Vive le « live »

Bien sûr je ne suis jamais mécontent de voir réédités de glorieux enregistrements du passé, captés en studio avec tout le soin que savaient y mettre des directeurs artistiques et ingénieurs du son passés pour certains à la postérité.

Mais, comme maints articles de ce blog le montrent, j’éprouve une très nette préférence pour la musique « sur le vif », le concert, et toute la documentation – YouTube, DVD, CD – qui restitue aujourd’hui à foison des moments de musique inoubliables.

J’étais hier soir au concert de rentrée de l’Orchestre de Paris et de son chef Klaus Mäkelä. Je n’aurais pas voulu manquer ce moment, et la déception relative que j’ai éprouvée ne change rien à l’admiration que je porte au jeune chef et à un orchestre qu’il a profondément fait évoluer.

Lisa Batiashvili et Klaus Mäkelä saluent à l’issue du concerto de Tchaikovski – très réussi.

Même exercice ce soir pour l’Orchestre national de France et Cristian Macelaru. Cette fois compte-rendu à venir dans Bachtrack.

Bertini, Stokowski

Après Georges Prêtre et la réédition d’enregistrements de la SWR de ses années Stuttgart (lire L’été 24: Georges Prêtre #100), deux autres grands chefs du XXe siècle bénéficient de rééditions qui complètent utilement leur discographie.

Le chef israélien Gary Bertini (1927-2005) n’a pas eu, de son vivant, la renommée que son talent aurait dû lui valoir, sa postérité n’est guère plus fameuse. Ce que traduit une discographie plutôt réduite, mais d’une qualité exceptionnelle, comme cette intégrale des symphonies de Mahler à laquelle je reviens souvent.

On se réjouit donc de la publication de ce coffret de captations réalisées par la radio allemande SWR.

Le chef connaissait ses classiques, comme tous ceux de cette génération : admirables sont ses Mozart, Haydn, Schubert, Beethoven, étonnante est sa Symphonie fantastique de Berlioz. Mais la pépite de ce coffret est certainement cette Demoiselle élue de Debussy avec la merveilleuse Ileana Cotrubas

Quant à Leopold Stokowski (1882-1977), c’est plutôt la surabondance qui menace. Les rééditions sont multiples. Ici c’est un coffret qui regroupe des prises de concert de la BBC déjà publiées du grand chef anglais, mais qui bénéficient d’un travail spectaculaire de « remasterisation ».

On est à nouveau frappé par l’immensité du répertoire que Stokowski a abordé tout au long de sa carrière et jusqu’à un âge très avancé. Il a longtemps passé pour un chef excentrique, privilégiant le spectaculaire au respect de la partition. Stokowski vaut infiniment mieux que cette caricature : il n’est que de l’écouter dans Vaughan-Williams ou son bouleversant Alexandre Nevski de Prokofiev !

Les joies de juin

D Day #80 : Félicitations

Félicitations à France 2, à la télévision publique en général, pour cette journée très réussie de commémoration des 80 ans du Débarquement. De Télématin à la cérémonie de fin d’après-midi, j’ai appris beaucoup de choses, de détails historiques, que j’ignorais, et cela sans le recours à d’incessants micro-trottoirs qui tiennent trop souvent lieu de reportages. Musicalement, la cérémonie internationale d’Omaha Beach avait l’allure et la carrure nécessaires : tout et tous étaient à leur place. Lambert Wilson, magnifique récitant, Alexandre Tharaud et son piano poétique, le choeur de l’Armée française préparé par sa cheffe Aurore Tillac, et peut-être surtout la Maîtrise populaire de l’Opéra Comique qui nous a profondément émus.

Chantilly sans crème

En septembre dernier, j’avais bien aimé le rendez-vous festif qu’Iddo Bar-Shai propose à Chantilly (Double crème). Je me réjouissais de retrouver le cadre imposant des anciennes écuries royales, en ce premier jour de juin, pour les Coups de coeur de Steven Isserlis.

Déception, frustration de ne pas plus et mieux entendre des musiciens que j’admire, comme je l’ai écrit pour Bachtrack : Frustrations à Chantilly

Oslo à Paris

Mardi dernier en revanche, l’affiche a tenu ses promesses. Un programme tout Brahms proposé par l’Orchestre philharmonique d’Oslo en tournée, dirigé par un chef qu’on connaît bien à Paris, Klaus Mäkelä, jouant aussi la partie de violoncelle du double concerto de Brahms. En compagnie d’un violoniste, Daniel Lozakovich, qui ne cesse de nous impressionner, concert après concert. Compte-rendu enthousiaste à lire sur Bachtrack : Klaus Mäkelä voit double avec l’Orchestre philharmonique d’Oslo

En marge du concert, deux brèves rencontres inattendues. Dans le métro de retour d’abord, une vieille dame un peu voûtée, le regard pétillant, s’adressant à deux jeunes hommes qui venaient manifestement d’assister au concert, et une voix que je n’ai reconnue qu’au dernier moment avant qu’elle ne sorte à la station Stalingrad, l’une des productrices emblématiques de France Musique, Martine Kauffmann, que je n’avais plus revue depuis près de trente ans.

