Les raretés de l’été (V) : Béatrice Uria-Monzon et Montpellier

Un triste hasard a voulu qu’on apprenne le décès, à 61 ans, de la cantatrice Béatrice Uria-Monzon le jour de la clôture de la 40e édition du Festival Radio France Occitanie Montpellier. Et que le titre de cette rubrique porte particulièrement bien son nom, puisqu’il rend un double hommage à l’artiste disparue et à un festival qui l’accueillit jadis pour ce qui a longtemps fait son originalité absolue – la recréation d’un opéra oublié.

C’est en effet en 2006 que le Festival, alors animé par son fondateur René Koering (à qui j’eus l’honneur et le bonheur de succéder de 2014 à 2022), recréa, avec une distribution de grand luxe, l’opéra mal-aimé de LaloFiesque – qui fut en effet un fiasco. Béatrice Uria-Monzon y chantait aux côtés de Roberto Alagna.

Ils se retrouveront deux ans plus tard à Orange pour une Carmen restée dans toutes les mémoires, que France 4 rediffuse ce mardi 22 juillet.

Si, heureusement, l’inoubliable Carmen qu’a été Béatrice Uria-Monzon sur toutes les scènes du monde a été largement documentée, on ne peut que regretter la rareté de la présence discographique de la chanteuse. Heureusement que des chefs comme les fidèles Jean-Claude Casadesus et Michel Plasson l’ont invitée pour les raretés que sont les cantates de Berlioz ou Ravel, ou l’oratorio Rédemption de César Franck.

Les plus chanceux peuvent essayer de trouver la seule Carmen au disque de Béatrice Uria Monzon, dirigée par Alain Lombard.

Rendez-vous, en tout cas, ce mardi 22 juillet pour une soirée bienvenue d’hommage à une belle personnalité sur France 4

Montpellier

« Depuis 2023, le Festival de Radio France Occitanie Montpellier présente un visage différent. La programmation demeure de grande qualité, les concerts du soir au Corum en constituent toujours la colonne vertébrale, mais le choix des œuvres paraît moins aventureux. Le souvenir de soirées montpelliéraines durant lesquelles nous découvrîmes de véritables raretés, qui justifiaient le déplacement, même de loin, et contribuaient à sa réputation, reste bien présent, non sans nostalgie » (Sébastien Foucart, ConcertoNet, 17 juillet 2025).

Je ne me livrerai pas – je m’y suis toujours refusé dans toutes les fonctions que j’ai occupées – à des comparaisons oiseuses, à des regrets aigris (« c’était mieux avant »!). Le Festival Radio France n’est plus en 2025 ce qu’il était à sa création en 1985. Il a failli, plus d’une fois, perdre l’un de ses piliers fondateurs, Radio France. Aujourd’hui le service public est plus présent que jamais, avec les moyens dont il dispose et qui sont chaque année plus « contraints » – pour reprendre le terme consacré par l’administration de l’Etat. De cela on doit se réjouir.

Mais pour reprendre la dernière décennie, il est vrai, comme le note Sébastien Foucart, qu’on est venu au festival, parfois de très loin, pour des résurrections d’ouvrages rares (17 opéras de 2015 à 2022) parmi lesquels Fantasio d’Offenbach (2015) avec Marianne Crébassa, Iris de Mascagni (2016) et Siberia de Giordano (2017) avec Sonya Yoncheva, Kassya de Delibes (2018) avec Véronique Gens, l’immense Fervaal de d’Indy (2019) avec Michael Spyres et en 2022 la version originale d’Hamlet pour ténor avec John Osborn et l’inoubliable Ophélie de la si regrettée Jodie Devos.

Le projet d’édition discographique de Fervaal n’ayant pas abouti, on peut heureusement retrouver l’écho de sa diffusion sur France Musique sur YouTube

Heureusement en effet, France Musique conserve une mine de trésors captés au Festival depuis 1985 (il y a eu beaucoup de rediffusions cet été). Pourquoi pas une chaîne thématique numérique de plus avec ces formidables archives ? Suggestion à Laurent Frisch et Marc Voinchet !

C’était le premier concert de « ma » programmation, le 10 juillet 2015

Avec un chef que je suis très heureux d’avoir invité plusieurs fois à Montpellier, Domingo Hindoyan, qui fait aujourd’hui l’une des plus intéressantes carrières qui soient, à Liverpool d’abord, et bientôt à l’opéra de Los Angeles. Je découvre dans le tout dernier numéro de BBC Music Magazine, un article dont le ton et le titre sont sans équivoque : Tchaikovsky 6 with passion and power

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Sur les ailes du chant

Un an

Le 16 juin 2024, l’annonce de sa mort nous avait sidérés. Jodie Devos nous quittait, à 35 ans, au terme d’une brève et fulgurante maladie (lire Jodie dans les étoiles)

Où qu’elle soit, où que tu soies Jodie, tu es pour nous et pour toujours la reine des fées…

Sonya à Auvers

C’est la première fois qu’elle chantait à Auvers, la première fois aussi que je l’entendais en récital chant-piano. Et ce fut, une fois encore, une soirée magique (voir Bachtrack : Sonya Yoncheva enchante le festival d’Auvers-sur-Oise.)

