Winter comes slowly

En ce dimanche gris et brumeux de début de l’hiver, c’est à Purcell et sa merveilleuse Fairy Queen que je pense aussitôt : Now winter comes slowly

C’est une des nombreuses musiques que l’hiver a inspirées à des compositeurs de tous horizons. A peu près chaque année, j’ai consacré un billet à cette saison (Rêves d’hiver) qui n’est pas toujours synonyme de réjouissances et de fête.

J’ai piqué au hasard dans ma discothèque quelques tubes et quelques raretés.

  • L’inverno (L’hiver) de Vivaldi, et une version – la première que j’ai acquise – celle de Felix Ayo avec I Musici qui n’a pas pris une ride

De ce cycle de douze pièces pour piano (une par mois) de Tchaikovski, que j’aime jouer (uniquement pour moi !) et qui était longtemps resté l’apanage de quelques pianistes russes, comme Sviatoslav Richter, il y a depuis quelques mois une épidémie de parutions…

Je laisse aux critiques spécialisés le soin de les départager. Je livre ici une version qui m’est chère, celle de Brigitte Engerer

C’est à Paris qu’en 1929, le compositeur et chef d’orchestre originaire de Saint-Pétersbourg, réalise le premier enregistrement de son ballet Les Saisons, une des rares oeuvres qui émerge encore d’un corpus symphonique abondant, mais pas toujours inspiré. C’est à Neuilly qu’il décèdera le 21 mars 1936.

Les Russes n’ont pas le monopole de l’évocation de l’hiver. J’aime beaucoup la première symphonie de Roussel, qui reste dans une veine « impressionniste » qui disparaîtra dans les symphonies n°3 et 4.

Deux versions très réussies, qu’on n’a pas envie de départager :

  • Schubert, Der Winterabend

Quand on évoque Schubert, on pense évidemment à son cycle de mélodies Winterreise / Le Voyage d’hiver (1827). Le Lied Der Winterabend lui est postérieur d’un an.

  • Wagner, Die Walküre / La Walkyrie acte I, air de Siegmund « Winterstürme wichen den Wonnemond »

Dans le 1er acte de la Walkyrie, Siegmund chasse le souvenir des « tempêtes hivernales ».

  • Josef Strauss, Winterlust

Et puisqu’on y sera bientôt, anticipons les joies de l’hiver à Vienne avec le frère cadet de Johann Strauss

  • Richard Strauss, Winterweihe (1900)

Cette mélodie de Richard Strauss sur un poème de Carl Friedrich Henckell est une promesse autant qu’une invitation, et résonne presque comme un chant de Noël.

In diesen Wintertagen,
Nun sich das Licht verhüllt,
Laß uns im Herzen tragen, 
Einander traulich sagen,
Was uns mit innerm Licht erfüllt.

Was milde Glut entzündet,
Soll brennen fort und fort, 
Was Seelen zart verbündet
Und Geisterbrücken gründet,
Sei unser leises Losungswort.

Das Rad der Zeit mag rollen,
Wir greifen kaum hinein,
Dem Schein der Welt verschollen, 
Auf unserm Eiland wollen
Wir Tag und Nacht der sel’gen Liebe weih’n
.

En ces jours d’hiver, Maintenant que la lumière est voilée, Portons dans nos cœurs, Confions-nous intimement, Que ce qui nous emplit de lumière intérieure. ce qui allume une douce braise brûlera sans fin, ce qui unit tendrement les âmes et bâtit des ponts spirituels, soit notre mot d’ordre silencieux. La roue du temps peut tourner, Nous la touchons à peine, Perdus dans l’illusion du monde, Sur notre île, nous voulons consacrer jour et nuit à l’amour béni (Libre traduction JPR)

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Opulence

Le concert de l’Orchestre national de France, jeudi dernier, avait une caractéristique : l’opulence orchestrale. Comme je l’ai écrit pour Bachtrack, le menu était sans doute trop copieux, pour qu’en quelques répétitions, des musiciens, même aussi aguerris que ceux du National, et leur chef, puissent en révéler toutes les subtilités.

L’orchestre de Pierné

Quelle belle idée de programmer Gabriel Pierné, né en 1863 à Metz et mort la même année que Ravel et Roussel en 1937 ! Un personnage capital de la vie musicale parisienne, un compositeur passionnant, auquel je n’ai encore jamais consacré une ligne sur ce blog, même lorsque Warner a publié un coffret tout à fait intéressant.

En revanche, j’avais repéré de longue date le superbe enregistrement réalisé par Jean Martinon à la tête du National du ballet Cydalise et le chèvre-pied

Je suis toujours surpris que nos formations nationales n’explorent pas plus ardemment un patrimoine orchestral qui, à voir les affiches de la très grande majorité des concerts, se résumerait à Berlioz, Debussy et Ravel. Le seul XXe siècle est d’une richesse impressionnante, et Pierné fait partie de ces injustement oubliés. Or pour les amateurs d’opulence orchestrale, avec lui on est servi. Il suffit d’écouter – elles ne sont pas légion – ses quelques pièces d’orchestre.

Fantaisies symphoniques

Sauf erreur de ma part, de tous les arrangements, fantaisies et autres suites symphoniques qui ont été tirés de ses opéras, Richard Strauss n’est l’auteur que de la seule « fantaisie symphonique » sur La femme sans ombre (Die Frau ohne Schatten). C’est étonnant comme, à la fin de sa vie, le vieux compositeur s’offre une dernière luxuriance orchestrale, comme une récapitulation d’une science inouïe de l’orchestre, toujours dominé par le cor glorieux du paternel Franz Strauss.

Les autres arrangements d’opéras de Richard Strauss sont le lot de chefs d’orchestre qui ont tous connu le compositeur. Ainsi cette suite de Die Liebe der Danae, l’avant-dernier ouvrage lyrique de Strauss, créé par Clemens Krauss en 1952 à Salzbourg. C’est le même Clemens Krauss qui en tire cette suite orchestrale.

Intéressant aussi ce « pot pourri » qui tient lieu d’ouverture à un opéra bien oublié de 1935, Die schweigsame Frau (La femme silencieuse)

Un peu comme les suites tirées de Carmen, les quatre interludes symphoniques de l’opéra Intermezzo forment un beau tableau d’orchestre si typiquement straussien.

