Bonnes tables

J’avais coutume, dans mes précédents blogs, et même une fois sur celui-ci (Revue de tables) en 2015 (!), d’évoquer les restaurants que j’aime… ou que j’aime moins. J’avais découvert, par la même occasion, que certains de mes lecteurs, suivaient, ou critiquaient, mes avis, alors que je n’ai jamais eu la prétention de me substituer à un inspecteur du guide Michelin (bien qu’il me soit arrivé quelquefois d’être traité comme l’un d’eux par des restaurateurs sans doute surpris par la présence d’un homme seul !).

Je reviendrai le moment venu sur mes bons souvenirs à Montpellier (2890 jours, mes années Montpellier).

Je partage ma vie de pseudo-retraité entre Paris et le Val d’Oise, où les lieux agréables ne manquent pas. J’en évoquerai quelques-uns dans un ordre qui ne suit que mes humeurs.

Mauvaises surprises

Commençons par les désagréments – heureusement moins nombreux que les bonnes surprises.

. Chez André : avant un concert au Théâtre des Champs-Elysées, je voulais tester cette brasserie rue Marbeuf qui envahit les réseaux sociaux de sa publicité. Il était 18h15, le restaurant était quasi vide, mais le maître d’hôtel m’a dispensé de confirmer mon essai (lire ici : Visite sans retour.

Le Cabouillet : c’est une maison historique au bord de l’Oise à L’Isle Adam. On en aimait le charme désuet du temps des anciens propriétaires, une bonne cuisine de province, un peu chère, mais un service comme on n’en fait plus. On a continué de fréquenter l’établissement et son agréable terrasse en été. La carte avait changé, était devenue beaucoup plus chère, et avait surtout l’inconvénient de ne jamais bouger. Jusqu’au jour où on m’a facturé un verre de rosé 20 € !

La Grange de Belle-Eglise a conservé son étoile Michelin, on se demande pourquoi : je n’ai pas changé d’avis par rapport à ce que j’écrivais en juin 2020 (lire Etoile injustifiée)

Quand on veut se risquer à du roboratif, on n’est jamais déçu par la générosité des plats de L’Affiche :

En dépit des apparences, un cassoulet tout ce qu’il y a de plus digeste !

Maîtres cuisiniers à Auvers

Depuis que l’auberge Ravoux – la maison où Van Gogh avait sa chambre les derniers mois de sa vie en 1890 a fermé – c’était avant le confinement – puis rouvert épisodiquement, j’ai jeté mon dévolu sur deux adresses qui ne déçoivent jamais, qui démontrent au contraire leur souci du client, l’envie de bien travailler de bons produits.

Le Relais des peintres ,à Auvers-sur-Oise même, est devenue une étape régulière, tenue par deux frères talentueux – Sergio Pastoressa est devenu le week-end dernier Maître Cuisinier de France ! Distinction ô combien justifiée !

Délicieuse choucroute de la mer !

A quelques encablures d’Auvers, à Hérouville-en-Vexin, depuis deux ans, on n’a jamais pris en défaut Les Vignes Rouges, bel établissement historique, revu et rénové avec beaucoup de goût, jouxtant la belle église du village, qui ressemble à s’y méprendre à celle d’Auvers-sur-Oise !

Autre adresse notable qui a évolué ces dernières années du correct au banal et maintenant à l’excellent, le Maupertu au bord de la route d’Auvers à Pontoise.

Des étoiles

Il.y deux restaurants étoilés dans le Val d’Oise, les deux à quelques kilomètres d’Auvers : Le Chiquito à Méry sur Oise, L’Or Q’idée à Pontoise. Entre les deux mon coeur ne balance pas, puisque je les visite à intervalles réguliers, n’omettant jamais de féliciter les deux cheffes à l’oeuvre (Anne-Sophie Godry qui a repris les commandes du Chiquito, et Naoëlle d’Hainaut à Pontoise) et, lorsqu’elles me demandent mon avis, de faire telle ou telle suggestion. Il y a des souvenirs plus forts que d’autres pour nouer une relation forte : le samedi 14 mars 2020, prenant tout le monde de court, le premier ministre d’alors, Edouard Philippe, annonçait la fermeture le soir même de tous les établissements recevant du public pour cause de pandémie. Ce même soir, j’avais réservé à L’Or Q’idée : en arrivant au restaurant, c’est moi qui annonçai à Mathieu d’H….la mauvaise nouvelle. Quelques mois plus tard, nous fêtions ensemble la réouverture des restaurants.