Avec Sonya c’est une amitié de plus de dix ans, à Montpellier en 2016 Iris de Mascagni, en 2017 Siberia de Giordano, un projet annulé en 2020 pour cause de Covid, et en 2021 une folle soirée de clôture du Festival. Toujours avec son mari, le chef d’orchestre Domingo Hindoyan qui était un habitué de Liège avant d’en devenir un de Montpellier. C’était une fête heureuse ininterrompue…

Et toujours impressions et réflexions sur mes brèves de blog

Suivez le chef

Débuts parisiens

Devais-je y aller en tant qu’ami ou comme critique ? J’ai hésité un moment avant d’accepter de « couvrir »‘ pour Bachtrack le Rigoletto donné à l’Opéra Bastille ce dimanche. C’était une première pour le chef vénézuélien Domingo Hindoyan. Une première parfaitement réussie pour lui, même si la mise en scène et certains chanteurs laissent à désirer (Bachtrack: « la direction musicale et le rôle-titre sont autant d’atouts qui magnifient le chef-d’oeuvre de Verdi« )

Il y a une bonne quinzaine d’années que je connais l’actuel chef de l’orchestre de Liverpool, que je l’avais invité à plusieurs reprises (à l’instigation d’un impresario – Pedro Kranz – aujourd’hui disparu en qui j’avais grande confiance) à diriger l’Orchestre philharmonique royal de Liège (lire Hindoyan dirige à Liège). Pour ma première édition en 2015 comme directeur du Festival Radio France à Montpellier, c’est tout de suite à lui que j’avais pensé pour le concert d’ouverture avec un programme particulièrement festif avec l’orchestre de Montpellier. Les musiciens comme le public se rappellent encore un fameux Boléro !

Et puis il y eut en 2016 Iris de Mascagni, en 2017 Siberia de Giordano, avec Sonya Yoncheva, et en 2021 une glorieuse soirée de clôture avec ce couple aussi heureux sur la scène que dans la vie.

Ecoutez ce que disait Christian Merlin, mon cher confère du Figaro, à propos du travail du chef et de la chanteuse, alors qu’on prévoyait de donner avec eux, en juillet 2020, Fedora de Giordano. Projet évidemment abandonné pour cause de pandémie…

Ici à Bordeaux, après une superbe représentation du Démon de Rubinstein dirigée par un autre ami cher, Paul Daniel (à droite) et avant un concert que devait diriger Domingo Hindoyan (à gauche) en janvier 2020.

Soirée de clôture du festival Radio France 2021 : la fête retrouvée après la longue parenthèse de la pandémie, avec Sonya Yoncheva et Domingo Hindoyan.

Oui ou non

Je me pose toujours la question de la pertinence pour un chef d’orchestre d’aller au bout de ses limites. Pour un Bernard Haitink qui, à 90 ans, un an avant sa mort, a mis fin à sa carrière, après quelques concerts où il n’était déjà plus que l’ombre de ce qu’il avait été, on a le contre-exemple éloquent de Charles Dutoit, 88 ans depuis le 7 octobre, qui ne ralentit ni ses voyages (on se demande quels pays il lui reste à visiter dans le monde !), ni ses concerts. Dans le nouveau numéro de Classica, Olivier Bellamy livre une interview-fleuve, qui aurait mérité un meilleur découpage et un vrai travail de décryptage d’un entretien où tout se mêle et s’emmêle parfois : Charles Dutoit est bavard et il a tant à dire d’une vie foisonnante. A lire tout de même !

En revanche, quel intérêt y a-t-il pour le public, ses admirateurs, et le grand musicien qu’il a été, de documenter l’inexorable décrépitude de Daniel Barenboim ? Je trouve presque indécent d’assister à cette déchéance. La critique n’ose pas écrire ce qui pourtant saute aux oreilles des derniers disques de Barenboim chef : qu’on ne devrait même pas les publier. Dernier triste exemple en date : la Symphonie de Franck avec l’orchestre philharmonique de Berlin ! Emouvant diront certains, infiniment triste diront tous les autres…

Barenboim avait gravé il y a presque cinquante ans une magnifique version de la dite symphonie avec l’Orchestre de Paris au tout début de son mandat. En rester à ce souvenir lumineux !