Ce panorama serait évidemment incomplet sans les multiples suites tirées du plus célèbre des opéras de Richard Strauss, Der Rosenkavalier (Le Chevalier à la rose). mais avant de les évoquer, je veux saluer un enregistrement exceptionnel, et jusqu’à preuve du contraire resté unique, celui de la musique du film Der Rosenkavalier (1925) pour lequel Strauss et son librettiste Hofmannsthal avaient été sollicités – ce serait pour eux des revenus supplémentaires et bienvenus ! – Marek Janowski en a réalisé un disque admirable

Il y a d’abord de vraies suites de concert, comme celle qu’a établie et enregistrée Antal Dorati

ou celle qu’en a tirée un autre grand chef d’orchestre Lorin Maazel

Et puis il y a les suites de valses, assez logiques, puisque la valse irrigue tout l’ouvrage. Beaucoup de chefs aiment les diriger, mais il en est peu d’aussi exemplaires que Karl Böhm, grand serviteur de Richard Strauss.

Tout Strauss

On ne se lasse jamais de l’orchestre straussien. On recommande le coffret le plus complet et le mieux doté.

Une édition vraiment complète qui aligne un grand nombre de références, pour l’orchestre l’intégrale insurpassée de Rudolf Kempe et de la Staatskapelle de Dresde avec de nombreuses pépites comme cette Burlesque idéale sous les doigts du formidable virtuose américain Malcolm Frager.

Et que dire des opéras et de versions signées Karajan, Böhm, Sinopoli, Keilberth !

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Strauss au diapason

#JohannStrauss200

Le lecteur pensera sans doute que ma Straussmania tourne à l’obsession. Non content des trois articles consacrés au roi de la valse il y a un mois, pour célébrer le bicentenaire de sa naissance (lire Un bouquet de Strauss I, II et III), sans compter ceux qui les ont précédés sur ce blog, je reviens à Johann Strauss parce que Diapason lui consacre sa une et un dossier très complet dans son numéro de décembre.

On sait mes réserves sur la plupart des ouvrages jusqu’alors consacrés en français à celui que Diapason nomme justement « L’empereur de la valse« . Aucune réserve à faire, et bien au contraire de vives félicitations à décerner à l’auteure du dossier, Christine Mondon, qui est aussi celle d’un ouvrage qui m’avait complètement échappé, lors de sa parution en 2011, sur Johann Strauss ; la musique et l’esprit viennois,

Des félicitations aussi – mais il n’en a que faire venant d’un ami de longue date ! – à Ivan Alexandre, dont je connais la culture encyclopédique, mais dont j’ignorais les affinités électives avec la musique viennoise et singulièrement avec la discographie de la dynastie Strauss. Son « menu en quinze services » sur « les enregistrements qui ont fait de Johann Straus un roi du disque »‘ est une manière de perfection. J’y découvre même des choses, en CD ou en DVD, que je ne connaissais pas, je ne suis pas toujours d’accord avec certains jugements, qui laissent accroire ce qu’une partie de la critique française a toujours pensé de Willi Boskovsky (« Il ne fait aucun effort. On ne sait même s’il entraîne ou s’il suit. Confiance, nonchalance, c’était donc cela l’orchestre, une fratrie gaillarde qui parle si distinctement sa langue qu’il n’y prend plus garde« ). Sur la totalité des enregistrements laissés par l’ex-Konzertmeister devenu le chef du Nouvel an des Wiener Philharmoniker (lire Wiener Blut) il y a forcément du bon et du moins bon. Mais pour l’avoir beaucoup écouté et beaucoup comparé à beaucoup d’autres, je tiens que Boskovsky reste une référence, et parfois un modèle, dans l’exécution des oeuvres de Johann Strauss (lire Aimer, boire et chanter)

On pourra être surpris de trouver parmi les quinze « services » sélectionnés par Ivan Alexandre un paragraphe intitulé Plébiscite et consacré à… André Rieu ! Longtemps voisin (à Liège) du violoniste originaire de Maastricht – où il offre chaque année une grande soirée sur la grande place du Vrijthof – je n’ai jamais éprouvé pour lui le « mépris de la profession et de la critique » (I.A.A.). Il joue pour un public qui ne vient pas et ne viendra jamais au concert classique. C’est un médiocre violoniste mais un formidable businessman, comme l’étaient Johann Strauss père et fils, à la considérable différence près que les Viennois étaient de grands musiciens et d’excellents compositeurs.

Pour le plaisir

Pour compléter autant le dossier de Diapason que mes précédents articles, et juste pour le plaisir, quelques transcriptions parfois inattendues de valses et polkas de Strauss, tirées de ma disocthèque

Edith Farnadi dans une transcription de la Schatz Walzer due au pianiste et compositeur Ernö Dohnanyi, grand père du chef récemment disparu Christoph von Dohnányi.

L’incontournable Shura Cherkassky est comme chez lui dans les arabesques de Godowsky sur Wein, Weib und Gesang

Georges Cziffra n’était pas en reste avec ses propres broderies

On sait que Chostakovitch, dans sa jeunesse, s’est beaucoup amusé à transcrire et arranger (son Tahiti Trot est presque devenu plus célèbre que la mélodie originale – Tea for Two – de Vincent Youmans). A ma connaissance le Russe n’a fait qu’une seule incursion dans l’oeuvre du roi de la Valse.

Et bien sûr, il y a ces chefs-d’oeuvre que sont les transcriptions de Schoenberg, Webern et Berg des grandes valses de leurs aînés.

On se réjouit de retrouver très bientôt la totalité des enregistrements des Boston Chamber Players.

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Anti-déprime

L’automne, c’est chaque année ce spectacle dans mon jardin et alentour.

J’y suis rarement sujet, mais je peux concevoir que cette période soit synonyme de déprime saisonnière pour beaucoup. Le soleil manque, la nuit tombe tôt, surtout depuis le passage à l’heure d’hiver.