En revanche, je savais d’avance que j’apercevrais au pupitre de clarinettes, Pierre Xhonneux (prononcer O-noeud), un musicien que j’avais engagé tout jeune – il avait 18 ans ! – à l’Orchestre philharmonique de Liège, et qui avait rejoint les rangs du philharmonique d’Oslo en 2015. Impossible de le retrouver dans le dédale de couloirs et de salles qui forme les coulisses de la Philharmonie, au milieu des « flightcases » de l’orchestre. Le lendemain matin, sortant du Café Charlot, rue de Bretagne où j’ai mes habitudes pour le petit déjeuner, je tombe sur Pierre et deux de ses collègues norvégiens. Ou comment le hasard fait bien les choses…

Sawallisch inconnu

Je l’ai longuement évoqué il y a un mois (Sawallisch ou les retards d’un centenaire) à propos de deux publications récentes. Je n’avais pas encore reçu le premier des deux coffrets que Warner consacre au chef allemand, né en 1923, disparu en 2013. Par rapport à un premier coffret EMI, acheté naguère au Japon, qui était limité au répertoire symphonique et concertant, il y a bien sûr l’œuvre chorale (Schubert) et de nombreux disques de Lieder où Sawallisch est au piano, mais aussi quelques pépites que je n’avais jamais vues en CD parmi les premiers enregistrements du jeune chef avec le Philharmonia.

ou encore une complète découverte pour moi que ces mélodies de Pfitzner avec Dietrich Fischer-Dieskau

Et puis, last but not least, l’excellent texte de Remy Louis, qui est une mine d’informations de première main sur l’art de ce chef.

Mon marché de printemps

J’ai une dilection particulière pour ces musiques qu’Armin Jordan qualifiait de « décadentes » avec une gourmandise non feinte, comme celles de Schreker ou Zemlinsky. Christoph Eschenbach nous offre une belle nouveauté avec ce double album enregistré à Berlin, et deux solistes splendides, Chen Reiss et Mathias Goerne.

Trouvé à petit prix sur jpc.de, je n’avais jamais repéré ce CD paru en 1998 de Stephen Hough (pour la prononciation, je renvoie à Comment prononcer les noms de musiciens ?) consacré à un compositeur singulier autant qu’admirable, Federico Mompou

Mes symphonies de Sibelius

J’ai été vraiment très heureux de participer, la semaine dernière, à une aventure unique : l’intégrale en trois concerts consécutifs des symphonies de Sibelius par l’Orchestre philharmonique de Radio France dirigé par son directeur musical, Mikko Franck. J’ai tout raconté sur Bachtrack : Le fascinant parcours de Mikko Franck dans les paysages de Sibelius.

Cette intégrale est à réécouter sur France Musique

Ce qui était unique ici, c’est l’immersion trois soirs de suite dans les sept symphonies de Sibelius, avec le même chef et le même orchestre.

Sibelius autorise une multiplicité d’approches, d’interprétations. Plutôt que les habituelles références toujours citées pour les intégrales, je voudrais distinguer quelques versions moins attendues, plus rares de chacune des symphonies, qui occupent une place de choix dans ma discothèque.

Symphonie n°1 : Carl von Garaguly / Orchestre philharmonique de Dresde

Carl von Garaguly (1900-1984) est un chef d’origine hongroise, qui a fait l’essentiel de sa carrière en Scandinavie et qui a laissé des enregistrements remarquables des 1e, 2e et 7e symphonies de Sibelius avec l’orchestre philharmonique de Dresde (à ne pas confondre avec la Staatskapelle de la même ville !)

Symphonie n°2 : Pierre Monteux / London Symphony Orchestra

Comme c’est de loin la plus enregistrée des symphonies de Sibelius, j’en compte un grand nombre de versions dans ma discothèque. La plus juvénile d’entre elles est celle d’un homme de 85 ans, l’immense Pierre Monteux (1875-1964), nommé en 1961 chef à vie du London Symphony Orchestra !

Symphonie n°3 : Okko Kamu / Orchestre philharmonique de Berlin (DG)

En 1969, le jeune chef finlandais gagne le concours de direction Herbert von Karajan. Dans la foulée, le chef de l’Orchestre philharmonique de Berlin lui confie son orchestre pour enregistrer la 2e symphonie, mais c’est à Helsinki en 1971 que Kamu grave la 3e avec l’orchestre de la radio finlandaise.

Symphonie n° 4 : Ernest Ansermet / Orchestre de la Suisse romande (Decca)

Le grand chef suisse, fondateur de l’Orchestre de la Suisse romande, s’est peu aventuré en terres nordiques, mais on n’est pas étonné qu’il ait été attiré par la plus « moderne » des symphonies de Sibelius, la Quatrième, dont il souligne l’âpreté et les audaces

Symphonie n° 5 : Herbert von Karajan / Orchestre philharmonique de Berlin (live 28 mai 1957)

Herbert von Karajan, justement, a été l’un des interprètes les plus constants et inspirés de Sibelius. Les enregistrements de studio avec le Philharmonia ou les Berlinois sont légendaires, mais cette captation d’un concert à Berlin, le 28 mai 1957, quelques mois avant la mort du compositeur, est vraiment exceptionnelle : le finale est époustouflant ;

Symphonie n° 6 : John Barbirolli / Hallé Orchestra

Le chef britannique John Barbirolli (1899-1970). a toujours été un interprète particulièrement inspiré de Sibelius. Il creuse cette 6e symphonie comme peu le font, lui donnant une dimension tragique peu banale.

