Des Américains à Paris

Mercredi dernier, j’étais à la Philharmonie de Paris pour le concert d’ouverture de la saison de l’Orchestre de Paris et de son chef Klaus Mäkelä (cf. Paris passé présent avenir). Programme avantageux dont le clou était assurément An American in Paris, le célébrissime chef-d’oeuvre de Gershwin. Mais, comme je l’ai écrit pour Bachtrack (L’Amérique pressée et bruyante de Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris) j’ai été déçu, non pas par la prestation de l’orchestre, virtuose, éblouissant, mais précisément par l’excès de brillant, voire de clinquant, de la vision du chef. Je ne peux pas être taxé d’anti-« mäkelisme » primaire, il n’est que de lire plusieurs de mes papiers enthousiastes dans Bachtrack ! Mais il arrive à tout le monde, même aux meilleurs, de faire sinon fausse route, du moins de se méprendre sur une oeuvre.

Gershwin à Paris

George Gershwin vient à Paris au printemps 1928. Il reviendra au pays avec ce qui restera son oeuvre la plus célèbre (avec Rhapsody in blue) : An American in Paris / Un Américain à Paris. Dont le descriptif est précis comme un scénario: une balade sur les Champs-Elysées au milieu des taxis qui klaxonnent, puis dans le quartier des music-halls avant un café à une terrasse du Quartier latin. Au Jardin du Luxembourg, notre Américain a la nostalgie du pays (le superbe blues chanté à la trompette bouchée). Rencontrant un compatriote, ils échangent leurs impressions – Gershwin récapitule les épisodes de cette promenade heureuse.

Dans une oeuvre aussi descriptive, aussi imagée, le chef doit se laisser porter par les atmosphères successives, et laisser jouer ses musiciens avec une certaine liberté.

Quelques exemples de versions récentes, qui répondent à ces critères. Trois chefs français, Louis Langrée (avec l’orchestre de Cincinnati qu’il a dirigé de 2013 à 2024), Alain Altinoglu et son orchestre de la radio de Franfort, et Stéphane Denève, actuel chef du St Louis Symphony, ici à la tête de l’Orchestre national de France. Aucun d’eux ne joue la virtuosité, le super-contrôle, bien au contraire.

Dans ma discothèque personnelle, j’ai dénombré 27 versions différentes, dont pas mal qu’on peut qualifier d’exotiques, et qui sont loin d’être les moins intéressantes.

Kurt Masur / Gewandhaus de Leipzig

Je me rappelle très bien la surprise qui avait été celle des participants à la défunte émission Disques en Lice de la Radio suisse romande, lorsque nous avions élu – après écoute à l’aveugle – la meilleure version de Rhapsody in blue – Siegfried Stöckigt au piano, Kurt Masur dirigeant l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig !

Kirill Kondrachine / Concertgebouw Amsterdam (1977)

Voir le long article que j’avais consacré à celui qui fut l’un des plus grands chefs du XXe siècle, Kirill Kondrachine (1914-1981) : le Russe oublié

On ne trouve malheureusement plus les disques de cette fabuleuse collection de « live »…

André Cluytens / Société des Concerts du Conservatoire (1949)

Eh oui André Cluytens, en 1949, s’encanaille avec un orchestre un peu brouillon mais plus « jazzy » si possible que des collègues américains

Felix Slatkin / Hollywood Bowl Orchestra (1960)

J’ai déjà dit ici mon admiration pour le grand Felix Slatkin (1915-1963) – on évitera par charité de comparer le père, Felix, et le fils, Leonard ! – Pas loin de mettre sa version au sommet :

Neville Marriner / orchestre de la radio de Stuttgart (SWR)

On n’associe pas spontanément Gershwin à Neville Marriner (1924-2016), et on se trompe parce que sa version captée à Stuttgart n’est pas la moins réussie de la discographie

Les Américains à Paris

Gershwin a fait une visite plutôt furtive à Paris et en a rapporté un chef-d’oeuvre. Mais bien d’autres Américains ont été captivés par la ville lumière. Cole Porter (1891-1964) y passe une dizaine d’années après la Première Guerre mondiale. Il étudie avec Vincent d’Indy, rencontre celle qui deviendra sa femme, la riche héritière Linda Lee Thomas, qu’il épouse à la mairie du 18e arrondissement le 18 décembre 1919. Le Châtelet avait donné fin 2021 un spectacle intitulé Cole Porter in Paris : ma déception avait été à la mesure de l’attente d’un spectacle bien maigre.

Aaron Copland chez Nadia Boulanger

Autre hôte d’importance de Paris, le compositeur Aaron Copland (1900-1990), qui sera durablement marqué par sa rencontre avec Nadia Boulanger au conservatoire de Fontainebleau qu’il fréquente de 1921 à 1924. Conséquence de ce séjour parisien, la Symphonie pour orgue et orchestre de 1924 sera créée à New York le 11 janvier 1925 avec Nadia Boulanger.

