Faits d’hiver : Agrippine, Lalo et Monsaingeon

Semaine variée avec un concert, des disques et un livre à épingler.

La surprise Agrippine

Le portrait de Haendel visible à Bologne au Musée international et bibliothèque musicale

Je ne suis pas un grand spécialiste de Haendel, mais les années passant, je vais de surprise en découverte notamment dans son oeuvre lyrique qu’en dehors des ouvrages les plus connus (Giulio Cesare, Alcina, Ariodante..) je connais peu et mal.

Pour Bachtrack, j’assistais mardi soir à la Seine Musicale à une version de concert d’Agrippina, l’œuvre d’un jeune homme – Haendel a 24 ans ! – créée et jouée 27 fois de suite à Venise le 26 décembre 1709. J’ai beaucoup aimé, même si tel ou tel chanteur m’a moins convaincu. Lire ma critique ici : L’Agrippina impériale d’Ottavio Dantone.

Après une succession d’airs, parfois de duos, il faut attendre la toute fin pour entendre toute la troupe réunie ce soir-là autour de l’Accademia Bizantina, chanter quelque chose comme « Tout est bien qui finit bien » !

De gauche à droite, Marco Saccarin (Lesbo) Federico Fiorio (Nerone), Sophie Rennert (Agrippina), Luigi De Donato (Claudio), Lucia Cortese (Poppea), Filippo Mineccia (Ottone), Margherita Sala (Narcisse), Federico Benetti (Pallas), Ottavio Dantone assis au clavecin devant l’ensemble Accademia Bizantina

Lalo estonien

On croyait que Neeme Järvi avait enregistré à peu près tout le répertoire symphonique enregistrable ! Le chef estonien trouve encore le moyen, à 86 ans, de nous surprendre avec un disque qui me fait un plaisir immense. Mes lecteurs savent l’intérêt que je porte à Edouard Lalo, l’éternel second, dont tout le monde a oublié de célébrer le bicentenaire de la naissance le 27 janvier 1823 ! Lalo dont j’avais découvert la Symphonie en sol mineur grâce à la légendaire version de Thomas Beecham… et de l’Orchestre national !

En juillet 2019, j’accueillais à Montpellier, pour ouvrir l’édition 2019 du festival Radio France, Neeme Järvi et l’Orchestre National d’Estonie. Souvenir impérissable (lire Opening nights)

Etonnamment, le numéro de février de Diapason n’évoque pas cette sortie, alors que l’Indispensable du mois du magazine est consacré tout entier à Lalo, avec trois versions mythiques du concerto pour violoncelle (Pierre Fournier et Jean Martinon), de la Symphonie espagnole (Leonid Kogan et Kirill Kondrachine) et de la 1ere suite de Namouna (avec l’incomparable Paul Paray)

La mémoire du siècle

Qui ne connaît Bruno Monsaingeon dès lors qu’on s’intéresse un peu à la musique et à des interprètes comme Glenn Gould, Yehudi Menuhin, Sviatoslav Richter et tant d’autres ?

« Violoniste et réalisateur, Bruno Monsaingeon a bâti une œuvre de 100 opus mêlant portraits d’interprètes et de chefs d’orchestre, récitals et concerts symphoniques, masterclasses… Un parcours émaillé de coups de foudre musicaux et amicaux, ponctué de deux rencontres virtuoses : Yehudi Menuhin et Glenn Gould. 
Sous le regard critique de son cousin Guillaume Monsaingeon, ces entretiens au long cours tiennent à distance biographie, monographie et catalogue raisonné. On y retrouve la verve d’un conteur, mais c’est aux films qu’il donne la parole en réalité. Porteurs d’un langage visuel autonome, ils offrent à l’auditeur ce à quoi il n’a pas toujours accès : le détail des notes et des gestes ; des images qui recréent l’énergie musicale et l’émotion qu’elle suscite pour mieux nous en rapprocher. 
Écouter, peser, choisir, façonner : autant d’interprétations que Bruno Monsaingeon revisite dans ce dialogue et qui structurent son œuvre, source d’archives pour le futur
 » (Présentation de l’éditeur)

L’ouvrage édité par la Philharmonie de Paris est évidemment passionnant, d’abord sur la question de comment filmer la musique, ensuite par les souvenirs que livre le réalisateur octogénaire de ses rencontres connues ou moins connues avec les grands musiciens du XXe siècle.

