Les amis de Martha

Ça me fait le coup à chaque fois que j’entends Martha Argerich en concert, j’ai besoin de me replonger dans sa discographie, d’y redécouvrir des pépites.

C’était dimanche soir à la Philharmonie, à un horaire inhabituel (19h30 au lieu de 20h), un concert de l’orchestre philharmonique de Rotterdam dirigé par Lahav Shani, un concert que de bien tristes sires entendaient interdire (lire Le piano de la haine), comme ils avaient tenté de le faire le 6 novembre dernier.

Interdire Martha Argerich ? Il faut oser..

Martha et Schumann

Heureusement aucun incident n’a perturbé un concert, certes un peu écourté. Lire mon papier sur Bachtrack : Argerich et Rotterdam brefs mais intenses à la Philharmonie

Qui se serait plaint – pas moi en tout cas – d’entendre la pianiste – 84 ans ! – à nouveau dans le concerto de Schumann, où on l’avait entendue ici même il y a 18 mois (Martha Argerich réinvente le concerto de Schumann) ? Qui n’aurait pas fondu de bonheur à l’écoute de ce bis extrait des Scènes d’enfants ?

Von fremden Ländern und Menschen (extrait des Kinderszenen) de Schumann / 30.11.2025 @JPR

Le miracle Argerich, c’est, dans cette oeuvre dont elle détient tous les secrets depuis des années, de renouveler toujours notre écoute, notre voyage chez Schumann. Je note au passage que le concerto a été créé il y a 180 ans, le 4 décembre 1845 à Dresde !

Entre les disques de studio et les « live » il ne doit pas y avoir moins d’une dizaine de versions dues à Martha Argerich, la moins recommandable de mon point de vue étant celle que dirige Harnoncourt, coincée, guindée, raide, là où tout doit être souplesse et atmosphères changeantes.

Sur YouTube j’ai trouvé plusieurs versions, dont celle récente captée à Vienne avec Zubin Mehta

et une autre qui date de 1976 avec un chef qu’aimait beaucoup Martha Argerich, Bernhard Klee disparu le 10 octobre dernier.

La comparaison entre les diverses versions n’a guère de sens, tant la pianiste réinvente l’oeuvre et se réinvente à chaque concert.

Les amis de Martha

Entre les coffrets Deutsche Grammophon, Warner, Sony « officiels » et les éditions des « live » de Lugano et Hambourg, on mesure d’une part les permanences d’autre part les audaces du répertoire de la pianiste argentine, mais surtout les amitiés qu’elle a tissées au fil des ans et des rendez-vous festivaliers. On a toujours vu tourner autour d’elle quantité de gens, souvent jeunes, qui entendaient profiter de son aura : il y a eu beaucoup d’appelés et peu d’élus, mais ceux qui sont restés dans le premier cercle, et dont on retrouve d’éloquents témoignages dans ces coffrets, sont aussi admirables que talentueux.

Je retrouve d’abord avec une particulière émotion les quelques enregistrements de notre cher Nicholas Angelich

Avec mon très cher Tedi Papavrami, c’est une complicité plus récente, mais d’autant plus ardente qui se manifeste depuis quelques années avec Martha A.

Juillet 2022 : Tedi Papavrami faisait partie du jury du concours Eurovision des Jeunes Musiciens

En 2019 à Hambourg, le violoniste et la pianiste avaient donné la sonate « à Kreutzer » de Beethoven, en 2023 ils la redonnaient dans le cadre du festival suisse des Variations musicales de Tannay dont Tedi Papavrami est l’inspirateur autant que le héraut.

En 2018, nouveauté dans le répertoire d’Argerich, elle donnait avec Tedi Papavrami et son complice de toujours, le violoncelliste Misha Maisky, le Triple concerto de Beethoven à Hambourg

On n’évoque pas ici les amis de toujours de Martha, les GIdon Kremer, Misha Maisky, Stephen Kovacevich (qui fut son mari), pour n’évoquer que les vivants. Il est une autre pianiste dont on sait l’amitié de très longue date avec elle, mais qui n’avait pas été documentée jusqu’à une période récente, c’est Maria Joao Pires. Et plus rare encore la présence d’Anne Sophie Mutter pour un trio de Mendelssohn d’anthologie.

Et toujours mes brèves de blog

Le piano qu’on aime (suite)

Martha Argerich ou les clichés

Je pense qu’elle détient le record des occurrences sur ce blog. Pas moins de 66 articles où elle est citée, et une bonne moitié qui lui est consacrée : Martha Argerich habite ce blog comme elle habite ma vie.

C’est dire si la une du numéro de septembre de Diapason, l’annonce d’une « interview exclusive », avaient de quoi m’allécher. Le terme « interview » est déjà impropre, puisqu’il s’agit plutôt d’une conversation enregistrée telle quelle, ce qui est sympathique et restitue assez bien ce qui se passe lorsqu’on a la chance de partager un moment avec la pianiste. Mais vraiment, est-il encore nécessaire d’aligner les clichés qui s’attachent depuis toujours à cette grande musicienne (« la lionne », la « reine », etc.) ? À 84 ans, Martha Argerich est toujours dans une forme époustouflante. On ne peut que lui/nous souhaiter que cela dure..