Je me suis donc abstenu de revoir le film de Visconti, Mort à Venise (1971), dont on a reparlé ces derniers jours à l’occasion de la disparition de Björn Andrésen, l’inoubliable Tadzio qui fascinait le vieux Gustav von Aschenbach incarné par Dirk Bogarde. Je n’avais pas compris grand chose lorsque j’avais vu le film à sa sortie dans un cinéma de Poitiers, mais la révélation pour l’adolescent que j’étais comme pour beaucoup d’autres, avait été la musique de Mahler et ce disque opportunément publié par Deutsche Grammophon.

Je découvrais aussi par la même occasion le chef d’orchestre Rafael Kubelik, que j’aurais la chance de voir en concert quelques années plus tard diriger la Neuvième symphonie de Mahler à la tête de l’Orchestre de Paris dans l’horrible salle du Palais des Congrès porte Maillot.

Diva anti-diva

On sait l’affection, l’admiration que j’ai pour Véronique Gens, qui fut la formidable Maréchale d’un Chevalier à la rose que j’avais particulièrement aimé au théâtre des Champs-Elysées et chroniqué pour Bachtrack. Son nouveau disque ne pouvait manquer de titiller ma curiosité.

Comme on peut s’en douter avec une publication initiée par le Palazzetto Bru Zane, il y a plus de raretés, voire d’inédits, que de « tubes », et c’est ce qui fait tout l’intérêt de ce disque.

Un pianiste trop discret

Le moins qu’on puisse dire est que le pianiste d’origine russe, aujourd’hui installé à Londres, Evgueni Sudbin, n’encombre pas les salles de concert. On n’a pas même le souvenir de l’avoir déjà entendu en France. J’en suis donc réduit à collectionner ses disques. J’ai récemment profité d’un déstockage sur jpc.de pour acheter ces deux-là :

J’avais déjà dans ma discothèque ses Haydn et Scarlatti, liste non exhaustive !

Hommage à Jodie

En ce jour des morts, souvenons-nous des vivants trop tôt arrachés à la vie, comme notre si belle Jodie Devos (lire Jodie dans les étoiles). Alpha a la bonne idée d’un coffret hommage qui est une belle récapitulation des enthousiasmes et des audaces de la chanteuse disparue le 16 juin 2024.

Elle aussi avait gravé quelques raretés d’Offenbach, et avec quel panache !

Le juif Strauss*

Sur le bicentenaire de la naissance de Johann Strauss (1825-1899) je renvoie au bouquet d’articles que je lui ai consacrés le 25 octobre. J’ai souvent déploré le peu d’ouvrages sérieux en français sur la famille Strauss, m’en tenant à un ouvrage en anglais trouvé il y a quelques lustres chez Foyles à Londres – The Strauss Family – de Peter Kemp.

Et puis, en passant à la FNAC l’autre jour, je suis tombé sur le livre d’Hélène de Lauzun, que j’ai commencé à feuilleter avec un intérêt croissant. L’auteure, qui a déjà commis un ouvrage sur l’histoire de l’Autriche, évite les clichés, ne se hasarde à aucune analyse musicale, mais dresse un portrait passionnant d’un personnage infiniment plus complexe que l’apparence futile et légère que son nom évoque le plus souvent. : la vie de Johann Strauss est loin d’être un fleuve tranquille.

Quant au tropisme hongrois qui marque l »oeuvre de Johann et ses frères Josef et Eduard (cf. Le baron tzigane), il trouve peut-être ses racines dans les origines paternelles. L’arrière-grand-père des trois frères Strauss (donc le grand-père de Johann Strauss père) est un Juif hongrois, qui se convertit au catholicisme en s’installant à Vienne.

Et puis il y a ce film allemand dont j’ignorais l’existence – Johann Strauss, le roi sans couronne – qui n’est peut-être pas un chef-d’oeuvre mais qui peut se regarder, avec des acteurs inattendus, Mathieu Carrière dans le rôle d’Eduard Strauss, Philippe Nicaud en Offenbach, Mike Marshall en Eduard Hanslick jusqu’à Zsa-Zsa Gabor en baronne Amélie ! C’est aussi kitsch que la série des Sissi avec Romy Schneider, avec, dans le rôle de Johann Strauss, un bellâtre bien sûr irrésistible qui aurait tout de même dû être mieux coaché pour incarner un violoniste chef d’orchestre, Oliver Tobias.

*Pour ceux que ce titre choquerait, je fais, à dessein, référence au roman de Lion Feuchtwanger Le Juif Süss.

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Un bouquet de Strauss (III) : entrez dans la danse !

#JohannStrauss200

Troisième et dernier volet de cette série consacrée à Johann Strauss, né le 25 octobre 1825 (lire Dix valses, Sang viennois) : il n’y a pas que des valses et des opérettes dans le corpus de près de 500 oeuvres qu’il a laissées.

Strauss l’influenceur

Aujourd’hui Johann Strauss pourrait être qualifié d’influenceur, au XIXe siècle il imitait un Franz Liszt qui, à son clavier, propageait, diffusait les oeuvres de ses contemporains (Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Wagner, Bellini, etc.). Avec son orchestre il arrangeait les thèmes à la mode, surtout des opéras : à son actif plus de 80 quadrilles. Je renvoie à l’article Le filon Strauss que j’avais consacré à cette part étonnante de l’oeuvre de Strauss.

Claudio Abbado, en 1988 à Vienne, avait déjà révélé ce quadrille sur des thèmes du Bal masqué de Verdi.

En marches

Le fils n’arrivera jamais à concurrencer le père Johann Strauss et sa célébrissime Marche de Radetzky. En revanche, certaines de ses marches sont plus exotiques que martiales

Sa Marche égyptienne est créée à Pavlovsk mais fait référence au creusement du canal de Suez en 1869 et sollicite doublement les musiciens de l’orchestre.

Créée elle aussi à Pavlovsk, la Marche persane exploite un exotisme de pacotille qui plaisait au public européen.

Auf’s Korn est la dernière composition de Johann Strauss pour le choeur d’hommes de Vienne (cf. Dix valses) à l’occasion d’un concours de tir fédéral (1898)

On ne l’entendra qu’une seule fois, en 2006, lors d’un concert de Nouvel an, sous la direction de Mariss Jansons… mais sans choeur !