Symphonie n°7 : Lorin Maazel / Orchestre philharmonique de Vienne (Decca)

Pour l’ultime symphonie, on a l’embarras du très bon choix. C’est par la version du jeune Lorin Maazel à Vienne (1964) que j’ai découvert l’oeuvre : les timbres des Viennois, la somptuosité de la prise de son, rendent pleinement justice à ce chef-d’oeuvre.

Tout cela n’est évidemment pas exhaustif ! Pour chaque symphonie, je pourrais citer tant d’autres versions qui, à un titre ou un autre, me séduisent ou m’intéressent. Sur ce blog, j’ai nombre souvent évoqué Sibelius et ses interprètes, comme Santtu-Matias Rouvali, Paavo Järvi (la première intégrale enregistrée avec un orchestre français, l’Orchestre de Paris !), Alexander Gibson, Paavo Berglund évidemment et ses trois intégrales plus quelques versions isolées, Eugene Ormandy et la photo, dont il n’était pas peu fier, de sa rencontre avec le compositeur en 1955

le formidable James Levine pour les 2e, 4e, 5e symphonies, Klaus Mäkelä à Oslo, Mariss Jansons, Neeme Järvi, Horst Stein, Esa-Pekka Salonen, plus étonnant peut-être dans cette liste Georges Prêtre…. Liste non exhaustive qu’on complètera à l’occasion…

Pour revenir à Mikko Franck, sa discographie sibélienne se résume à un seul disque enregistré au tout début de sa carrière avec une très belle version de la Suite de Lemminkäinen.

Musiques d’époque

De la même manière qu’il y a des marronniers dans les médias, il y a des marronniers dans le spectacle.

Casse Noisette

Ainsi l’ultime ballet de Tchaikovski – Casse-Noisette -créé à Saint-Pétersbourg quelques mois avant la mort du compositeur est-il programmé partout en cette période de Noël (la liste publiée par Bachtrack est éloquente !). En France et à Paris, on n’y échappe pas.

Je me réjouissais d’assister jeudi au concert de l’Orchestre national de France, qui annonçait l’intégrale de la musique du ballet (alors que l’Orchestre de Paris et son chef Klaus Mäkelä n’avaient programmé que le 1er acte, à la grande satisfaction certes d’Alain Lompech sur Bachtrack). J’attendais aussi le jeune chef tchèque Petr Popelka, pour des raisons qu’on n’a pas pris la peine de nous expliquer il a été remplacé par Fabien Gabel (une ressemblance capillaire ?)

Mais je m’attendais surtout – puisqu’on était à la Maison de la radio et de la musique – à la présence des voix de la Maîtrise de Radio France dans la merveilleuse valse des flocons de neige qui clôt le deuxième tableau du 1er acte. C’était l’occasion ou jamais de présenter une intégrale… vraiment intégrale. La présence au premier rang de la présidente de Radio France et de sa famille n’aura pas suffi. Dommage !

Sachant la redoutable difficulté d’une partition qu’on connaît par coeur, je veux rester indulgent à l’égard d’un chef et d’un orchestre qui d’évidence auraient eu besoin de plus de répétitions ne serait-ce que pour mieux caractériser chaque scène, chaque épisode, où Tchaikovski fait preuve d’une invention mélodique, d’un traitement de la matière orchestrale, absolument extraordinaires (c’est dans Casse Noisette qu’on entend pour la première fois le célesta comme instrument soliste dans la fameuse Danse de la fée Dragée). Jeudi j’avais encore le souvenir très vif d’une soirée inoubliable du festival d’Aix-en-Provence 2009, où Simon Rattle et l’orchestre philharmonique de Berlin avaient donné (comme Mäkelä et l’Orchestre de Paris !), l’ouverture et le 1er acte de Casse-Noisette avant Le Sacre du printemps de Stravinsky. C’est avec émotion que je retrouve la critique qu’en avait faite dans Télérama le regretté Gilles Macassar, disparu en 2015 (lire son beau portrait de Fabienne Pascaud).

La Valse des flocons de neige… avec les voix d’enfants !

La Chauve-Souris

Autre « marronnier » des fins d’année, Die Fledermaus / La Chauve-Souris, l’opérette la plus populaire de Johann Strauss, qu’on programme à cette époque parce qu’elle s’inspire d’une pièce française de Meilhac et Halévy… le Réveillon ! (lire Revue de Chauves-Souris)

Mercredi soir, et malheureusement pour une seule soirée, le Théâtre des Champs-Elysées recevait la meilleure équipe qui se puisse rêver pour ce chef-d’oeuvre. Comme on l’a écrit pour Bachtrack : Une Chauve-Souris authentiquement viennoise au théâtre des Champs-Elysées.

Je n’avais pas vu la vidéo de présentation de ce concert, je partage non seulement tout ce que Marc Minkowski dit de l’oeuvre et de cette musique, mais je constate avec plaisir que le chef français a très exactement fait ce qu’il a dit. J’espère que cette production est ou sera enregistrée dans le cadre de sa tournée européenne.