Cela me rappelle un heureux et cruel souvenir, que j’avais déjà raconté dans une précédente édition de ce blog. En 1987 (lire Martha Argerich à Tokyo), j’ai la chance d’accompagner l’Orchestre de la Suisse romande dans une grande tournée au Japon et en Californie. Les solistes en sont Martha Argerich et Gidon Kremer, excusez du peu. La Radio suisse romande me demande de faire régulièrement le point sur cette tournée dans les émissions d’Espace 2. On m’a dit avant de partir que Martha n’accepte aucune interview, mais n’étant pas journaliste, je me dis que je n’ai rien à risquer à lui demander si elle accepterait de me dire quelques mots, au moins pour illustrer mes billets. Elle accepte, sans hésiter, un soir de relâche, de me consacrer du temps. Elle me donne rendez-vous à minuit dans le hall de l’hôtel à Tokyo, de retour d’un dîner auquel elle doit assister. A minuit, je suis en place avec mon « nagra », je vois défiler quantité de musiciens de l’OSR, surpris de me voir là à cette heure tardive : je leur dis attendre Martha pour une interview… Je ne compte pas les sourires narquois et les allusions parfois douteuses qui me répondent… Vingt bonnes minutes plus tard, c’est Gidon Kremer qui s’avance vers moi : « Je sais que vous attendez Martha, ne vous inquiétez pas, elle arrive, nous rentrons juste de dîner ».

En effet, fraîche comme une rose, elle se pose quelques minutes plus tard de l’autre côté de la table basse. Je m’assure qu’elle accepte bien d’être enregistrée, et pour ma première interview, je me lance et lui pose toutes les questions qui me viennent à l’esprit. A 2h30, je suis obligé de mettre fin à la conversation, je n’ai plus de bande… Deux heures d’interview exclusive avec Martha Argerich, je ne suis pas peu fier de l’exploit. Le lendemain, je m’assure, avec les responsables de l’orchestre, que la bande peut être envoyée par avion à Genève, où la radio pourra choisir un extrait pour ses bulletins d’information et la matinale d’Espace 2, en attendant le traitement et le montage pour une diffusion intégrale de l’interview à mon retour de tournée. En effet, radio et télé suisses donnent un large écho à la tournée, à l’OSR et à Martha, dont il n’existait jusqu’alors aucun document « audio » de sa voix. Lorsque je rentre quelques semaines plus tard, je m’enquiers de la précieuse bande et je m’entends répondre : « Merci, on a pris les extraits qui nous intéressaient pour l’info, mais on ne l’a pas gardée ni archivée ». Voici comment 2 heures exclusives d’entretien avec Martha Argerich ont fini à la poubelle…

La dernière fois que j’ai entendu Martha Argerich en concert, c’était dans le concerto de Schumann, j’en ai rendu compte pour Bachtrack : « Devant une Philharmonie archi-comble, la légendaire pianiste s’avance à pas précautionneux, cherchant le bras du chef Antonio Pappano, adapte la hauteur de son siège. Les mains noueuses trahissent l’âge de l’interprète, on perçoit d’abord comme une hésitation devant le clavier. Et soudain le miracle opère : la pianiste argentine semble littéralement réinventer cette œuvre qu’elle fréquente pourtant depuis si longtemps, ces très subtils rubatos, cet art d’énoncer un thème, une mélodie, avec la simplicité, l’évidence qui n’est qu’aux grands. Le fabuleux équilibre des deux mains, cette manière unique de faire sonner les lignes intermédiaires, avec par-ci par-là un coup de griffe, un accent inattendu, c’est la marque Argerich.« 

Paui Lecocq et Clara Haskil

Je n’avais jamais entendu parler du concours Clara Haskil dans les journaux de France Inter, mais il a suffi qu’un Français, le jeune Paul Lecocq, soit choisi comme le lauréat de la 31e édition, pour que les médias « généralistes » l’évoquent, avec les approximations d’usage- on ne remporte pas un concours grâce à un concerto (Paul Lecocq aurait gagné son prix avec le 3e concerto de Beethoven !). Peu importe,

Je ne connais pas ce garçon, mais ce que j’entends dans ce concerto de Beethoven, qui est loin d’être le plus évident pour ses interprètes, chef comme soliste, me donne envie d’en entendre plus. Parce que l’histoire du concours Clara Haskil atteste que les jurys successifs de cette compétition ont toujours privilégié les musiciens aux broyeurs d’ivoire. La liste des lauréats depuis 1963 est éclairante. Quatre Français parmi eux, Michel Dalberto (1975), Delphine Bardin (1997), Adam Laloum (2009) et maintenant Paul Lecocq au même âge (20 ans) que Michel Dalberto, cinquante ans après lui.

Les pianistes musiciens

La seule question qui vaille, on l’a déjà posée ici à maintes reprises (Le piano qu’on aime), est : pourquoi retient-on, écoute-t-on tel pianiste plutôt que tel autre? Et on ajoute, avec ce qu’il faut de nostalgie : pourquoi y a-t-il aujourd’hui si peu d’artistes, de musiciens, qui osent l’originalité, l’affirmation d’une personnalité ? C’est vrai dans toutes les disciplines. Affaire d’enseignement ? de transmission ? de temps pour se développer, apprendre, se cultiver tout simplement ?

Un exemple : j’ai cité récemment le dernier disque d’Aurélien Pontier (lire Une journée à Paris) qui regroupe des pièces que les grands pianistes du siècle passé aimaient jouer en bis, pour épater le public qui en redemandait, d’une virtuosité qui n’existe que pour être transcendée. On peut féliciter le pianiste français de son audace et de l’originalité de son programme, remarquer aussi que tout cela est bien joué, très bien joué même, mais qu’il manque ce quelque chose d’impalpable, d’ineffable qu’y mettait par exemple un Shura Cherkassky.

L’autre pianiste

J’ai plusieurs fois évoqué ici un pianiste que j’ai découvert un peu par hasard et qui ne m’a plus lâché depuis que j’ai acquis tout ce que j’ai pu trouver de et sur lui, Sergio Fiorentino (1927-1998) – lire L’autre pianiste italien.

