Bios

Les anniversaires, on sait faire, les institutions culturelles, les médias, les maisons de disques, il n’y a plus que ça. Quand ce n’est pas le 80ème anniversaire de Daniel Barenboim (lire Barenboim #80), c’est le centenaire de la mort de Proust aujourd’hui (qu’on se rassure, je n’ai rien d’original à en écrire, sauf à conseiller l’excellent essai de l’ami Jérôme Bastianelli, président de la Société des Amis de Marcel Proust)

Sans parler de certains qui préfèrent s’auto-célébrer – livre, disque, concerts, émissions de radio, articles de presse – de crainte peut-être que ledit anniversaire passe inaperçu ! Ou de faire état des hochets à eux généreusement distribués par telle ex-ministre de la Culture ! Vanitas vanitatum et omnia vanitas

Bios dégradées

En revanche, fournir une information de qualité sur les artistes, en l’occurrence les musiciens, qu’on va écouter en concert ou sur un enregistrement audio ou vidéo. c’est normalement le job des organisateurs, des impresarios – pardon c’est un mot désuet, ringard, on dit maintenant « agent », c »est tellement plus poétique ! c’est une autre paire de manches. Dans notre jargon, on appelle ça une « bio ».

En général, ces « bios » d’artistes censées nous conter par le menu leur enfance, leur formation, les éléments importants de leur carrière, sont à peu près toutes faites sur le même modèle, avec les mêmes mots-valises, les mêmes superlatifs : « Anton von der Schmoll est généralement considéré comme l’un des talents les plus prometteurs de sa génération » – ça pour les débutants – Pour les plus confirmés, on monte d’un cran dans la formule creuse : « Est internationalement reconnu comme le chef le plus charismatique de son époque »… etc..

Mais au lieu de donner envie à l’auditeur ou au spectateur d’en connaître plus sur l’artiste en question, d’en révéler les traits marquants, ces « bios », en général fournies en anglais – parce que les plus grandes agences sont à Londres ou en Allemagne – ressemblent aux menus des restaurants de l’époque soviétique : une liste d’autant plus impressionnante et longue qu’inexistante.

Ainsi d’un soliste, dont vous n’avez jamais entendu parler, on vous dira qu’il a joué avec les plus grands chefs, et les plus grands orchestres, oubliant juste de mentionner que c’était pour des remplacements au sein des dits orchestres. Ou alors l’énumération des lieux est en soi irrésistible de drôlerie.

Dans tous les cas c’est ridicule et souvent contre-productif.

Je m’explique : si un « agent » a besoin de placer ses artistes auprès d’organisateurs, de directeurs, il s’adresse à des professionnels à qui on ne la raconte pas, il apporte un éclairage, une information sur l’évolution de la carrière de son protégé, sur ses projets, ses souhaits. Donc la liste et les superlatifs interminables… aucun intérêt !

Quant au public qui vient écouter et/ou voir un artiste, croit-on vraiment qu’il va se taper des pages de lecture indigestes ?

J’ajouterai une catégorie de « bios » entourloupes : celles où, ridicule coquetterie, on cache soigneusement l’origine, l’âge (surtout !) des gens. Pas plus tard qu’hier soir impossible d’avoir des informations… réellement biographiques sur un chef d’orchestre dont je sais seulement qu’il est anglais et qu’il va succéder à Santtu-Matias Rouvali à la direction musicale de l’orchestre philharmonique de Tampere (Finlande).

Vacances 2022 : les trésors du Vatican

Comme promis, il est temps de boucler la série Vacances 2022.

Mais avant d’évoquer le temps le plus fort de ce séjour italien, quelques souvenirs encore glanés dans la mémoire de Pierre-Jean Remy (lire Intrigue à la Villa Médicis)

Tharaud, Cassard, Monteilhet et l’académicien

1995 à la Biennale de Venise sur l’art contemporain

« Le nouveau ministre, Douste-Blazy . Sa femme. Nous déambulons lourdement à travers deux des expositions de la Biennale au musée Correr et au Palazzo Grassi. Lourdement, exténués. Le monde de l’art contemporain : maffiosi, maffiosi et tutti quanti. Tous ces gens qui se connaissent, qui s’aiment, qui se tutoient et qui ne pensent qu’à faire de bonnes affaires. Avec les pique-assiette qui se greffent dessus. L’art contemporain est étouffé par le fric, bien sûr, n’en parlons pas, mais aussi par un discours; tellement étouffé que le discours finit par remplacer l’art. L’art lui-même n’est que la réalisation du discours, de bric et de broc, n’importe comment. Bon chic bon genre, arte povera, photographie morbide (et sublime) à la Boltanski ou petit rien du tout: au fond, c’est le message qui compte, et non plus la manière de la traduire.

Juin 1995 : Alexandre Tharaud

« L’accompagnateur de Claire (Brua) s’appelle Alexandre Tharaud. Renfermé,
assez beau, le visage très maigre. Avant de partir il me donne un disque Grieg
« .

J’avoue qu’avant d’avoir lu PJR, j’ignorais qu’Alexandre Tharaud eût enregistré un choix de Pièces lyriques de Grieg !