2890 jours : ils ont fait Montpellier (V) Top chefs

Durant mon mandat à la direction du Festival Radio France Montpellier Occitanie (lire 2890 jours) de 2014 à 2022, comme pendant mes années à l’Orchestre philharmonique royal de Liège (Merci), j’ai eu l’obsession de faire découvrir, de susciter la curiosité du public. Après les pianistes, les clavecinistes, les instrumentistes et les formations à cordes, place aux orchestres, choeurs et à leurs chefs et cheffes. Qui nous ont offert des soirées mémorables, sans doute les plus marquantes du festival. Et si certains ensembles et chefs étaient déjà familiers de Montpellier, je suis heureux d’avoir pu inviter des femmes et des hommes de très grand talent, qui, pour certains, occupent aujourd’hui les positions les plus en vue.

Je rêve – peut-être pour les 40 ans du festival – d’une édition discographique qui regrouperait les grandes heures symphoniques et chorales du Festival. Et pourquoi pas ‘d’une chaîne thématique spécifique sur France Musique ?

Montpellier pilier du Festival

Nul n’aurait pu imaginer le festival, hier et maintenant, sans la présence essentielle de l’Orchestre national Montpellier Occitanie. La liste des productions auxquelles il a participé est impressionnante. Il faut en remercier ici tous les musiciens qui n’ont jamais ménagé leur engagement, et donc beaucoup me disaient qu’ils attendaient avec impatience le mois de juillet et l’aventure du Festival.

2015 : Fantasio, dirigé par le regretté Friedemann Layer (1941-2019), pour qui, cette année-là, ce furent des retrouvailles émues avec l’orchestre qu’il avait dirigé de 1993 à 2007.

Pour l’ouverture du festival, j’avais fait appel à Domingo Hindoyan (1980) devenu entre-temps directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Liverpool

et pour la clôture à mon cher Christian Arming, tout indiqué comme Viennois pur jus pour diriger la IXe symphonie de Beethoven !

2016 : Michael Schønwandt  comme chef principal de l’ONM a, bien entendu, été de toutes nos aventures, surtout lorsqu’il s’agissait de redécouvrir quelques fameux ouvrages lyriques (lire 17 opéras)

Mon très cher Paul Daniel, invité en 2015 avec l’Orchestre de Bordeaux, devait diriger l’ONM pour plusieurs concerts Beethoven dans la région Occitanie, lorsqu’est survenu l’effroyable attentat de Nice le soir du 14 juillet 2016. Spontanément, Paul Daniel, les musiciens de l’ONM, la Ville de Montpellier et moi avons décidé d’un hommage, diffusé en direct sur France Musique, le dimanche 16 juillet au soir : L’hommage de Montpellier aux victimes de l’attentat de Nice (Le Figaro)

Domingo Hindoyan revient, cette fois, avec la grande Sonya Yoncheva, son épouse à la ville, pour l’opéra Iris de Mascagni (17 opéras)

2017

Jader Bignamini (Bellini, les Puritains)

Domingo Hindoyan (Siberia Giordano)

Michael Schønwandt 

2018

Marzena Diakun

Michael Schønwandt  (Delibes / Kassya)

George Pehlivanian

2019

Kristjan Järvi

Au lendemain de l’ouverture du festival par son père, Neeme Järvi, son fils Kristjan dirigeait l’ONM dans un programme contemporain

Les violonistes Daniel Lozakovich et Mari Samuelsen encadrant Kristjan (debout) et Neeme Järvi (assis)

Michael Schønwandt  (D’Indy /Fervaal)

2021

Michael Schønwandt 

Domingo Hindoyan : très grand souvenir de la soirée de clôture du festival 2021 avec une carte blanche à Sonya Yoncheva et à son mari !

2022

Pierre Dumoussaud : heureux d’avoir pu compter sur le formidable talent du jeune chef français pour l’ouverture (le 14 juillet) de mon dernier festival, et le Concours Eurovision des jeunes musiciens

Le jury du Concours Eurovision 2022 : debout de gauche à droite le violoniste Tedi Papavrami, la hautboïste Nora Cismondi, le violoncelliste Christian-Pierre La Marca, assis JPR et la présidente du jury, la pianiste Mūza Rubackytė

Michael Schønwandt  (Thomas / Hamlet)

Christopher Warren-Green, une première à l’ONM pour le chef britannique, avec un soliste au patronyme illustre : Gabriel Prokofiev

Les formations de Radio France

Très logiquement, et suivant le pacte fondateur du Festival en 1985, j’ai invité chaque année les formations musicales de Radio France.