Le confort bourgeois du Chiquito et le bonheur créatif dans l’assiette.

A L’Or Q’idée la surprise est toujours au programme.

Paris secret

À Paris, c’est, surtout depuis la crise Covid, l’aventure permanente. Tel établissement jadis réputé a sombré (Le Balzar, dans le quartier Latin, qui était une de mes tables favorites, a sombré corps et biens, le Petit Commines ne sait plus ce qu’est l’accueil du client), sans parler bien sûr de tous ceux qui ont disparu…

Il reste quand même de fières adresses, comme ma plus récente découverte, à l’ombre du Panthéon, dans la très discrète rue Laplace, La Table de Colette. Pour un déjeuner sain ,original et bon marché, pas mieux !

Toujours dans le centre de Paris, pour le déjeuner, La Méditerranée place de l’Odéon, reste un must. Des années que je n’y avais plus mis les pieds. Erreur ! Fruits de mer, poissons délicieux, prix modérés au déjeuner (un menu à 37 €; qui dit mieux ?). Un voiturier qui plus est…

Dans les quartiers plus canaille (on ne parle plus du Marais, où toutes les adresses sympathiques de jadis ont disparu), du côté de Belleville ou Oberkampf, on a un gros faible pour Les 3 Bornés (fine allusion à la toute proche rue des Trois Bornes), 71 rue Jean-Pierre Timbaud. C’est bon, c’est sain, c’est généreux, et ce n’est pas l’assommoir côté addition. Dans la rue Amelot, le détour chez Qui plume la lune s’impose.

Encore plus central dans Paris, deux adresses incontournables. Dans ce qui est censé être la plus vieille maison de Paris, l’Auberge Nicolas Flamel est une absolue merveille. Six ou sept visites, et jamais de routine, ni de répétition. Et contrairement à nombre d’étoilés, on peut encore trouver de la place presque le jour même (le chef nous ayant expliqué qu’il veut éviter le « syndrome » Michelin – restaurants réservés des mois à l’avance – et se garder la liberté d’accueillir ses hôtes au dernier moment.

Dans le même quartier, pas encore étoilé (mais ça ne saurait tarder), Dessance, 74 rue des Archives, chef hispanique en cuisine (ouverte), menus tout végétarien ou terre et mer. Accueil, service, au petit point, et dans l’assiette un festival de saveurs.

Les jours d’après

On va éviter les clichés. Quand on sort debout de l’hôpital, on se dit qu’on a eu de la chance, mais il y a tellement d’autres souffrances plus longues, plus graves, qu’on va éviter de s’attarder sur son propre sort. Il y a certes des choses qu’on doit apprendre (ou réapprendre) : la patience, le repos, le goût des moments simples. Il y en a d’autres qui me sont familières, comme faire confiance à l’équipe qui travaille auprès de moi pour faire tourner la boutique, avancer sur les projets. Nul n’est irremplaçable, et la durée de mon absence au travail n’est pas de nature à compromettre l’avenir.

Ce qui n’est pas cliché en revanche, c’est le goût qu’on retrouve, pas à pas, pour les joies du quotidien, le premier restaurant, le premier cinéma, bientôt j’espère le premier concert.

La première sortie au cinéma c’était pour voir Aline de et avec Valérie Lemercier

La critique avait loué à peu près unanimement la qualité de ce film qui n’a rien d’un biopic ordinaire. J’ai un peu craint, en début de séance, que Valérie Lemercier ne fasse un peu trop du… Valérie Lemercier, dans les scènes de début où elle joue Céline Dion, pardon Aline Dieu, enfant puis adolescente. Et puis le film est tellement bien écrit et délicatement réalisé – rien n’est jamais trop, too much – qu’on se laisse entraîner sans réserve dans cette belle histoire de vie, d’amour, de réussite, d’hommage à un destin hors du commun. Je n’étais pas fan de Céline Dion avant ce film, j’ai l’impression de l’être un peu devenu.

Cela m’a rappelé une très brève rencontre, un salut échangé, il y a une quinzaine d’années : j’allais entrer chez Bofinger, la célèbre brasserie de la place de la Bastille, il y avait une belle limousine, moteur ronronnant, portes ouvertes, juste devant. J’eus juste le temps de m’écarter pour laisser sortir du restaurant… Céline Dion, qui se répandit en mille sourires d’excuses pour sa sortie un peu brusque. Céline comme un coup de vent !