Julius Katchen (1926-1969)

À intervalles réguliers je me replonge dans un merveilleux coffret, qui récapitule la discographie d’un formidable artiste, malheureusement disparu à 42 ans des suites d’un cancer, le pianiste américain Julius Katchen. Encore un Américain devenu Parisien, de la fin des années 50 à sa mort en 1969.

Depuis longtemps, les Brahms virtuoses autant que poétiques de Julius Katchen sont une référence. Sa version du 1er concerto avec Pierre Monteux (85 ans au moment de l’enregistrement !) reste l’une des plus fameuses qui soient.

Mais l’art de Katchen ne se réduit pas à Brahms.

En 1958, il signe avec Georg Solti l’une des versions les plus électrisantes du 2e concerto de Rachmaninov.

Et toujours impressions et humeurs du jour sur mes brèves de blog

Les raretés de l’été (VII) : Zinman chez les Suisses

Je ne pourrai pas cette année non plus souhaiter une joyeuse Fête nationale à ma mère, mais je peux le faire à cette grande famille éparpillée de cousins, cousins et autres descendants de la branche maternelle des Zemp, et en particulier à mon cousin Joseph, auteur prolifique d’un blog passionnant (dernier article paru sur Arthur Honegger !)

En ce 1er août, honneur donc à la Suisse et à l’un de ses orchestres – je n’ai pas écrit « le meilleur » parce que la discussion s’envenime toujours lorsque, à Genève, Bâle, ou Zurich, il s’agit de s’attribuer le titre ! – Mais l’orchestre de la Tonhalle – qui, comme celui d’Amsterdam, porte le nom de la salle de concert où il se produit – compte dans le paysage musical européen : je lui avais d’ailleurs consacré tout un article (Tonhalle) à l’occasion de son 150e anniversaire en 2018.

Pour peu que vous soyez un peu collectionneur, de disques, de livres, de DVD, vous savez ce que c’est : vous achetez un coffret, vous l’écoutez en tout ou partie, et vous le posez dans votre bibliothèque, le destinant parfois à un repos éternel. C’est un peu ce qui m’est arrivé avec le bien mal intitulé coffret qui regroupe tous les enregistrements réalisés pour les labels américains RCA / Arte Nova / Sony par le chef américain David Zinman avec la Tonhalle dont il fut le directeur musical, vingt ans durant, de 1995 à 2014.

Pourquoi avais-je délaissé ce coffret ? et du coup, perdu de vue l’originalité, la qualité, l’intelligence de la démarche interprétative de ce chef dans un répertoire où la concurrence est vive : des intégrales des symphonies de Beethoven, Brahms, Schubert, Schumann et Mahler et un admirable bouquet de poèmes symphoniques de Richard Strauss.

Quand on célèbre – ou pas – son successeur (Paavo Järvi) dans les mêmes répertoires, quand on rappelle les mérites de feu Roger Norrington dans son intégrale Beethoven, on doit absolument se replonger dans ce legs prodigieux, où on a le sentiment que Zinman réinvente ce qu’il dirige, subtilement, sans grands effets de manche : l’articulation, l’impulsion, le phrasé, et un travail sur les rythmes internes à un mouvement.

Trois exemples éloquents :

La toute première phrase de la 8e symphonie de Beethoven est vraiment un « allegro vivace con brio », qui donne furieusement envie de poursuivre l’écoute.

La comparaison avec un autre chef que j’admire, Karl Böhm, est, comment dire, bien peu convaincante.

Même choc à l’écoute de la si rabâchée symphonie « inachevée » de Schubert. David Zinman n’en fait pas, comme tant de ses confrères, un monument brucknérien. Le 2e mouvement est une pure poésie, et surtout écoutez bien ce que font le hautbois et la clarinette, leurs ornements subtils qui ôtent à ce mouvement la dimension tragique qu’on y entend trop souvent :

Pour être tout à fait honnête, j’avais laissé de côté les symphonies de Mahler – une intégrale – de David Zinman. Quelle erreur ! En commençant par la 9e, j’ai vraiment très envie de découvrir tout le corpus, parce que j’ai l’impression qu’en suivant à la lettre les indications du compositeur – très précises et nombreuses dans ses partitions – Zinman en restitue parfaitement l’esprit.

Et puisque mon cousin évoque aujourd’hui Arthur Honegger, compositeur aussi français que suisse (et inversement !), je signale ce très beau disque… de David Zinman et la Tonhalle.

L’une des premières oeuvres que j’ai programmées à Liège était la Pastorale d’été. C’était en juin 2001, j’avais invité Stéphane Denève et Sophie Karthäuser, l’une et l’autre à l’orée d’une carrière formidable, dans un programme qui comprenait outre la Pastorale d’été, les Nuits d’été de Berlioz, la suite de Pelléas et Melisande de Fauré et la 2e suite de Bacchus et Ariane de Roussel !