Orchestre national de France

2015 Alexander Vedernikov est tragiquement disparu le 26 octobre 2020 à 56 ans des suites du Covid-19.

2016 John Neschling, le grand chef brésilien dirigeait un programme particulièrement original : Epiphanie d’André Caplet (avec le violoncelliste Marc Coppey) et la Symphonie lyrique de Zemlinsky

De 2017 à 2019 c’est Emmanuel Krivine, directeur musical de l’ONF de 2017 à 2020, qui est naturellement venu à Montpellier pour des programmes toujours élaborés dans l’esprit du Festival.

2021 et 2022 C’est le successeur de Krivine, Cristian Măcelaru, qui viendra défendre des programmes particulièrement originaux

Orchestre philharmonique de Radio France

2015 Patrick Davin (lire : Un ami disparaît)

2016 Pablo Gonzalez

2017 Vladimir Fedosseiev : c’est à un vétéran de la direction russe que l’OPRF et le Festival avaient fait appel pour donner la cantate Octobre de Prokofiev, écrite en 1937 pour commémorer les vingt ans de la Révolution russe.

2018 Santtu-Matias Rouvali

2019 Andris Poga

2021 Santtu-Matias Rouvali

Orchestres de jeunes

J’ai tenu, chaque année de mon mandat, à inviter des orchestres de jeunes, puisque la raison d’être même du Festival a toujours été la découverte et la promotion des jeunes talents.

Australian Youth Orchestra (19) / Krzysztof Urbanski

I Culture Orchestra (18) / Kirill Karabits

Jove Orquestra Nacional de Catalunya / Manel Valdivieso (17)

National Youth Orchestra USA (16) / Valery Gergiev

Orchestre des Jeunes de la Méditerranée (21) (22) / Duncan Ward

Les formations invitées

La liste ci-desous indique assez l’éclectisme de nos choix, dans l’idée qu’un Festival doit toujours être une fête populaire, ouverte à tous les publics, à tous les genres.

Le Bagad de Lann-Bihoué (2015)

Le Concert de la Loge / Julien Chauvin (17)(19)

Le Concert Spirituel / Hervé Niquet (15) (17) (19) (21)

Ensemble Les Surprises / Louis-Noël Bestion de Camboulas (18)

Harmonie et Orchestre de la Garde républicaine (18) / Sébastien Billard / Hervé Niquet

Orchestre de chambre de Paris (16) / Douglas Boyd

Orchestre national Bordeaux-Aquitaine (15) / Paul Daniel

Orchestre national du Capitole de Toulouse (16) (17) : Andris Poga / (19) Tugan Sokhiev / Lio Kuokman / (21) Nil Venditi

Orchestre National de Lille (17) / Alexandre Bloch

Orchestre de Pau Pays de Béarn (18) / Fayçal Karoui

Orchestre philharmonique royal de Liège (18) / Christian Arming

Orchestre philharmonique de Tampere (19) / Santtu-Matias Rouvali

Orchestre symphonique national d’Estonie (19) / Neeme Järvi

Les Passions (16) / Jean Marc Andrieu

Il Pomo d’Oro (21)

Pygmalion (16) / Raphaël Pichon

Scottish Chamber Orchestra (22) / Maxim Emelyanychev

Les Siècles (21) / François-Xavier Roth

Sinfonia Varsovia (2015)

Choeurs

Pas de festival réussi, pas de découverte de répertoires inconnus sans la présence des choeurs, celui de Radio France bien sûr, mais aussi durant tant d’années de celui de la radio lettone.

Choeur de l’Armée française (18) / Aurore Tillac

Choeur de l’Armée rouge (17) / Victor Elisseiev

Choeur de Radio France (15) (16) (17)/Sofi Jeannin, (18) Marina Batic (22) Christophe Grapperon

Choeur de la radio lettone / Sigvards Klava (15, 16, 17, 18, 19)

Les Elements (16) Jean-Marc Andrieu, (17) (19) (22) Joël Suhubiette

The King’s Singers (22)

Maîtrise de Radio France (16) / Sofi Jeannin

Opera Junior (16) / Vincent Recoin

Orfeo Donostiarra (2015)

A tous ces formidables ensembles, orchestres, choeurs, et leurs chefs, une immense gratitude pour tant d’émotions partagées.

2890 jours : ils ont fait Montpellier (III) 17 opéras

Dès sa fondation en 1985, le Festival Radio France Occitanie Montpellier s’est singularisé dans le paysage musical international par la programmation d’ouvrages lyriques rares, voire inédits, de redécouvertes considérables. C’est une politique que j’ai résolument poursuivie, de 2014 à 2022, durant mon mandat de directeur du festival (lire 2890 jours), même si la pandémie d’une part, les réductions budgétaires d’autre part, nous ont obligé à réduire la voilure.