Des morts vivants

Michel Magne, Claudio Abbado, Ewa Podles à mon sommaire du jour…

Du côté de chez moi

J’ai brièvement évoqué par allusion (Bonnes tables) un lieu mythique, situé à moins de dix kilomètres de mon refuge valdoisien. Il s’agit du château d’Hérouville-en-Vexin.

(Hérouville sous la neige et le clocher de son église, sur le même modèle que celui d’Auvers-sur-Oise/ 20 janvier 2024)

Plusieurs raisons d’évoquer ce lieu devenu mythique :

  • la réédition en format poche d’un livre passionnant de Laurent Jaoui : Hérouville, le château hanté du rock

Laurent Jaoui retrace l’histoire emblématique du château d’Hérouville, un studio d’enregistrement où se sont notamment croisés David Bowie, Iggy Pop, Marvin Gaye, Jacques Higelin, les Bee Gees, Chet Baker, Pink Floyd, Fleetwood Mac ou Elton John.

En 1960, le compositeur Michel Magne (1930-1984) achète le château pour y installer son studio d’enregistrement. Très vite, le château devient un lieu de fêtes et d’excès en tout genre. 
En 1974, endetté il confie la gérance à Laurent Thibault :  » Les dettes, tu les effaces en signant les artistes. Après avoir réaménagé et modernisé les lieux, il fait revenir les plus grands artistes internationaux. L’aventure se poursuivra jusqu’au suicide de Michel Magne le 19 décembre 1984.

Depuis 2015 le studio mythique, complètement rénové, a rouvert dans le cadre de ce même château d’Hérouville

  • le formidable documentaire de Christophe Conte « Le Château d’Hérouville, une folie rock«  diffusé hier soir sur France 5, et disponible en replay, avec des images fabuleuses des stars qui y ont enregistré (trois albums pour Elton John !), plusieurs témoignages des derniers hôtes du château (comme Bernard Lavilliers) et surtout de la veuve de Michel Magne, Marie-Claude.

Dan Jacobson, Légende Pop au château d’Hérouville (2010), coll. personnelle de l’artiste

Sur la personnalité de Michel Magne, cette séquence de Pierre Lescure dans « C à vous » est éloquente :

comme tout comme ce bref document du Monsieur Cinéma de France Musique, Thierry Jousse :

Dix ans déjà

J’ai consacré nombre de billets sur ce blog au chef italien Claudio Abbado disparu le 20 janvier 2014 (L’héritage Abbado).

J’en profite pour signaler à ceux qui avaient hésité à acquérir le gros coffret DGG lorsqu’il est sorti il y a un an, à cause de son prix – près de 700 € à l’époque !- qu’il est aujourd’hui disponible sur Amazon.fr à 514 € (pour 257 CD et 8 DVD !)

Je veux aujourd’hui me souvenir du Claudio Abbado qui, jusqu’au bout, revint à la source : Mozart, et puis Bach, dans cette région d’Emilie-Romagne où il avait fondé et dirigé, dès sa création en 2004, l’orchestre Mozart.

Le chant des profondeurs

Elle avait quelques amies inconditionnelles à Genève, et c’est là que je l’ai entendue pour la première fois, et à plusieurs reprises: Ewa Podles est morte hier, à l’âge de 71 ans, sans peut-être avoir fait la carrière qu’elle aurait rêvée. Mais c’était une voix, comme il s’en fait peu dans un siècle, d’authentique contralto, qui faisait vibrer en chacun de nous des profondeurs insoupçonnées.

Dans la fabuleuse version d’Ariodante de Haendel gravée par Marc Minkowski, elle est un Polinesso d’anthologie :

Il faut écouter, saisir tous les témoignages de l’art de cette magnifique chanteuse. Comme cet extrait d’une émission dominicale de Jacques Martin – c’était sur Antenne 2 ! – où l’on ne craignait pas d’accueillir les plus grands et de proposer de la musique classique !

La découverte de Bologne (I) : autour du Padre Martini

J’ai longtemps évité l’Italie. A part quelques incursions professionnelles à Florence ou Milan dans mes jeunes années, j’ai attendu la maturité pour rattraper le temps perdu, et depuis une vingtaine d’années je découvre, voyage après voyage, les inépuisables réserves de beauté de ce pays où je pourrais avoir mes origines.