Résolutions

Ce n’était qu’un conseil de sa part, mais j’ai décidé de suivre la recommandation du cardiologue : j’ai commencé hier toute une série de séances de « rééducation » cardiaque, autrement dit pour l’essentiel du sport, quotidien, encadré, surveillé, mesuré. Je faisais déjà du sport avant mon accident, mais le faire, dans le cadre apaisant d’un superbe domaine, qui, au XVIIIème siècle, accueillait les malades et les fous incurables, avec quelques partenaires qui ont subi la même épreuve, c’est un bonheur qui ne se refuse pas.

J’ai résolu aussi non seulement de ne jamais évoquer, pas plus demain qu’hier, ni même suivre certains candidats à l’élection présidentielle. Ni le ridicule ni la honte ne tuent, sinon on compterait déjà au moins 6 victimes. Liste non limitative…

Quand on lit les souvenirs de Catherine Nay, on est malheureusement conforté dans le triste constat d’une effrayante baisse de niveau du personnel politique depuis une vingtaine d’années.

C’est aussi, égoïstement, pour me préserver, pour réserver mes capacités d’indignation à des causes qui en valent vraiment la peine, que je me suis abstenu et que je m’abstiendrai de suivre des « débats » qui n’en sont pas. Comme les médias, les sondeurs, n’ont rien appris du passé – qu’une élection présidentielle se joue dans les dernières semaines, qu’aucun sondage n’a jamais donné l’ordre d’arrivée, a fortiori le vainqueur, six mois avant l’échéance – autant éviter d’entrer dans un jeu sans issue et sans intérêt.

Redécouvertes

L’avantage du repos forcé qui m’est imposé, c’est le temps qui m’est donné de redécouvrir mes -thèques : bibliothèque, discothèque, DVD, de petits bijoux cachés dans un documentaire, ou annexés à un concert filmé.

Au moment où j’écris ce billet, je finis de regarder le film Moscou, quartier des cerises (1963) : Moskva Cheryomushki est une délicieuse comédie musicale, écrite par Chostakovitch en 1959, dont l’action se situe dans la banlieue de Moscou. Le compositeur souhaitait rendre un hommage à Broadway (West Side Story avait connu un succès mondial dès 1957) 
Datant de 1963, le film est basé sur cette comédie musicale, qui connut à l’époque un important succès populaire et commercial. Satire de la vie et des aspirations de trois jeunes couples vivant en Union Soviétique – qui se débattent avec l’administration, la bureaucratie, la corruption et toutes les complications possibles pour acquérir des appartements de rêve dans le nouveau Quartier des cerises – le film possède à la fois le charme d’une comédie musicale hollywoodienne ainsi qu’une bande son irrésistible avec des chansons excellentes et des séquences dansées très réussies.

J’avais beaucoup aimé la production de la comédie musicale donnée à l’opéra de Lyon en décembre 2010, dirigée par Kirill Karabits, avec une quasi-débutante Olga Peretyatko, dans la mise en scène délurée et inventive de Jérôme Deschamps et Macha Makeieff.

Riccardo Chailly en a enregistré une version de grand luxe pour le disque avec l’orchestre de Philadelphie.

L’hommage à Josephine

J’ai aimé hier la cérémonie simple, belle, réussie, de l’entrée de Josephine Baker au Panthéon. Les musiques qui l’ont accompagnée.

Josephine forever

Que voici une réjouissante nouvelle au cœur de l’été !

Josephine Baker entre au Panthéon le 30 novembre prochain.

Je ne suis d’ordinaire pas sensible à ce genre d’initiative, a fortiori à ce genre de cérémonie.

Mais j’ai aimé ce qui a été fait pour Simone et Antoine Veil.

Je sais que je regarderai ce qui se passera le 30 novembre pour Joséphine Baker.

Parce que j’aime cette femme depuis longtemps. Je me rappelle, jeune adolescent, les reportages à la télévision sur les Milandes, ce château que Joséphine avait acheté pour les enfants qu’elle avait adoptés. Elle ne pouvait plus payer, dépassée par sa générosité !

Dans ses souvenirs Line Renaud raconte la dernière nuit de Josephine Baker, après un dernier triomphe à Bobino.

Mais d’abord et surtout Joséphine Baker c’est une voix, noire certes, américaine d’origine certes, mais surtout unique, inimitable. Ne surtout pas s’arrêter aux deux ou trois chansons qui ont fait sa réputation. Même si on ne se lasse pas de les réécouter.

