Bi…ou tricentenaire

L’autre Scarlatti

Je me rappellerai longtemps la folle aventure des 555 sonates de Scarlatti données au cours de l’été 2018 dans toute l’Occitanie dans le cadre du Festival Radio France.

Ce très précieux legs est disponible sur le site de France Musique en 185 épisodes !

Mais celui qu’on célèbre aujourd’hui n’est pas le fils, Domenico, mais le père Alessandro Scarlatti, mort il y a 300 ans, le 24 octobre 1725 à Naples. De nouveau on invite à se tourner vers France Musique pour découvrir et décrypter « l’énigmatique Alessandro Scarlatti » avec Clément Rochefort et Xavier Carrère.

Je veux saluer ici un coffret qu’on n’attendait pas vraiment, mais qui constitue une très belle introduction à l’oeuvre si profuse du père Scarlatti

Difficile de détailler ces 9 CD, mais on est en très bonne compagnie avec Gérard Lesne, Véronique Gens, il Seminario Musicale, Fabio Biondi, Nancy Argenta et bien d’autres du même acabit, nombre de cantates, de motets, les oratorios Il Sedecia re di Gerusalemme, La santissima Trinita, les concerts grossi, etc.

C’est sans doute l’enregistrement le plus ancien du coffret, mais je l’ai eu longtemps sur un CD en collection très économique, avec la merveilleuse Helen Donath et notre Maurice André national :

Chiche bicentenaire

On en reparlera abondamment le moment venu : le bicentenaire de la naissance de Johann Strauss, c’est dans quelques jours.

Vendredi et samedi dernier, l’Orchestre national de France annonçait un « Gala Johann Strauss ». Franchement chiche comme programme : une ouverture (du Baron Tzigane), une seule valse et quatre polkas, dont une de Josef le frère ! On peut réécouter ce concert sur France Musique et vérifier les éloges que j’ai faits du chef, Manfred Honeck et des musiciens du National, sur Bachtrack : L’hommage du National et Honeck à Strauss fils.

Je ne pense pas que Manfred Honeck le Viennois – il a été violoniste au Philharmonique de Vienne jusqu’en 1991 – ait beaucoup de concurrents pour diriger cette musique. Mais on préfère sans doute inviter le 1er janvier des chefs plus « people » pour le traditionnel concert du Nouvel an (Nézet-Séguin le 1er janvier 2026 fera-t-il mieux que le petit tour de Dudamel en 2017 ?) !

Comme je l’écris pour Bachtrack, Honeck fait plus d’une fois penser, dans sa gestique, à un grand aîné qu’il a eu tout loisir d’observer lorsqu’il jouait dans l’orchestre, Carlos Kleiber…

On recherchera les quelques disques de la famille Strauss qu’il a enregistrés avec Bamberg ou les Wiener Symphoniker

Dans mes prochaines brèves de blog je reviendrai sûrement sur l’épisode peu glorieux du « casse » du Louvre…

Tristes constats et Renaissance

J’ai, depuis quelques jours, l’humeur morose, à l’image du ciel pourri de ce début d’été. Ce n’est pas pourtant pas mon habitude, surtout à l’approche d’une échéance électorale qui devrait raviver mon goût pour la politique. J’ai commencé un texte, je n’en trouve pas l’issue, je ne sais pas si je l’achèverai avant le 30 juin.

Tristes constats

Quand une figure aussi reconnue du monde de la culture, Ariane Mnouchkine, fait un redoutable constat devant la montée inexorable de l’extrême droite :

« Je nous pense, en partie, responsables, nous, gens de gauche, nous, gens de culture. On a lâché le peuple, on n’a pas voulu écouter les peurs, les angoisses. Quand les gens disaient ce qu’ils voyaient, on leur disait qu’ils se trompaient, qu’ils ne voyaient pas ce qu’ils voyaient. Ce n’était qu’un sentiment trompeur, leur disait-on. Puis, comme ils insistaient, on leur a dit qu’ils étaient des imbéciles, puis, comme ils insistaient de plus belle, on les a traités de salauds ». Elle continue :  « pas certaine qu’une prise de parole collective des artistes soit utile ou productive », car « une partie de nos concitoyens en ont marre de nous : marre de notre impuissance, de nos peurs, de notre narcissisme, de notre sectarisme, de nos dénis ».

Une longue interview croisée dans Le Monde d’Eric Ruf, l’administrateur de la Comédie-Française, et de Tiago Rodriguez, le directeur du Festival d’Avignon, ne dit pas autre chose : « La culture n’a plus aucun poids dans le débat politique »

Je m’effare moi-même en relisant un billet écrit le 25 mars 2017 : L’Absente.