Il n’empêche que la liste des oeuvres jouées durant 8 éditions, et des interprètes engagés à cette fin, ne laisse pas d’impressionner.

2015 : Bodin de Boismortier, Offenbach, Lalo

(L’affiche du Festival 2015 avait été créée par l’artiste Gérard Matharan disparu en avril 2022)

Joseph Bodin de Boismortier : Don Quichotte chez la Duchesse

L’Opéra de Versailles reprenait cette fin janvier le spectacle inauguré en 2015 à MontpellierDon Quichotte chez la Duchesse – dirigé par Hervé Niquet et mis en scène par Gilbert et Corinne Bénizio (ex- Shirley et Dino)

(De gauche à droite : Corinne Bénizio, Jany Macaby, Hervé Niquet, Gilles Bénizio, JPR)

Jacques Offenbach : Fantasio

Ce fut l’événement du Festival 2015, une authentique redécouverte d’un ouvrage oublié d’Offenbach, qui a depuis fait les beaux soirs de l’Opéra-Comique (lire Brillante résurrection de Fantasio)

Edouard Lalo : La Jacquerie

2016 : Rameau, Offenbach, Aboulker, Mascagni

Jean-Philippe Rameau : Zoroastre

Pietro Mascagni : Iris

Isabelle Aboulker : Marco Polo et la Princesse de Chine

Jacques Offenbach : Ba-Ta-Clan

Il faut préciser ici que cette pochade avait été programmée avant les attentats du 13 novembre 2015 dans la salle de spectacle – le Bataclan – qui tire son nom de l’ouvrage d’Offenbach, et que ce concert a été dédié à toutes les victimes du terrorisme.

2017 : Bellini, Giordano et le mélange Niquet

2018 : Offenbach, Destouches, Delibes


2019 Pomme d’Api et Fervaal

Jacques Offenbach : Pomme d’Api

L’événement de ce festival 2019 c’est la restitution intégrale d’une partition devenue mythique à force de ne jamais avoir été jouée, a fortiori représentée, Fervaal de Vincent d’Indy.

Vincent d’ Indy, Fervaal Op. 40 

Opéra en 3 actes et un prologue sur un livret du compositeur d’après le poème « Axel » d’Esaias Tégner.

Michael Spyres (ténor), Fervaal
Gaëlle Arquez (mezzo-soprano), Guilhen
Jean-Sébastien Bou (baryton), Arfagard
Elisabeth Jansson (mezzo-soprano), Kaito
Nicolas Legoux (basse), Grympuig
Eric Huchet (ténor), Lennsmor
Kaëlig Boché (ténor), Edwig
Camille Tresmontant (ténor) 4ème Paysan, 1er Paysan sarrazin, Chennos
François Piolino (ténor), Ilbert
Rémy Mathieu (ténor), Ferkemnat, Moussah
Matthieu Lécroart (baryton), Geywihr, 5ème Paysan
Eric Martin-Bonnet (basse), Penwald, Buduann
Pierre Doyen (baryton), le Messager, 3ème Paysan, 2ème Paysan sarrazin
Jérôme Boutillier (baryton), 1er Paysan, Gwellkingubar
Anas Seguin (basse), Berddret
Guilhem Worms (baryton-basse), Helwrig
François Rougier (ténor), 2ème Paysan, Le Berger, Le Barde

Choeur de la Radio Lettone
Choeur de l’Opéra national de Montpellier Occitanie
Orchestre national de Montpellier Occitanie
Michael Schonwandt, direction

Il y avait un projet d’édition de cette soirée en CD, qui n’a jamais abouti pour des raisons non artistiques… Mais les amateurs peuvent retrouver l’intégralité de la soirée du 24 juillet 2019 sur YouTube

2021 Pas de Bacchus mais une création

Nous avions prévu, d’abord en 2020, puis en 2021, de redonner vie à un opéra de Massenet, Bacchus. Projet annulé en 2020 pour cause de pandémie.. et en 2021 pour cause de conséquences de la pandémie ! Trois ans après, tout le monde semble avoir oublié que si les festivals ont pu reprendre leur activité, c’était au prix de restrictions toujours en vigueur en matière de nombre de spectateurs, et bien sûr de distanciation sur scène, aussi bien en répétition qu’en concert. Or Bacchus exigeait un nombre important d’interprètes et surtout plusieurs formations additionnelles en coulisses. Nous avons dû très vite nous résoudre à annuler l’opération, au grand dam du chef, des musiciens et des chanteurs qui avaient travaillé sur cette partition reconstituée pour l’occasion.