Le mauvais Napoleon

En 1854, Johann Strauss écrit sa Napoleon Marsch. Mais rien à voir avec Napoleon Ier. L’oeuvre est dédiée à Napoleon III, dans le contexte de la guerre de Crimée imminente. Une seule prestation au concert de Nouvel an, en 2008, où Georges Prêtre court la poste. On en reste à l’unique version gravée par Karajan en 1981 ou à Boskovsky. YouTube devrait vraiment réviser ses illustrations de cette marche, qui montrent systématiquement des portraits de Napoleon Ier !

En 1853, avec sa Kaiser-Franz-Joseph-I.-Rettungs-Jubel-Marsch Strauss rend hommage à l’empereur François-Joseph qui a réchappé de peu à un coup de couteau asséné par un activiste hongrois le 18 février.

Nikolas Harnoncourt s’en donne à pleins tambours, le 1er janvier 2003

Polkas, csardas et galops

Champion toutes catégories pour les polkas de Johann Strauss (et celles de ses frères Josef et Eduard), Carlos Kleiber écrase le match en 1989 et 1992. En particulier dans ces polkas rapides, ce n’est pas le tempo qui compte, c’est le sentiment de vitesse et d’étourdissement que doit produire cette musique, et donc c’est au chef et à lui seul de le susciter.

Je n’ai pas beaucoup aimé l’unique concert de Nouvel an dirigé par Christian Thielemann en 2019, mais c’est le seul qui dans cette polka dont le titre est explicite – Im Sturmschritt / À toute allure – donne ce sentiment d’urgence

Une nouvelle fois, Claudio Abbado est l’homme de la situation dans cette furieuse Furioso Polka

Les galops étaient plutôt la spécialité de Johann Strauss père. Le fils en a laissé quelques-uns, le plus souvent tirés de ses opérettes :

Ballets et autres arrangements

Un seul ballet est à mettre à l’actif de Johann Strauss, et encore a-t-il été achevé et en grande partie orchestré par Josef Bayer : Aschenbrödel / Cendrillon. Honnêtement ce n’est pas un chef-d’oeuvre inoubliable, mais on pouvait se douter que le grand spécialiste du ballet, Richard Bonynge, en donnerait une version hautement recommandable.

On écoute aussi le ballet tiré de l’unique opéra de Johann Strauss, Le Chevalier Pázmán / Ritter Pázmán, qui n’est pas vraiment resté à la postérité.

Et puis il y a les arrangements de quelques chefs d’orchestre (comme la très célèbre Gaîté Parisienne composée par Manuel Rosenthal à partir d’airs plus ou moins connus d’Offenbach).

Ainsi Antal Doráti réalise-t-il pour un ballet de David Lichine et Alexandre Benois – Graduation Ball – un arrangement très réussi de thèmes piochés chez Johann Strauss. Il n’y a pas quantité de versions : Dorati bien sûr, Boskovsky, Fistoulari et…l’Australien Charles Mackerras tout à son affaire pour un ballet créé à Sydney en 1940.

Une dernière mention pour un ballet dont j’ai déjà parlé ici (Le Beau Danube parisien). C’est un autre Strauss, sans aucun rapport avec la dynastie viennoise, Paul Strauss, directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Liège de 1967 à 1977 qui a laissé un disque de référence de ces « arrangements »

Pour les réactions et humeurs du jour : mes brèves de blog

Un bouquet de Strauss (II) : sang viennois

#JohannStrauss200

Le compositeur le plus écouté au monde, grâce au concert du Nouvel an diffusé chaque année en direct de Vienne, Johann Strauss, est né le 25 octobre 1825. Après une revue de valses, qu’en est-il de ses ouvrages lyriques, de ses opérettes, qu’il n’a composées que sur le tard, après avoir vu l’incroyable succès d’Offenbach à Vienne ?

Die Fledermaus / La Chauve-Souris

Je n’ai quasiment rien à changer à l’article que j’écrivais ici il y a une dizaine d’années : Revue de chauves-souris. Personne n’a jamais égalé la version si viennoise de Karajan en 1959

(Ackermann 1959, Böhm 1969, Boskovsky 1971, Danon 1963, Fricsay 1949, Haider, Harnoncourt, Karajan Vienne 1959, Karajan Philharmonia 1955, Carlos Kleiber, Krauss 1950)

Quatre versions en DVD, à commencer par celle de Carlos Kleiber qui dispose du meilleur Orlofsky qui soit, Brigitte Fassbaender, alors que la version CD est plombée par la présence ridicule d’Ivan Rebroff !

Quant à Rosalinde travestie en fausse comtesse hongroise, on craque toujours pour Gundula Janowitz (et la version Böhm en CD et DVD)

Der Zigeunerbaron / Le Baron tzigane

Du Baron tzigane, c’est étrangement une version quasiment inconnue, jamais distribuée en France, qui tient le haut du pavé. Distribution parfaite, direction idéale d’un chef admirable et bien oublié, Heinrich Hollreiser (1913-2006).

Une belle alternative à cette version introuvable est celle de Willi Boskovsky, avec un cast exceptionnel :

(Ackermann 1953, Allers 1969, Boskovsky 1977, Harnoncourt, Hollreiser 1959, Jordan 2004)

J’ai évidemment une tendresse pour cette dernière version. J’étais dans la salle du Corum à Montpellier le 11 juillet 2004 dans le cadre du festival Radio France. Armin Jordan dirigeait l’Orchestre national de France, avec une équipe de chanteurs assez inégale, mais le chef transcendait musiciens et chanteurs.

3. Eine Nacht in Venedig / Une nuit à Venise

Je renvoie à l’article – Une nuit à Venise -que j’avais consacré à cette opérette créée en 1883, l’année de la mort de Wagner… à Venise, après avoir vu un merveilleux spectacle à l’Opéra de Lyon en 2016, dirigé par un jeune chef qui débutait alors dans la maison et qui a depuis fait la carrière que l’on sait, Daniele Rustioni.

Je renvoie aussi à mon précédent article (Un bouquet de Strauss : dix valses) où j’évoque la valse de la lagune qui reprend les principaux thèmes de l’opérette, et en particulier ce merveilleux air de ténor :

Et encore cet extrait qui donnera raison à ceux qui ne supportent pas l’extrême sophistication que met Elisabeth Schwarzkopf dans un rôle de…poissonnière !