L’éditeur Brilliant Classics a eu la formidable idée de regrouper dans un coffret unique ce legs inestimable, précieux, indispensable :

Pour les acheteurs éventuels, je signale que le site anglais prestomusic propose le coffret à 71,25 € alors que la FNAC l’annonce à 91€… Mystère toujours que ces différences de prix d’un pays à l’autre (même en tenant compte des frais de port)

On ne m’en voudra pas de remettre ici la version que je chéris entre toutes de la sonate D 960 de Schubert, l’absolue perfection de ce dernier mouvement sous les doigts de Sergio Fiorentino

Et, comme toujours, humeurs et réactions à lire sur mes brèves de blog

Ravel #150 : L’enfant et l’heure espagnole

Suite et fin (provisoire) de cette mini-série consacrée au sesquicentenaire de Ravel : Ravel #150

Sofia Gubaidulina (1931-2025)

Mais impossible de ne pas évoquer la figure de la grande compositrice russe, qui vivait en Allemagne depuis 1991, Sofia Gubaidulina disparue ce 13 mars: lire l’excellent article que lui consacre Diapason.

Quelques souvenirs de concert me reviennent, dont un qui avait marqué le public de Liège, pour qui le nom même de la compositrice était inconnu et qui avait pourtant rempli la Salle philharmonique en 2005. Mais c’était une star du violon – Vadim Repin – qui jouait ce soir-là Offertorium, demeurée l’oeuvre concertante la plus célèbre de son auteur.

Ravel à Monte Carlo : un centenaire

Je suis ce week-end à Monte-Carlo pour « couvrir » plusieurs concerts du Printemps des Arts pour Bachtrack. Mon ami Jean-Louis Grinda, authentique Monégasque, qui, après l’Opéra royal de Wallonie à Liège, a dirigé de 2007 à 2023 l’Opéra de Monte-Carlo, y met en scène le spectacle qui réunira fin mars les deux ouvrages lyriques de Ravel : L’enfant et les sortilèges et L’heure espagnole

C’est en effet il y a quasiment un siècle, le 21 mars 1925, que la fantaisie lyrique composée par Ravel et Colette, fut créée ici même, à l’Opéra de Monte Carlo, alors dirigé par l’indétrônable Raoul Gunsbourg.

Au disque, j’ai toujours les mêmes (p)références : Lorin Maazel et Armin Jordan

Mais qu’il s’agisse de l’une ou l’autre oeuvre, il faut les voir sur scène, pour les goûter pleinement.
J’ai deux souvenirs récents et lumineux dont j’ai rendu compte pour Bachtrack :le très poétique spectacle de l’Opéra Garnier à Paris, en novembre 2023 – Un Ravel de féérie à l’Opéra de Paris,

et L’Heure espagnole délurée de Louis Langrée et Guillaume Gallienne à l’Opéra Comique en mars 2024.

Et toujours le petit frère de ce blog brevesdeblog et le dernier article Retour à Monte Carlo

Des morts vivants, Chéreau, Rorem etc.

Les Amandiers

Il y a un mois j’avais beaucoup aimé son film L’Innocent. Louis Garrel est de retour, et pas dans n’importe quel rôle, dans le film de Valeria Bruni-Tedeschi, Les Amandiers, il y incarne Patrice Chéreau, qui fut le directeur de ce théâtre, devenu mythique, de Nanterre.

J’ai beaucoup aimé, l’histoire, la réalisation, les acteurs et actrices. Comme le journaliste qui interroge ici Valeria Bruni-Tedeschi :

« Patrice Chéreau est le plus vivant de tous les morts« 

Ce film montre avec tant de justesse les élans, les espoirs, les douleurs de cette bande de jeunes apprentis acteurs, n’évite aucun des chocs de l’époque, la drogue, le SIDA. On a plus d’une fois été ému, sinon bouleversé. Les interprètes sont tous formidables, y compris les filles et fils de…Mention particulière pour celle qui est censée représenter VBT, Nadia Tereszkiewicz, et peut-être surtout Sofiane Bennacer, dans sa descente aux enfers. Je n’ai pas arrêté de penser à Patrick Dewaere… Evidemment Louis Garrel est plus Chéreau que nature jusque dans les attitudes, les tics, le langage ! Ne pas oublier celui qui fut son adjoint comme directeur de l’école de théâtre des Amandiers, Pierre Romans, ici incarné par Micha Lescot, emporté par le SIDA à 39 ans.

Allez voir ce film, vraiment !

Presque centenaire

Il y a fort à parier que, si Renaud Machart n’avait pas contribué à le faire connaître en France, notamment en traduisant l’un de ses Diaries, le nom de Ned Rorem (1923-2022) serait resté quasi inconnu.

« Un matin de mai 1949, un jeune Américain à la beauté ravageuse débarque au Havre. Comme beaucoup de jeunes gens de sa génération venus d’outre-Atlantique, le compositeur et écrivain Ned Rorem ne compte passer en France que quelques mois. Il y restera jusqu’en 1955. Ce sont ces années que retracent ce Journal parisien, un texte fameux aux Etats-Unis, qui, depuis sa parution, en 1966, n’avait jamais été encore traduit en français. Le Journal parisien fit scandale par la liberté de ton de son auteur, son insolence et sa cruauté, et par des indiscrétions qui ne furent pas appréciées de tous. Ned Rorem fait très vite la connaissance de Marie Laure de Noailles, qui deviendra sa plus sure alliée et sa plus chère amie à Paris. Elle le prendra sous son aile et le présentera au Tout-Paris artistique. Eberlué et crâne, séduit mais méfiant, le jeune compositeur fréquente Francis Poulenc, Salvador Dali, Georges Auric, Henri Sauguet, Jean Cocteau, Julien Green, Pablo Picasso, Julius Katchen, Paul Eluard, Pierre Boulez, Alice Toklas et la colonie américaine de Paris. Des années partagées entre le travail, la boisson, la rencontre de jeunes hommes ; la France, le Maroc (mais aussi l’Angleterre et l’Allemagne d’après guerre) ; l’amour, le désespoir. Le tout noté au fil d’une plume d’une redoutable précision de trait » (Présentation de l’éditeur)

Le compositeur américain est mort à New York ce samedi à l’âge respectable de 99 ans.