Mais en co-production avec l’Opéra de Montpellier, ce fut la création de l’opéra de Philip Venables Denis et Katya.

(De droite à gauche : Philip Venables, Ted Huffmann, Jakub Jozef Orlinski et JPR)

2022 Hamlet d’Ambroise Thomas

En 2022, un seul opéra, mais pas le moindre, pour illustrer la thématique « so British » de cette édition : Hamlet d’Ambroise Thomas, mais pas dans la version baryton, la plus jouée, dans celle où le rôle-titre est chanté par un ténor. Et quel ténor en ce 15 juillet 2022 avec John Osborn !

Prochain « épisode » : les chanteurs, chanteuses, en concert ou en récital !

La fougue et la grâce

Beaucoup de place consacrée ici, ces dernières semaines, aux gloires du passé. Grâce à des rééditions bienvenues (Doráti, Klemperer, les chefs de Cincinnati, Jessye Norman, Victoria de Los Angeles). L’avalanche d’automne n’est pas terminée… et il ne faudrait pas succomber aux facilités de la nostalgie.

Mais il y a heureusement quelques – rares – nouveautés qui exaltent le talent de la génération montante.

Domingo Hindoyan à Liverpool

D’abord un disque comme on n’en fait plus – des intermezzi d’opéras véristes. J’ai tellement aimé celui de Karajan, et tellement pas le médiocre remake de Riccardo Chailly

Voici qu’aujourd’hui l’un des chefs dont j’ai aimé voir éclore le talent en l’invitant souvent à Liège Domingo Hindoyan, chief conductor depuis 2021 du Royal Liverpool Philharmonic Orchestra, publie un disque très réussi de préludes et d’intermezzi d’opéras de Mascagni, Ponchielli, Puccini, Cilea, etc.

Rien n’est plus difficile à réussir ces pièces d’orchestre, avec le chic, l’élégance, le fini orchestral qui s’imposent, Domingo Hindoyan n’est pas loin d’égaler son illustre aîné berlinois.

Je n’en suis pas surpris de la part d’un chef qui avait fait très forte impression à Montpellier, en dirigeant en 2016 Iris de Mascagni et en 2017 Siberia de Giordano, avec à chaque fois dans les rôles-titres sa propre épouse, la grande Sonya Yoncheva.

Tant de souvenirs avec ces deux-là…

Santtu-Matias Rouvali à Göteborg

Voici bientôt dix ans que j’ai découvert ce phénomène, aujourd’hui à la tête de l’une des grandes phalanges européennes, le Philharmonia de Londres. Il y a un mois, je l’applaudissais encore, dirigeant l’Orchestre philharmonique de Radio France. Santtu-Matias Rouvali poursuit son intégrale des symphonies de Sibelius avec l’orchestre de Göteborg, et ce qui est très intéressant, s’agissant d’un chef qui fête ses 38 ans dans quelques jours, c’est qu’il suscite controverses et divergences à chaque nouveau disque, à chaque concert. On n’admire plus seulement la jeunesse d’un talent hors norme, on se met à discuter ses choix interprétatifs, alors qu’il ne fait qu’affirmer une vision, un regard originaux, surprenants parfois, sur des oeuvres rebattues. Moi j’aime ça ! C’est tellement mieux que l’eau tiède !

Aziz Shokhakimov à Strasbourg

Du jeune chef ouzbek qui dirige désormais l’orchestre philharmonique de Strasbourg, Aziz Shokhakimov, j’avais écrit pour Bachtrack (L’audacieux pari d’Aziz Shokhakimov) tout le bien qu’on pouvait en penser. Mais je n’avais pas évoqué le disque publié à l’occasion de cette rentrée. C’est assez culotté, dans une discographie saturée, d’oser sortir une Cinquième de Tchaikovski et Roméo et Juliette. Défi largement relevé, disque magnifique.

Vacances 2022 : Pise et Livourne pour Mascagni et Modigliani

Hommage à Sempé

Jean-Jacques Sempé est mort avant-hier, et on n’a pas fini de mesurer le génie de cet homme, de cet artiste au sens plein du terme. Je ne vais pas à mon tour céder à un hommage vite fait, juste rappeler le billet que j’avais écrit au début 2018, à propos d’une part essentielle de son oeuvre, la musique : Jean-Jacques et la musique.

Il n’y a pas que la tour penchée à Pise

Y aller ou pas ? Je me suis posé la question. J’avais visité Pise rapidement il y a plus d’une vingtaine d’années, c’était déjà l’affluence pour voir le célèbre campanile incliné. Finalement j’y suis retourné et bien m’en a pris. Je ne me rappelais plus les trésors de la cathédrale, encore moins les immenses fresques restaurées du Camposanto. Et le reste d’une ville charmante, traversée par l’Arno qui ne semblait pas avoir trop souffert de la sécheresse qui tarit les fleuves français.

