Reconversion

Pas besoin d’attendre les résultats de ce second tour des élections législatives, pour savoir que plusieurs centaines de personnes vont se retrouver sans emploi. Les députés battus bien sûr, mais aussi leurs assistant(e)s parlementaires.

Leur sort n’a aucune chance d’émouvoir qui que ce soit… Sur les réseaux sociaux, c’est plutôt le déchaînement : « Bien fait pour eux, au moins ils vont savoir ce que vivent des millions de chômeurs, finis leurs privilèges, tous ces types qui s’en mettent plein les poches », on en passe et de plus vertes encore…

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Je m’étonnerai toujours de cette violence verbale (parfois, malheureusement, réelle – cf. l’affaire NKMà propos des élus, des élus de la Nation de surcroît s’agissant de l’Assemblée Nationale. On me dira que c’est ça la vie politique ! Non, vraiment non.

Ceux qui s’engagent dans un mandat public le font parce qu’ils sont d’abord animés de convictions profondes, de l’envie de servir leurs concitoyens, de défendre leurs idées. Sûrement pas pour devenir riches (d’ailleurs, il se dit que bon nombre de candidats de La République en marche qui seront élus députés ce soir, pour peu qu’ils soient cadres supérieurs, chefs d’entreprise ou professions libérales, vont tomber de haut en découvrant le « salaire » d’un député).

L’affaire Fillon a, de surcroît, couvert d’opprobre une catégorie professionnelle – les assistants parlementaires – qui ne méritait en rien d’être aussi mal traitée par l’opinion et les médias. J’ai raconté ici une partie de mon expérience (Attaché parlementaireRéhabilitation) . Extraits :

…Je ne peux souscrire aux arguments des journalistes, politologues et autres commentateurs. Ils citent nombre d’hommes politiques qui n’ayant pas connu la vraie vie des vraies gens, parce qu’ils ont toujours évolué dans les appareils des partis, des groupes politiques, travaillé comme assistants parlementaires ou membres de cabinets, seraient incapables de comprendre le monde « normal », celui du travail, du chômage, de la précarité, bref les difficultés de millions de citoyens.

J’ai été au presque début de ma vie professionnelle, assistant ou attaché parlementaire d’un sénateur, puis de deux députés. Non seulement je n’en éprouve aucune honte, mais j’ai beaucoup plus appris de la vraie vie des vraies gens pendant ces huit années en exerçant ces fonctions aussi bien à Paris qu’en province, que par n’importe quel autre métier plus classique. Et j’ai connu aussi les affres du chômage, les angoisses du lendemain…Je n’ai jamais eu de statut protégé, au contraire !

Je me rappelle, notamment pendant mes années thononaises, où j’étais « sur le terrain » comme on dit, avoir souvent expliqué aux amis ou à ceux qui m’interrogeaient sur mon étrange métier, que c’était probablement le seul où dans une même journée on devait être capable, avec la même qualité d’attention,  d’aider et de répondre  à un chômeur en fin de droits, à une mère célibataire qui ne pouvait plus payer son loyer, et à un ministre qui sollicitait le député pour qui je travaillais. Le seul métier où, dans une même journée, il fallait pouvoir traiter un dossier de voirie dans une petite commune de montagne, un projet de loi sur les appellations d’origine d’un vin ou d’un fromage (l’abondance !), une campagne électorale qui se dessinait, un coup de main à un maire un peu paumé, un amendement à un texte en discussion au Parlement. Bref être ouvert à toutes les situations, et surtout répondre vite et bien à des urgences humaines.

J’ai une pensée ce soir pour tous ceux, l’immense majorité, qui, ayant connu les servitudes d’un métier souvent ingrat et exigeant, se retrouvent, certes comme des centaines de milliers de nos concitoyens, en recherche d’emploi. Ils sont riches d’une expérience humaine qui est un atout incomparable.

 

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