Lors de vacances dans le nord-est de l’Italie, à peine déconfinée de la première vague du Covid, en août 2020 (lire Donizetti, Abbado et Ferrare), j’avais largement parcouru l’Émilie Romagne, mais évité Bologne, dont je pensais – à juste titre – qu’elle méritait un arrêt prolongé, et plus qu’une visite rapide d’une journée.M’y voici enfin pour y finir l’année 2023.

La ville, son centre historique, sont somptueux, mais j’y reviendrai plus tard.

Le hasard a fait que, tout juste arrivé hier, je passe devant le Palazzo Sanguinetti, siège du Musée international et Bibliothèque de la musique de Bologne. J’avais une heure et demie devant moi avant sa fermeture, et c’est peu de dire que je ne m’attendais pas à une telle richesse historique et documentaire. J’avais oublié combien Bologne avait été un centre musical exceptionnel, singulièrement depuis l’époque de Giovanni Batista Martini, dit le Padre Martini.

Je propose donc un petit feuilleton sur Bologne et la musique tels que je le découvre ces jours-ci.

Giovanni Battista Martini, dit Padre Martini (1706-1784)

Martini que ses fonctions ecclésiastiques attachaient à sa ville natale et empêchaient de voyager, assouvit sa curiosité sans limite, en invitant à Bologne tous les talents de l’Europe du XVIIIe siècle, en correspondant avec eux, en rassemblant près de 17.000 ouvrages exceptionnels !

On est évidemment saisi d’émotion et d’admiration quand on peut contempler, dans ce musée, non seulement des portraits familiers de ses contemporains – Vivaldi par exemple – mais aussi et surtout des partitions, des éditions uniques ou rares.

Amusant de trouver sur YouTube ce bref reportage tourné avec Jakub Jozef Orlinski à Bologne au printemps 2022.

Dans la bibliothèque du Padre Martini, des portraits saisissants de Jean-Philippe Rameau

de Jean-Chrétien Bach (1735-1782) peint par Thomas Gainsborough s’il vous plaît !

ou encore de George Frederic Handel

La suite pour les prochains épisodes …

Les galettes du bonheur

J’avais commencé un billet d’agaceries, pour ne pas dire du bien de ce que les quelques FNAC disposant encore de rayons classiques sont obligées de mettre en avant. Comme en témoigne une visite hier rue de Rennes.

Non, on ne rêve pas Bruno Mantovani est au même rayon que Riopy, ou inversement !

Mais aucun des deux n’a sorti le sixième ou septième volume de la série Emotions/Inspirations…d’un violoncelliste qui ne rate jamais une occasion de faire son auto-promotion, et qu’on a connu jadis bon musicien, devenu aujourd’hui tête de gondole.

L’agacement pourrait venir aussi de ce pianiste venu du froid, qui, parce qu’il est sous étiquette jaune, et qu’il enregistre les variations Goldberg, fait se pâmer les mânes de Glenn Gould devenus durs d’oreille.

La jeunesse de Cleveland

C’est du passé que vient le bonheur, dans cette réédition – cette fois à tout petit prix ! – par Sony, des gravures du Cleveland Quartet (1969-1995) qui n’a pas eu la longévité de ses compatriotes comme Juilliard ou Emerson, mais qui a laissé de jolies perles discographiques, dont une intégrale des quatuors de Beethoven;

Je ne m’essaierai pas au jeu de la critique comparée, jeu au demeurant bien vain, s’agissant de formations comme un quatuor, qui, par essence même, n’est comparable à aucun autre.

J’ai toujours eu une tendresse pour cette version du sublime Quintette à deux violoncelles de Schubert.

Les grandeurs de Janet

On connaissait bien sûr les incontournables et éternels enregistrements de Dame Janet Baker pour EMI avec John Barbirolli notamment (Sir John ou la musique en fête).

Ceux de la grande mezzo-soprano anglaise, qui a fêté ses 90 ans le 21 août dernier, pour d’autres labels, avec d’autres partenaires et chefs, ont été rassemblés dans ce coffret qui annonce bien la couleur : A Celebration. Qu’on trouve à prix réduit sur jpc.de

Bien sûr les deux versions admirables de Didon de Purcell, des Haendel, des Glück, Berlioz, Britten idiomatiques et des raretés :

Adrienne Lecouvreur idéale

Comme je l’ai écrit pour Bachtrack, j’ai entendu mardi soir au théâtre des Champs-Elysées une Adrienne Lecouvreur – l’opéra de Cilea – absolument idéale en version de concert. Il faut absolument l’écouter ou la réécouter sur France Musique le 10 janvier 2024.