J’ai une tendresse particulière pour ce disque déniché chez Tower Records à New York du temps où ces fabuleux magasins existaient encore…

Bouquet de roses

Chacun a ses souvenirs de ce que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître, l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, le 10 mai 1981. Les miens n’ont pas grand intérêt.

Mais il y a une fleur symbole de cette période – la cérémonie au Panthéon, les roses déposées par le nouveau président sur les tombeaux de Jean Moulin, Jean Jaurès et Victor Schoelcher.

On sait le peu d’appétence de François Mitterrand pour la musique – il avait bien d’autres qualités, littéraires notamment !

Alors, pour illustrer cet anniversaire, je préfère un bouquet de roses…musicales !

Richard Strauss

Le sublime finale à trois, puis à deux voix, du Chevalier à la rose (Der Rosenkavalier), l’ouvrage lyrique le plus célèbre de Richard Strauss, sur un livret de Hugo von Hofmannsthal (1911) : les voix mêlées d’Elisabeth Schwarzopf (la Maréchale), Christa Ludwig (le Chevalier) et Teresa Stich Randall (Sophie), dans l’enregistrement légendaire de 1956, Herbert von Karajan dirigeant le Philharmonia.

Mais aussi ce bouquet de roses (Das Rosenband) :

Schumann : Rose, mer et soleil

Pour mes amis de Montpellier en particulier, cette mélodie au titre si évocateur de Robert Schumann :

Du même Schumann, un ouvrage aujourd’hui un peu oublié, qui faisait partie du répertoire de toute bonne chorale allemande : Der Rose Pilgerfahrt / Le pélerinage de la rose (1851) sur un livret bien sentimental du poète lui aussi oublié Moritz Horn.

La rose selon Schubert

Il eût été surprenant que la rose n’inspire pas le prolifique Schubert. Ce Heidenröslein (La petite rose des champs) est un incontournable de nombreux récitals.

Mignonne la rose

Quel écolier ne se rappellera pas le plus célèbre poème de Ronsard (1524-1585) « Mignonne allons voir si la rose« , ici mis en musique par Guillaume Costeley (1531-1606) ?

Berlioz/Gautier : Le spectre de la rose

Berlioz bien sûr, et ces poèmes de Théophile Gautier rassemblés dans le plus beau cycle de mélodies françaises, les Nuits d’été (1841)

Mais les esprits mal tournés ne manqueront pas d’y voir une allégorie de la situation actuelle du parti de la rose au poing…

Soulève ta paupière close
Qu’effleure un songe virginal;
Je suis le spectre d’une rose
Que tu portais hier au bal
Tu me pris, encore emperlée
Des pleurs d’argent, de l’arrosoir
Et parmi la fête étoilée
Tu me promenas tout le soir

O toi qui de ma mort fus cause
Sans que tu puisses le chasser
Toutes les nuits mon spectre rose
A ton chevet viendra danser
Mais ne crains rien, je ne réclame
Ni messe ni De profundis:
Ce léger parfum est mon âme
Et j’arrive du paradis

Mon destin fut digne d’envie:
Et pour avoir un sort si beau
Plus d’un aurait donné sa vie
Car sur ton sein j’ai mon tombeau
Et sur l’albâtre où je repose
Un poëte avec un baiser
Écrivit: Ci-git une rose
Que tous les rois vont jalouser

Sur le même ton mélancolique, cette magnifique chanson de Françoise Hardy :

Présence de Dusapin

Ce mardi s’ouvre à Paris, à la Maison de la Radio… et de la Musique, la 31ème édition du Festival Présences. Sans public mais devant les micros de France Musique.

Hommage à Claude Samuel

Le festival de musique contemporaine de Radio France rend hommage à son fondateur Claude Samuel (1931-2020) et ce n’est que justice. Je me rappelle avec émotion l’inauguration de l’édition 2015 de Présences que j’avais présidée comme directeur de la Musique de Radio France. J’avais tenu à y associer Claude Samuel, que j’avais laissé raconter, avec sa passion habituelle, les circonstances parfois compliquées de l’accouchement de ce festival. Sur son blog, Claude Samuel évoquera – en rajeunissant de dix ans le festival ! – ses impressions mitigées de la soirée inaugurale (Le festival Présences) avec un coup de patte comme il en avait le secret : « …quant aux événements, ils se déroulent dorénavant dans le nouvel Auditorium, notamment le concert d’ouverture auquel j’ai eu le plaisir d’assister en compagnie d’un public trop clairsemé et en l’absence de tout représentant officiel de la Ville de Paris… Pour  ceux qui se posent la question, j’ajouterai que la Ministre de la Culture n’était pas là non plus. Les beaux discours (l’innovation, la jeunesse, etc.) s’arrêtent aux portes de nos espaces musicaux… »

Ce 6 février 2015, le violoncelliste Gautier Capuçon créait le concerto que lui avait dédié le compositeur franco-argentin Esteban Benzecry.

