Youri Temirkanov (1938-2023)

Il y a quelques jours, je ne sais pourquoi, j’avais cherché à avoir des nouvelles d’un chef d’orchestre que je suis et admire depuis longtemps, le Russe Youri Temirkanov. J’ai la réponse aujourd’hui en apprenant sa disparition à l’âge de 84 ans.

J’avais raconté la première fois, le 23 septembre 1995, que je l’avais entendu dans la ville et avec l’orchestre- où il avait succédé à l’immense Evgueni Mravinski : Première à Saint-Pétersbourg. Ce n’était pas rien que de prendre la suite d’une telle personnalité qui, durant cinquante ans, avait forgé l’un des plus beaux orchestres du monde au prix d’une discipline de fer.

Depuis lors, j’ai vu plusieurs fois Temirkanov diriger, surtout à Paris, avec des bonheurs variables. Tout le monde savait que le chef avait quelques problèmes avec l’alcool – mais il était loin d’être le seul dans ce cas parmi les grands chefs ! Disons, pour simplifier, qu’il y avait des concerts plutôt en service minimum et d’autres où le côté chef besogneux vissé à sa partition cachait bien l’ampleur de la vision et le grand souffle qui traversait son interprétation.

Comme ces deux captations récentes à la Philharmonie de Saint-Pétersbourg, la densité parfois suffocante de la 2e symphonie de Rachmaninov et le tragique tempêtueux qui parcourt une 4e de Tchaikovski au final diabolique. Et quel orchestre fabuleux, malgré les vagues d’émigration qui ont suivi la chute de l’Union Soviétique !

Intéressante aussi cette captation réalisée à Annecy d’une oeuvre – Alexandre Nevski de Prokofiev – où Temirkanov était souverain.

Une discographie éparpillée

On espère, sans trop y croire, que les labels qui ont édité les disques de Temirkanov proposeront des coffrets, des rééditions.

Si on le trouve encore, il faut se précipiter sur les 10 CD édités il y a une vingtaine d’années par Brilliant Classics, des archives « live » de concerts donnés en Union soviétique (en vente sur jpc.de).

Il y a des pépites formidables, qui montrent un chef fringant, dans la lignée de son maître Mravinski – qu’il a côtoyé à Leningrad à l’époque où il était le patron du Kirov, aujourd’hui Marinski.

Les enregistrements de Temirkanov de la « Pathétique » de Tchaikovski ou de la 2e de Rachmaninov sont époustouflants, les Prokofiev tout autant comme une extraordinaire 2e de Sibelius. Notez la présence plus étonnante de Debussy, Beethoven ou Jacques Ibert dans un coffret vraiment indispensable

  • Tchaikovski: Symphonie n°6; Romeo et Juliette
    Chostakovitch Symphonien Nr. 1, 5, 13
    Chtchedrine: Konzert für Orchester « Chimes »; Suite « Not Love Alone »
    Prokofiev: Symphonie n° 1; Romeo et Juliette (extraits); Lieutenant Kije Suite
    Khachaturian: Symphonie n° 2
    Scriabine: Poeme de l’Extase
    Rachmaninov: Symphonie n°2
    Ibert: Paris
    Beethoven: Symphonie n° 8
    Rossini: oui.Le Barbier de Séville
    Haydn: Symphonie n° 104
    Dvorak: Symphonie n°9
    Ravel: Rapsodie Espagnole
    Sibelius: Symphonie n°2
    Britten: The Young Person’s Guide to the Orchestra
    Debussy: Nuages; Fetes; La Mer; Petite Suite
    Enesco: Rhapsodie roumaine n° 1
  •  Kirov Theatre Orchestra, State Academy Symphony Orchestra of USSR, Moscow PO, USSR State SO,
  • 1966-1985

Chez RCA il y a beaucoup de Russes, captés avec Saint-Pétersbourg, le Royal Philharmonic ou même New York, à commencer par deux coffrets indispensables Chostakovitch et Tchaikovski.

On est moins enthousiaste à la série récente de CD parus chez Signum Classics.

En revanche, on ne peut qu’aimer le couplage retenu par Warner pour ce « live » du 23 mai 2005. L’interprétation du grand Dmitri Hvorostovsky – trop tôt disparu il y a six ans déjà (lire Le combat perdu de Dmitri H) est bouleversante, et s’il n’égale pas Kondrachine dans les Danses symphoniques de Rachmaninov, Temirkanov sait en exalter la puissante nostalgie.

En écrivant ce papier, je trouve des raretés sur YouTube comme ces Danses de Rachmaninov captées en 1989 à Philadelphie…

Ou encore une toute récente Shéhérazade de Rimski-Korsakov captée à Tokyo, où le vieux chef inspire manifestement un orchestre en état de grâce

Puisqu’on est en pleine célébration des 150 ans de la naissance de Rachmaninov, ce disque inconnu en France, d’un immense pianiste anglais, Philip Fowke, où Yuri Temirkanov fait mieux qu’accompagner le 2e concerto pour piano, à la tête du Royal Philharmonic (dont il fut le chief conductor de 1992 à 1998)

Laisser un commentaire