28 juin 1995 : « Arrive Véronique Gens, avec un joueur de luth, Pascal Monteilhet (1) Elle est grande, belle. Elle chante du Purcell. La salle est pleine, enthousiaste. Présence également de Véronique Dietschy, retrouvée. Nous nous étions un peu vus à Londres. Elle vient ici avec son accompagnateur, l’excellent pianiste qu’est Philippe Cassard. Très vite, une complicité.« 

(Pierre-Jean Remy, Villa Médicis, Souvenirs de Rome)

Les trésors du Vatican

Un conseil : s’y prendre longtemps à l’avance pour réserver ses tickets d’entrée dans les musées du Vatican. Bien se chausser, et profiter de la totalité des richesses exposées ! Treize musées à visiter !

Les chambres de Raphaël (Stanze di Raffaello)

Au moins autant que les plafonds et les murs de la Chapelle Sixtine, les quatre pièces d’apparat, dites Chambres de Raphaël, éblouissent le visiteur par la richesse et la somptuosité de leurs fresques dues à Raphaël, né à Urbino qu’on avait visité en 2020.

L’incendie de Borgo
Le couronnement de Charlemagne
L’Ecole d’Athènes
Héliodore chassé du temple

La Chapelle Sixtine

Pour une raison incompréhensible, il est interdit de prendre des photos à l’intérieur de la Sixtine (on dit qu’un important mécène de la restauration des fresques de Michel-Ange s’en réserve l’exclusivité !). Celles qui suivent ont donc échappé à la vigilance des surveillants. Elles peinent à restituer les proportions d’un lieu que chacun, avant d’y pénétrer, s’imagine plus large, plus haute, plus grande. La Chapelle impressionne, mais elle est étrangement à dimension humaine. On est durablement bouleversé, et profondément ému par la visite d’un tel lieu, et malgré la foule le recueillement, la contemplation, s’imposent.

(1) Pascal Monteilhet est ce merveilleux musicien, disparu le 23 août dernier, à 67 ans, regretté de tous ses partenaires et de ceux qui l’ont connu et côtoyé.

De Nelson à Nelsons

Il y avait, cette semaine à Paris, une concentration de concerts qu’on n’aurait pas voulu manquer : rien qu’au Théâtre des Champs-Elysées l’hommage à Nicholas Angelich jeudi, le récital de Nelson Goerner vendredi, le Roméo et Juliette de Berlioz par les Strasbourgeois à la Philharmonie de Paris, Phryné de Saint-Saëns (et Hervé Niquet !) à l’Opéra-Comique hier soir, et d’autres à la Maison de la radio. Mais on a pu fêter l’Orchestre philharmonique de Vienne pour le dernier concert de sa tournée européenne hier soir Avenue Montaigne !

Le très admirable Nelson

Mon dernier billet (Ardeurs et pudeurs de la critique) était parti, entre autres, d’une chronique de Philippe Cassard dans L’Obs du 2 juin, où il ne disait pas que des gentillesses sur un récent coffret consacré à une pianiste française. Le débat s’est poursuivi en particulier sur Facebook, et Cassard, à qui l’on reprochait de perdre le peu de place qu’il a dans l’hebdomadaire pour amocher un disque, répliquait que l’essentiel de ses billets révélait ses enthousiasmes. À preuve, le dernier paru, le 9 juin, où le pianiste-producteur-critique n’a pas assez de mots pour tresser les louanges de Nelson Goerner et de son dernier disque.

Regrets d’autant plus vifs pour moi de n’avoir pu assister au récital de l’ami Nelson: vendredi soir au TCE il jouait un superbe programme, dont des extraits d’Iberia

Ceux qui me suivent savent que je connais, admire et aime Nelson Goerner depuis… 32 ans, lorsque j’eus l’honneur de faire partie du jury du Concours de Genève, qui lui décerna un Premier prix à l’unanimité en 1990.

Le chef Nelsons

Le temps passe vite. La dernière fois que j’avais vu le chef letton Andris Nelsons en concert à Paris, c’était en novembre 2015 à la Philharmonie (lire La reine et le géant). Ensuite, j’avais vu son concert de Nouvel an à Vienne, le 1er janvier 2020.

Hier soir, au Théâtre des Champs-Elysées, il dirigeait le même Orchestre philharmonique de Vienne (dernier d’une série de concerts en Europe) dans un programme pour le moins original : Gubaidulina, Chostakovitch, Dvorak !

De la compositrice russe Sofia Gubaidulina (90 ans), les Wiener Philharmoniker et Nelsons avaient retenu une oeuvre brève (12′) datant de 1971, Märchen-Poem, qui dans le contexte de l’époque, ne ressemble vraiment en rien à ce que l’avant-garde ouest-européenne produisait, et même assez peu à ce que ses aînés et contemporains comme Chostakovitch ou Schnittke écrivaient.