(De gauche à droite Gautier Capuçon, Esteban Benzecry, JPR)

L’aventure Dusapin

C’est dans le cadre du festival Présences 1994 que j’ai entendu pour la première fois une oeuvre d’orchestre de Pascal Dusapin. Son deuxième « solo », Extenso, l’Orchestre national de France était dirigé par Charles Dutoit. Très forte impression. J’ignorais alors que, moins de dix ans plus tard, Pascal Dusapin deviendrait un compagnon d’aventure autant professionnelle qu’amicale.

(Pascal Dusapin, le 22 juin 2015, tout surpris sur la scène des Bouffes du Nord à Paris)

« Mais la soirée d’hier, il ne l’avait pas prévue : ses amis compositeurs, artistes, musiciens, son éditeur, la SACEM, s’étaient donné le mot en grand secret. Ce 22 juin, nous devions tous nous retrouver au théâtre des Bouffes du Nord et faire la surprise à Pascal.

C’est peu dire qu’il fut submergé par l’émotion, après avoir vu défiler compagnons et amis de longue date : Geoffrey Carey, Karen Vourc’h, Paul Meyer, Diego Tosi, François Girard, Christophe Manien, Vanessa Wagner, Juliette Hurel, Olivier Cadiot, FrançoisKubler, Armand Angster, Alain Planès, Nicolas Hodges, Georg Nigl, et last but non least, Lambert Wilson et la nouvelle Madame Dusapin à la ville, Florence Darel, dans un extrait de Fin de partie de Becket, et surtout le formidable Anssi Karttunen offrant sur son violoncelle 60 notes pour Pascal Dusapin, une « suite » commandée à une dizaine de compositeurs, dont la plupart étaient présents (Eric Tanguy, Alexandre Desplat, Kaja Saariaho, George Benjamin, Philippe Schoeller, Magnus Lindberg, Michael Jarrell, etc.).

Ce fut comme on aime, très peu officiel, surtout pas mondain, simplement amical. »

Les Solos de Liège

L’arrivée en 2006 de Pascal Rophé à la direction musicale de l’Orchestre philharmonique royal de Liège va accélérer et renforcer considérablement le lien avec Pascal Dusapin, jusqu’à aboutir à une aventure hors normes. En 2007, le compositeur assiste au Festival Présences – ce qui n’était pas dans ses habitudes de l’époque ! – parce que la phalange belge y joue son cinquième Solo d’orchestre, Exeo (créé en 2002).

« L’Orchestre Philharmonique de Liège qui avait ce soir le vent en poupe terminait la soirée avec l’œuvre de Pascal Dusapin, Exeo, « cinquième solo pour orchestre d’un cycle qui en comportera sept » : Une œuvre incandescente et visionnaire – elle est dédiée à son maître Xenakis – dans laquelle Dusapin, avec la pleine maîtrise de son écriture, traite la matière orchestrale par larges pans de couleurs vives à la Rothko dont l’intensité concentre la charge émotive. La force énergétique qui fuse de chaque pupitre instrumental engendre une dimension cosmique qui rappelle l’univers de son dernier opéra, Faustus, the last night et mesure l’envergure du propos.

Tenant les rênes de son orchestre avec une énergie et un enthousiasme communicatifs, Pascal Rophé, maître d’œuvre de la soirée, terminait le concert en apothéose, confirmant les qualités de l’orchestre de Liège et l’exigence de son travail dans un répertoire qui constitue son domaine d’élection ». (Michèle Tosi, Resmusica.com)

Enthousiasmé par l’interprétation et surtout l’engagement de l’orchestre et de son chef, il décide d’abord de dédier le septième « solo » en cours d’écriture – Uncut – à l’OPRL et à son chef. Et de fil en aiguille, de venues à Liège en rencontres à Paris, se fait jour l’idée complètement folle d’abord de donner en concert l’intégrale des sept solos pour orchestre, puis de l’enregistrer au disque.