Quant à mes versions favorites au disque ou en DVD, j’invite à relire Revue de Chauves-Souris.

Klaus, Nicholas, Santtu, Vincent et les autres

D’un dimanche à l’autre, je suis passé par toutes sortes d’émotions « positives ».

Le Mahler de Mäkelä

Le festival Enesco de Bucarest s’achevait le week-end dernier par deux concerts de l’orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, dirigé par son futur chef Klaus Mäkelä. J’étais évidemment curieux de découvrir ce que donnerait la rencontre entre le jeune Finlandais, qui nous a habitués à Paris à tant de belles choses, et ce fabuleux orchestre hors ses murs. J’en ai fait le compte-rendu pour Bachtrack : Klaus Mäkelä et le Concertgebouw en majesté à Bucarest. Et comme je l’ai écrit, je ne veux retenir que le souvenir d’une Troisième symphonie de Mahler, dont le dernier mouvement continue de me hanter. Je n’ai pas l’habitude de recourir à l’exagération, mais je n’avais jusqu’alors jamais entendu d’aussi sublime.

J’emprunte à une consoeur de Bachtrack, une partie du papier (The definition of love) qu’elle fit à la mi-septembre après avoir entendu les mêmes in situ. J’aurais pu signer ces lignes :

In the finale, originally subtitled What Love Tells Me, one of the finest symphonic movements ever written, tears welled in my eyes after just the first few notes. The subdued restraint and beauty in the strings was quite overwhelming. Mahler asks the question: What is love? Words truly are not enough when we have music such as this.

The intense horn and string climax, the rising double bass figures, the warmth of the oboe entry – almost vocal in quality – displayed playing of the highest calibre/…/This was Mäkelä and the RCO at their best, finding long lines, the phrasing, the nuance and that special something in a score laden with Mahler’s detailed instructions while the music became ever more urgent. Horn bells aloft again, the final climax was perfectly timed before shimmering violas and a flute, wafting like a butterfly, led us to Mahler’s definition of love. This was not the usual triumphant ending, but something much more subtle. Tonight’s concert will stay long in the memory.  (Backtrack, 16 septembre 2023, Clare Varney)

Le chapeau de paille de Vincent Dedienne

Titre provocateur qui ne correspond en rien à la réalité du spectacle vu ce jeudi soir au théâtre de la Porte Saint Martin… même si la promotion s’appuie sur la notoriété de l’humoriste/comédien.

Suivant une mode très contestable, qui consiste à faire un « avant-papier » et non une critique a posteriori, Le Monde s’était fendu d’un long article (Alain Françon embarque sur le rêve de Labiche) qui, il est vrai, m’avait intrigué, ne serait-ce que parce qu’Alain Françon n’est pas réputé pour son appétit pour la gaudriole ou le vaudeville !

Eh bien, non seulement on n’a pas regretté sa soirée, mais on a redécouvert les ressorts du théâtre de Labiche, et cette pièce en particulier – Un chapeau de paille d’Italie – qu’on n’a pas le souvenir d’avoir jamais vue sur scène.

Je n’ai pas vu l’intérêt de la contribution de Feu! Chatterton à cette mise en scène, surtout après avoir assourdi toute la salle au lever de rideau… mais elle ne dénature pas l’esprit de Labiche. Esprit de Labiche qu’Alain Françon, au contraire, exalte, décuple, en exacerbant les effets comiques, poussant chacun de ses nombreux acteurs/actrices à l’extrême de leur fantaisie (qu’on veut tous citer ici : Vincent Dedienne, Anne Benoit, Eric Berger, Emmanuelle Bougerol, Rodolphe Congé, Laurence Côte, Suzanne De Baecque, Luc-Antoine Diquéro, Noémie Develay-Ressiguier, Antoine Heuillet, Tommy Luminet, Marie Rémond, Alexandre Ruby, Balthazar Gouzou, Victor Lalmanach, Noémie Moncel, Léa Constance Piette, Fiona Stellino, Baptiste Znamenak).

On ne s’aperçoit qu’aux saluts que c’est une actrice – fabuleuse Anne Benoît – qui joue le futur beau-père de Fadinard, le jeune rentier (Vincent Dedienne) et on applaudit absolument toute la troupe sans aucune exception! Spectacle évidemment chaudement recommandé… et bravo évidemment à Vincent Dedienne qui n’avait pas besoin de nous prouver qu’il est d’abord et surtout un formidable comédien.

Pour Chostakovitch

Les fidèles de ce blog savent ma fidélité à un compatriote de Klaus Mäkelä, presque un vétéran à 37 ans (!), mon très cher Santtu-Matias Rouvali, invité régulier du Festival Radio France à Montpellier, du temps où j’en avais la charge, entre 2014 et 2021. Je ne pouvais évidemment manquer le concert qu’il dirigeait à la tête de l’Orchestre philharmonique de Radio France, à la maison de la radio, vendredi soir.