Je vais évoquer la figure de Bob Wilson, disparu hier, sur mes brèves de blog

MTT le chef sans âge

On a bien cru qu’il n’atteindrait pas son 80e anniversaire le 21 décembre prochain. Les nouvelles qu’on lit dans le dernier numéro de BBC Music Magazine, sur Radio Classique récemment, et surtout cette vidéo datant d’il y a quelques semaines montrent que le chef américain Michael Tilson Thomas qui souffre d’un cancer du cerveau depuis trois ans semble bénéficier d’une rémission que nous espérions tous.

Je n’ai jamais évoqué longuement sur ce blog la figure, la personnalité, la carrière de l’un des seuls chefs « natifs » des Etats-Unis à avoir, avec son contemporain James Levine (1943-2021), atteint une célébrité internationale.

Pourtant nombre de ses disques, les premiers pour Deutsche Grammophon, puis tous les suivants pour CBS, Sony ou RCA, ont été les premiers à figurer dans la discothèque que je me constituais adolescent.

Mon premier Carmina Burana, partagé avec deux ou trois copains dans ma petite chambre d’étudiant, c’était lui

Mon premier Sacre du printemps c’était lui, et c’était aussi un de ses tout premiers disques avec Boston !

Mes premiers Debussy à l’orchestre c’était lui :

Et puis il y aura la 1ere symphonie de Tchaikovski, et tant d’autres…

J’ai eu une seule fois le bonheur de le voir diriger à Paris, à moins que j’aie enfoui des souvenirs antérieurs (à Pleyel ?), j’en ai gardé le même souvenir qu’Alain Lompech (Les débuts souverains de TIlson-Thomas à l’Orchestre de Paris).

Ses éditeurs historiques ont eu la bonne idée de rééditer la presque intégralité de son legs discographique.

CD 1
TCHAIKOVSKY Symphony No. 1
Boston Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 2
GRIEG · SCHUMANN Piano Concertos
Jean-Marc Luisada; London Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 3
DEBUSSY Images; Prélude à l’après-midi d’un faune
Boston Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 4
DEBUSSY Violin Sonata; Cello Sonata; Sonata for Flute, Viola and Harp; Syrinx 
Boston Symphony Chamber Players; Michael Tilson Thomas, piano

CD 5
IVES Three Places in New England
RUGGLES Sun-treader
Boston Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 6
STRAVINSKY Le Roi des étoiles; Le Sacre du printemps
Boston Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 7
PISTON Symphony No. 2
WILLIAM SCHUMAN Violin Concerto
Paul Zukofsky, violin; Boston Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 8
SHOSTAKOVICH Cello Concertos Nos. 1 & 2
Mischa Maisky, cello; London Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 9
BERNSTEIN On the Town
Frederica von Stade; Tyne Daly; Marie Mclaughlin; Thomas Hampson & supporting cast
London Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 10
BERNSTEIN Arias and Barcarolles; A Quiet Place; Symphonic Dances from West Side Story
Frederica von Stade; Thomas Hampson
London Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 11
ELVIS COSTELLO Il sogno
London Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 12
TANGAZO – MUSIC OF LATIN AMERICA
Chávez; Copland; Roldán; Revueltas; Caturla; Piazzolla; Ginastera
New World Symphony / Michael Tilson Thomas

CD 13
INGOLF DAHL Concerto for Alto Saxophone; Hymn; Music for Brass Instruments; The Tower of Saint Barbara
John Harle; New World Brass; Ertan Torgul; Gregory Miller; Tisha Murvihill
New World Symphony / Michael Tilson Thomas

CD 14
MORTON FELDMAN Piano and Orchestra; Cello and Orchestra; Coptic Light
Alan Feinberg; Robert Cohen
New World Symphony / Michael Tilson Thomas

Le coffret Sony est évidemment beaucoup plus important : 80 CD pour 80 ans.

(Tracklist à consulter sur Amazon.it)

Mais, il y a un gros mais, comment a-t-on pu « oublier » une magnifique intégrale de Casse-Noisette, gravée avec le Philharmonie de Londres, tout comme Le Lac des cygnes qui lui est bien dans le coffret ! Il semblerait que cet « oubli » résulte d’une question de droits… qui n’est explicitée que dans le livret en anglais inséré dans le coffret !

Pour ceux qui comme moi pensaient posséder à peu près toute la discographie de MTT, le coffret Sony réserve pas mal de surprises, soit des disques qu’on avait oubliés (suites de Tchaikovski), soit des compositeurs américains, peu ou jamais distribués en Europe (une « intégrale » Ruggles)

Si je devais caractériser d’un mot l’art de ce très grand chef – gageure impossible ! – ce serait l’absence de poids de traditions européennes qu’assumaient, chacun avec leur génie propre, tous les grands chefs du XXe siècle qui ont fait la réputation des grands orchestres américains, la très grande majorité nés sur le continent européen. Même Bernstein en était tributaire. J’ai toujours eu l’impression que MTT se réappropriait le répertoire classique (une intégrale des symphonies de Beethoven, bien oubliée voire méprisée, alors qu’elle renonçait au grand orchestre) ou romantique, voire Debussy, Stravinsky, avec une sorte de fraîcheur, de naturel bienfaisants.