(Ackermann 1953, Allers 1969, Märzendorfer 1964)

4. Wiener Blut / Sang viennois

Pour une fois, c’est une valse qui donne naissance à une opérette : Wiener Blut (que j’aurais pu placer parmi mes dix valses favorites) est une pièce composée en 1873, et ce sera une opérette reconstituée par Adolf Müller à partir de partitions de Johann Strauss, créée à Vienne quatre mois après la disparition du compositeur, le 26 octobre 1899.

Ici aucune contestation possible quant à « la » version de référence.

J’ai déjà raconté ici (France Musique, fortes têtes), lorsque j’ai appris le décès de Jean-Michel Damian, ce moment inoubliable de radio que fut la journée du 23 décembre 1995 pour les 80 ans d’Elisabeth Schwarzkopf : la cantatrice avait avoué devant une salle comble (le studio 104 ancienne manière de Radio France) que son enregistrement préféré était justement ce Wiener Blut, et ce duo avec Nicolai Gedda (fait en une seule prise miraculeuse). Frissons garantis à 1’17 »

On retrouve le même fabuleux Nicolai Gedda une vingtaine d’années plus tard dans l’équipe rassemblée par Willi Boskovsky

(Ackermann 1953, Bibl, Boskovsky 1975)

On conseille vivement un coffret de belle qualité :

Voix du printemps

Comme on le précisait dans le premier volet de cette série (Dix valses), beaucoup des valses de Johann Strauss étaient destinées à être chantées soit par un choeur, soit par une chanteuse en vue. Nulle n’a mieux incarné l’esprit viennois qu’ Hilde Gueden (1917-1988)

Même si ce n’est pas de Johann, mais de Josef Strauss, on ne résiste pas à ces Hirondelles d’Autriche

On ne peut en dire autant du seul concert de Nouvel an que dirigea Karajan, le 1er janvier 1987.

Humeurs et bonheurs du jour à lire sur brèves de blog

Un bouquet de Strauss (I) : dix valses

#JohannStrauss200

Nous y voilà : il y a deux cents ans, le 25 octobre 1825, naissait le plus célèbre compositeur du monde. Le plus célèbre, oui, puisque ce sont plusieurs milliards de téléspectateurs qui chaque 1er janvier entendent ses oeuvres, on veut parler de Johann Strauss, que je me refuse à appeler Strauss II – il n’est ni pape, ni roi… même de la valse – éventuellement Johann Strauss fils. Même si d’évidence il a acquis une légitime et universelle célébrité, qui surpasse celle de son père (Johann) et de ses frères (Josef et Eduard) pourtant très doués.

La célèbre statue dorée de Johann Strauss dans le parc de la ville de Vienne et un chef, pur Viennois, Christian Arming, qui dirigeait l’orchestre philharmonique royal de Liège dans sa ville natale en mai 2014 (Les soirées de Vienne) / Photo JPR

Pour célébrer ce bicentenaire à ma manière – puisque mon pays, la France, est bien timide – c’est un euphémisme – en dehors d’un beau concert de l’Orchestre national – je propose trois volets très personnels d’exploration de son oeuvre avec des versions que je recommande particulièrement.

D’abord 10 valses, celles qui me touchent le plus, et pour chacune non pas une discographie exhaustive – impossible – mais, tirées de ma discothèque personnelle, des versions qui me semblent être des références et/ou des raretés (mais je mentionne pour chaque valse toutes les versions de ma discothèque !)

1. An der schönen blauen Donau / Le beau Danube bleu

La plus célèbre valse de Johann Strauss est d’abord une valse chantée, sur un texte satirique de Josef Veyl, un ami d’enfance du compositeur, qui fera scandale lors de la création le 13 février 1867 au Dianabad par le Wiener Männergesang-Verein. C’est à Paris, lors de l’Exposition universelle, le 1er avril de la même année, qu’est donnée la version orchestrale sous la direction de Johann Strauss.

La seule version avec choeur qui figure dans ma discothèque est celle de Willi Boskovsky avec le choeur de l’opéra de Vienne et bien entendu les Wiener Philharmoniker

Naguère distingué à l’aveugle par l’émission Disques en lice, Claudio Abbado, capté le 1er janvier 1988, reste une/ma référence, loin devant tant d’autres !

D’autres versions à retrouver dans cet article : Le beau Danube coule depuis 158 ans

(Abbado x2, Barbirolli x2, Barenboim x2, Bernstein, Böhm, Boskovsky x5, Dorati, Dudamel, Fiedler, Fricsay x2, Gerhardt, Gut, Harnoncourt x2, Horenstein, Jansons x2, Karajan x8, Keilberth, Carlos Kleiber x2, Krips, Maazel x4, Mehta x4, Muti x5, Ormandy, Ozawa, Paulik, Prêtre x2, Pritchard, Reiner, Sawallisch, Schneider, Felix Slatkin, Stolz, Suitner, Szell, Welser-Moest, Wildner)

2. Kaiserwalzer ou la valse des empereurs

L’Orchestre national de France et Manfred Honeck rendaient hommage récemment à Johann Strauss (lire Chiche bicentenaire).

Parmi la quarantaine de versions de ma discothèque (avec des récidivistes comme Karajan avec 8 versions studio et « live » !), j’ai mes préférences :

Jascha Horenstein a enregistré à Vienne (avec l’orchestre de l’opéra, c’est-à-dire les Wiener Philharmoniker !) deux disques parus sous diverses étiquettes. Sa Kaiserwalzer (ici à 7’50 ») est idéale d’entrain, d’allure.

Autre version oubliée, viennoise elle aussi, mais avec les Wiener Symphoniker, Wolfgang Sawallisch

(Abbado x2, Barbirolli x2, Bernstein, Böhm, Boskovsky, Fiedler, Fricsay, Furtwängler, Gielen, Gut, Harnoncourt x2, Horenstein, Jansons, Karajan x8, Keilberth, Kempe, Klemperer, Krips, Henry Krips, Maazel x4, Muti, Paulik, Prêtre, Previn, Pritchard, Reiner, Sawallisch, Schneider, Felix Slatkin, Stolz, Walter x2, Wildner)

3. Wein, Weib und Gesang / Aimer, boire et chanter

J’avais déjà consacré un long article à cette valse de 1869 assez unique dans la production de Strauss. C’est presque un poème symphonique, avec une longue introduction, souvent écourtée, voire supprimée.