Quelques repères discographiques pour se faire au moins une petite idée de ce que Ned Rorem a représenté dans la musique du XXème siècle.

Les larmes de Leila K.

Il serait sans doute resté inconnu du grand public, si l’excellente Leila Kaddour – qui présente le journal télévisé de France 2 le samedi et le dimanche midi – n’avait pu retenir son émotion en annonçant sa mort.

Je ne connaissais pas personnellement, je n’ai jamais eu l’occasion de travailler avec lui, mais la brutale disparition de Pascal Josèphe, à 68 ans, a rappelé l’importance de celles et ceux qui, dans l’ombre, font vivre la télévision, et c’est tout aussi vrai pour la radio, les médias en général, les structures culturelles. Il y a ceux qui sont dans la lumière – Pascal Josèphe l’avait tenté, en se présentant à la présidence de France Télévisions en 2015 – et ceux, il en était, qui créent, donnent leur chance, promeuvent, innovent. C’est pour cela que sa mort bouleverse autant de monde…

La grande porte de Kiev (VI) : nés à Odessa

Chaque jour apporte son lot d’informations tragiques sur l’Ukraine, au point de risquer de nous y « habituer »… Une ville, parmi d’autres (toutes les autres ?) visées par l’armée russe, est souvent citée, à raison de son histoire, de sa situation stratégique, de l’importance de sa population : Odessa, fondée sur la Mer Noire par Catherine II en 1794.

Nous avons tous vu cette séquence, où des musiciens et choristes de l’opéra d’Odessa chantent le choeur des esclaves de Nabucco de Verdi « Va pensiero » pour dire leur refus de la guerre :

Ce qu’on découvre en feuilletant dictionnaires et livres d’histoire culturelle, c’est l’incroyable nombre et la qualité des grands musiciens qui sont nés à Odessa. Plusieurs billets ne seront pas de trop pour évoquer ces hautes figures de la musique, et rappeler le rôle exceptionnel que la cité portuaire, si riche de son histoire, a joué dans l’éducation et le foisonnement de ces talents.

Des pianistes illustres

Commençons par les pianistes, et quels pianistes !

Shura Cherkassky (1909-1995)

Alexandre Isaacovitch Cherkassky naît en 1909 à Odessa, mais il ne restera pas russe très longtemps, puisque sa famille fuit la Révolution de 1917 pour s’établir aux Etats-Unis. Cherkassky étudie au Curtis Institute de Philadelphie auprès de Josef Hofmann, lui-même Polonais d’origine qui a fui l’Europe au début de la Première Guerre mondiale.

On peut mesurer au nombre de citations du pianiste dans ce blog l’admiration éperdue que je porte à ce pianiste … américain, dont j’attends désespérément qu’un jour un éditeur (mais lequel ?) s’avise de rassembler en un coffret un héritage discographique hors normes. Je découvre presque tous les jours un enregistrement, une perle, que je ne connaissais pas, comme par exemple dans ce coffret un peu fourre-tout, une splendide version du concerto de Grieg, dirigé par un autre grand que j’admire, le chef britannique Adrian Boult

Emile Guilels (1916-1985)

Faut-il faire l’éloge du plus grand pianiste russe du XXème siècle (avec son collègue et ami, né lui aussi en Ukraine, à Jytomir*, Sviatoslav Richter), Emile Guilels ? A la différence de son aîné Cherkassky, Guilels étudie d’abord dans sa ville natale, Odessa, auprès d’un célèbre pédagogue, Yakov Tkach, puis à partir de 1935 au Conservatoire Tchaikovski de Moscou, avant d’entamer une fabuleuse carrière de soliste, concertiste, et d’enseigner à son tour dans le même conservatoire.

Sur la discographie d’Emile Guilels voir Un centenaire

Comme je l’évoquais dans un précédent billet – Beethoven 250 : Gilels/Masur – si l’on veut percevoir ce que Guilels pouvait donner en concert, il faut écouter cette intégrale « live » des concertos de Beethoven donnée à Moscou au mitan des années 70 :

Les noms qui suivent sont peut-être moins connus du public des mélomanes, mais les amateurs de grand piano et de personnalités singulières chérissent depuis longtemps leurs enregistrements… lorsqu’ils sont disponibles.

Simon Barere (1896-1951)

Simon Barere naît le 20 août 1896 dans le ghetto d’Odessa, onzième d’une famille de treize enfants. Il perd son père à 12 ans, joue dans des cinémas ou des restaurants, puis, à la mort de sa mère quatre ans plus tard, il auditionne devant Glazounov et entre au conservatoire de Saint-Pétersbourg. En 1919 il achève ses études, obtient le prix Rubinstein (du nom du célèbre pianiste et compositeur Anton Rubinstein) et s’attire ce compliment de la part de Glazounov : « Barere est Franz Liszt dans une main, Anton Rubinstein dans l’autre ». Barere va ensuite enseigner à Kiev, puis à Riga. Il quitte l’URSS en 1932 pour Berlin, mais fuit rapidement devant la montée du nazisme, d’abord vers la Suède, puis fait ses débuts à Londres, enfin aux Etats-Unis où il se fixe en 1936. Le 2 avril 1951, il joue le concerto de Grieg avec Eugene Ormandy au Carnegie Hall de New York et s’effondre, victime d’une hémorragie cérébrale fatale.