Je découvre sur YouTube, avec une vive émotion, ces captations très récentes de Michael Tilson Thomas avec l’orchestre de jeunes – le New World Symphony, basé en Floride, qu’il a fondé en 1997 et dont il a cédé la direction musicale en 2002 à Stéphane Denève. Dans un répertoire que le chef n’a jamais abordé au disque.

Heureux finalement de pouvoir dire notre admiration et à notre gratitude de manière anthume à celui que nous continuerons de nommer par ces trois lettres MTT !

PS Je signale que le coffret Sony est en France vendu à plus de 200 €, en Italie il est à 159 €… Vive l’Europe !

Trop de musique ?

Le Point sur les orchestres de Radio France
Marronnier, définition : sujet qui revient chaque année, à la même époque, dans les médias.

Le Point de cette semaine est manifestement trop heureux de pouvoir titrer : Les très chers orchestres de Radio France. Et de faire état d’un nouveau rapport de la Cour des Comptes, comme il y en a, non pas chaque année, mais à intervalles réguliers, et toujours sur le même thème : Radio France a trop de formations musicales, et elles coûtent trop cher !

Je ne peux que renvoyer à la lecture du billet Ma part de vérité, qui n’a, semble-t-il, rien perdu de son actualité. Déjà à l’époque (2014-2015) la Cour des Comptes s’était (em)mêlée du débat.

Extraits :

« Pendant la « campagne » qui a précédé l’élection par le CSA du PDG de Radio France, début 2014, on a vu refleurir dans la presse un « marronnier » qui a la vie dure : Faut-il deux orchestres à Radio France ? Lire Les orchestres de Radio France en crise

Débat encore ravivé par le dernier rapport de la Cour des Comptes : « En 2018, comme en 2014, les formations musicales de Radio France sont au nombre de 4. La décision du fusionner les orchestres n’a pas été prise, en dépit des recommandations de la Cour »:« Il n’est ni dans la vocation ni dans les moyens de Radio France de conserver en son sein deux orchestres symphoniques »

Si le général de Gaulle affirmait en 1966, à propos de la Bourse : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille », on renverrait bien la formule aux magistrats de la rue Cambon : « La politique culturelle de la France ne se fait pas à la Cour des Comptes« ./…/ »

« Dans une note très argumentée que j’avais remise (à Mathieu Gallet) et qu’il avait acceptée comme base de notre collaboration, je disais deux choses très simples :

  • Le mot même de « fusion » n’a aucun sens, s’agissant de formations musicales. Dans certains cas, en Allemagne notamment, il y a eu des regroupements, des réorganisations (par exemple à Berlin, à la suite de la chute du Mur, ou dans certains Länder, comme le Bade-Wurtemberg), dans malheureusement beaucoup d’autres cas, notamment aux Etats-Unis, des suppressions pures et simples. La fusion est une notion économique, technocratique, en rien transposable à la situation des orchestres.
  • A la question : « Faut-il deux orchestres à Radio France ? » j’avais répondu très clairement : Si c’est pour jouer les mêmes répertoires, se faire une concurrence ridicule, refuser les missions normalement dévolues à des orchestres de radio, NON ! Si c’est pour revenir aux objectifs qui ont présidé à la fondation des deux orchestres, redéfinir deux projets artistiques originaux et complémentaires, dans le respect des missions de service public de Radio France, OUI !

Autrement dit, si on ne corrigeait pas une trajectoire qui, depuis trente ans, avait laissé se développer une rivalité féroce entre les deux orchestres de Radio France et leurs chefs respectifs, on offrait aux partisans de la « fusion » ou de l’élimination d’un des deux orchestres, tout comme aux comptables de Bercy ou de la Cour des Comptes, et à une grande partie de la classe politique, toutes les raisons de persévérer dans leurs idées funestes.«  »

« C’est très exactement le discours que je tins, dès ma prise de fonction début juin 2014, à tous mes interlocuteurs, musiciens, équipes administratives, et un peu plus tard à Daniele Gatti, patron de l’Orchestre National, et Mikko Franck, directeur musical désigné de l’Orchestre philharmonique (Myung Whun Chung, le chef « sortant » de cet orchestre considérant, lui, qu’il n’avait de comptes à rendre à personne, et surtout pas à moi !).

Si nous n’étions pas capables, en interne, de nous réformer, de justifier artistiquement l’existence des deux orchestres, d’autres, à l’extérieur, ne manqueraient pas de s’en charger, et sans états d’âme.