Ils sont partis avant nous

Nous restons sidérés par la disparition, si jeune, de Jodie Devos (voir Jodie dans les étoiles), pointant l’injustice d’une maladie, le cancer, qui l’a emportée en quelques mois.

(Le 15 juillet 2022 à Montpellier Jodie Devos chantait Ophélie dans Hamlet d’Ambroise Thomas avec le ténor John Osborn (Hamlet) et le chef Michael Schonwandt)

Elle n’est pas malheureusement pas la seule chanteuse à avoir subi le même sort. Il y a vingt ans, la soprano britannique Susan Chilcott mourait à tout juste 40 ans.

Qui a pu oublier la destinée tragique de la contralto Kathleen Ferrier, morte elle aussi à 40 ans ?

À chaque fois que je pleure une disparition, je me récite le sublime poème de Friedrich Rückert que Mahler a mis en musique dans ses Kindertotenlieder, et j’écoute Kathleen Ferrier…

Oft denk' ich, sie sind nur ausgegangen,
Bald werden sie wieder nach Hause gelangen,
Der Tag ist schön, o sei nicht bang,
Sie machen nur einen weiten Gang.

Ja wohl, sie sind nur ausgegangen,
Und werden jetzt nach Haus gelangen,
O, sei nicht bang, der Tag ist schön,
Sie machen den Gang zu jenen Höh'n.

Sie sind uns nur voraus gegangen,
Und werden nicht hier nach Haus verlangen,
Wir holen sie ein auf jenen Höh'n
Im Sonnenschein, der Tag is schön

Souvent je pense qu’ils sont seulement partis se promener,
Bientôt ils seront de retour à la maison.
C’est une belle journée, Ô n’aie pas peur,
Ils ne font qu’une longue promenade.

Mais oui, ils sont seulement partis se promener,
Et ils vont maintenant rentrer à la maison.
Ô, n’aie pas peur, c’est une belle journée,
Ils sont seulement partis se promener vers ces hauteurs.

Ils sont seulement partis avant nous,
Et ne demanderont plus à rentrer à la maison,
Nous les retrouverons sur ces hauteurs,
Dans la lumière du soleil, la journée est belle sur ces sommets.

Eric Tappy

La disparition le 11 juin dernier du magnifique ténor suisse Eric Tappy (1931-2024) a été éclipsée par celle de Jodie Devos. Diapason lui rend l’hommage qui lui est dû. Je l’avais moi-même évoqué lors de la disparition de Rachel Yakar (lire Rachel et Zémire).

Les voici l’une et l’autre dans un extrait d’un Couronnement de Poppée mythique, dirigé par Nikolaus Harnoncourt.

Renaissance

Voulant échapper à ces tristes torpeurs, j’ai profité de la visite d’un ami étranger à Paris, pour visiter – c’était le dernier jour ! – une magnifique exposition L’invention de la Renaissance à la Bibliothèque Nationale de France dans ses locaux historiques de la rue de Richelieu.

La grande salle ovale de lecture était comble ce dimanche matin : des bacheliers qui préparaient l’épreuve de philo ?

La galerie Mazarin

(Copie du portrait de Pétrarque peint par Andrea del Castagno au musée des Offices à Florence)

(Copie du portrait de Virgile conservé au Musée du Louvre)

Le nombre et la beauté des livres et des manuscrits exposés fait regretter que cette exposition ne dure pas plus longtemps. On a surtout envie de lire et relire les grandes figures de la Renaissance, en premier lieu Pétrarque.

La Commedia, Dante Alighieri (1481)

Triomphes de Pétrarque (1503)

Apollon et Daphnis, Pérugin (1490)

L’effet de printemps : Ravel, Fauré, Marriner, Haydn etc.

Quand le blogueur ne se sent pas de traiter un sujet en particulier, il fait un panier fourre-tout de ce qui l’a touché, de ce qu’il va lire, écouter, de préférence sous un titre en forme de mauvais jeu de mots (cf. Faits d’hiver).

Eliminons d’emblée une actualité qui produit toujours les mêmes effets de meute (lire La dictature de l’émotion) : j’ai rencontré quelques fois dans ma vie professionnelle Frédéric Mitterrand, il m’est arrivé de le lire, de le regarder à la télévision, j’ai aimé son film sur Madame Butterfly, mais comme tout été dit, et maintenant le contraire de tout, à son sujet, je ne me suis pas cru obligé de proclamer mon hommage sur les réseaux sociaux, où l’odieux le dispute à l’excès dans l’admiration comme dans la détestation.