C’est dans ce même Carnegie Hall qu’est enregistrée, en concert, le 11 novembre 1947, une version justement légendaire de la Sonate de Liszt

Samuil Feinberg (1890-1962)

Contemporain de Simon Barere, Samuil Feinberg naît lui aussi à Odessa en 1890, mais va demeurer toute sa vie en Russie puis en Union soviétique, où il va occuper une position singulière. Comme compositeur, il est invité dans les festivals occidentaux, où il fait forte impression, jusqu’à ce que la terreur stalinienne lui interdise ces sorties à l’étranger. Feinberg va se consacrer essentiellement à l’enseignement : durant quarante ans, de 1922 à sa mort il sera l’un des professeurs les plus admirés du Conservatoire de Moscou. Très jeune pianiste, il aura marqué le public en interprétant en concert, pour la première fois en Russie, le Clavier bien tempéré de Bach, les 32 sonates de Beethoven et les 10 sonates de Scriabine. Il laisse un grand nombre de transcriptions, notamment de Bach.

Maria Grinberg (1908-1978)

J’ai déjà consacré à la fabuleuse Maria Grinberg, native elle aussi d’Odessa, tout un article que j’invite à relire : Du piano de toutes les couleurs

Oleg Maisenberg (1945-)

D’une génération plus récente, Oleg Maisenberg, Odessien lui aussi, s’est fait connaître comme un interprète d’élection de Schubert, comme un partenaire régulier du violoniste Gidon Kremer, et, ce qui me touche particulièrement, de la pianiste Brigitte Engerer, disparue il y a bientôt dix ans.

D’autres pianistes nés à Odessa mériteraient d’être cités. Ce sera pour un prochain billet.

Avec l’espoir que, d’ici là, la fière cité fondée par Catherine II ne soit pas, en tout ou partie, détruite par les bombes de Poutine

*Si on pouvait éviter d’écorcher les noms ukrainiens, ce serait le moindre des respects à l’égard de ce peuple. Malheureusement tous les journalistes français ne connaissent pas l’orthographe internationale (anglaise donc !) qui fait qu’on écrit Zhitomir pour la ville ukrainienne de Jytomyr : donc Ji-to-mir (comme jeu) et pas Zi-to-mir. Lire un article déjà ancien de ce blog : Comment prononcer les noms de musiciens ?. Mais on n’en voudra à personne de ne pas prononcer « à la russe » le nom de la ville martyre de Kharkiv (le « kh » étant une lettre – X dans l’alphabet cyrillique – que seuls les germanophones pratiquent comme dans Bach).

Saint-Saëns #100 : musique ensemble

Diapason consacre, dans son numéro de novembre, un important dossier à Camille Saint-Saëns, mort il y a un siècle le 16 décembre 1921.

Dans la foulée des articles déjà consacrés au compositeur français (Saint-Säens #100 Les Symphonies, Les Concertos pour piano, L’anthologie Warner), j’aimerais distinguer quelques-uns des trésors, trop rarement joués et enregistrés, de sa musique de chambre. Qui sont bien loin des clichés d’académisme qui s’attachent trop souvent à Saint-Saëns.

Ainsi son unique quatuor avec piano, et son finale presque tzigane

Ainsi son septuor pour trompette, piano et cordes et cet exercice de style fugué :

Ainsi les trois sonates tardives pour bois, données l’été dernier au Festival Radio France, par la fine fleur des jeunes lauréats de concours internationaux.

Et bien sûr quand on pense musique de chambre vient immédiatement à l’esprit l’oeuvre sans doute la plus célèbre de Saint-Saëns, son Carnaval des animaux.



Ne pas oublier que Saint-Saëns est l’auteur de l’une des premières musiques de film L’assassinat du duc de Guise


Je rappelle enfin la très belle anthologie publiée par Warner :

Les printemps de Martha A.

Martha Argerich fête aujourd’hui ses 80 printemps, et on n’arrive pas à y croire. L’âge semble n’avoir aucune prise sur une musicienne hors normes. J’ai déjà beaucoup écrit sur Martha Argerich, que j’ai eu la chance de connaître, d’approcher dès 1987, que j’aime et admire inconditionnellement :

Martha Live, Martha A. (à l’occasion de ses 75 ans!), La reine dans ses oeuvres, Une journée particulière

Martha Argerich qui a renoncé depuis des lustres à l’exercice solitaire du récital, donnait l’an dernier, sans public, à Hambourg où elle a installé son nouveau rendez-vous de juin (après tant d’années à Lugano), elle a livré cette fabuleuse Troisième sonate de Chopin. À une technique flamboyante, elle ajoute une dimension poétique, réflexive, qui m’émeut aux larmes, un concentré de l’essence du génie de Chopin : le mouvement lent tutoie les étoiles…

Quelques souvenirs, déjà racontés sur d’autres blogs :

1987 à Tokyo : J’ai la chance d’accompagner l’Orchestre de la Suisse romande et Armin Jordan au cours d’une longue tournée (plus de 5 semaines) au Japon et dans l’Ouest américain. Martha Argerich et Gidon Kremer en sont les prestigieux solistes. La Radio suisse romande, qui m’emploie, m’a demandé de jouer au journaliste et d’envoyer quelques cartes postales sonores (avec les moyens techniques de l’époque, c’est-à-dire encombrant Nagra, bandes magnétiques, et/ou coups de téléphone incertains). Je sais que Martha Argerich n’accorde jamais d’interview, je lui demande néanmoins si elle accepterait de me dire quelques mots. Sa réponse est immédiatement positive, nous prenons rendez-vous, un soir de relâche à Tokyo… à minuit dans l’immense hall de notre hôtel. Je prépare enregistreur et bandes et j’attends… Peu après minuit, je vois Gidon Kremer s’avancer vers moi : « Nous revenons de dîner, Martha ne vous a pas oublié, elle arrive bientôt ».

À 2h30 du matin, je suis obligé d’interrompre l’interview, j’ai épuisé mon stock de bandes ! Mais la conversation va se poursuivre jusqu’à ce que je lui demande la permission d’aller dormir !