L’attraction de ce concert – sans entracte ! une « nouveauté » de la saison Radio France, il n’est jamais trop tard pour bien faire ! – était, paraît-il, la violoniste coréenne Bomsori. Dans un tube du répertoire, le concerto de Tchaikovski. La jeune femme, dans une robe rouge qu’elle arbore semble-t-il sur toutes les scènes, est bardée de prix et sort un premier disque chez Deutsche Grammophon (ce qui, aujourd’hui, compte-tenu de la politique artistique complètement erratique d’un label jadis prestigieux, ne représente au mieux que l’assurance d’un soutien promotionnel important). Jamais ce concerto ne m’a paru aussi ennuyeux que sous cet archet besogneux, non exempt d’accrocs et de traits bousculés, aussi banal et parfois de mauvais goût.

On était impatient de passer à la seconde partie du concert : la Sixième symphonie de Chostakovitch, qui tient une place particulière dans mon panthéon personnel

« Quant à la 6ème symphonie de Chostakovitch, c’est encore avec l’Orchestre de la Suisse romande que j’ai pu la programmer et l’entendre pour la première fois en concert ! Je me rappelle encore cette séance du comité de programmation de l’orchestre, présidé par Armin Jordan, lors duquel j’avais suggéré un programme qui me semblait original et cohérent, avec Les Fresques de Piero della Francesca de Martinu, les Chants et danses de la mort de Moussorgski (interprétés par Paata Burchuladze), et cette 6ème de Chostakovitch. Plusieurs membres dudit comité de se récrier, pas assez « grand public », deux oeuvres du XXème siècle ô horreur, même avec un soliste vedette ! Armin Jordan, qui devait diriger ce programme, trancha : « Je ne connais pas ni le Martinu, ni le Chostakovitch, mais si Jean-Pierre le propose, je suis son idée et je dirigerai ce programme ».  Point final ! Et le jour venu, devant un Victoria Hall comble (preuve que le public est toujours plus intelligent que les programmateurs frileux !), Armin Jordan dirigea l’un de ses plus beaux concerts ! » (extrait de mon billet du 18 janvier 2019).

Quand dans le concerto de Tchaikovski, chef et orchestre semblaient être en pilotage automatique, Santtu-Matias Rouvali et l’Orchestre philharmonique de Radio France allaient donner leur pleine puissance dans une oeuvre qui continue de fasciner, ce long mouvement lent qui l’ouvre, presque insoutenable, jusqu’à ce vide sidéral d’où seules émergent le piccolo et la flûte, suivi d’un allegro bien dans la veine sarcastique de son auteur et se terminant dans un presto grinçant à force de paraître si insouciamment guilleret.

Bernstein dans un formidable DVD explique, avec tellement d’évidence, le miroir que forment les deux 6e de Tchaikovski et Chostakovitch :

Pour cette 6e de Chostakovitch, et pour elle seule, on doit réécouter le concert de vendredi sur francemusique.fr.

Hommage incomplet

J’attendais impatiemment ce coffret d’hommage à Nicholas Angelich (lire Le piano était en noir)

On est évidemment très heureux de retrouver tous ces témoignages « live » de l’art d’un musicien si tôt disparu, mais à jamais installé parmi les très grands. Des Liszt captés à Radio France en 1999, la sonate de Berg, une rareté absolue, les quatre Fantaisies de Zemlinsky sur des poèmes de Dehmel (Douai 1995), la 2e suite anglaise de Bach (Québec 2011), les variations sur un thème de Haendel de Brahms (en avril 2019 en Bretagne, testamentaire), un programme tout Ravel, vraiment exceptionnel, au théâtre des Champs-Elysées en 2013, les variations Goldberg sur la meme scène deux ans plus tôt, le quintette de Franck avec les Ébène à Verbier, la sonate 2 pianos et percussions de Bartok avec Martha Argerich, une prodigieuse Waldstein (Lyon 2015) et des Tableaux d’une exposition idiomatiques (Paris 2013), et un seul CD de concertos (le 3e de Rachmaninov avec l’Orchestre philharmonique de Radio France en 2010, la Rhapsodie Paganini avec Tugan Sokhiev avec Toulouse en 2013).

Cet ensemble est formidable, mais on aurait pu/dû aisément le compléter par d’autres captations, tout aussi indispensables, réalisées en Belgique ou en Suisse par les radios publiques. Espérons qu’à défaut de figurer dans ce coffret, ces précieux témoignages seront bientôt disponibles pour le public. C’est le moins qu’on puisse faire pour rendre hommage à un musicien d’une telle envergure.

Copieuses ouvertures

Si je devais décrire d’un mot ma semaine musicale, je dirais « plantureuse ». Ou comme si les menus s’étaient révélés trop copieux. Mais on ne va pas se plaindre que les mariées aient été trop belles, tant à Paris qu’à Strasbourg, pour l’ouverture de saison des deux phalanges éponymes.

La marque Mäkelä

Je l’écrivais déjà il y a un an (Ouverture de saison) exactement – nous venions d’apprendre le décès d’Elizabeth II – Klaus Mäkelä ne s’était privé d’aucune audace dans la confection de son programme de rentrée avec l’Orchestre de Paris. Ce 6 septembre (concert redonné le 7), notre chef finlandais préféré a récidivé avec un programme construit autour des années 1910. Il fallait y penser, mais on n’a pas le souvenir d’avoir jamais entendu dans la même soirée trois Russes, dans des oeuvres toutes contemporaines : Petrouchka de Stravinsky (1911), le 1er concerto pour piano de Prokofiev (1911/12) et Les Cloches de Rachmaninov (1912/13). On n’imagine pas esthétiques plus contrastées, et le seul fait d’unir ces trois oeuvres dans un même programme est à mettre au crédit de l’Orchestre de Paris et de son chef.