(Après la création, à Liège et à Bruxelles, d’Uncut, septième et dernier « solo » pour orchestre, en février 2009)

Dans mon billet du 23 juin 2015 (à propos des 60 ans de Pascal Dusapin), je poursuivais :

« Voyant Michel Orier, aujourd’hui directeur général de la Création artistique au Ministère de la Culture, à l’époque directeur de la Maison de la Culture MC2 Grenoble, et Laurent Bayle, patron de la Philharmonie, alors directeur de la Cité de la Musique de Paris, je ne pouvais manquer de me rappeler le pari fou qu’ils avaient fait l’un et l’autre de proposer en concert l’intégrale des 7 Solos d’orchestrede Pascal Dusapin avec l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège et Pascal Rophé. C’était les 27 et 28 mars 2009 quelques semaines avant la sortie d’un double CD dont le compositeur avait été le directeur artistique aussi attentif qu’exigeant. »

Le 27 mars 2009 c’était à la Philharmonie de Paris, dans le cadre d’un imposant cycle consacré à Dusapin: le prédécesseur de Pascal Rophé, Louis Langrée, comme son successeur, François-Xavier Roth, étaient venus assister à l’événement : Domaine privé Pascal Dusapin (programme détaillé consultable ici)

Et le 28 mars c’était à la Maison de la Culture de Grenoble, un pari risqué mais réussi pour celui qui en était alors le très dynamique patron : Michel Orier est aujourd’hui, et depuis 2016, le directeur de la Musique et de la Création de Radio France. Quelque chose me dit qu’il n’est pas étranger au choix de l’invité de référence de Présences 2021 !

Tant de souvenirs

D’autres souvenirs évidemment remontent à la mémoire. Comme ce concert au festival Musica de Strasbourg, le 27 septembre 2008, où Extenso figurait dans un copieux programme. Souvenir doublement ému et douloureux : ce soir-là Pascal Rophé et l’OPRL créaient Vertigo, un concerto pour 2 pianos et orchestre, d’un jeune compositeur strasbourgeois, fabuleusement doué, Christophe Bertrand. Son suicide, à 29 ans, le 17 septembre 2010, nous laisserait anéantis.

En janvier 2015, le 27 exactement à la Philharmonie de Paris, création de Aufgang, un concerto pour violon dédié à et joué par Renaud Capuçon : ‘Lundi c’était la première française du Concerto pour violon de Pascal Dusapin… à la Philharmonie. Qui nierait au compositeur – bientôt sexagénaire sous son allure juvénile – une place singulière dans le paysage musical mondial ? Dusapin n’est pas consensuel, ni conforme, il met même quelque volupté à se distinguer des courants dominants. Et nul parmi les milliers d’auditeurs qui ont réservé une longue ovation à l’interprète (Renaud Capuçon) et au compositeur, et qui n’appartiennent pas, loin s’en faut, au public initié à la musique contemporaine, n’a douté une seconde d’avoir assisté ce soir-là à l’éclosion d’un chef-d’oeuvre.

Toujours en 2015, le 31 mars, à Bruxelles, la création de l’opéra Penthesilea. Le choc de la noirceur, de la gravité, de l’âpreté (lire la critique de Benoît Fauchet dans Diapason).

Le 26 janvier 2016, on se retrouverait à la Philharmonie de Paris pour l’hommage à une figure qu’on n’associe pas spontanément à Pascal Dusapin, Pierre Boulez, disparu trois semaines plus tôt

Et, parce que Pascal Dusapin vient souvent au concert, comme ici à la Seine musicale, en septembre 2017 pour le concert de l’Orchestre symphonique de Cincinnati dirigé par Louis Langrée.

(de gauche à droite Paul Meyer, Pascal Dusapin, Florence Darel, Jean Pierre Rousseau)

Rappelez-vous enfin, c’était le 11 novembre 2020, l’entrée au Panthéon de Maurice Genevoix, et ces quelques pages sublimes In Nomine lucis.

Les Belges sur France-Musique

Vive le podcast !

Dimanche dernier, l’ami Christian Merlin – lire. – consacrait son émission dominicale – Au coeur de l’orchestre – sur France Musique aux orchestres belges ! Et je l’ai manquée, mais on ne manque plus rien ni en radio ni en télévision grâce au podcast.