Encore un effort pour M. Haydn

Mercredi soir, j’assistais à un concert de l’Orchestre de chambre de Paris, dont j’ai rendu compte sur Bachtrack (voir Le génie de Haydn).

J’y ai entendu une 80e symphonie de Haydn de toute beauté, un orchestre dans une forme olympique et me suis une fois de plus interrogé sur les raisons de l’absence du plus grand symphoniste de l’histoire des programmes de concert. La dernière fois que j’avais entendu du Haydn en concert, c’était au Louvre, avec et grâce à Julien Chauvin et son Concert de la Loge, lui aussi en forme olympique !

Comme si Haydn était trop difficile, trop exigeant, pour les orchestres comme pour les chefs…

Après avoir donné les Variations Rococo de Tchaikovski, Nicolas Altstaedt a eu l’excellente idée de donner en bis – il aurait dû l’annoncer au public ! – ce faux concerto pour violoncelle qu’est l’adagio cantabile de la 13e symphonie de Haydn.

Vivement que le nouveau chef de l’Orchestre de chambre de Paris nous donne, à tout le moins, les Symphonies parisiennes : il a l’orchestre idéal pour cela !

Le Boléro d’Anne Fontaine

J’ai profité de la relative grisaille de dimanche dernier pour aller enfin voir « le » film du moment, le Boléro d’Anne Fontaine.

En dehors du papier ‘d’Ivan Alexandre dans le dernier Diapason, je n’avais lu aucune critique du film. J’en suis ressorti ni emballé ni déçu (et pourtant je ne suis pas normand !). Dans ce genre de film sur, autour de la musique, il y a presque systématiquement des erreurs que le musicien ou le mélomane averti repère immédiatement. Rien de tel ici, et c’est un point très positif : quand Ravel/Raphaël Personnaz pose ses mains sur un clavier, même si on sait qu’il est doublé, il fait illusion. Quand le même dirige un orchestre, il ne paraît pas emprunté dans sa gestique. Quant à l’incarnation des différents rôles, Raphaël Personnaz est presque à contre-emploi, dans la froideur, la timidité figées que la réalisatrice lui a demandé de composer, Dora Tillier fait une Misia Sert plutôt conforme à l’image qu’on a d’elle, Jeanne Balibar n’a aucun mal à caricaturer une Ida Rubinstein sur le retour – exigeante commanditaire d’un Boléro que Ravel a bien du mal à accoucher. Quant à Emmanuelle Devos, elle fait oublier l’ingratitude des traits de Marguerite Long !

Le film d’Anne Fontaine vaut aussi beaucoup par le fait qu’il a été en grande partie tourné dans la maison de Ravel à Montfort-l’Amaury, maison toujours difficile d’accès, puisque son exiguïté ne permet pas de l’ouvrir à la visite, sauf sur réservation à l’avance, et par tout petits groupes !

Centenaires

En dressant la liste, en début d’année, des anniversaires que 2024 allait permettre de célébrer, j’avais évoqué Gabriel Fauré, mort le 4 novembre 1924, mais oublié le chef anglais Neville Marriner, né lui il y a cent ans, le 15 avril 1924.

Je viens de recevoir deux coffrets, commandés il y a plusieurs semaines. Je vais mettre à profit quelques jours de vacances pour les découvrir (Fauré) ou les redécouvrir (Marriner).

C’est Lucas Debargue qui a voulu, conçu cette intégrale du piano de Fauré, et qui a lui-même rédigé le texte de présentation. Le peu que j’ai entendu me rend impatient d’écouter la suite.

Même en anglais, Lucas Debargue est tout à fait convaincant !

Dans le cas de Neville Marriner, on a affaire à un recordman du disque pour plusieurs grands labels (Philips, Argo/Decca, EMI). Ce coffret rassemble 80 CD (!) réalisés pour la plupart à partir des années 80 pour EMI. On y reviendra bien sûr pour détailler toutes les pépites de ce coffret, et du même coup restituer au chef anglais sa vraie place dans l’histoire de l’interprétation au XXe siècle.

Parmi les surprises de ce coffret, un disque dédié à Manuel de FallaLe Tricorne et les Nuits dans les jardins d’Espagne avec Tzimon Barto au piano !), qu’on trouvera peut-être trop élégant, pas assez rugueux !

Soleils d’hiver au musée

Retour au Louvre

Aller au musée du Louvre, juste pour le plaisir, sans projet préconçu, ni pour un vernissage, ni pour un concert, cela ne m’était pas arrivé depuis des lustres.