Je me demande si j’ai les mêmes oreilles que certains critiques. Pour tout dire autant le titre que le contenu du papier de DiapasonLa Russie tonitruante de Klaus Mäkelä – me paraissent hors de propos, sauf à se méprendre sur le sens du mot « tonitruant » ni sur les oeuvres elles-mêmes (en effet, Petrouchka c’est un « univers résolument percutant d’où jaillissent quelques touches colorées » (sic)).

Certains auraient pu trouver la lecture du ballet de Stravinsky très classique, alors que Mäkelä ne fait que respecter une partition dont il est facile d’exagérer les aspects anecdotiques. Et on aime ce « classicisme » là. L’Orchestre de Paris a un pianiste de marque au milieu de lui : Bertrand Chamayou, qui va donner ensuite un époustouflant 1er concerto de Prokofiev. Je ne me rappelle pas avoir entendu pareille aisance souveraine dans ce condensé de virtuosité fanatique et d’audaces techniques – le pianiste toulousain m’avouera à l’issue du concert qu’il n’avait plus joué l’oeuvre depuis 25 ans et un concert à Kharkiv ! Bluffant… comme ses bis (un arrangement de Balakirev de l’Alouette de Glinka, et « A la manière de Borodine » de Ravel). Je cherche en vain la « tonitruance » de cette première partie…

Quant aux Cloches de Rachmaninov, le programme de salle rappelait que l’oeuvre était entrée au répertoire de l’Orchestre de Paris… en 2018 ! On y était – Le tonnerre et les cloches – et c’était alors Gianandrea Noseda qui dirigeait et Lionel Sow qui avait préparé le choeur. C’est une oeuvre que j’aime – lire Les cloches de Pâques -, dont Klaus Mäkelä a donné une vision peut-être trop univoque, en en gommant les aspects les plus sombres. Mais on saura toujours gré au jeune chef de nous avoir offert un programme aussi copieux et original. Preuve – on y reviendra bientôt – qu’il faut toujours privilégier l’audace pour plaire au grand public !

Wagner sans paroles à Strasbourg

Jeudi soir j’étais à Strasbourg pour un autre concert d’ouverture, celui de l’orchestre philharmonique de Strasbourg et de son chef ouzbek Aziz Shokhakimov. Lire ma critique sur Bachtrack: L’audacieux pari d’Aziz Shokhakimov..Un programme là encore très copieux (trop ?) avec en plat de résistance la compilation symphonique du Ring de Wagner réalisée par Lorin Maazel en 1987 et enregistrée avec l’Orchestre philharmonique de Berlin.

Inondation et Révolution

Semaine riche en émotions musicales.

L’Inondation

D’abord la reprise à l’Opéra Comique d’un ouvrage qui avait beaucoup fait parler de lui, quelques mois après sa création en septembre 2019, pour de bien mauvaises raisons que Forumopera a parfaitement résumées lorsque « l’affaire » s’est conclue par un non-lieu (lire L‘affaire Chloé Briot. classée sans suite).

On a donc assisté lundi soir à la première de cette reprise de L’Inondation de Joël Pommerat et Francesco Filidei, et on en a écrit tout le bien qu’on en a pensé dans Bachtrack. Pour les retardataires, il y a encore une représentation ce dimanche à Paris et deux autres prévues en mai à Luxembourg.

Une fabuleuse Fantastique

Je n’allais pas manquer mercredi soir le concert de l’Orchestre de Paris et de son fringant directeur musical, Klaus Mäkelä, à la Philharmonie de Paris. Programme a priori sans risque (une pièce de Kaija Saariaho, que les orchestres adorent programmer en début de concert, c’est toujours élégant, décoratif, et ça ne dérange pas même les plus rétifs à la musique contemporaine, puis le concerto pour violon de Sibelius, et en seconde partie la Symphonie Fantastique de Berlioz).

Et l’événement ce fut précisément cette fabuleuse Fantastique ! Le jeune Finlandais n’a pas fini de nous surprendre. J’avoue que j’avais fini par me détourner de l’oeuvre maîtresse de Berlioz au concert comme au disque. Tellement de versions qui passent à côté, quand elles ne contredisent pas le « programme » et les intentions du compositeur (la « marche au supplice » du 3ème mouvement qui devient une marche triomphale tous cuivres dehors). Mercredi soir, j’ai retrouvé Berlioz dans toutes ses dimensions, d’invention, de folie, de modernité, et un orchestre en complète osmose avec son jeune chef. Je n’ai pas été le dernier, dans la grande salle comble de la Philharmonie, à partager les « cris et les trépignements » (selon l’expression du compositeur lors de la création) enthousiastes du public. Je l’ai écrit pour Bachtrack : La Fantastique révolutionnaire de Klaus Mäkelä

Ici un documentaire qui date déjà de quelques mois qui dessine un portrait sensible du jeune chef :

Impatient de découvrir le premier disque qui rassemble l’Orchestre de Paris et son chef :

Ouverture de saison

La mort d’une reine

Hier, à l’heure où paraissait le communiqué annonçant la mort d’Elizabeth II, je prenais cette photo de la grande fontaine du parc de la Villette. Sans encore connaître la nouvelle, je me disais que le ciel de Paris, l’or du couchant qui illuminait la fontaine, étaient de circonstance.

