Winter comes slowly

En ce dimanche gris et brumeux de début de l’hiver, c’est à Purcell et sa merveilleuse Fairy Queen que je pense aussitôt : Now winter comes slowly

C’est une des nombreuses musiques que l’hiver a inspirées à des compositeurs de tous horizons. A peu près chaque année, j’ai consacré un billet à cette saison (Rêves d’hiver) qui n’est pas toujours synonyme de réjouissances et de fête.

J’ai piqué au hasard dans ma discothèque quelques tubes et quelques raretés.

  • L’inverno (L’hiver) de Vivaldi, et une version – la première que j’ai acquise – celle de Felix Ayo avec I Musici qui n’a pas pris une ride

De ce cycle de douze pièces pour piano (une par mois) de Tchaikovski, que j’aime jouer (uniquement pour moi !) et qui était longtemps resté l’apanage de quelques pianistes russes, comme Sviatoslav Richter, il y a depuis quelques mois une épidémie de parutions…

Je laisse aux critiques spécialisés le soin de les départager. Je livre ici une version qui m’est chère, celle de Brigitte Engerer

C’est à Paris qu’en 1929, le compositeur et chef d’orchestre originaire de Saint-Pétersbourg, réalise le premier enregistrement de son ballet Les Saisons, une des rares oeuvres qui émerge encore d’un corpus symphonique abondant, mais pas toujours inspiré. C’est à Neuilly qu’il décèdera le 21 mars 1936.

Les Russes n’ont pas le monopole de l’évocation de l’hiver. J’aime beaucoup la première symphonie de Roussel, qui reste dans une veine « impressionniste » qui disparaîtra dans les symphonies n°3 et 4.

Deux versions très réussies, qu’on n’a pas envie de départager :

  • Schubert, Der Winterabend

Quand on évoque Schubert, on pense évidemment à son cycle de mélodies Winterreise / Le Voyage d’hiver (1827). Le Lied Der Winterabend lui est postérieur d’un an.

  • Wagner, Die Walküre / La Walkyrie acte I, air de Siegmund « Winterstürme wichen den Wonnemond »

Dans le 1er acte de la Walkyrie, Siegmund chasse le souvenir des « tempêtes hivernales ».

  • Josef Strauss, Winterlust

Et puisqu’on y sera bientôt, anticipons les joies de l’hiver à Vienne avec le frère cadet de Johann Strauss

  • Richard Strauss, Winterweihe (1900)

Cette mélodie de Richard Strauss sur un poème de Carl Friedrich Henckell est une promesse autant qu’une invitation, et résonne presque comme un chant de Noël.

In diesen Wintertagen,
Nun sich das Licht verhüllt,
Laß uns im Herzen tragen, 
Einander traulich sagen,
Was uns mit innerm Licht erfüllt.

Was milde Glut entzündet,
Soll brennen fort und fort, 
Was Seelen zart verbündet
Und Geisterbrücken gründet,
Sei unser leises Losungswort.

Das Rad der Zeit mag rollen,
Wir greifen kaum hinein,
Dem Schein der Welt verschollen, 
Auf unserm Eiland wollen
Wir Tag und Nacht der sel’gen Liebe weih’n
.

En ces jours d’hiver, Maintenant que la lumière est voilée, Portons dans nos cœurs, Confions-nous intimement, Que ce qui nous emplit de lumière intérieure. ce qui allume une douce braise brûlera sans fin, ce qui unit tendrement les âmes et bâtit des ponts spirituels, soit notre mot d’ordre silencieux. La roue du temps peut tourner, Nous la touchons à peine, Perdus dans l’illusion du monde, Sur notre île, nous voulons consacrer jour et nuit à l’amour béni (Libre traduction JPR)

Et toujours humeurs et bonheurs à lire dans mes brèves de blog

Quand elles chantent

D’abord un petit rappel : c’est aujourd’hui, 21 décembre, que Michael Tilson Thomas – MTT pour les intimes – fête ses 80 ans (voir MTT le chef sans âge). Comme c’est aussi le premier jour de l’hiver, merci à lui de nous avoir donné cette 1ere symphonie de Tchaikovski – Rêves d’hiver – magique.