À l’Orchestre National de France la défense et illustration de la musique française, du grand répertoire, servi de préférence par des chefs français – dont la presse rappelle régulièrement qu’ils sont quasiment tous en poste à l’étranger ! -, et une présence beaucoup plus forte dans les salles de concert de l’Hexagone. Les premiers résultats de cette orientation se concrétiseraient dès la saison 2015/2016 et de manière spectaculaire en 2016/2017 (lire Les Français enfin). Du jamais vu depuis plus de quarante ans : 8 chefs français invités, Emmanuel Krivine, Louis Langrée, Stéphane Denève, Alain Altinoglu, Jean-Claude Casadesus, Fabien Gabel, Jérémie Rhorer, Alexandre Bloch !« 

« À l’Orchestre philharmonique de Radio France, les missions dans lesquelles il excelle et qu’il peut assumer grâce à sa « géométrie variable » : la musique du XXème siècle, la création, les productions lyriques, la comédie musicale, les projets radiophoniques, pédagogiques, qui n’excluent pas le grand répertoire. Mikko Franck le Finlandais, né, grandi dans un pays tout entier voué à promouvoir sa musique, sa création, ses talents, comprit très vite la nécessité de « franciser » la programmation de l’orchestre dont il allait devenir le chef. » (Ma part de vérité, 31 juillet 2019)

J’invite les curieux à lire cet article jusqu’au bout : Ma part de vérité

J’observe simplement que si le sujet revient sur la table, c’est peut-être parce que la situation actuelle de la Musique à Radio France donne du grain à moudre aux critiques habituelles de la Cour des Comptes. J’aurais pu ajouter à la note que j’avais remise à Mathieu Gallet au printemps 2014 que si les orchestres de Radio France ne se distinguaient pas, dans leur programmation, le choix des chefs et des solistes, du « mainstream » de la place de Paris, on aurait à l’évidence du mal à « justifier » leur existence. En consultant la saison 2023/2024 de l’auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique il faut bien reconnaître une certaine banalisation, l’absence de lignes de force programmatiques, la très faible part faite aux chefs français (j’en ai compté trois, Lucie Leguay, Stéphane Denève et François-Xavier Roth qui se chargera de l’hommage à Ligeti).

Happy 80#

Puisque John-Eliot Gardiner est l’un des invités de l’Orchestre philharmonique de Radio France, profitons de ce billet pour lui souhaiter un joyeux quatre-vingtième anniversaire (le chef anglais est né le 20 avril 1943 à Fontmell Magna dans le Dorset !). Lire Les Pâques de Gardiner.

Vivre ensemble en musique

Aux conseillers de la Cour des Comptes, aux journalistes, aux critiques, aux grincheux, on conseille de lire l’interview que Louis Langrée a accordée à Forumopera, quelques jours avant la première de la nouvelle production de Carmen de Bizet que va diriger le chef français dans les murs qu’il dirige depuis novembre 2021, l’Opéra Comique, la scène même où fut créé l’ouvrage le 3 mars 1875.

A-t-on jamais trop de musique ?

La réponse du chef est d’une éblouissante clarté, quand Louis Langrée évoque le spectaculaire succès de la Maîtrise populaire voulue et développée par l’Opéra Comique : Si tous les Maîtrisiens et Maîtrisiennes ne deviendront pas de grands chanteurs ou chanteuses, ils seront de meilleurs citoyens. Et chanter ensemble…. Vous êtes obligé d’écouter l’autre. Vous êtes obligé de de répondre à l’autre, de vous opposer ou au contraire de vous accorder. Nous vivons dans un monde où les gens parlent mais ne se parlent pas. On se sert de ce que dit l’autre pour être en contradiction permanente et. Et en musique, ce n’est pas possible. En musique, on est obligés de vivre ensemble. Vous ne pouvez pas bien jouer si vous négligez le groupe. C’est une école de civisme. « 

La grande Sophie

Mercredi soir, à l’Auditorium du Louvre, Julien Chauvin et son Concert de la Loge nous conviaient à un de ces programmes dont ils ont le secret : une des symphonies « parisiennes » de Haydn – la 84ème – entrecoupée d’airs, de scènes, d’extraits de ballets de quelques contemporains de l’illustre Viennois, habitués du Concert de la Loge olympique.

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Avec une invitée de grand luxe, la soprano belge, ma très chère Sophie Karthäuser.

Erreur
Cette vidéo n’existe pas

(Extrait de l’opéra Phèdre de Jean-Baptiste Lemoyne, donné en bis à la fin du concert du 9 octobre 2019, à l’auditorium du Louvre)

Je connais Sophie Karthäuser depuis mon arrivée à la direction de l’Orchestre philharmonique de Liège il y a vingt ans (lire Liège à l’unanimité).

Dès le printemps 2001, elle chante ses premières Nuits d’été de Berlioz aux côtés d’un jeune chef français Stéphane Denève  (lire Les Nouveaux modernes), en décembre de la même année, avec Louis Langrée devenu directeur musical de la phalange liégeoise en septembre, elle forme avec une autre toute jeune soprano belge, Céline Scheen, un duo de rêve, dans la Messe en ut mineur de Mozart.