Je me suis mis dans la peau d’un touriste, réservant mon billet et mon horaire à l’avance, un jour de semaine ordinaire. J’ai commencé par des salles que je sais moins fréquentées que d’autres, et puis j’ai suivi le parcours obligé : la Joconde, la Victoire de Samothrace, et puis les autres devant lesquels la foule qui se prenait en selfie devant la Joconde, passait indifférente…

Les mêmes qui se pressent devant la Joconde ignorent superbement ces deux autres célèbres toiles de Leonard de Vinci ou de son atelier: La belle ferronnière et un Saint Jean-Baptiste (attribué à Francesco Melzi) devenu Bacchus !

Le même Jean-Baptiste, au désert cette fois, dû à Raphaël, est à quelques mètres :

Quand la sculpture exalte le corps : ci-dessus à gauche Psyché ranimée par le baiser de l’Amour d’Antonio Canova, à droite le Mercure volant de Jean de Bologne.

Ci-dessous à gauche L’esclave rebelle de Michel-Ange, à droite le sublime Gladiateur Borghese chef d’oeuvre de l’Antiquité grecque.

Quant à La Victoire de Samothrace, elle est de nouveau installée dans toute sa splendeur, après une complète restauration entre 2013 et 2015.

Les soleils de Marmottan

Il y a dans Paris quantité de musées, modestes par la taille (en comparaison du Louvre ou d’Orsay !), mais tellement riches et attachants. Du temps où je travaillais dans la Maison ronde, j’aimais m’arrêter au Musée Marmottan Monet, tout près des portes de La Muette ou de Passy.

En ce moment une exposition particulièrement bienvenue à cette période de l’année : Face au soleil, un astre dans les arts.

On est accueilli, cueilli devrais-je dire, par cet éblouissant Le soleil inonde ma toile (1966) de Gérard Fromanger (1939-2021)

On aperçoit vite la toile sans doute la plus célèbre de Monet Impression, Soleil levant, la plus célèbre de la collection permanente du musée Marmottan (on y reviendra) aussi.

Claude Monet, Impression Soleil levant, 1874

L’exposition n’est pas immense, mais ne propose que des chefs-d’oeuvre. Petite sélection :

Deux Caspar David Friedrich (1774-1840) à gauche La croix dans les bois (1812), à droite Le matin de Pâques (1828).

Ci-dessous, à gauche André Derain (1880-1954) Big Ben, Londres, à droite Paul Signac (1865-1956) Le port au soleil couchant (Saint-Tropez)

Ci-dessus à gauche Charles-Marie Dulac (1866-1898) Soleil levant à Assise (1897), à droite Maurice Denis (1870-1945) Saint-François d’Assise recevant les stigmates (1904)

C-dessous à gauche Otto Dix (1891-1969) Soleil levant (1913), à droite Gérard Fromanger Impression, Soleil levant 2019

Collection permanente

C’est aussi pour Monet qu’on vient et revient au musée Marmottan qui raconte ainsi l’origine de la présence d’une aussi importante collection de toiles du peintre de Giverny (lire Un dimanche d’automne à Giverny) :

En 1966, un événement majeur marque la vie des collections. Le musée devient le légataire universel de Claude Monet par l’intermédiaire de son fils, Michel. Il hérite ainsi de la maison de Giverny et des œuvres restées dans la famille. Plus de cent peintures retraçant la carrière du chef de file de l’impressionnisme intègrent le musée. Outre les chefs-d’œuvre de jeunesse et de la maturité (Le Train dans la neige. La locomotive ; En promenade près d’Argenteuil ; Le Pont de l’Europe, gare Saint-Lazare ; Londres, le Parlement, reflets sur la Tamise…), l’ensemble se distingue par des tableaux monumentaux représentant les Nymphéas et le jardin de Giverny. Ces œuvres inédites du vivant de l’artiste sont présentées au public pour la première fois à leur arrivée au musée. Seul lieu à conserver les ultimes Pont japonais et Maison vue de l’allée aux roses, le musée Marmottan Monet offre par le nombre et la rareté de ses toiles une visite sans équivalent du premier fonds mondial d’œuvres de l’artiste (Source : Musée Marmottan Monet)

Claude Monet, Nymphéas, 1919

Mais l’ancien hôtel particulier de Paul Marmottan vaut aussi pour le mobilier, les objets d’art rassemblés par ce passionné du Premier Empire, le premier fonds mondial de l’oeuvre de Berthe Morisot, et la vingtaine d’épées d’académiciens exposées ici depuis 2018 à la demande du directeur du musée depuis 2013, l’ex-PDG de France Télévisions Patrick de Carolis.