Elles chantent Noël

Lorsqu’il y avait encore des magasins de disques aux Etats-Unis ou en Angleterre, on pouvait encore trouver de formidables compilations de chants de Noël. Pas un orchestre, pas un chef, pas une star du chant n’ont dérogé à l’obligation d’enregistrer leur album. Finalement pas si kitsch que ça, et parfois même émouvant.

En version triple sucre glace cet incunable de l’héritage de Karajan à Vienne avec son héroïne du moment Leontyne Price

Encore plus sophistiqué ce disque de noëls d’Elisabeth Schwarzkopf !

Elles composent

Le dernier concert auquel j’ai assisté cette semaine, c’était jeudi soir à la Cité de la Musique. Une belle initiative, mais comme je l’ai écrit pour BachtrackUn jardin féerique trop touffu -, une belle idée ne fait pas forcément un bon concert.

L’idée – vraiment originale – c’est celle qu’ont développée toute une bande d’artistes autour d’Héloïse Luzzatti : une sorte de calendrier de l’Avent où chaque jour est présentée une compositrice. C’est La Boîte à Pépites sur YouTube

Comme je l’ai écrit pour Bachtrack, ma critique porte non pas sur l’idée mais sur la conception d’un concert qui aligne autant de compositrices, d’extraits d’oeuvres… N’en restons pas à ces vignettes, mais explorons plus largement le talent resté trop longtemps ignoré de nombre de ces créatrices.

Vague de froid

C’est l’hiver et il fait froid ! En voilà une nouvelle qui mérite les gros titres des médias…

Je vous épargne Vivaldi, Tchaikovski et sa première symphonie (lire Rêves d’hiver), l’air du froid de Purcell, pour m’en tenir à quelques musiques tout aussi climatiques.

Les Saisons de Glazounov

Alexandre Glazounov, né en 1885 à Saint-Pétersbourg, mort en 1936… à Neuilly, est l’auteur d’une oeuvre abondante, où l’on peine pourtant à distinguer les chefs-d’oeuvre. Son ballet Les Saisons est créé en 1900 au théâtre Marinski, il comporte de belles pages, notamment cette séquence sur l’Hiver.

La bataille sur la glace

Puisqu’on est en Russie, restons-y avec cet épisode toujours aussi fascinant du film d’Eisenstein, et de la musique de Prokofiev écrite pour ce film, Alexandre Nevski

C’est l’occasion de rendre un nouvel hommage au chef russe Youri Temirkanov disparu il y a deux mois.

Promenades en traineau

Ceux qui me suivent savent ma passion pour Leroy Anderson (lire Leroy et Jerry) et l’un de ses tubes, Sleigh Ride découvert jadis dans l’interprétation insurpassée d’Arthur Fiedler et de ses Boston Pops.

De ce tube, il y a eu évidemment plein d’arrangements. Comme celui de Thomas Trotter à l’orgue

Son jeune collègue, Cameron Carpenter, en donne une version plus décapante !

Beaucoup moins connue, et donc moins jouée, une autre Promenade en traineau due cette fois à un autre compositeur que j’affectionne, Frederick Delius (lire L’Anglais oublié de France)

Un conte suédois

Puisqu’il semble que le coup de froid qui s’abat sur la France provient de Scandinavie, un détour par la Suède s’impose, avec ce Conte d’hiver de Lars-Erik Larsson (1908-1986)

L’hiver à Vienne

Puisqu’on est à quelques jours du concert de Nouvel an à Vienne, cette polka rapide de Josef Strauss, Winterlust, mettra tout le monde de bonne humeur pour affronter les frimas de saison.

Régime de fête (II) : Rêves d’hiver

Rien de nouveau sous le pâle soleil de ce matin : c’est le premier jour de l’hiver !

Il y a un an, j’avais consacré un long article à la Première symphonie de Tchaikovski. Je le reproduis ici, et l’actualise à la fin, en évoquant des versions ou rééditions récentes, qui surprennent… ou déçoivent !

