens, comme les relations avec les parlementaires et les élus locaux, les arcanes des négociations budgétaires, les relations de l’État avec les créateurs. Une invitation à découvrir de l’intérieur la vie d’un ministère cher aux Français depuis sa création par André Malraux en 1959 »

Je ne sais pas si le nouveau ministre de la Culture, Franck Riestera lu son prédécesseur, mais il a pour lui de particulièrement bien connaître plusieurs des dossiers qu’il devra traiter (il a été le rapporteur à l’Assemblée Nationale des lois HADOPI , dont F. Mitterrand parle comme de son « baptême du feu » !). Il a pris, par ailleurs, des positions courageuses sur des sujets de société qui l’ont isolé au sein de sa famille politique d’origine.

Franck Riester remplace Françoise Nyssenque les mêmes qui avaient salué sa nomination décrivent comme fragilisée par les polémiques et manquant de charismeUn politique avisé remplace une professionnelle respectée. Souhaitons-lui bonne chance !

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