On peut donc entendre ou réentendre iciLes orchestres belges – la totalité de cette émission qui dresse un panorama aussi exhaustif qu’équilibré des formations orchestrales belges, mais on ne pourra m’empêcher de penser que, connaissant Christian Merlin, il a gardé le meilleur pour la fin. Il ne s’en cache d’ailleurs pas, et à partir d’ 1h36, il évoque l’Orchestre philharmonique royal de Liège (qui célèbre ses 60 ans cette année : Anniversaires public/privé).

Christian Merlin rappelle la glorieuse histoire d’une phalange, à laquelle je reste fier d’avoir consacré quinze ans de ma vie, de 1999 à 2014 – lire Liège à l’unanimité -, à laquelle me lient, pour toujours, tant de souvenirs, d’amitiés, d’émotions (Les beaux jours). Crise sanitaire oblige, j’aurai manqué, en cette triste année 2020, à la promesse que je m’étais faite de retourner, une à deux fois par an, rendre visite à mes amis liégeois, mais ce n’est que partie remise !

Pour illustrer son propos à propos de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, Christian Merlin propose deux extraits musicaux : l’étude symphonique n°2, Ophélie, de Guillaume Lekeu, dirigée par Pierre Bartholomée.

et le finale de la Symphonie en ré mineur de César Franck, dirigée par Louis Langrée.

Merlin rappelle qu’une Tribune des critiques de disques de France Musique, à laquelle il participait d’ailleurs, avait, à l’issue d’une écoute à l’aveugle, distingué cette version comme la nouvelle référence interprétative dans une discographie surabondante.

Une anecdote – il y a prescription ! – : j’ai évidemment suivi, de bout en bout, la conception, l’enregistrement et la fabrication de ce disque qui regroupe les symphonies de Chausson et Franck. Je me rappelle une visite dans les bureaux d’Universal France, juste derrière le Panthéon à Paris, pour valider la pochette du disque… et mon étonnement lorsqu’on me présente un visuel ainsi rédigé : Franck CHAUSSON : Symphonies. Le graphiste devait penser qu’après Frank Michael, une gloire belge de la chanson, Franck Chausson devait être la nouvelle star promue par Universal !! J’ai quand même dû insister un peu pour qu’on rétablisse une parfaite égalité graphique entre les deux compositeurs… et rappeler que Chausson se prénommait Ernest !

Pour être complet sur cette Symphonie de Franck, qui est l’emblème de l’OPRL, rappelons que la dernière version enregistrée en 2012 par Christian Arming a obtenu un Diapason d’or (lire L’or des Liégeois)

Et puisque Christian Merlin le cite dans son émission, mentionnons le Diapason d’or 2019 décerné à Jean-Luc Votano pour ce très beau disque, en particulier pour son superlatif concerto pour clarinette de Lindberg.

Bonne écoute : France Musique, Au coeur de l’Orchestre avec Christian Merlin : Les orchestres belges

Rentrée

J’aime ces soirs de rentrée, le premier concert d’une saison. Comme hier soir à la Maison de la Radio à Paris, autour de l’Orchestre National de France (à réécouter sur France Musique)

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Un an après ses débuts comme directeur musical de la phalange, deux mois après une mémorable soirée Gershwin au Festival Radio Francec’est évidemment Emmanuel Krivine (voir La fête de l’orchestre) qui officiait. Avec un soliste attendu – Bertrand Chamayou avait déjà joué le 5ème concerto de Saint-Saëns en juillet 2016 au Festival Radio France – 

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Mais un programme intéressant, des musiciens de haut vol, ne font pas, à eux seuls, une rentrée réussie. Il y faut cette effervescence particulière qui caractérisait nos rentrées à l’école, au lycée ou à l’université, le plaisir de retrouver des visages amis dans le public ou parmi les personnalités invitées, mais aussi d’en découvrir de nouveaux, d’observer habitués ou novices, d’assister à des rencontres insolites. Bref, tout sauf un truc mondain, où il faut se montrer…

Et la soirée d’hier ne manquait d’aucun de ces ingrédients.

djjst26waaavtbsCertes, la ministre de la Culture – présente l’an dernier (comme le montre cette photo prise en septembre 2017)- manquait, de même que Mathieu Gallet, l’ex-PDG de Radio France, remplacé, comme on le sait, par Sibyle Veil, qui s’est acquittée parfaitement de l’exercice ingrat du mot d’accueil au public et aux auditeurs.