Les rêves d’hiver de Tchaikovski

Comme je l’ai raconté dans le premier billet de cette série – La découverte de la musique (I) – j’ai, adolescent, en grande partie constitué ma discothèque classique grâce à une filiale de la puissante coopérative suisse MigrosEx Libris, qui était à la fois un club et une chaîne de magasins culturels. C’est grâce à Ex Libris que j’ai eu ma première version d’une oeuvre qui a toujours puissamment résonné en moi (Musiques climatiques) : la première symphonie « Rêves d’hiver » de Tchaikovski

Cette symphonie, commencée au printemps 1866, est sans doute celle qui va donner le plus de mal à son auteur, qui traverse de graves crises nerveuses : «  Mes nerfs sont à nouveau complètement détraqués. Les raisons en sont les suivantes : 

1) les difficultés dans la composition de la symphonie ;

2) Rubinstein et Tarnovski, remarquant à quel point je suis susceptible, passent leur temps à me faire enrager ;

3) la pensée omniprésente que je mourrai bientôt sans avoir eu le temps d’achever ma symphonie.

J’attends l’été et Kamenka comme une terre promise. Depuis hier, je ne prends plus de vodka, de vin ni de thé fort. Je hais l’humanité et voudrais me retirer dans un désert. J’ai déjà pris mon billet de diligence pour le 22 mai… »

Il faudra à Tchaikovski surmonter les refus, les sarcasmes, pour enfin atteindre le succès, deux ans plus tard, lorsque sa symphonie est créée par son dédicataire, Nikolai Rubinstein, le 15 février 1868, à Moscou, lors d’un concert de la Société musicale russe. Ce n’est pourtant que, quinze ans plus tard, le 1er décembre 1883, qu’on pourra la réentendre à Moscou et lire dans Les Nouvelles russes cette critique qui résume bien l’oeuvre : « C’est une symphonie authentiquement russe. Dans chaque mesure, on sent qu’elle n’a pu être écrite que par un Russe« . Tchaikovski lui-même écrit à Nadiejda von Meck: « Même si elle demeure à bien des égards d’une immaturité évidente, elle a pourtant au bout du compte plus de substance et s’avère bien plus réussie que beaucoup de mes œuvres ultérieures« .

C’est donc avec Lorin Maazel – lire Un Américain de Paris – et l’Orchestre philharmonique de Vienne (ah ces couleurs du hautbois solo, des cors !) que je découvre ces Rêves d’hiver, une version qui ne m’a jamais quitté et que je place toujours en tête de ma discographie personnelle de l’oeuvre.

Quelques mois plus tard, je découvrirai l’un des premiers disques du jeune Michael Tilson Thomas 

Et lorsque Karajan, qui a si souvent enregistré les trois dernières symphonies, grave les trois premières pour Deutsche Grammophon, cela donne une Rêves d’hiver intensément lyrique, tragique parfois, comme dans le mouvement lent, d’une abyssale nostalgie

Au moment de clore ce billet, j’ai une pensée toute particulière pour Patrick Davin, tragiquement disparu au début de l’automne (Un ami disparaît) qui avait magnifiquement dirigé, à ma demande, cette symphonie qu’il ne connaissait pas, à la tête de l’Orchestre philharmonique royal de Liège.

(Billet paru le 24 décembre 2020 : La découverte de la musique : Les rêves d’hiver de Tchaikovski)

A aimer.. ou à fuir

Aux versions citées dans cet article, je voudrais en rajouter quelques-unes, à conseiller.. ou à fuir !

Markevitch et Marriner à Londres

La réédition unanimement saluée dans la collection Eloquence des disques enregistrés par Igor Markevitch pour Philips (voir Igor Markevitch la collection Philips) comprend l’intégrale des symphonies de Tchaikovski réalisée à Londres au début des années 60, intégrale inégale dont se distingue une première symphonie idéale d’allure, d’atmosphère juvénile.