Puisque nous allons être, nous sommes déjà, saturés d’informations, d’images, de témoignages sur la reine défunte, juste un souvenir. Il y a près de trois ans j’étais à Edimbourg et j’avais visité le palais de Holyrood, résidence officielle de la reine en Ecosse (Balmoral étant une résidence privée). Et j’avais pris cette photo de la salle à manger avec ce grand portrait de la souveraine, avant d’être interrompu par une employée, offusquée que j’aie osé photographier la reine, de surcroît dans sa demeure…

La rentrée de l’Orchestre de Paris

Du beau monde hier soir à la Philharmonie de Paris qui, à l’initiative de son nouveau directeur, Olivier Mantei, a décidé d’avancer les concerts à 20 h. Heureuse idée.

Un programme des plus copieux, et même audacieux. La marque du directeur musical de l’Orchestre de Paris, Klaus Mäkelä ? Sûrement, pas moins de deux créations et une brève pièce de Kaija Saariaho, à côté de deux mastodontes (on parle ici de l’effectif orchestral !).

Concert donné en hommage à Lars Vogt, disparu lundi. À l’issue du concert, le directeur général Nicolas Droin, et la présidente de l’Orchestre de Chambre de Paris, Brigitte Lefèvre, me raconteront les derniers souvenirs, les derniers instants du pianiste et chef, l’émotion unanime que sa mort a suscitée (Ce qu’il nous reste d’eux)

Le fringant chef finlandais ouvrait le concert par une brève pièce de Kaija Saariaho Asteroid 4179, qu’il enchaînait immédiatement, et très naturellement, au célébrissime portique d’ouverture du poème symphonique de Richard Strauss Also sprach Zarathustra. J’admire le travail d’orchestre, la cohésion des pupitres, l’art du jeune chef de dégager des lignes claires dans une partition touffue, que je ne suis jamais parvenu à vraiment aimer (est-ce grave docteur ?). Puis arrive Aino, une création du compositeur péruvien Jimmy Lopez Bellido qui a fait ses études.. à Helsinki, dédiée à Klaus Mäkelä, directement inspirée d’un personnage essentiel du Kalevala, qui paie son tribut à Sibelius et à la musique de film (le compositeur Alexandre Desplat était assis devant moi !). Partition bien troussée, très consensuelle et consonante.

Jimmy Lopez chaleureusement applaudi à la fin de la première partie du concert.

En début de seconde partie, il faut dire que c’est beaucoup pour cela qu’on était venu à la Philharmonie, la création de A-Linea de Pascal Dusapin. Ce blog peut témoigner de la relation que j’ai avec le compositeur français, mon quasi-contemporain (il est mon aîné de quelques mois) : lire Présence de Pascal Dusapin. C’est le propre des grands créateurs que d’être immédiatement identifiés, reconnaissables. Cette nouvelle pièce d’orchestre d’une quinzaine de minutes est du pur Dusapin (les grands unissons, brièvement troublés de déflagrations des cuivres ou des percussions) et j’ai trouvé hier soir (les circonstances ?) teintée d’une nostalgie, d’ombres fugitives, comme une sonate d’automne.

Le concert se concluait par le Poème de l’extase de Scriabine. Etait-ce le menu trop copieux ? L’orchestre très beau, la trompette solo magnifique, le geste toujours élégant du chef, mais quelque chose qui manquait à cette montée vers l’orgasme musical ?

Après le concert, on fut heureux de retrouver quelques amis, collègues, et parmi eux une pianiste venue en groupie du chef…

Devoirs de vacances

Enfin quelques jours de vacances, les premières depuis mon expérience singulière de novembre dernier.
J’ai fait ce qu’il faut pour que ma voix s’exprime demain lors de ce premier tour capital de l’élection présidentielle.

En attendant, menu classique pour des vacances : lectures, écoutes toujours remises, balades, rencontres, lieux inédits.

D’abord lire en détail le numéro d’avril de Diapason et l’excellente interview que Camille de Rijck a faite d’Alexandre Kantorow. Et se dire qu’on a bien eu de la chance de croiser et d’inviter cet artiste dès 2016.

Ecouter un coffret qui rassemble les enregistrements réalisés pour EMI (maintenant Warner) par la pianiste française Cécile Ousset (lire Frontières). Au risque de la déception. Mais attendons de confirmer ou infirmer certaines impressions.

Réécouter aussi une intégrale des symphonies de Sibelius, qui a suscité pour le moins le débat… et peut-être prouvé, une fois de plus, que l’univers du compositeur finlandais autorise des explorations, des visions, extrêmement différentes, divergentes même.

Plus encore que dans n’importe quel répertoire symphonique, je me garderai bien de comparer avec les contemporains ou les aînés du jeune chef finnois, tant apprécié récemment à la tête de l’Orchestre de Paris (Klaus Mäkelä);

Moins couru, mais procédant d’une démarche qui m’intéresse depuis plusieurs années, le travail de l’organiste et chef autrichien Martin Haselböck, pour partie rassemblé dans un passionnant coffret.