Louis Gauffier, Vue de l’Arno (1799)
Gustave Caillebotte : Rue de Paris Temps de pluie, 1877
Camille Pissarro Les boulevards extérieurs Effet de neige 1879

Parmi la vingtaine exposée ici, trois toiles de la première femme impressionniste Berthe Morisot (1841-1895)

Italie 2020 (VI) : Urbino, Raphaël, Castiglione

Joseph Macé-Scaron – une amitié de plus de 40 ans ! – écrivait, il y a quelques heures, sur Facebook :

« Il y a toujours dans l’Histoire, des lieux protégés.
Ce fut le cas du duché d’Urbino, ce confetti de principauté, joyau de la Renaissance qui fut l’Athènes de l’Italie.
Le grand Bélisaire a conquis la ville, Montaigne l’a visitée…
Elle est la capitale secrète de la péninsule, bien davantage que Sienne, Rome, Florence etc. Et puis, c’est à Urbino que Castiglione, plus utile à lire que Machiavel (là aussi travers français), nous dit ce que doit être un gentilhomme »

Et d’apostropher les intellectuels français, Debray, Sollers, qui ne jurent que par Naples ou Venise !

urbino--696x249

Je n’ai passé que quelques heures à Urbino, sur le chemin de Pesaro (lire Rossini à PesaroAssez pour ressentir cette intense impression d’être dans une cité – modeste par la taille – où tous les murs, les palais, les églises disent l’intelligence, la science, l’art qui les ont vu éclore.

On confirme les termes de Montaigne – dans son Journal de voyage en Italie (1581) – qu’  Urbin est.sur le haut d’une montagne de moyenne hauteur, mais se couchant de toutes parts selon les pentes du lieu, de façon qu’elle n’a rien d’égal, et partout il y a à monter et à descendre.

IMG_2189

IMG_2208

IMG_2192L’arrivée au pied du monumental Palazzo Ducale, l’ascension par une scala en pente douce pour déboucher sur la place principale, constituent une expérience fascinante pour le visiteur.

IMG_2191

IMG_2190

IMG_2194

Malheureusement, le jour de notre visite, cathédrale et palais ducal étaient fermés pour cause de fêtes traditionnelles dans la ville. 

IMG_2199

 

 

IMG_2207

IMG_2193

IMG_2197

IMG_2204

IMG_2201

IMG_2195

IMG_2198

IMG_2206

IMG_2203

IMG_2205

Raphaël

Quand on visite Urbino, le nom qui vient en premier à l’esprit est celui du peintre Raphaël, né le 6 avril 1483 à Urbino, mort le 6 avril 1520 à Rome, Raffaele da UrbinoOn se console de n’avoir pu visiter le musée du palais ducal, l’essentiel des oeuvres de Raphaël ayant été dispersées dans les grands musées du monde.

On se rappelle notamment le choc et les longues minutes passées à Dresde (voir Les musées de Dresdedevant la Madone Sixtineet les deux angelots les plus célèbres du monde.

RAFAEL_-_Madonna_Sixtina_(Gemäldegalerie_Alter_Meister,_Dresden,_1513-14._Óleo_sobre_lienzo,_265_x_196_cm)

Piero della Francesca

En revanche, la fermeture du musée nous a privés de quelques-unes des toiles célèbres de celui qui a travaillé plus de quatre ans au service du maître d’Urbino, Federico III da Montefeltro, seigneur de la cité de 1444 à 1482, grand protecteur des arts, des lettres et de la science. Piero della Francesca (lire Les fresques de Pieroréalise un double portrait fameux du seigneur et de son épouse Battista Sforza, visible au musée des Offices à Florence.

1024px-Piero_della_Francesca_044Deux toiles du maître d’Arezzo sont conservées à Urbino, dont cette exceptionnelle Flagellation du Christ qui révèle une maîtrise absolue de la perspective et de la complexité géométrique de la part de son auteur.

1024px-Piero_della_Francesca_042

Le Livre du courtisan

Au début du XVIème siècle, Baldassare Castiglione (1478-1529) fréquente la cour d’Urbino, la plus brillante et raffinée d’Europe. 