Une autre surprise de ma discothèque, vraiment passée sous le radar de la critique, est une intégrale des symphonies de Tchaikovski dirigée par Neville Marriner – qui l’eût cru ? Ses « rêves d’hiver » bien peu « tranquilles » captent notre attention

Désolé pour eux !

Le grand Bernstein a laissé plusieurs enregistrements des dernières symphonies de Tchaikovski. C’est peu dire qu’il a raté les premières : où sont les grands paysages enneigés dans ce premier mouvement qui commence de manière si scolaire, et se poursuit dans une instabilité rythmique bien peu contrôlée ?

Beaucoup plus surprenant le prosaïsme de chefs qui sont nés dans ces contrées, comme Valery Gergiev capté ici avec son orchestre du Marinski à la salle Pleyel à Paris.

Le grand Svetlanov n’est guère plus inspiré par la poésie de ces paysages d’hiver.

On n’est guère plus convaincu par une Première symphonie bien sérieuse et terre-à-terre captée à Zurich – la dernière intégrale en date des symphonies de Tchaikovski.

Même Mariss Jansons – dans une intégrale pourtant souvent célébrée – reste dans un entre-deux, loin des emballements poétiques de Tilson Thomas ou Markevitch.

Paris, centre du monde

Si vous ne vous en étiez pas encore rendu compte, vous savez depuis hier soir que Paris est le centre du monde.

Paris bloqué, Paris coincé, Paris prisonnier, parce que Paris enneigé, Paris en hiver !

La démesure du traitement de l’information météorologique atteint des sommets de… ridicule. Il neige sur le Massif central, dans les Vosges, ou dans les Alpes, le trafic routier, ferroviaire en est touché, personne n’en parle, ce n’est que la province. Mais Paris, la région parisienne….

Les Parisiens découvrent, en février, qu’on est en hiver, que la circulation devient plus compliquée, et c’est un événement mondial. Avec son cortège de « directs », tous ces malheureux naufragés de la route, et même un ancien premier ministre qui twitte de rage sur le retard pris par son TGV. À vrai dire, il est scandaleux que ni le président Macron ni son gouvernement n’aient pris les mesures nécessaires pour détourner la neige de la région parisienne…

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Ces photos ont été prises… il y a exactement 5 ans. Histoire de rappeler aux oublieux que la neige peut tomber en hiver sur la capitale.

Qu’ensuite, on puisse pointer des dysfonctionnements, une mauvaise information, il appartiendra aux responsables de les prendre en considération, de les corriger, mais de grâce qu’on garde un tant soit peu le sens de la mesure dans le traitement de l’information. Voeu pieux je sais !

Un peu de musique pour oublier ces tourments…

Every time I look down on this timeless town
Whether blue or gray be her skies.
Whether loud be her cheers or soft be her tears,
More and more do I realize:
I love Paris in the springtime.
I love Paris in the fall.
I love Paris in the winter when it drizzles,
I love Paris in the summer when it sizzles.
I love Paris every moment,
Every moment of the year.
I love Paris, why, oh why do I love Paris?
Because my love is near. (Cole Porter)
Une dernière photo prise aujourd’hui… à Montpellier (où l’on a aperçu quelques flocons hier soir)
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Des cadeaux intelligents

Nous connaissons tous l’horreur de la question rituelle à l’approche des fêtes de fin d’année : que va-t-on pouvoir offrir à X, quel cadeau original faire à Y ? Et affronter la foule des grands magasins ?

Quelques suggestions personnelles… toutes disponibles sur le Net et sans se ruiner !

D’abord une formidable aubaine : 25 ans d’Europakonzerte de l’Orchestre philharmonique de Berlin25 DVD dans un boîtier format CD (un exemple à suivre, svp Messieurs les distributeurs de DVD !), à moins de 50 €. 51hfw6oqkzl-_sl1200_81adiunl5al-_sl1484_L’idée est née en 1991 de proposer, chaque 1er mai, un concert prestigieux des Berliner dans un lieu ou une salle emblématiques d’Europe. L’affiche de ces concerts – chefs, solistes, programmes – parle d’elle-même. Indispensable !