Pas peu fier de mon exploit, je fais envoyer un extrait de cette interview pour ma chronique sur les ondes d’Espace 2, en annonçant que le reste suivra.

Une fois rentré à Genève quelques semaines plus tard, j’interroge la direction de la chaîne : l’interview complète a-t-elle été diffusée, montée, archivée ? Réponse : nous ne gardons pas ce qui a été traité par l’info… La rage !

2001 à Liège : J’ai pris les rênes de l’Orchestre philharmonique de Liège fin 1999. Je souhaite inviter quelques-uns des artistes que j’ai côtoyés durant mes années suisses. Armin Jordan accepte – il viendra chaque année jusqu’à 2006 – et connaissant le lien noué entre le chef suisse et la pianiste argentine (après 1987, il y aura d’autres tournées, en 1989, en 1993 notamment) – je demande à l’agent de Martha Argerich en Belgique, la regrettée Liliane Weinstadt, de contacter sa protégée. Elle me dit que cela va être difficile, que Martha – qui a déjà joué à Liège avec Pierre Bartholomée – accepte de plus en plus rarement… et seulement avec des chefs qu’elle connaît. Je me rappelle avoir dit à Liliane « Parle lui d’Armin Jordan, tu verras sa réaction ». Les 5 et 6 décembre 2001, Martha Argerich et Armin Jordan étaient à Liège !

Le jour venu, « l’entourage » de la pianiste fait barrage pour qu’on ne l’approche pas, me dit qu’elle voudra aller se reposer, qu’elle ne déjeunera pas…En arrivant pour sa répétition avec l’orchestre, elle a déjà demandé au chef si elle pourrait changer de concerto, jouer plutôt Schumann que le 2ème concerto de Beethoven prévu au programme. Armin Jordan ne cède pas. La répétition se termine vers midi, Martha Argerich est sur scène au piano. « L’entourage » me dissuade de la déranger, je n’en fais rien et je suis quand même dans « mes » murs. Je vais vers la pianiste, que je n’ai pas encore saluée, et lui demande si elle a faim. Elle me répond : « OK pour un déjeuner rapide, je voudrais me reposer un peu avant le concert de ce soir ». Tête de « l’entourage » ! Nous partons vers L’Héliport en bord de Meuse. Le déjeuner durera jusqu’à… 17h, et encore parce que je lui ai rappelé son souhait de « se reposer » !

(Sur ces photos, on aperçoit outre Armin Jordan et Martha Argerich, Louis Langrée et le pianiste cubain Mauricio Vallina)

2015 à Paris :

« Je n’avais plus entendu Martha Argerich en concert depuis quatre ans, une bien médiocre création d’un double concerto de Rodion Chtchedrine* au théâtre des Champs-Elysées, et je ne l’avais jamais entendue dans ce cheval de bataille de Prokofiev. Transcendant, miraculeux, magique, les adjectifs manquent toujours pour décrire l’art de Martha Argerich, la « reine Martha ». Mais hier soir « son » 3e concerto de Prokofiev n’était que musique pure, poésie infinie, osmose avec un discours orchestral d’une subtilité rare. Tout ce qui est effort, démonstration, muscle, chez tous les autres, même les plus grands, est tellement maîtrisé, dominé, que c’en est désarmant » (in La Reine et le géant) 

On peut tenter une discographie exhaustive de la nouvelle octogénaire : lire Martha Argerich, un monument discographique.

On veut surtout remercier Martha Argerich d’être et de demeurer une artiste aussi généreuse, généreuse envers le public, généreuse envers tous ces musiciens qu’elle attire, stimule, inspire depuis des années. Longues et belles années de bonheur encore !

Printemps qui commence

#Confinement3 COVID-XIX

J’ai décidé de m’abstenir de commentaires – ici et sur les réseaux sociaux – sur les épisodes successifs de la crise sanitaire. D’abord parce que ça ne sert à rien, le virus et ses mutations se déjouant de nos analyses et pronostics.

Juste deux choses qui relèvent de la politique gouvernementale :

  1. Si l’on nous dit – une évidence – que seule la vaccination massive et rapide nous sortira d’affaire, il faut cesser de promettre, et suivre, en France, l’exemple de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis qui ont été et sont encore capables de performances record en matière de vaccination. Aujourd’hui encore, il est impossible de prendre rendez-vous dans un centre de vaccination ou chez un médecin ou pharmacien !
  2. La bureaucratie/technocratie a encore donné un bel exemple de ce qu’elle est capable d’engendrer avec les autorisations administratives (jusqu’à 15 « motifs » !) qu’elle avait pondues pour les régions reconfinées, jusqu’à ce que Matignon rétro-pédale dans la journée d’hier. Sans d’ailleurs que les choses soient beaucoup plus claires pour les pauvres citoyens que nous sommes !

Et comme il faut toujours sourire, j’ai décidé de nommer désormais le virus COVID-XIX, après que des musées parisiens se sont signalés – avant de se déjuger eux aussi – pour avoir voulu bannir les chiffres romains (Louis 14 a ainsi régné au 17ème siècle !) : Les chiffres romains ne sont pas bannis au Musée Carnavalet.

Le marronnier du printemps

Un peu facile de faire un billet sur le printemps – c’est ce qu’on appelle un marronnier chez les journalistes – même si je ne me lasse pas – reconfinement oblige ! – de revisiter ma discothèque.

Comme cet air de Samson et DalilaPrintemps qui commence – par celle dont le nom et la voix restent à jamais attachés à ce personnage de Saint-Saëns, Rita Gorr

J’ai profité hier d’une très belle journée, un peu fraîche, pour parcourir la si joliment nommée Promenade de la Ramponne qui relie deux beaux villages du Vexin français, Labbeville et Vallangoujard.