800px-Baldassare_Castiglione,_by_Raffaello_Sanzio,_from_C2RMF_retouched(Le portrait de Castiglione réalisé en 1519 par Raphaël – Musée du Louvre)

C’est très certainement à partir des joutes intellectuelles, des « discussions » entre les habitués et les visiteurs de la cour d’Urbino, que Castiglione va concevoir son Livre du courtisan, qui, dès sa parution en 1528, et sa traduction en français en 1537, est un bestseller dans toute l’Europe !

Le Livre du courtisan n’est pas un livre théorique. C’est une conversation pleine d’esprit, de grâce et de désinvolture (les trois plus grandes qualités de l’homme de cour selon Castiglione), de poésie aussi, qu’échangent des amis dans le cadre de la cour du palais ducal d’Urbino, une des plus raffinées d’Italie à l’aube du XVIe siècle. Pendant quatre soirées, on danse, on écoute de la musique, on plaisante, et surtout on discute des « manières », bonnes ou mauvaises, des princes, dont il faut attirer les faveurs, des femmes, de l’amour.

61a-BCPqyLL

Une semaine après

IMG_3266(Mark Rothko, No.16, 1960, Metropolitan Museum)

Impossible de poursuive le récit de mon séjour à New York (New York today), l’actualité mortuaire de ces derniers jours ayant tout balayé…Reprenons.

Il y a tout juste une semaine, après avoir traversé Central Park sous un timide soleil d’hiver, je retrouvais l’atmosphère si particulière de cet immense vaisseau qu’est le Metropolitan Museum of Art.

IMG_3176

IMG_3182

IMG_3189

IMG_3186

IMG_3184

IMG_3196

Inenvisageable de tout voir, se concentrer sur certaines salles, et les expositions temporaires. Et puis c’est agréable un musée où l’on peut tout photographier, sans crainte de se voir opposer un règlement obsolète (comme en Europe) !

IMG_3246(Van Gogh, l’Arlésienne)

IMG_3224(Picasso, Arlequin assis)

Une sélection en photos des chefs-d’oeuvre du Met à voir ici : New York, les trésors du Met (I)

Je l’avais manquée au Centre Pompidou, j’ai pu voir la magnifique rétrospective David Hockney

IMG_3293

IMG_3292 2

Compte-rendu dans un prochain billet.

Photos : lemondenimages.wordpress.com

Ratages officiels

J’évoquais hier (Quelle histoire ! le courageux pied-de-nez que Chostakovitch avait fait à Staline au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. On attendait de l’auteur des monumentales et dramatiques 7ème (1941) et 8ème (1943) symphonies une oeuvre en forme de célébration grandiose de la victoire de l’Armée rouge sur l’Allemagne nazie. Et on a eu tout le contraire, une symphonie presque modeste, ironique, malgré un poignant mouvement lent.

Pourtant Chostakovitch comme bien d’autres compositeurs a commis des oeuvres « de circonstance » qui sont le plus souvent très en deçà du génie de leurs auteurs. Le fait qu’elles soient souvent jouées ne corrige pas leur banalité.

Petite revue non exhaustive de quelques-uns de ces ratages :

L’Ouverture de fête op.96 de Chostakovitch, qui reçoit en 1954 la distinction d’Artiste du Peuple de l’URSS. Plus creux et ronflant que ça… difficile, et pourtant si souvent enregistré !

Toujours chez les Russes, autre « tube » irrésistible des concerts de plein air, l’Ouverture 1812 de TchaikovskiLe compositeur lui-même avouait : « L’ouverture sera très explosive et tapageuse. Je l’ai écrite sans beaucoup d’amour, de sorte qu’elle n’aura probablement pas grande valeur artistique. »

Très souvent jouée dans sa seule version orchestrale, avec canons de pacotille, je dois reconnaître que cette Ouverture a une tout autre allure dans sa version primitive avec choeurs :

Pas grand chose à sauver en revanche dans cette pièce bruyante et creuse écrite pour le couronnement du tsar Alexandre III.

Du côté de Richard Strauss, le Festliches Praeludium composé en 1913 pour l’inauguration du Konzerthaus de Vienne sonne sacrément indigeste :

IMG_7801

Il arrive, en revanche, qu’une oeuvre de circonstance libère le compositeur du carcan dans lequel il pourrait se trouver enfermé. Quand Johannes Brahms est fait docteur honoris causa de l’université de Breslaul’actuelle Wroclaw, on lui fait comprendre qu’une oeuvre de sa main serait bienvenue : ce sera son Ouverture pour une fête académiqueRien d’académique justement, ni de chantourné ou de guindé dans cette joyeuse collection de chansons estudiantines.