Autre coffret de DVD, même format, mais plus cher et plus hétéroclite, même s’il restitue l’art multi-facettes du pianiste Daniel Barenboim

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Après une discussion passionnée sur Facebook à propos d’une récente réédition de « live » captés à Dresde sur le chef/compositeur italien Giuseppe Sinopoliprématurément disparu en 2001 à 54 ans, je signale deux coffrets formidables (l’un de 16 CD musique orchestrale et chorale, l’autre de 8 CD concertos) à trouver sur www.amazon.ità des prix inversement proportionnels au talent unique du chef disparu :

71cvmcaiirl-_sl1146_5132aldmcdl(Voir détails des deux coffrets à la fin de cet article)

Une nouveauté qui pourrait passer inaperçue : la 4ème symphonie et le concerto pour violon de Weinberg (1919-1996) dans un boîtier au format livre de poche, et à un prix dérisoire. Un très grand compositeur qu’on commence seulement à redécouvrir et à enregistrer, un magnifique concerto pour violon.

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https://www.youtube.com/watch?v=wMSwLkHrtg4

Dans un registre plus traditionnel en ce temps de Noël, deux jolis disques, qui sortent un peu des sentiers balisés, avec la fine fleur des interprètes français de la jeune génération.

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Trouvé hier chez mon libraire de la rue de Bretagne un excellent ouvrage tout ce qu’il y a de plus sérieux sur une musique qui n’a jamais été très prise au sérieux, l’Easy listening !

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La musique easy listening erre au-dessus de tous les styles musicaux qui existent depuis le XVIIIe siècle jusqu’au début des années 1970. C’est une musique large, sans oeillères, qui va puiser son inspiration à des sources bien dissemblables comme les compositeurs de musique classique, les big bands américains des années 1940, les ensembles gamelan balinais folkloriques, les Beatles, la bossa-nova ou la musique hawaïenne traditionnelle. Elle rassemble des personnages aussi différents que l’illustre Burt Bacharach, l’hypnotique pseudo-Indien Korla Pandit, la diva péruvienne Yma Sumac, le Français Roger Roger, auteur de pastilles musicales pour l’ORTF et de son compère Nino Nardini, ou encore Ennio Morricone, c’est dire la difficulté de recenser tous les représentants de cette famille musicale qui a servi de base de données infinie et de source d’inspiration pour des artistes tels que les Beastie Boys, le Wu-Tang Clan, Stereolab, The Avalanches, Portishead, The Cramps etc. Des ascenseurs et supermarchés au salon des clubs lounge, de l’exotica qui envahit l’Amérique d’après-guerre aux bandes-son des films d’exploitation, cet ouvrage définit les contours d’un genre musical omniprésent et pourtant mal connu. (Présentation de l’éditeur).

Il faut saluer ce travail remarquable, et souhaiter qu’il soit complété par tout un pan de ce qui fait bien partie de l’histoire de l’Easy listening, la profusion de grands orchestres américains, souvent issus de phalanges classiques (Boston Pops, Cincinnati Pops, Hollywood Bowl) ou animés par des musiciens charismatiques (MantovaniXavier Cugat, Frederick Fennell, Morton Gould, etc.).

Et comme, pour la plupart d’entre nous, ce 25 décembre ne sera pas blanc, ce potpourri qui réveille en moi tant de souvenirs d’enfance :

 