Et puis, pour la bonne humeur et le souvenir d’un spectacle très réussi (Le mois de l’opérette), lire la critique parue sur Forumopera (Un joyeux drille nommé Albert Roussel) et surtout écouter l’unique opérette d’Albert Roussel : Le Testament de la tante Caroline:

Agatha, Yuja, Klaus et Maurice

On n’oublie pas l’Ukraine loin de là (Unis pour l’Ukraine), on a parfois honte de certains débats ou de certaines prises de position (lire à ce sujet l’excellent billet du jeune musicologue Tristan Labouret sur Facebook)

Mais on vient de passer deux soirées bienfaisantes, l’une au théâtre, l’autre à la Philharmonie de Paris. Récit.

L’inconnu d’Agatha C.

Cela fait un moment que j’avais repéré ce spectacle qui se donne depuis le 24 janvier dans un théâtre – une salle moderne du 11ème arrondissement – où je n’avais jamais mis les pieds, l’Artistic Athévains


Je suis depuis mon adolescence un lecteur et un fan d’Agatha Christie, on connaît ses « recettes » pour nouer des intrigues policières et dérouter ses lecteurs jusqu’à la fin. Ses pièces de théâtre sont moins fréquentes. Raison de plus pour assister à ce Visiteur inattendu.

Le « pitch » est simple, trop simple pour être honnête évidemment ! Un soir de brouillard, un homme survient dans une maison isolée, sa voiture ayant versé dans le fossé, il arrive sur une scène de crime, un homme tué par balles dans une chaise roulante et lui faisant face une femme tenant un revolver et expliquant qu’elle vient de tuer son mari. On se doute que, comme dans tous les romans et les pièces d’Agatha Christie, tous les personnages qui vont intervenir ont tous une raison d’être impliqués dans ce crime, on ne dira évidemment pas qui est le coupable !

Ce qui est admirable dans ce spectacle, c’est d’abord une mise en scène astucieuse, judicieuse de Frédérique Lazarini, c’est la densité de chacun des personnages, chacun des rôles, et l’excellence de tous les interprètes : Sarah BIASINI Pablo CHERREY-ITURRALDECédric COLAS Antoine COURTRAY Stéphane FIEVETEmmanuelle GALABRU Françoise PAVY Robert PLAGNOL.

Cela se joue encore jusqu’à fin avril !

Yuja Wang, Klaus Mäkelä et Maurice Duruflé

Je n’avais pas encore eu l’occasion de voir et d’entendre le nouveau directeur musical de l’Orchestre de Paris, le jeune Finlandais Klaus Mäkelä qui vient de fêter ses 26 ans ! Le programme de cette semaine était, de surcroît, d’une originalité rare dans les concerts parisiens : l’Ebony concerto de Stravinsky, le Premier concerto pour piano de Rachmaninov et le Requiem de Maurice Duruflé.

Philippe Berrod ouvre le bal à la clarinette et s’amuse bien avec ses excellents collègues dans ce faux concerto faussement jazz mais vraiment Stravinsky sous la houlette élancée et élégante du jeune chef.

Puis vient le moins joué des quatre concertos de Rachmaninov qui servit – les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître – d’indicatif à la mythique émission de Bernard Pivot Apostrophes (dans la version de Byron Janis).

Quel bonheur de voir entrer, moulée dans une robe jaune (l’Ukraine?), la pianiste chinoise Yuja Wang, une artiste qu’on tient pour véritablement exceptionnelle depuis qu’on l’a entendue notamment en 2014 à Zurich dans le 2ème concerto de Prokofiev, et un an plus tard avec Michael Tilson Thomas dans le 4ème concerto de Beethoven, c’était à la Philharmonie ! (Les surdouées).

Yuja Wang a cette sorte de charisme, de personnalité hors norme, qui emporte l’adhésion et la sympathie immédiates du public, elle manifeste une telle joie de jouer, se défiant de tous les obstacles techniques – son deuxième bis hier soir, les redoutables variations sur Carmen de Vladimir Horowitz, elle s’en amusait, elle s’en régalait, comme si aucune difficulté ne pouvait lui résister -, son contrôle du clavier est proprement sidérant.

Requiem pour la paix

En dehors du disque (Michel Plasson) je n’avais jamais entendu en concert le Requiem de Maurice Duruflé (1902-1986), le chef-d’oeuvre choral de celui qui fut jusqu’à la fin de sa vie l’organiste de Saint-Etienne-du-Mont à Paris. La filiation avec Fauré est évidente (comme le couplage des deux oeuvres au disque). Le requiem de Duruflé a été créé à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1947

Hier, au-delà de la confirmation que Klaus Mäkelä est un chef très inspiré, en osmose avec son orchestre, on a vécu l’un de ces moments forts dans la vie d’un mélomane, dans une vie d’homme tout simplement. La puissance, la beauté, la cohésion des forces musicales – magnifique choeur de l’orchestre de Paris -, la présence de deux solistes ukrainiens, Valentina Plujnikova et Yuri Samoilov, le très long silence recueilli à la fin du requiem, avant que n’éclate un tonnerre d’applaudissements dans le public de la Philharmonie, particulièrement adressés aux deux interprètes ukrainiens, et au-delà d’eux, à tout un peuple martyr.