Livourne : Pietro Mascagni et Amadeo Modigliani

Je ne me serais sans doute pas arrêté à Livourne (Livorno) si la ville portuaire ne s’était trouvée sur ma route vers ma destination de vacances de ce long week-end du 15 août. J’ai découvert que c’était la ville natale du compositeur Pietro Mascagni (1863-1945) et du peintre et sculpteur Amedeo Modigliani (1884-1920). L’hommage aux enfants du pays ici n’a rien à voir avec celui que Lucques et Torre del Lago ont rendu à Puccini. Ou alors il ne m’a pas sauté aux yeux !

En bord de mer une esplanade édifiée en 1925 baptisée du nom du compositeur à sa mort en 1945, la Piazzale Mascagni

Livourne, Piazzale Mascagni
Dans l’opulente Villa Mimbelli, siège du musée Giovanni Fattori
Museo Civico Giovanni Fattori

une belle série de tableaux du début du XXème siècle italien, et parmi eux, un portrait du jeune Pietro Mascagni

Angiolo Tomassi, Pietro Mascagni, 1899

et de Modigliani un petit tableau qui ne dit rien de ce qu’il deviendra une fois arrivé à Paris.

Amedeo Modigliani, Stradina toscana, 1898

Un buste aussi :

À propos de Mascagni, je ne peux m’empêcher de me rappeler l’un de mes plus grands souvenirs du Festival Radio France, quand Sonya Yoncheva et son mari, le chef Domingo Hindoyan, nous avaient donné à Montpellier une version exceptionnelle de l’opéra Iris. C’était le 26 juillet 2016.


Mardi nuit et soleil, de Liège à Montpellier

Il est des jours où l’exercice du blog est singulièrement difficile, quand le drame percute une actualité joyeuse. Hier ce fut le grand écart entre Liège et Montpellier.

Lorsque j’ai reçu une alerte en fin de matinée sur l’attentat de Liège, je ne savais pas où il s’était produit, mais j’ai tout de suite pensé à ce 13 décembre 2011 de très sinistre mémoire, 5 morts et plusieurs dizaines de blessés, sur la place Saint-Lambert au coeur de la Cité ardenteEt puis, au cours de l’après-midi, j’ai regardé les premières images, de lieux si familiers, au croisement du boulevard d’Avroy, de la rue des Augustins, du boulevard Piercot. J’y suis passé au moins quatre fois par jour pendant plus de dix ans, faisant le trajet de mon domicile à mon bureau. La Salle Philharmonique, siège de l’Orchestre philharmonique royal de Liègeest à moins de 50 mètres de l’Athénée (lycée) Léonie de Waha.

Salle-philharmoniqueLa Salle Philharmonique de Liège (et le buste d’Eugène Ysaye)

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C’est devant ce lycée qui porte le nom d’une grande féministe belge, Léonie de Wahaque deux policières ont été sauvagement assassinées, c’est sur la façade de ce superbe édifice moderniste, dû à l’architecte Jean Moutscheninauguré en 1938, restauré au cours de la dernière décennie, qu’on trouve ce bas-relief de Louis Dupont … « L’insouciance de la jeunesse« …

1024px-Liège,_Athénée_Léonie_de_Waha,_reliefOn n’ose imaginer ce qui se serait produit si de courageux employés de l’Athénée n’avaient eu le réflexe de fermer les accès à l’établissement et de faire sortir les enfants par l’arrière.

Finalement, j’aurais pu dire ce qu’une jeune fille répondait hier aux caméras qui l’interrogeaient sur les lieux du crime : « Je passe ici tous les jours, je n’arrive pas à croire que cette horreur a eu lieu ici ». 

Je découvre ce matin ce beau texte : Après l’orage

À Montpellier, ce mardi avait des couleurs plus ensoleillées : la présentation du Festival Radio France au Gazette Café, avec un invité de luxe, Paul Meyerqui nous a offert deux premières mondiales. On y reviendra demain…

Et le soir un récital, à l’opéra Berlioz, de ma très chère Sonya Yoncheva (et de son petit frère Marin Yonchev), magnifiquement accompagnés par Daniel Oren et un orchestre de Montpellier en grande forme.

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Une généreuse soirée tout Verdi, que les Parisiens peuvent retrouver ce vendredi au Théâtre des Champs-Elysées.