Quel bonheur simple et toujours aussi bienfaisant que d’entendre ce concert d’oiseaux :

J’ai entendu très brièvement un coucou – que je n’ai pas capté sur cette courte vidéo – et pensé évidemment à cette pièce pastorale de Frederic Delius : On hearing the first cuckoo in Spring

Puisqu’on a rendu hommage à James Levine (lire Une vie pour la musique) disparu le 17 mars, signalons les deux versions que le chef américain a gravées de la première symphonie de Schumann « le printemps », d’abord à Philadelphie, puis à Berlin.

L’une des oeuvres les moins connues de Rachmaninov est sa cantate pour baryton, choeur et orchestre, Printemps, qui date de 1902 sur un poème de Nekrassov

Je n’ai jamais pu m’empêcher, écoutant le premier mouvement de la Première symphonie de Mahler, d’y entendre l’éveil de la nature… au printemps ! Surtout dans une version que je place au tout premier rang de mes (p)références, Paul Kletzki dirigeant l’orchestre philharmonique de Vienne en 1961

Incontournables de ma discothèque, les Voix du printemps évoquées par Johann Strauss, dans deux indépassables versions viennoises, la chantée par Hilde Gueden (et Josef Krips) et l’orchestrale dirigée par Carlos Kleiber lors du concert de Nouvel an 1989

Comment ne pas évoquer les Quatre saisons de Buenos Aires / Las Cuatro Estaciones Porteñas d’Astor Piazzolla – dont on a célébré le centenaire de la naissance le 11 mars dernier – :

ou encore Le chant de l’alouette, la troisième (Mars) des douze pièces pour piano de Tchaikovski intitulées Les Saisons, ici sous les doigts du pianiste américain Van Cliburn (1934-2013), qui avait fait sensation en remportant, en pleine guerre froide, le concours Tchaikovski de Moscou en 1958

Dans la suite des rééditions du legs discographique de Claudio Abbado chez Deutsche Grammophon, on signale ce coffret tout récent (sur lequel on reviendra)

Et dans ce coffret une version, à laquelle je n’avais jamais prêté attention, et qui vaut pourtant plus qu’une écoute distraite, d’abord en raison de son soliste, Gidon Kremer, des Quatre saisons de Vivaldi

Un lecteur attentif me rappelle que le grand violoniste belge Arthur Grumiaux est né il y a très exactement cent ans, le 21 mars 1921. Une imposante réédition de ses enregistrements pour Philips est prévue pour bientôt. On reparlera de Grumiaux à cette occasion. Promis !

Les raretés du confinement (VII) : Cziffra, Brel, la fièvre de Lehar, le Chopin d’Askenase, le Boeuf sur le toit etc.

22 janvier 2021 : Romances latino

Warner avait publié un beau coffret récapitulatif des quinze années (2002-2016) que Martha Argerich a passées, chaque été, à Lugano : Martha Live

Une véritable malle aux trésors où le connu (le coeur de répertoire de la pianiste argentine) côtoie beaucoup d’inconnu. Ainsi ces délicieuses romances de Carlos Guastavino (1912-2000), un des compatriotes de Martha Argerich.

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Des romances jouées à Lugano par Martha Argerich et le pianiste cubain Mauricio Vallina (présent sur la photo ci-dessus prise à Liège en novembre 2001, avec Armin Jordan)

21 janvier 2021 : Le Chopin de mon enfance

Souvenir d’enfance, le premier disque Chopin vu à la maison, le cliché absolu de la musique classique. Mais un pianiste dont je n’ai jamais oublié le nom : Stefan Askenase naît polonais le 10 juillet 1896 à Lemberg/Lvov/Lviv, meurt belge à Cologne le 18 octobre 1985. Son Chopin semble venir en droite ligne du compositeur lui-même. Il a pour moi un parfum d’éternité

20 janvier 2021 : La bannière étoilée

Jour de fête aux Etats-Unis, le 46ème président, Joe Biden, est officiellement installé, la première vice-présidente de l’histoire de la démocratie amércaine, Kamala Harris, a prêté serment : Inauguration

L’hymne national américain The Star-Spangled Banner a été cité par Puccini (dans Madame Butterfly) , revu par Stravinsky (et Jimi Hendrix), et transcrit pour piano par Rachmaninov lui-même en 1918.

19 janvier 2021 : des chansons de négresses

Poursuivant sur ma lancée, illustrative de l’activité du Groupe des Six (lire Groupe de Six), je livre cette absolue rareté dans l’oeuvre surabondante de Darius Milhaud et dans la discographie de l’interprète.Un cycle de mélodies bien peu « politiquement correct », intitulé : Trois Chansons de négresse, sur des poèmes de Jules Supervielle, créé en 1936. Ici l’immense Brigitte Fassbaender en public, accompagnée par Irvin Gage.

18 janvier 2021 : la valse de Nelson et Martha

Je ne me lasse jamais d’entendre Martha Argerich (lire La reine dans ses oeuvres), de surprendre comme ici sa fabuleuse complicité avec son ami de toujours Nelson Freire. La Valse de Ravel a-t-elle jamais été plus sensuelle ?

17 janvier 2021 : un violon sur le toit

Comme promis hier, je tire de ma discothèque un disque devenu rare, enregistré en 1980 pour Philips, où Riccardo Chailly (27 ans à l’époque) accompagne Gidon Kremer (32 ans) dans un programme aussi rare d’oeuvres pour violon et orchestre, dont la version du Boeuf sur le Toit (1920) de Darius Milhaud, pour violon et orchestre.Ici une vidéo contemporaine de l’enregistrement, une captation en public avec le chef russe Woldemar Nelsson (1938-2006) passé à l’Ouest en 1976.