  • Coffrets Sinopoli /
  • Orchestral Works (16 CD) Beethoven Symph.9 (Dresde) – Brahms Requiem allemand (Phil.tchèque) – Bruckner Symph.4 & 7 (Dresde) – Tchaikovski Symph.6 & Roméo et Juliette (Philharmonia) – Elgar Variations Enigma & Sérénade cordes & In the South – Maderna Quadrivium & Aura & Biogramma (NDR) – Mahler Symph.5 (Philharmonia) – Mendelssohn Symph.4 (Philharmonia) – Schumann Symph.2 (Vienne) – Moussorgski Tableaux d’une exposition (New York) – Ravel Valses nobles et sentimentales (New York) – Ravel Boléro & Daphnis (Philharmonia) – Debussy La Mer (Philharmonia) – Respighi Pins de Rome, Fontaines de Rome, Fêtes romaines (New York) – Schoenberg La nuit transfigurée & Pelléas et Mélisande – Schubert Symph.8&9 (Dresde) – Sinopoli Lou Salomé (Popp, Carreras, Stuttgart) – R.Strauss Ainsi parlait Zarathoustra (New York) Don Juan (Dresde) Danse des sept voiles (opéra Berlin)
  • Concertos (8 CD) Beethoven Concertos piano 1&2 (Argerich, Philharmonia) – Beethoven Conc.violon & Romances (Mintz, Philharmonia) – Bruch conc.vl.1 + Mendelssohn Conc.vl (Shaham) – Elgar Conc.violoncelle + Tchaikovski Variations Rococo (Maisky) – Manzoni Masse Omaggio a Edgar Varese (Pollini, Berlin) + Schoenberg Symph.de chambre op.9 (Berlin) – Mozart Conc.fl.harpe + Symph.conc.vents (Philharmonia) – Paganini Conc.vl.1 + Saint-Saëns Conc.vl.3 (Shaham, New York) – Sibelius & Tchaikovski Conc.vl (Shaham, Philharmonia)

Sibelius m’était conté

« Le plus mauvais compositeur du monde » – dixit René Leibowitz* – est né le 8 décembre 1865. On célèbre donc aujourd’hui le sesquicentenaire de Jean Sibelius, souvent évoqué ici :(https://jeanpierrerousseaublog.com/2014/11/20/le-bonheur-sibelius/).

On ne devient pas sibélien par hasard. À part peut-être la Valse triste, Sibelius n’est pas abonné aux tubes de la musique classique. En ce qui me concerne, c’est un coffret acheté par souscription, donc à un prix que mes très modestes moyens d’étudiant me permettaient, qui m’a mis sur la route du compositeur finlandais. C’était un coffret de quatre 33 tours Deutsche Grammophon, je m’en souviens comme si c’était hier, tous dirigés par Karajan : la 2e symphonie de Brahms, les Tableaux d’une exposition de Moussorgski/Ravel, des intermezzi d’opéras… et le Concerto pour violon de Sibelius avec Christian Ferras en soliste ! Il y a pire comme initiateurs…

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Mais autant l’avouer, je n’accroche pas immédiatement à ce concerto, ce n’est ni Mendelssohn ni Tchaikovski. Il faudra que j’écoute passionnément La Tribune des critiques de disques de France Musique – le trio Panigel-Bourgeois-Goléa – pour que je découvre les mille beautés de l’oeuvre et ce qui allait définitivement m’arrimer à la musique de Sibelius : la rudesse et l’infinité des espaces imaginaires qu’elle ouvre. Et comme Goléa détestait ce concerto, je n’en ai été que plus convaincu de l’aimer.

Quelques années plus tard, mon premier achat dans une véritable caverne d’Ali Baba du disque classique au marché aux puces de Saint-Ouen sera l’intégrale des symphonies dans une version dont j’ignorais alors qu’elle serait louée par les meilleurs critiques et constamment rééditée : Lorin Maazel et les Wiener Philharmoniker.

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On l’aura compris, ce n’est pas d’hier que date mon histoire d’amour pour Sibelius.

Il y a dix ans, exactement à la même période, j’avais eu la chance d’assister aux épreuves du Concours Sibelius à Helsinki (la lauréate d’alors, la merveilleuse Alina Pogostkina, nous a laissé quelques beaux concerts à Liège). Souvenirs lumineux d’une semaine pourtant plongée dans la nuit (le soleil se levait timidement vers 11h du matin, pour disparaître à nouveau vers 14 h), le froid, le gel. J’étais retourné, en juillet 2006, pour visiter bien sûr Ainola, la maison de Sibelius, et la Carélie de lacs et de forêts qui a nourri toute son oeuvre.