Mon premier choix est toujours Willi Boskovsky, qui dirige vraiment une valse qui ne traîne pas, ne s’alanguit pas.

Mais la version de Georges Prêtre en 2010 est émouvante, en ce qu’elle révèle dans l’introduction le grand chef de théâtre qu’il fut.

(Bauer-Theussl, Boskovsky x3, Dorati, Fiedler, Guth, Horenstein, Järvi, Karajan x3, Keilberth, Mehta, Muti, Ormandy, Paulik, Prêtre, Sawallisch, Schuricht, Stolz, Suitner, Szell, Welser-Moest, Wildner)

4. Rosen aus dem Süden / Roses du Sud

Depuis des lustres, « ma » version de la valse Roses du sud (créée le 7 novembre 1880 par Eduard, le benjamin des Strauss, au Musikverein de Vienne) est celle de Karl Böhm. Indépassable !

(Barbirolli, Barenboim, Bauer-Theussl, Bernstein, Böhm, Boskovsky x2, Fiedler, Fricsay, Guth, Horenstein, Karajan, Keilberth, Krips, Maazel, Mehta, Muti, Ormandy, Paulik, Reiner, Sawallisch, Schuricht, Stolz, Alfred Walter)

5. Nachtfalter / Papillon de nuit

J’intitulais un de mes (nombreux) articles consacrés à Vienne « Capitale de la nostalgie« . S’il est une valse qui exprime précisément ce sentiment diffus qui m’envahit à chaque fois que j’écoute cette musique, c’est bien Nachtfalter (1854).Zubin Mehta avec la complicité des Wiener Philharmoniker a tout compris du caractère double de cette confidence douce-amère.

(Oliver Dohnanyi, Mehta)

6. Tausend und eine Nacht/Mille et une nuits

Reprenant les thèmes de l’opérette Indigo et les quarante voleurs, cette valse est créée, comme Roses du sud, par Eduard Strauss au Musikverein de Vienne le 12 mars 1871.

Carlos Kleiber avait choisi cette valse, plutôt rare au concert, pour célébrer, le 1er janvier 1992, le sesquicentenaire des Wiener Philharmoniker. Le modèle absolu !

(Boskovsky, Dudamel, Fiedler, Horenstein, Kempe, Carlos Kleiber, Maazel, Ormandy, Stolz, Alfred Walter)

7. Geschichten aus dem Wiener Wald / Légendes de la forêt viennoise

Celle valse de 1868 commence par un solo de cithare, pour faire plus exotique sans doute. Dans plusieurs versions des années 60, comme celle de Boskovsky, on a fait appel à un musicien resté célèbre pour un film qui a donné à l’acteur Orson Welles l’un de ses plus grands rôles, Le Troisième homme. L’auteur du thème de Harry Lime est un artiste qui jouait dans une brasserie du Prater, Anton Karas (1906-1985)

Mes deux versions préférées de ces Légendes sont du même chef, Rudolf Kempe (1910-1976), resté justement célèbre pour son intégrale symphonique de l’autre Strauss (Richard), qui a gravé quelques anthologies de la famille Strauss, d’abord à Vienne en 1959, puis dix ans plus tard à Dresde.

Rudolf Kempe / Wiener Philharmoniker

Rudolf Kempe / Staatskapelle Dresde

J’ai dans ma discothèque une unique version chantée de cette valse : Rita Streich (1920-1987) y déploie tous ses sortilèges

(Barbirolli, Barenboim, Bernstein, Boskovsky x2, Dorati, Fiedler, Fricsay, Guth, Harnoncourt, Horenstein, Karajan x3, Kempe x2, Knappertsbusch, Krauss, Maazel x3, Mehta, Muti, Ormandy, Felix Slatkin, Stolz, Walter, Wildner)

8. Künsterleben / Vie d’artiste

Cette valse suit de peu le succès du Beau Danube bleu. L’introduction orchestrale de cette valse est un pur moment de poésie. Certains s’y attardent tellement qu’ils en oublient de valser. Ce n’est pas le cas d’un chef qui, comme Fiedler à Boston, connaissait par coeur ses classiques à Hollywood, Felix Slatkin (1915-1963),

(Bernstein, Boskovsky x2, Dorati, Fiedler, Guth, Horenstein, Jansons, Karajan x4, Keilberth, Carlos Kleiber, Maazel, Ozawa, Paulik, Reiner, Sawallisch, Felix Slatkin, Stolz)

9. Lagunen Walzer / Valse de la lagune

La valse créée en 1883 reprend – d’où son titre ! – une grande partie des thèmes de l’opérette Une nuit à Venise. J’en aime le début qui semble ouvrir sur tous les matins du monde et qui, contrairement à bien d’autres valses de Strauss, semble inexorablement optimiste.

Je n’avais pas beaucoup aimé le concert du 1er janvier 2025 censé ouvrir les célébrations du bicentenaire Strauss. Riccardo Muti qu’on a connu fringant et conquérant, dès son premier concert de l’An viennois en 1993, semblait ici engoncé, excessivement retenu. Finalement sa version est l’une des plus convaincantes.

Autre grand habitué des concerts de Nouvel an – Lorin Maazel – très irrégulier d’une année à l’autre :

(Boskovsky x2, Oliver Dohnanyi, Horenstein, Jansons, Maazel, Muti, Stolz)

10. Seid umschlungen Millionen / Embrassez-vous par millions

Un petit air d’ode à la joie ? Ce sont bien les mêmes mots qu’emploient Schiller et Beethoven dans le finale de la 9e symphonie, ce sont eux qui donnent son titre à cette valse créée en 1893. Mélancolique souvent, joyeuse parfois, ce n’est pas la plus aisée à diriger. On retrouve, comme par hasard, Abbado en 1988.

(Abbado, Barenboim, Boskovsky, Harnoncourt, Maazel, Stolz, Alfred Walter)

Ce choix de dix valses est éminemment subjectif, comme le choix des interprètes. J’ai surtout voulu attirer l’attention sur des versions dignes d’intérêt, moins connues ou repérées.