Juste pour s’amuser au jeu du « qui a copié qui ? », cette ouverture vraiment très peu connue de Suppé, Flotte BurscheAprès avoir écouté l’ouverture académique de Brahms, écoutez celle-ci à partir de 3’15″…. comme un air de parenté évidemment puisque Suppé cite aussi Gaudeamus igiturcet hymne des étudiants.

Pour en revenir aux musiques « officielles », et en particulier aux hymnes nationaux, les réussites sont très inégalement réparties.

Il n’a échappé à personne qu’Emmanuel Macron avait choisi dimanche soir d’apparaître devant la pyramide du Louvre sur fond d’hymne européen.

Ce que peu savent, c’est que cet extrait célébrissime de la 9ème symphonie de Beethoven a été arrangé, à la demande du Conseil européen, par un chef d’orchestre – Herbert von Karajan – dont les compromissions avec le régime nazi n’étaient un mystère pour personne…

71+japjsFDL._SL1395_

Pas de commentaire sur La Marseillaisesauf le frisson qui me parcourt à chaque fois que je l’entends.

Il y a de quoi faire tout un billet sur les hymnes nationaux et leurs sources d’inspiration. Pour mes amis belges par exemple, savent-ils que leur Brabançonne est citée par Debussy dans sa Berceuse héroïque, écrite en 1914 « pour rendre hommage à S.M. le Roi Albert Ier de Belgique et à ses soldats » ?

 

Patrimoine de l’humanité

Les photos qui suivent sont des photos volées, ou plus exactement faites en cachette. En contravention avec des règles ridicules. C’était au musée du Belvédère à Vienne, vendredi dernier. S’y trouvent exposés quelques-uns des chefs-d’oeuvre que la capitale autrichienne héberge dans ses grands musées publics, notamment la fameuse série des KlimtMais le fameux portrait d’Adele Bloch-Bauer, qu’on avait vu ici en 2005, n’y figure plus, puisqu’il a été restitué à la descendante du modèle.

800px-gustav_klimt_046

Je me réjouissais donc de revoir, outre une exposition temporaire d’intérêt limité, les belles salles du palais du Belvédère, et des toiles qu’on ne se lasse jamais d’admirer, et même d’y découvrir un vaste panneau, le grand oeuvre de Max Oppenheimer, Die Philharmoniker, représentant les Wiener Philharmoniker et Gustav Mahler, le testament du peintre exilé à New York.

img_7730-2

Ai-je abîmé ce tableau en le photographiant avec mon smartphone ? Non évidemment, pas plus que tous les visiteurs du Louvre, d’Orsay, des musées parisiens qui ne doivent plus subir des règles antédiluviennes… depuis que la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, s’en était affranchie en mars 2015 (lire L’instagram de Fleur Pellerin). 

Les musées publics sont les dépositaires des chefs-d’oeuvre de l’humanité, auxquels d’ailleurs tout un chacun a accès par internet. En vertu de quel raisonnement le visiteur, qui paie son ticket d’entrée (cher, très cher en Autriche), devrait-il avoir moins de droits que l’internaute installé dans son canapé, et être privé du plaisir de prolonger l’émotion ressentie devant un tableau ou une sculpture ? Une exposition temporaire peut-être et encore… Une galerie privée, pourquoi pas.

La Fondation Vuitton montre le bon exemple avec un droit d’entrée de 10 € prix fort et le libre accès photographique à toute la collection Chtchoukine !

Les jeunes gardiens du musée du Belvédère avaient beau répéter que la règle était ce qu’elle était, ils étaient bien conscients de son obsolescence.

img_7726(Josef Capek, mort à Bergen Belsen en 1945 / La Forêt, 1912)

img_7728(Vlaminck, Les Oliviers 1905)

img_7731(Josef Floch, Autoportrait 1922)

img_7733(Emil Nolde, Joseph racontant son rêve, 1910)

img_7738(Ferdinand Hodler, Emotion, 1900)

img_7747-2(Van Gogh, La plaine d’Auvers, 1890)

0x7251ac2279f62050c455819aa273a2f8(Klimt, Judith, 1901)

8860(Josef Danhauser, Wein, Weib und Gesang, 1839)

Une toile qui a inspiré le roi de la valse ?

https://www.youtube.com/watch?v=6JcC8CUlNtM

img_7808(photos à voir : Vienne en musique)

Nostalgie

Un brin de nostalgie, c’était le thème de la dernière séance, pour cette saison, de Music Factory, une série de concerts commentés – nouvelle formule, nouveau format – que j’avais lancée à Liège en 2013 (Music Factory). J’avais décidé au dernier moment un bref séjour dans la Cité ardente, pour honorer une promesse faite à des amis d’y revenir avant l’été, de découvrir le nouveau musée inauguré début mai, alors que j’étais en voyage en Inde, et peut-être pour vérifier que cette formule avait toujours autant de succès. Vérification aisée, tant la relation si particulière que Fayçal Karoui a nouée avec les musiciens et le public fonctionne admirablement.