Un conseil en cette période qui n’incite pas à l’espoir : écoutez, gavez-vous de Sibelius, d’une musique généreuse, qui respire loin et large.

*http://www.resmusica.com/2013/01/06/rene-leibowitz-l’assassin-assassine/

Musiques climatiques

Alors que s’ouvre une conférence mondiale décisive pour l’avenir de la planète et donc de l’humanité, on peut (on doit ? ) écouter ou découvrir les musiques que la Nature, nos paysages, nos espaces ont inspirées aux compositeurs les plus divers. La puissance d’évocation de certaines d’entre elles est telle que nous voyons les images, nous ressentons les immensités, les sommets, les flots, tous les éléments de notre environnement.

Quelques propositions, qui ne prétendent aucunement à l’exhaustivité.

Puisque l’hiver est proche, j’ai toujours entendu la 1ere symphonie de Tchaikovski (sous-titrée Rêves d’hiver) comme l’expression la plus poétique de l’immensité russe sous son manteau de neige. Le tout début de la symphonie, puis le magique deuxième mouvement (écouter ici à partir de 12″)

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IMG_1262(Fin avril 2011, la Volga à Kostroma commence tout juste à dégeler)

Mais j’ai une autre vision très forte d’une forêt enneigée, associée pour toujours dans ma mémoire au sublime duo de Tristan et Isolde « O sink hernieder » de Wagner, une scène qu’on aurait pu trouver dans le célèbre Ludwig de Visconti, mais qui se trouve dans le beaucoup moins connu Ludwig, requiem pour un roi vierge (1972) du réalisateur allemand Hans-Jürgen Syberberg – qui produira en 1983 un très remarqué Parsifal, qui repose sur l’enregistrement d’Armin Jordan, qui joue lui-même Amfortas dans le film ! –

On reconnaît les voix de Kirsten Flagstad et Ludwig Suthaus dans la version légendaire de Furtwängler.

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Au Nord de l’Europe, toute la musique de Sibelius donne le sentiment d’exprimer l’infinité des lacs et forêts de Carélie. Je le pensais déjà avant de visiter la Finlande, et j’en ai eu l’abondante confirmation au cours de l’été 2006. D’autres compositeurs finnois ont le même pouvoir d’évocation de la rudesse et de la poésie des vastes horizons de leur pays natal, comme Leevi Madetoja (1887-1947) ou Uuno Klami (1900-1961)

Pour Madetoja comme pour Klami, je recommande les versions inspirées de mon ami Petri Sakari dirigeant l’orchestre symphonique d’Islande.

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Un siècle plus tôt, Mendelssohn parvenait à traduire assez justement les impressions qu’il avait retirées de son voyage en Ecosse à l’été 1829 et de sa visite de l’île de Staffa, où se trouve la grotte de Fingal, qui donnera le titre d’une ouverture écrite au cours de l’hiver 1830/31

Mais c’est sans doute en Amérique que les compositeurs du XXème siècle s’attachent, avec le plus de constance et de réussite, à traduire musicalement les paysages et les espaces qui les entourent. Aaron Copland (1900-1990) en est le prototype, même s’il ne peut être réduit au cliché de compositeur « atmosphérique », mais son ballet Appalachian spring   évoque immanquablement la diversité de la chaîne des Appalaches.

Mais le spécialiste du genre est incontestablement Rudolph von Grofé, plus connu comme Ferde Grofé (1892-1972), arrangeur, orchestrateur (notamment de Gershwin), qui écrit des musiques ostensiblement descriptives – le Mississippi, le Grand Canyon, les chutes du Niagara

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Et puisque la déforestation massive est souvent mise en cause dans la dégradation du climat, on écoutera avec émotion cette ode à la forêt amazonienne, l’une des toutes dernières oeuvres – Floresta do Amazones – du grand compositeur brésilien Heitor Villa-Lobos (1887-1959)

Plus près de nous,  qui connaît encore les évocations musicales des paysages de France qui constituent une bonne part du répertoire symphonique de  Vincent d’Indy (1851-1931) ?

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