Il existe une intégrale symphonique de l’oeuvre de Johann Strauss parue chez Naxos. L’ensemble est assez médiocre du côté des orchestres et des chefs, mais au moins il y a toute l’oeuvre éditée de Strauss !

* Le titre de cette série est bien sûr un clin d’oeil, Strauss voulant dire « bouquet » en allemand… et en viennois !

Demain 2e volet de cette mini-série sur les opérettes et oeuvres vocales de Johann Strauss

Et toujours humeurs et bonheurs du jour à lire dans mes brèves de blog

Bi…ou tricentenaire

L’autre Scarlatti

Je me rappellerai longtemps la folle aventure des 555 sonates de Scarlatti données au cours de l’été 2018 dans toute l’Occitanie dans le cadre du Festival Radio France.

Ce très précieux legs est disponible sur le site de France Musique en 185 épisodes !

Mais celui qu’on célèbre aujourd’hui n’est pas le fils, Domenico, mais le père Alessandro Scarlatti, mort il y a 300 ans, le 24 octobre 1725 à Naples. De nouveau on invite à se tourner vers France Musique pour découvrir et décrypter « l’énigmatique Alessandro Scarlatti » avec Clément Rochefort et Xavier Carrère.

Je veux saluer ici un coffret qu’on n’attendait pas vraiment, mais qui constitue une très belle introduction à l’oeuvre si profuse du père Scarlatti

Difficile de détailler ces 9 CD, mais on est en très bonne compagnie avec Gérard Lesne, Véronique Gens, il Seminario Musicale, Fabio Biondi, Nancy Argenta et bien d’autres du même acabit, nombre de cantates, de motets, les oratorios Il Sedecia re di Gerusalemme, La santissima Trinita, les concerts grossi, etc.

C’est sans doute l’enregistrement le plus ancien du coffret, mais je l’ai eu longtemps sur un CD en collection très économique, avec la merveilleuse Helen Donath et notre Maurice André national :

Chiche bicentenaire

On en reparlera abondamment le moment venu : le bicentenaire de la naissance de Johann Strauss, c’est dans quelques jours.

Vendredi et samedi dernier, l’Orchestre national de France annonçait un « Gala Johann Strauss ». Franchement chiche comme programme : une ouverture (du Baron Tzigane), une seule valse et quatre polkas, dont une de Josef le frère ! On peut réécouter ce concert sur France Musique et vérifier les éloges que j’ai faits du chef, Manfred Honeck et des musiciens du National, sur Bachtrack : L’hommage du National et Honeck à Strauss fils.

Je ne pense pas que Manfred Honeck le Viennois – il a été violoniste au Philharmonique de Vienne jusqu’en 1991 – ait beaucoup de concurrents pour diriger cette musique. Mais on préfère sans doute inviter le 1er janvier des chefs plus « people » pour le traditionnel concert du Nouvel an (Nézet-Séguin le 1er janvier 2026 fera-t-il mieux que le petit tour de Dudamel en 2017 ?) !

Comme je l’écris pour Bachtrack, Honeck fait plus d’une fois penser, dans sa gestique, à un grand aîné qu’il a eu tout loisir d’observer lorsqu’il jouait dans l’orchestre, Carlos Kleiber…

On recherchera les quelques disques de la famille Strauss qu’il a enregistrés avec Bamberg ou les Wiener Symphoniker

Dans mes prochaines brèves de blog je reviendrai sûrement sur l’épisode peu glorieux du « casse » du Louvre…

Jupiter

Les symphonies de Mozart ne sont quasiment plus au répertoire des orchestres symphoniques traditionnels. C’est dire si, comme je l’ai écrit pour Bachtrack, la présence de la 41e symphonie dite « Jupiter » de Mozart au programme de l’Orchestre national de France dirigé par Simone Young le 19 juin dernier faisait figure d’événement.

La conception de Simone Young, ici à Munich en 2018, n’a pas foncièrement changé. C’est l’illustration même de ce que je décris dans mon article : Soir de fête pour Simone Young et l’Orchestre national

Je crois me souvenir que la dernière fois que j’ai entendu la Jupiter en concert, c’était à Liège avec Louis Langrée en janvier 2006 ! Je me rappelle surtout une séance pédagogique où il avait réparti le public de la Salle Philharmonique en cinq groupes suivant chacun l’une des cinq « phrases » fuguées par Mozart dans le dernier mouvement. On peut voir quelques extraits du grand festival Mozart dans ce film à 26′

L’ultime chef-d’oeuvre symphonique de Mozart a évidemment bénéficié d’un grand nombre d’enregistrements. J’en ai distingué quelques-uns dans ma discothèque, parfois surprenants ou inattendus

Les grands classiques

Josef Krips, Amsterdam (1971)

Souvent réédité le bloc des symphonies 21 à 41 enregistrées par le chef viennois Josef Krips à Amsterdam au début des années 70, garde son statut de référence, même si les réussites y sont très inégales. Mais la 41e symphonie a fière allure

L’autre inévitable est Karl Böhm, auteur de la première intégrale des symphonies de Mozart, très inégale elle aussi, mais on retrouve bien dans la 41e symphonie ce mélange d’apparente rigueur et d’élan qui a souvent caractérisé l’art de ce chef

Karl Böhm, Berlin (1962)

Pour des raisons commerciales probablement, on a confié peu de Mozart à Eugen Jochum, qui pourtant dans Haydn, Mozart, Beethoven, était en terrain de connaissance et de liberté

Eugen Jochum à Boston (1973)

James Levine a gravé une autre intégrale des symphonies de Mozart à Vienne.

La 41e commence à 28′

Autre intégrale remarquable, globalement la plus réussie, celle de Charles Mackerras avec l’orchestre de chambre de Prague (il a réengistré les six dernières symphonies avec le Scottish chamber orchestra). C’est pour moi la plus recommandable globalement.

Les inattendus

On n’attend pas vraiment Zubin Mehta dans ce répertoire. Pourtant, formé à Vienne auprès des meilleurs, le chef indien se coule sans peine dans la peau du chef mozartien…

Zubin Mehta à Vienne

Autre chef inattendu dans ce répertoire, et surtout le seul à avoir officiellement enregistré la 41e symphonie, alors âgé de 28 ans, avec l’Orchestre national de l’époque. Et ça sonne vraiment bien…

Lorin Maazel avec l’ONF (1958)

Quelques mois avant sa mort, le chef américain se retrouve invité (à grands frais certainement) en Galice en 2012.