De la Neuvième symphonie de Chostakovitch, l’oeuvre géniale d’un compositeur qui, pour célébrer la fin de la Seconde guerre mondiale, fait un gigantesque pied de nez à Staline et à l’establishment soviétique, Andris Nelsons et les Viennois font une lecture classique, dense, mais dépourvue des aspérités, de l’ironie mordante, qu’y mettait un Kondrachine (qui demeure pour moi la référence pour cette symphonie). On admire le sublime solo de basson de la jeune Française Sophie Dervaux. Et on goûte à chaque instant le velours incomparable de cet orchestre qui n’a pas abdiqué de son identité sonore (les cordes, les cors !)

En deuxième partie, la Sixième symphonie de Dvorak, composée pour l’Orchestre philharmonique de Vienne… qui ne la créa pas ! L’oeuvre est rare au concert, elle était d’autant plus bienvenue hier. De nouveau, le chef letton opte pour une lecture dense, charnue, au détriment du rebond rythmique si important dans ce matériau thématique directement inspiré de la Bohème natale du compositeur. C’est même parfois pataud. Mais tout l’art du chef consiste à gommer les faiblesses d’un finale qui n’en finit pas de tourner sur lui-même, et, aidé par la formidable cohésion et virtuosité collective des Philharmoniker, conduit ses troupes au triomphe et à une longue ovation du public.

En bis, une valse de Strauss, mais pas la plus attendue ni la plus connue : Wo die Zitronen blühen. Que Nelsons avait dirigée le 1er janvier 2020.

Hommage à Rosana

Ce soir j’ai le coeur serré. Je ne sais pas trop pourquoi, ou plutôt si : quelqu’un que je n’ai jamais approché ni connu de près, une « amie » Facebook, a quitté cette vie sans prévenir, sans souffrir. Et ils sont très nombreux qui la pleurent : Rosana Martins est morte ce matin, à 70 ans, d’une crise cardiaque foudroyante.

Je suis d’autant plus troublé qu’il y a trois jours, je l’interpellais sur Facebook en relatant ce que je venais de lire dans les mémoires du pianiste français Jean-Philippe Collard :

« Je m’étais rendu avec mon père à Berlin…pour participer à un concours réservé aux pianistes en herbe de moins de douze ans….je n’ai peu d’autre souvenir que l’éblouissante apparition d’une très jeune fille venue tout droit du Brésil – Rosana Martins, cheveux tirés sur deux petites couettes qui dansaient au rythme de la musique – qui remporta, ce n’était que justice, le premier prix »

Rosana a eu une longue et belle vie, elle avait semble-t-il renoncé à une carrière pianistique, pour servir autrement les musiciens, les pianistes qu’elle aimait, ses frère et soeur Nelson Freire et Martha Argerich.

Et pourtant quand on l’entend jouer Mozart et Schumann…. tant de pure beauté, de simplicité essentielle.

Je n’ai jamais eu la chance de côtoyer, d’avoir à faire professionnellement avec Rosana Martins, mais j’ai le sentiment ce soir d’avoir perdu une amie. Et je suis aussi rassuré qu’elle n’ait pas souffert. Comme mon père, elle est partie comme la brise éteint une bougie.

Je sais que celle qui fut la pianiste prodige, un impresario et conseiller artistique remarqué et remarquable, celle vers qui tant de jeunes pianistes et musiciens se sont tournés, a eu le temps d’entendre sa grande amie Martha Argerich il y a quelques jours à Hambourg dans cette incroyable, sublime 3ème sonate de Chopin. L’art ultime…

https://www.youtube.com/watch?v=iZf9I8DD1BA

 

Salut les artistes !

D’abord salut respectueux à un artiste parfait, admirable et admiré dans tout ce qu’il a joué, Claude Rich

Retour sur une première partie de Festival qui, depuis son ouverture polyphonique à Pibrac (Révolutionsemble séduire des publics de plus en plus nombreux. Et salut à tous ces amis musiciens qui, de concert en concert, enchantent nos oreilles et…frustrent le directeur que je suis et qui n’a pas le temps de suivre tous ces concerts, surtout lorsqu’ils se déroulent simultanément en plusieurs lieux du grand territoire de l’Occitanie.

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Première revue de détail non exhaustive.

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(Jean Paul Gasparian sur une place noire de monde de Saint Jean de Védas le 12 juillet)

IMG_0235(Edgar Moreau et Andris Poga avec l’Orchestre national du Capitole de Toulouse le 17 juillet)

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IMG_0251(Frederik Steenbrink et Isabelle Georges le 17 juillet après un bouleversant Happy End)

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Retrouvailles avec Renaud Capuçon et Emmanuel Krivine après un magnifique concert de l’Orchestre National le 19 juillet.

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Un trio de choc et de grâce avec Marc Bouchkov, Christian-Pierre La Marca et Philippe Cassard (ici un extrait du mouvement lent du 1er trio de Mendelssohn)

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(Répétition du poème symphonique (1912) Aux Heures de la nouvelle lune de Nikolai Roslavets) Alexandre Bloch  aux commandes de l’Orchestre National de Lille en grande forme dans un programme idéal pour le Festival : De Moscou à Rome

Tous les concerts du festival à écouter ou réécouter sur Francemusique.fr et toutes les vidéos du Festival à retrouver sur la chaîne Youtube #FestivalRF17