Sophie retrouvera Louis Langrée un an plus tard dans le Requiem de Mozart, puis, en décembre 2004 à Bruxelles et à Liège, pour une Création de Haydn, restée dans toutes les mémoires (Werner Güra et Reinhard Hagen complétaient la distribution. Une Création restée dans la mémoire du public liégeois pour une autre raison : nous avions pris le parti d’illustrer l’oeuvre de Haydn au premier degré, et soumis à cette fin à un jeune photographe liégeois une idée simple. Pouvait-il trouver un homme et une femme jeunes qui accepteraient de poser, de dos, dans la tenue d’Adam et Eve ? Il en résulta une très belle photo qui s’afficha dans tout Liège. Qui me valut une ou deux lettres de vieux ronchons qui trouvaient que, tout de même, ce n’était pas « convenable », et, à l’inverse, un nombre considérable de félicitations. Certains s’étaient même demandé si le chef (Louis Langrée) et la soprano (Sophie Karthäuser) avaient servi de modèles, leurs noms étant imprimés sur l’affiche juste sous les pieds d’Adam et Eve !

Sophie Karthäuser revient à Liège fin mai 2006 pour un concert dont ni elle ni moi ne pouvions supposer que ce serait l’un des derniers que dirigerait Armin Jordan – disparu le 20 septembre 2006. Un programme prémonitoire, composé tout exprès pour la soprano et le chef suisse: Les Illuminations de Britten et la Quatrième symphonie de Mahler qui se conclut par cette mélodie, tirée du Knaben Wunderhorn, intitulée… la Vie céleste. La seule remémoration de cette soirée me bouleverse encore (Une soirée magique).

Dans les années qui suivront, les présences de la soprano s’espaceront un peu, en raison de ses engagements de plus en plus nombreux sur les grandes scènes d’opéra, mais le fil ne se distendra jamais entre l’OPRL et elle. Témoin ce concert de 2018 avec Christian Arming.

Je n’oublie pas que Sophie était présente à la soirée que les Liégeois avaient organisée, le 3 octobre 2014, pour mon départ de l’orchestre (Merci). 

Je n’oublie pas non plus cette représentation du Freischütz de Weber, dans la version française de Berlioz, que dirigeait John Eliot Gardiner à l’Opéra comique à Paris en mai 2011, où Sophie chantait admirablement le rôle d’Agathe. Ce fut la dernière fois que je vis Pierre Boulez, déjà très fatigué, mais la curiosité toujours en éveil.

On l’aura compris, j’ai pour Sophie Karthäuser une profonde affection, doublée d’une admiration sans bornes pour son art bien sûr, la sûreté et la sagesse avec laquelle elle mène une carrière exemplaire depuis plus de vingt ans. Sa discographie en témoigne éloquemment. Petit échantillon non exhaustif.

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Est-ce ainsi qu’on aime la musique ?

J’ai essayé, mais je n’ai pas tenu plus d’une demi-heure. Et depuis vendredi soir, je lis, sur Facebook, à peu près autant de commentaires passionnés, violents, assassins même sur l’émission que sur Mélenchon, c’est dire ! C’était Prodiges sur France 2…

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Mon ami Marc Coppey écrit : Quelle foutaise! Et qu’on ne vienne pas dire que c’est cet abaissement qui amène le public à la musique et les jeunes à la pratique ! En contrepoint d’un extrait vidéo de l’émission de vendredi soir qui proclame : Quelle merveille !
Camille Berthollet en duo avec Gautier Capuçon jouent « Palladio » de Jenkins. A revoir sans modération…! S’en suivent, à l’heure où j’écris ces lignes, une bonne centaine de « commentaires » très contrastés.

Je ne vais pas reprendre ici ce que j’ai maintes fois exposé, ici même, et dans le cadre de mes responsabilités professionnelles : la musique classique est à tout le monde et pour tout le monde, et une grande émission de télévision – comme jadis Le Grand Echiquier – peut puissamment contribuer à « amener le public à la musique et les jeunes à la pratique », comme le dit Marc Coppey.

Ce qui est en cause ici, c’est le formatage – aucune séquence ne doit dépasser le temps d’une chanson, 3 minutes ! – et, sous prétexte de bienveillance envers tous ces jeunes si gentils musiciens, la présentation caricaturale de l’expression d’un talent, du travail d’un artiste.

J’avoue, j’ai zappé après ces deux séquences de début de soirée.

Qui a eu l’idée folle de laisser cette jeune fille sombrer, en direct, dans ce qui était présenté comme « Le concerto de Tchaikovski » ?

Et cette autre – jolie voix certes – se ridiculiser dans Nessum (sic) dorma ?

Je ne parlerai pas de la suite, puisque je ne l’ai pas vue, et j’ai sans doute eu tort, puisque plusieurs de mes proches m’ont dit avoir regardé la soirée avec plaisir.
J’aurais aimé dire bravo à l’excellente initiative (la seule ?) qui a consisté à faire chanter des milliers d’enfants, à rassembler toutes ces voix pour le bonheur de faire choeur. Depuis longtemps je crois (et j’écris : L’absente) que tous les enfants, à l’école primaire, devraient bénéficier d’une heure de chant choral par semaine. La mesure simple et égalitaire par excellence, une formation à l’écoute mutuelle, au respect, à la discipline, une école du bonheur.
Pour en revenir à Prodiges, je reste convaincu (indécrottable optimiste que je suis !), qu’on peut servir, présenter, la musique classique à une heure de grande écoute, sans la dénaturer ni la caricaturer, en respectant les compositeurs comme les interprètes, surtout s’ils sont jeunes et encore maladroits. Même sous forme de compétition amicale. Et puis les programmateurs pensent-ils que le « grand public » auquel ils pensent s’adresser est à ce point obtus, ignare, qu’on doive lui servir toujours les mêmes « tubes », plus ou moins massacrés et/ou arrangés ? Comme si la musique classique se résumait à une playlist d’une trentaine de titres…
Pendant que les téléspectateurs français regardaient France 2, les Belges se passionnaient pour la finale du Concours Reine ElisabethUn concours qui s’ouvrait pour la première fois au violoncelle, et qui a couronné l’un des plus brillants représentants d’une exceptionnelle génération de jeunes talents français : Victor Julien-Laferrière