Lorin Maazel en Galice (2012)

Sur YouTube, on trouve dette étonnante captation d’un concert où le vieux chef soviétique Evgueny Svetlanov épouse la grandeur du compositeur, donnant une version fascinante.

Evgueni Svetlanov à Moscou (1992)

Yehudi Menuhin, Sinfonia Varsovia

Pour rappel, Yehudi Menuhin était aussi un excellent chef d’orchestre (lire Le chef oublié) et Hugues Mousseau dans Diapason avait justement distingué sa version de la Jupiter de Mozart

La nouvelle génération

Maxim Emelyanychev, Il Pomo d’Oro

J’écrivais, il y a trois ans, après les deux concerts finaux du Festival Radio France : « Maxim Emelyanychev réinvente tout ce qu’il dirige, sans céder aux excès de certains de ses contemporains plus médiatisés« . Je me réjouis infiniment de retrouver le jeune chef russe, actuel chef principal du Scottish Chamber Orchestra, à la tête de l’Orchestre national de France ce jeudi au Théâtre des Champs-Elysées.

Il a commencé un projet Mozart enthousiasmant :

Julien Chauvin et le Concert de la Loge

J’ai le même enthousiasme pour le parcours de Julien Chauvin et son Concert de la Loge. Je me rappelle la jubilation éprouvée avec le Don Giovanni « implacable et génial » donné à l’Athénée en novembre 2024, qui vient d’être distingué par le Prix 2025 du syndicat de la critique Théâtre, Musique et Danse.

Plus radicales certes, mais passionnantes, les démarches de Mathieu Herzog et Riccardo Minasi

Mathieu Herzog, Appassionato

Riccardo Minasi, Resonanz

PS Je précise, une fois de plus, à l’intention de certains lecteurs – qui ne manquent jamais une occasion de me reprocher mes choix, mes oublis, voire mon ignorance – que, dans ce type d’articles, je n’ai, d’abord, aucune prétention ni volonté d’exhaustivité, et que je fais un choix tout à fait subjectif. En plus de celles déjà citées, je n’ignore pas les versions d’Abbado, Barbirolli, Barenboim, Beecham, Bernstein, Blech, Blomstedt, Boult, Brüggen, Davis, Dorati, Adam Fischer, Fricsay, Gardiner, Giulini, Glover, Harnoncourt, Hogwood, Jacobs, Jordan, Karajan, Keilberth, Klemperer, Koopman, Krivine, Kubelik, Leibowitz, Leinsdorf, Manacorda, Marriner, Monteux, Munch, Muti, Oistrakh, Pinnock, Reiner, Rhorer, Sawallisch, Schmidt-Isserstedt, Schuricht, Solti, Suitner, Tate,Tennstedt, Vegh, Walter… pour ne citer que celles que j’ai dans ma discothèque !!

Et toujours mes brèves de blog !

Dix ans après

Il y a dix ans je quittais la direction de la Musique de Radio France, il y a dix ans Mikko Franck entamait son premier mandat de directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Radio France. Mais pendant le temps où j’eus la responsabilité de piloter, entre autres, les deux orchestres de Radio France, c’est avec Mikko Franck que j’eus finalement la relation la plus forte, la plus compliquée souvent, mais au fond la plus intéressante.

Mercredi soir, pour ces raisons-là et d’autres, amicales, personnelles, je tenais à assister au bouquet final – c’est ainsi que Radio France avait présenté le programme du dernier concert à Paris du chef finlandais ès-qualités de directeur musical. Malheureusement, je n’ai pas pu écrire pour Bachtrack autre chose que ce à quoi j’ai assîsté, ce que j’ai entendu : Pas de feu d’artifice pour Mikko Franck à Radio France

On peut réécouter ici ce concert capté par les micros de France Musique.

Etrange tout de même ce programme qui commence avec un hymne funèbre (la pièce de Holst) et qui se conclut par la mort de Don Juan (de Richard Strauss). Pas de bis, malgré les applaudissements répétés du public et des musiciens !

Une sortie ratée, mais je reprends ce que j’écrivais ici même il y a deux ans (Nés un 1er avril) :

L’énigme Mikko

Quoique l’intéressé en pense – nous eûmes à nous confronter, sinon à nous affronter, durant quelques mois il y a déjà presque neuf ans – j’ai toujours eu de l’estime et de la considération pour Mikko Franck, le chef finlandais qui fête aujourd’hui son 44ème anniversaire. J’en ai même écrit du bien (Ainsi parlait Zarathoustra).

Les responsables de Radio France font régulièrement l’expérience de la difficulté qu’il y a à « gérer » un artiste aussi imprévisible. Qui annule répétitions et/ou concerts sans préavis, qui parfois atteint au grandiose. dans une oeuvre où on ne l’attendait pas et d’autres fois semble tourner en rond, comme désintéressé par ce qu’il dirige (c’est le cas dans ses derniers disques, Franck ou Stravinsky). Chef incroyablement doué, formidable musicien, Mikko Franck l’est assurément. Ce serait bien qu’il continue à nous en convaincre plus souvent. (JPR, 1er avril 2023).

Pour Bachtrack, puis sur ce blog, j’avais chroniqué « le fascinant parcours de Mikko Franck dans les paysages de Sibelius« .

Mais chacun, parmi les musiciens, dans le public, ou chez les responsables de Radio France, pourrait nourrir la légende noire du chef d’anecdotes, de souvenirs de ses absences, de ses faux bonds de dernière minute (en 2016, une Ville morte de Korngold en version de concert, qui n’est pas le plus simple des opéras à diriger, confiée la veille du concert à sa jeune assistante Marzena Diakun, idem avec un concert Ravel en mai 2017). Et puis il y a d’autres souvenirs que je garde pour moi – secret professionnel oblige – même si certains sont. difficiles à digérer (parce que je connaissais les vraies raisons d’une annulation alors que la responsabilité m’en fut à tort attribuée).

Bon vent à Mikko Franck !

Et toujours mes brèves de blog