719jZJo97CL._SL1500_Un regret : « l’oubli » – ce ne peut qu’être que cela ! – dans la « bio » de la cantatrice publiée dans le programme distribué aux spectateurs de la participation de Sonya Yoncheva à deux soirées inoubliables du Festival Radio France Iris de Mascagni en 2016, et Siberia de Giordano en 2017. Avec le même orchestre de Montpellier. Le public avait rectifié de lui-même…

L’été meurtrier

Même tout entier absorbé par un festival très dense, je ne peux faire abstraction d’une actualité qui semble s’emballer depuis la tragédie de Nice. Plus un jour sans l’annonce macabre d’une tuerie, d’une attaque, en Allemagne, en Floride, en Afghanistan, au Japon… Je crains que la météo ne soit pas la seule, cet été, à battre des records.

Mais comme s’il fallait conjurer le sort, repousser la menace, préférer la vie à la peur, je fais le constat, réconfortant, à la veille de la clôture de la 32ème édition du Festival de Radio France Montpellier Occitanie, d’un regain de présence, de fréquentation des concerts et des rencontres. Comme si, plus que jamais, les citoyens que nous sommes, sans doute un peu dégoûtés des polémiques qui ont suivi les attentats de Nice, avaient un besoin urgent, vital, de partager de l’émotion musicale, de vibrer intensément et ensemble grâce à la musique.

13731002_1313160952067786_7137969878825149455_o(Jeudi soir, Bertrand Chamayou et John Neschling avec l’Orchestre National de France  dans le 5ème concerto pour piano de Saint-Saëns / Photo Luc Jennepin)

Il paraît que le programme du concert de l’Orchestre National de France était « exigeant »: ce serait donc encore risqué d’oser la Symphonie Lyrique de Zemlinsky ? Risque assumé… et public conquis. Comme il l’avait été la veille par une Quatrième symphonie de Prokofiev, au moins aussi rare au concert (Les miracles de Valery Gergiev). Quand on a sur le plateau un chef de la trempe de John Neschling et des chanteurs aussi exaltants que Marlin Hartelius et Christian Immler, et un Orchestre National des grands soirs…on se doit de réécouter ce concert sur Francemusique.fr)

Sans doute avons-nous eu moins de mal à promouvoir le concert d’hier, dans le bel amphithéâtre de plein air du Domaine d’O à Montpellier, mais j’y ai vu tant de visages en état de découverte et de bonheur, que je me suis dit que Carmina burana pouvait encore conquérir et toucher de nouveaux auditeurs.

13767332_1313163948734153_625509906534752041_o(Le Choeur de Radio France dirigé par Sofi Jeannin / Photo Marc Ginot)

Ce dimanche c’était aussi le moment idéal, entre générale et concert demain soir, pour profiter d’une jolie table de Montpellier (Le Grillardin) et de l’amitié si simple et chaleureuse d’un couple d’artistes que j’admire et suis depuis longtemps.

IMG_3979(Sonya Yoncheva et Domingo Hindoyan qui font la clôture du Festival demain soir avec l’étonnant opéra Iris de Mascagni, à suivre en direct sur France Musique !)

Revoir ce que Sonya Yoncheva et Domingo Hindoyan disent de cet ouvrage rare sur France 3 (à 12’50)

 

Le sens du monde

Lundi soir j’espérais que toute la semaine serait marquée du sceau du bonheur éprouvé à l’écoute des deux voix mêlées de Sonya Yoncheva et Karine Deshayes.

13516558_10154610974329796_3279155323797290830_n(Photo J.Ph.Raibaud/TCE)

Celle qui va ouvrir le 11 juillet le Festival de Radio France Montpellier LRMP (lefestival.eu) – Karine Deshayes – retrouvait celle qui va clore en beauté le même Festival le 26 juillet avec Iris de Mascagni – Sonya Yoncheva. Pour un Stabat Mater de Pergolese (La jeunesse interrompue) très attendu par un théâtre des Champs-Elysées archi-comble, capté « live » par Sony qui devrait le publier à l’automne.

Ce mardi Radio Clapas diffusait une interview réalisée il y a quelques jours, dans laquelle j’évoque l’Orient fascinant, inspirant, qui trace le fil rouge de l’édition 2016 du Festival, en souhaitant qu’on oublie, le temps de quelques concerts, cet Orient guerrier, menaçant, mortifère !  A écouter ici : https://soundcloud.com/radio-clapas/interview-festival-radio-france-montpellier.

Le soir même j’étais sévèrement démenti, une fois encore la terreur aveugle frappait à Istanbul...

Et puis j’ai trouvé ceci sur Facebook, un discours pas comme les autres, qui vient à point pour redonner foi dans notre pauvre humanité, et du sens à notre présence dans ce monde.