https://www.youtube.com/watch?v=TydSsi-8JoI

Mais, toujours sur Facebook, chacun y est allé de son avis sur le palmarès, beaucoup ont regretté que Bruno Philippe n’ait pas même été classé dans les six premiers.

Je ne retire pas un mot de l’article que j’avais écrit il y a trois ans : De l’utilité des concoursMais je pourrais comprendre… qu’on ne partage pas mon avis !

Les nouveaux modernes (suite)

Je ne l’ai pas souligné hier (Les nouveaux modernes) mais Stéphane Denève est aussi un « moderne » dans son comportement à l’égard du public de ses concerts. Une modernité qui devrait être la règle. Pour échapper définitivement à un rituel compassé qui perpétue l’image – fausse – d’une musique classique réservée au mélomane averti, au connaisseur.

Le chef français, revenant saluer avec Jérome Pernoo et Guillaume Connesson sous des tonnerres d’applaudissements, s’adressa spontanément au public, comme il le fait toujours, pour faire partager son enthousiasme pour le compositeur, et sa collaboration avec l’Orchestre National, avant de bisser le dernier mouvement du concerto pour violoncelle de Connesson.

Ce même jeudi, je rencontrais un autre grand musicien qui partage avec son aîné la même curiosité pour le répertoire, la même envie de proposer des programmes originaux, la même capacité à dialoguer avec le public, à faire du concert un moment de bonheur et de convivialité : Julien ChauvinIl a fait, malgré lui, la une de l’actualité avec une histoire à dormir debout qui a définitivement ridiculisé les apparatchiks du Comité olympique français. Lire Une forme olympique. Julien Chauvin et ses musiciens n’ont pas le droit de relever le nom d’un ensemble phare de la vie musicale parisienne du XVIIIème siècle – le Concert de la Loge Olympique -, né, on en conviendra, quelques années avant Pierre de Coubertin et la résurrection des Jeux Olympiques…

Bref, il reste aux mélomanes la possibilité – et on ne s’en privera pas – d’admirer et de soutenir  Le Concert de la Loge bip-bip-bip. Par exemple avec ce magnifique nouveau disque.

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Les nouveaux modernes

Stéphane Denève c’est une vieille connaissance ! À Liègesitôt nommé à la direction de l’orchestre, je l’invite à diriger, dès le printemps 2001, un programme de musique française (Pastorale d’été d’Honegger, les Nuits d’été de Berlioz – avec une toute jeune et merveilleuse soprano belge qui a fait le chemin qu’on sait… Sophie Karthäuser – la 2ème suite de Bacchus et Ariane de Roussel). Il revient fin 2003 diriger et enregistrer tout un programme Poulenc, aujourd’hui toujours considéré comme une référence et multi-réédité, avec les pianistes Eric Le Sage et Frank Braley.

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Ce n’est donc pas tout à fait une surprise si le chef français a fait la rentrée de l’Orchestre National de France avec deux programmes emblématiques des répertoires qu’il promeut depuis ses débuts.

J’ai manqué le concert du 15 septembre, à regret, mais je ne voulais pas rater celui d’hier. Un modèle de programme : La Création du monde de Milhaud (comme un superbe écho du disque mythique de Leonard Bernstein avec ce même orchestre)

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Puis une pièce « contemporaine » – au secours fuyons ! – le Concerto pour violoncelle de Guillaume Connesson. Stéphane Denève explique, dans une interview qu’il faut absolument lire dans le dernier numéro de Classica, qu’il ne peut concevoir son rôle de chef d’orchestre sans se nourrir de la création, celle d’aujourd’hui, qui n’a plus grand chose à voir avec ce que l’expression même de « musique contemporaine » – surtout en France – a signifié pour des générations de mélomanes et de musiciens.

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Alors oui Denève défend Connesson, il le dirige, l’enregistre. Fièrement. Et hier soir, la question n’était absolument plus de savoir si cette musique répond ou non à certains codes . Une écriture extrêmement virtuose – idéalement servie par le dédicataire du concerto Jérôme Pernoo – très efficace – un traitement éblouissant de l’orchestre – et finalement très personnelle. Public enthousiaste, et on le comprend !