16 janvier 2021 : le Boeuf sur le toit

La neige, le couvre-feu à l’heure où le soleil d’hiver se couche me donnent une furieuse envie d’Amérique du Sud, celle que Darius Milhaud (1892-1974) a rapportée dans sa musique après son séjour au Brésil comme secrétaire de Paul Claudel, ambassadeur de France à Rio de Janeiro.Il compose plusieurs versions de son célèbre Boeuf sur le toit (1920), une version pour violon et orchestre (Cinéma-fantaisie) que je diffuserai demain, et puis la version purement orchestrale, la plus connue. Comment résister au swing de Leonard Bernstein dirigeant, en 1976, l’ Orchestre national de France ?

15 janvier 2021 : le cadeau du père

En 1957, Dmitri Chostakovitch écrit son 2ème concerto pour piano pour le 19ème anniversaire de son fils Maxim, qui le crée pour ses examens au Conservatoire de Moscou. Le mouvement lent est romantique en diable. Ici Leonard Bernstein dirige du piano l’Orchestre philharmonique de New York (1962)

14 janvier 2021 : les flots du Danube

Quand le tube du concert viennois de Nouvel an – Le beau Danube bleu – est confié au piano, à l’orgue ou à l’accordéon (lire Le Danube en blanc et noir/) ça donne quelques merveilles, comme cette captation en concert de l’époustouflant Mikhail Pletnev

13 janvier 2021 : la Nuit transfigurée

Zubin Mehta a tellement enregistré que, dans le flot des reparutions (lire: Felix et Zubin), on néglige de s’attarder à ce qui ne paraît pas a priori comme son coeur de répertoire. Et on a tort ! La preuve cet unique enregistrement de studio de la Nuit transfigurée (Verklärte Nacht) de Schoenberg, réalisé avec le Los Angeles Philharmonic en 1976.

12 janvier 2021 : loin de la Veuve joyeuse

Le 9 janvier, j’évoquais l’un des tubes de l’auteur comblé de La Veuve joyeuse, Franz Lehar (1870-1948), la valse L’Or et l’argent, et son interprète d’élection, Rudolf Kempe (lire L’Or et l’Argent ). Ce nouveau disque de mon cher Ed Gardner met en lumière un aspect beaucoup moins connu de l’oeuvre de Lehar, un cycle de mélodies avec orchestre écrit durant la Première Guerre mondiale, dont le titre est explicite : Aus eiserner Zeit. La cinquième de ces mélodies est intitulée Fieber (Fièvre) et écrite pour ténor. On est loin des viennoiseries légères, beaucoup plus près de Schoenberg, Korngold ou Zemlinsky. Un disque à paraître début février.

11 janvier 2021 : Hollywood en 12 CD

En 12 CD, un fabuleux voyage dans les studios de Hollywood grâce aux musiques de Korngold, Newman, Herrmann, Steiner, Waxman, Tiomkin, sous la houlette d’un exceptionnel producteur, et chef d’orchestre, Charles Gerhardt. A découvrir ici : Monsieur Cinéma

10 janvier 2021 : Liszt, Brel, Cziffra

J’ai eu la chance de voir une fois dans ma vie, à Poitiers, Cziffra en récital. Je n’ai jamais compris comment il parvenait à cette pyrotechnie digitale qui était autant musique que démonstration de virtuosité. Singulièrement dans le piano de Liszt.Ici dans la 6ème Rhapsodie hongroise de Liszt. Le thème qu’on entend à 2’12 a été emprunté par Jacques Brel dans sa célèbre chanson « Ne me quitte pas » (… » je t’offrirai des perles de pluie »…)

Le Nord toujours

Quelques images de ces derniers jours au Festival Radio France (#FestivalRF19)

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Le samedi 13 juillet, le violoniste italien, Vikram Sedona19 ans, joue Bach devant une salle comble de spectateurs/auditeurs de 3 mois à 80 ans, attentive et silencieuse, fascinée par le son de ce seul violon, à Saint-Bauzille de Montmel (1000 habitants)

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Le même soir, l’Orchestre du Capitole de Toulouse est à la salle Berlioz de Montpellier sous la direction de Tugan Sokhiev. Bertrand Chamayou et David Guerrier sont les solistes particulièrement inspirés du 1er concerto pour piano et trompette de Chostakovitch.

IMG_4105Le lendemain, 14 juillet, journée particulièrement riche ! Trois récitals de piano (ci-dessus Lukas Krupinski),

91P2Gr81nxL._SL1500_un programme autour du Stabat Mater de Haydn avec le Concert de la Loge et Julien Chauvin à l’Opéra Comédie, et le soir, au Domaine d’O, le premier d’une belle série de concerts de Jazz, avec l’Amazing Keystone Big Band et Celia Kameni.

IMG_4122Discussion avec David Ehnco (à droite) et Pascal Rozat (à gauche), programmateur des soirées Jazz du Festival Radio France.

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Le lundi 15 juillet, dès potron-minet, rendez-vous dans les studios de France Bleu Hérault pour la matinale de France Musique animée par Clément Rochefort.

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Le soir même, une venue très attendue, Gidon Kremer, Tatiana Grindenko et la Kremerata Baltica.

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Emotion palpable, silence absolu, un auditoire bouleversé, comme le soir de la création en 1977, par Tabula Rasa d’Arvo Pärt. Un concert à réécouter ici : Kremerata Baltica

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Le lendemain, tout le monde attendait le retour d’Evgueni Kissin après dix ans d’absence de Montpellier.

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Et hier soir, Hervé Niquet reprenait, pour le public du Festival Radio France et surtout les auditeurs de France Musique, le programme qu’il avait déjà conduit chez Berlioz à La Côte Saint-André (voir Les Nuits de la Côte). 

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Et puis, les hasards d’un déjeuner en terrasse me font rencontrer un personnage très attendu de ce Festival, le ténor Michael SpyresIl est bien arrivé à Montpellier et s’apprête à chanter le rôle-titre de Fervaal de Vincent d’Indyune bagatelle !