36957947_2114791482093176_3005064303477784576_n(Le 11 juillet dernier, Sibyle Veil, en sa qualité de co-présidente du Festival Radio France, assistait au concert d’ouverture du Festival 2018).

Au moment d’entrer dans la salle, j’apercevais une silhouette qui me semblait familière, même si une barbe fournie me faisait hésiter.

A l’entracte je n’eus plus de doute, c’était bien Daniele Gattile prédécesseur d’Emmanuel Krivine à la direction de l’Orchestre National, que je n’avais plus revu depuis son concert d’adieu en 2016 (lire Bravo Maestro), qui se trouve pris dans le tourbillon d’une « affaire » qui l’a privé, sans procès, sans explication, de son poste à la tête du Concertgebouw d’Amsterdam

Face à moi, un homme visiblement éprouvé, mais aussi touché par les témoignages qui n’ont pas manqué de la part de ses anciens musiciens et de ses amis parisiens, à qui j’ai répété ce que j’avais écrit et dit, et qui lui avait été transmis (lire Stupéfaction). On aimerait que les accusateurs, les procureurs auto-proclamés sur les réseaux sociaux et dans les médias se trouvent confrontés à ceux qu’ils clouent au pilori… et mesurent les conséquences (in)humaines de leurs dénonciations (cf. le suicide de l’époux d’Anne-Sofie von Otter). Chaleureuse embrassade avec Daniele Gatti, qu’on souhaite ardemment revoir très vite à Paris…

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Une autre figure que je ne m’attendais pas à croiser à ce concert, l’ancienne ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, aujourd’hui retirée de la politique active, auteur d’un roman à clés très remarqué en cette rentrée littéraire, Les Idéaux :

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Une femme, un homme, une histoire d’amour et d’engagement.
Tout les oppose, leurs idées, leurs milieux, et pourtant ils sont unis par une conception semblable de la démocratie.
Au cœur de l’Assemblée, ces deux orgueilleux se retrouvent face aux mensonges, à la mainmise des intérêts privés, et au mépris des Princes à l’égard de ceux qu’ils sont censés représenter.
Leurs vies et leurs destins se croisent et se décroisent au fil des soubresauts du pays.
Lorsque le pouvoir devient l’ennemi de la politique, que peut l’amour ? 
(Présentation de l’éditeur).

L’agrégée de lettres classiques retrouve une langue et un style qu’on avait déjà admirés dans Les derniers jours de la classe ouvrière

Nous nous reverrons à Montpellier en octobre pour la 40ème édition de Cinémed, ce beau festival de cinéma tourné vers la Méditerranée, qu’Aurélie Filippetti préside depuis deux ans.

Moins inattendue, la présence du toujours fringant Ivan Levaidont l’épouse, Catherine, travaille à Radio France. Avec Ivan, c’est inévitablement – et pour mon plus grand bonheur – un livre ouvert de souvenirs, d’anecdotes, de témoignages de première main. Et je le crois, une amitié réciproque. À trois mètres de la présidente de Radio France – mariée à l’un de ses petits-fils – la conversation roula presque naturellement sur Simone Veil (lire La vie de Simoneet son mari Antoine, entrés au Panthéon le 1er juillet dernier, un couple étonnant dont le journaliste a été l’un des plus proches.

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Confidences très émouvantes sur les dernières années de Simone Veil…

La veille, mercredi après-midi, une autre circonstance m’avait conduit au 22ème étage de la tour de la Maison de la Radio, d’où l’on a l’une des plus belles vues sur Paris. Une sorte de pré-rentrée. La remise des insignes de chevalier des Arts et Lettres à François-Xavier Szymczak, aujourd’hui l’une des voix emblématiques de France MusiqueFrançois-Xavier tenait à ma présence à cette réunion plutôt intime, il se rappelait qu’un jour de 1996 – il avait 22 ans – je lui avais fait confiance pour travailler sur la chaîne (lire L’aventure France Musiqueet – ce que j’avais oublié – j’avais organisé ses interventions à l’antenne pour qu’elles soient compatibles avec ses obligations militaires ! .

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Je raconterai sûrement, en dévidant le fil de mes souvenirs (L’aventure France Musique : l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarettes), quand et comment François-Xavier Szymczak et ceux qui l’entouraient mercredi, Lionel Esparza, Laurent Valéro, Arnaud Merlin, et d’autres comme Anne-Charlotte Rémond, Anne Montaron, Bruno Letort, j’en oublie, ont rejoint l’équipe de France Musique