La perche était tendue aux visages amis, aux membres de mon ancienne équipe : n’étais-je pas mû par la nostalgie de mes années liégeoises, de l’orchestre, de la Salle philharmonique ? Au restaurant, dans l’hôtel où j’avais réservé une chambre, partout la même question : regrettais-je Liège, les amis, les relations que j’y avais ? Et moi de répondre que la nostalgie m’est étrangère. Je ne reviens jamais sur le passé, je ne le regrette ni ne l’idéalise, je ne sais pas ce qu’est le bon vieux temps. Certes j’adore les musiques nostalgiques, la saudade, j’aime me trouver parfois dans ce sentiment de « tristesse qui fait du bien ». Mais si, comme le rappelait hier Fayçal, la nostalgie est le regret du pays natal – la formule est de Châteaubriand – alors je suis incapable de nostalgie. Les souvenirs oui, la fidélité oui, à des personnes, à des lieux, mais sans la nuance de regret ou de tristesse qui fonde la nostalgie. J’ai sans doute une propension à tourner la page, à regarder devant, sans me complaire dans le passé, qui me nourrit et m’enrichit sans me lester.

C’est un tout autre sentiment que la nostalgie qui m’anime lorsque je parle avec mon successeur à la direction de l’orchestre de Liège, ou lorsque je vois les transformations de la ville de Liège depuis seize ans, ou lorsque je visite à mon tour le bâtiment construit pour l’Exposition universelle de 1905 dans le parc de la Boverie, une petit île sur la Meuse, et entièrement rénové, remanié. De la fierté sans doute d’avoir un peu contribué à ces évolutions, d’avoir servi des hommes et des entreprises, une certaine idée de la Culture et du public. Ni plus ni moins.

IMG_3348

(La Belle Liégeoise, l’élégante passerelle qui relie le quai de Rome à La Boverie)

IMG_3352IMG_3376IMG_3350IMG_3377IMG_3359

IMG_3354IMG_3367IMG_3375(Les collections liégeoises n’ont rien à envier à celles de musées plus prestigieux, au hasard cet hommage de Valerio Adami à Pablo Casals).

Liège était déjà très richement dotée sur le plan culturel, la transformation de l’ancien MAMAC (Musée d’art moderne et d’art contemporain) en La Boverie, en partenariat avec Le Louvre, est une nouvelle réussite (La Boverie).

D’autres images à voir : La renaissance

Sonate d’automne

Les records de température semblent avoir été battus pour cette Toussaint 2014. Pourtant les souvenirs de beaux jours ne sont pas si rares dans ma mémoire : en 1997, quatre jours à Venise et le jour de la Toussaint, sous le soleil, la visite du cimetière de San Michele et les tombes des Stravinsky et de Diaghilev.

IMG_2957 tombe_diaghilev

Hier Paris était en beauté sous la douceur du soleil d’automne.

IMG_1404 L’hôtel de Soubise, dans le Marais, siège des Archives NationalesIMG_1405

La Seine près de Notre DameIMG_1406

Un petit coin de Paris, rue de BuciIMG_1407 IMG_1408 IMG_1409

La place Fürstemberg, à Saint-Germain-des-PrésIMG_1411 IMG_1412 IMG_1414

L’église Saint-Germain-des-PrésIMG_1415

Un célèbre café où rodent encore les ombres de Sartre, Beauvoir ou Sapritch !

IMG_1417

Un grand magasin qui porte mal son nomIMG_1418

La rue du Cherche-Midi

IMG_1419 IMG_1423

La fontaine et l’église Saint-SulpiceIMG_1425 IMG_1428

L’Académie Française, quai de ContiIMG_1429 IMG_1431 IMG_1433

Le Louvre, la Seine, le Vert-Galant, le Pont NeufIMG_1434 IMG_1435 IMG_1436 IMG_1437

Saint-Germain-l’AuxerroisIMG_1438

 

Cette Toussaint s’achevait au théâtre des Champs-Elysées par le triomphe d’une Cecilia Bartoli toujours généreuse envers un public conquis d’avance, même lorsque le propos musical est parfois un peu mince. Conforme à ce que nous aimons d’elle et de son art depuis 25 ans.