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La deuxième partie du concert était elle aussi emblématique de cette nouvelle saison de Radio France : Les Litanies à la Vierge noire et la version originale – avec choeurs – du ballet Les Biches de Poulenc. Stéphane Denève aime et dirige cette musique comme peu aujourd’hui, redonnant à Poulenc l’éclat de sa modernité et de sa singularité. 51fdyeosrzl

Un concert à réécouter sur francemusique.fr.

Demain je consacre mon billet à un autre « moderne », Julien Chauvin et son Concert de la Loge, en forme très olympique !

 

L’autre Arthur H.

Depuis quand sa 3ème symphonie n’avait-elle pas résonné dans une salle de concert parisienne ? Longtemps, trop longtemps sans doute. Daniele Gatti et l’ONF (Bravo Maestro) ont corrigé – et de quelle manière ! – l’injustice de cette longue absence jeudi soir à l’Auditorium de la Maison de la radio à Paris.

Orchestre National de France / Daniele Gatti / video du concert du 9 juin 2016

J’ai un lien particulier avec Arthur Honegger. Il est mort un mois avant ma naissance, et il y a trente ans, il a peut-être contribué involontairement à me faire engager à la Radio suisse romande. Lors des entretiens préalables à mon recrutement comme producteur, en juillet 1986, le regretté Robert Dunand m’avait collé sous les yeux une partition d’orchestre (pour vérifier mon aptitude à lire la musique du point de vue d’un chef d’orchestre !) : c’était la 3ème symphonie du Franco-suisse !

Puis j’aurai le bonheur de rencontrer la fille d’Arthur, Pascale, infatigable mélomane, à qui me lie une indéfectible amitié doublée d’affection, qui défend et promeut très intelligemment l’oeuvre de son père. Un jour j’aurai aussi la surprise, dans le hall du Victoria Hall de Genève, lors de l’inauguration d’un buste d’Arthur Honegger, de faire la connaissance de son fils Jean-Claude, exact sosie du père !

Je dois reconnaître qu’il n’est pas aisé de programmer du Honegger dans une saison. Comme Hindemith et d’autres compositeurs « non alignés » du XXème siècle, il souffre sinon d’une sorte de mépris, du moins d’une certaine condescendance de la part des tenants d’une modernité plus « radicale ».  Mais dès qu’on parvient à le faire jouer, les auditeurs sont toujours surpris par la puissance d’évocation, l’inspiration, d’une musique il est vrai rétive à tout classement facile. Il n’était que d’entendre les commentaires à l’entracte du concert de jeudi soir. Pendant mes années liégeoises, je serai parvenu à programmer Le Roi David, la très bucolique Pastorale d’été, et cette Troisième symphonie dite Liturgique sous la direction de Louis Langrée. Christian Arming a, lui, eu la chance de diriger cette saison le grand oeuvre d’Arthur H. Jeanne au bûcher.

Deux très grandes versions à recommander de la Troisième symphonie :

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et deux livres indispensables

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Années 20

Je retrouve les Mémoires non publiés de Robert Soetens et ce billet, comme pour prolonger le souvenir d’un concert mémorable jeudi dernier « (https://jeanpierrerousseaublog.com/2014/10/02/linconnu-de-varengeville/)

Retour dans le Paris des années 20 :

« Quant à Milhaud, que je retrouvais au Boeuf sur le Toit, il me fit connaître Arthur Honegger, Germaine Tailleferre, Poulenc, Wiener et Doucet, les incomparables duettistes, dont les pianos – des « crapauds » – vu l’exiguïté du bar, se chevauchaient l’un l’autre; la technique volubile de Doucet venait envelopper de ses arabesques le jeu thématique, syncopé, volontairement accusé de Wiener.Unknown

https://www.youtube.com/watch?v=TdgPG7aTgOw

Honegger avait déjà publié ses deux excellentes sonates pour violon et piano, dont je m’empressai d’être l’interprète, Germaine Tailleferre allait dédier à Jacques Thibaud sa charmante et féminine Sonate, qu’ils créèrent ensemble…….

…La Salle Pleyel de cette époque, encore très recherchée, était toujours celle de la rue Rochechouart, où joua Chopin, on l’appelait Les Salons Pleyel, Ysaye et Pugno y donnaient régulièrement leurs séances de sonates, de même que Capet avec son quatuor.

Je choisis ce temple sacré de la musique pour y donner deux récitals à quelques jours d’intervalle. Au programme du premier la 3e partita de Bach intégralement tout comme Enesco qui fut le premier à programmer en concert une Suite de Bach entière, ma deuxième audace fut de donner à Paris en première audition le 23 janvier 1925 dans la version violon avec piano de la rhapsodie Tzigane de Ravel qui venait d’être publiée…

… L’accoutumance à l’écriture violonistique d’Ysaye, de Bartok, Prokofiev et autres contemporains a fait monter le niveau technique considérablement…

Clin d’oeil à Tedi Papavrami, qui vient d’être récompensé d’un Diapason d’Or 2014 pour son enregistrement des six sonates d’Ysaye pour violon seul

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