La dernière fois que j’avais vu cet opéra en scène, c’était il y a trente ans, Mirella Freni à l’Opéra Bastille !

J’irai voir et entendre ce qu’Anna Netrebko en fera en janvier prochain…

Les années Ormandy

Peu de publications auraient pu me faire plus plaisir. J’ai reçu hier un coffret que j’avais commandé en Italie, un quart moins cher que le prix français – 88 CD regroupant les enregistrement stéréo de 1958 à 1963 d’Eugene Ormandy (1899-1985), le chef mythique du non moins mythique orchestre de Philadelphie de 1938 à 1982. Un « règne » de 44 ans !

Plaisir très particulier, parce que pour quelqu’un comme moi qui a fait son éducation musicale grâce au disque (non pas le 78 tours, mais le vinyle 33 tours, qui revient en force aujourd’hui !), le nom d’Ormandy est un compagnon incontournable.

Je pense, sous réserve de preuve contraire, qu’aucun orchestre, aucun chef n’ont plus enregistré de disques aux Etats-Unis. Plus que New York avec Bernstein (et pourtant !), Szell avec Cleveland, pour ce qui était le label Columbia (en abrégé CBS). Ce qui a peut-être contribué à un paradoxe très injuste. La critique, française mais pas qu’elle, a souvent eu tendance à considérer le chef d’origine hongroise comme un bon artisan. Remarquez que, dans l’exercice des discographies comparées, Ormandy n’est jamais quasiment cité pour quelque répertoire que ce soit, et Dieu sait si celui-ci fut abondant.

Ce nouveau coffret fait suite à un premier comprenant les enregistrements mono, deux autres devraient suivre, pour compléter la période stéréo, pour CBS puis RCA.

La première chose qui saute aux oreilles, pour quelqu’un qui connaît bien les rééditions précédentes en CD, c’est la remasterisation spectaculaire, la netteté de l’image sonore, l’espace apporté à des prises parfois un peu opaques. C’est surtout la redécouverte de ce fameux Philadelphia Sound, ces cordes uniques au monde, ces vents si doux et éloquents.

Ce qui frappe aussi dans ce coffret c’est la diversité du répertoire abordé. Je croyais à peu près tout connaître de la discographie d’Ormandy, je découvre ici nombre de disques, sans doute pas essentiels, dédiés à des compositeurs américains, dont je n’avais, pour certains, jamais entendu parler… Sans doute résultat de commandes passées par l’orchestre.

Bien sûr on sait que c’est à Eugene Ormandy et au Philadelphia Orchestra que Rachmaninov dédie sa dernières oeuvre, ses Danses symphoniques. « Quand j’étais jeune, Chaliapine était ma grande idole. Chaliapine n’est plus. Depuis lors, chaque fois que j’écris, c’est avec le son de Philadelphie dans mes oreilles. Aussi, qu’il me soit permis de dédier ma dernière composition au meilleur orchestre au monde, et à son chef, Eugène Ormandy« 

On trouvera peut-être rédhibitoires pour les oreilles habituées aux lectures « historiquement informées »‘ les versions du Messie de Haendel ou de la Messe en si de Bach, jouées à plein orchestre.

On avoue y trouver des beautés quelque peu surannées.

J’avais découvert cette photo et quelques autres en visitant la maison de Sibelius en Finlande, Ainola, en 2006.

On ne peut évidemment faire l’impasse sur une partie très importante de l’activité de l’orchestre et donc ce coffret, les enregistrements avec de grands solistes, Rudolf Serkin, Robert Casadesus, Isaac Stern, David Oistrakh et même le tout premier enregistrement du concerto pour violoncelle n°1 de Chostakovitch avec Rostropovitch, tous déjà connus et réédités. Mais ici avec une « plus value sonore » indubitable.

Je suis déjà impatient des prochains coffrets. En attendant, profitons de cet hommage à l’un des plus grands chefs du XXe siècle et à l’un des plus beaux orchestres du monde.

Coronation Music : la playlist de Charles III

Comme promis (lire Couronnement), et puisque c’est tout de même une spécialité typiquement britannique – nulle part ailleurs les cérémonies, mariages, obsèques, couronnements, ne revêtent un tel faste musical – je reviens sur les musiques jouées avant et pendant le couronnement de Charles III à Westminster ce 6 mai.

Je ne sais pas ce que les téléspectateurs français en ont vu et entendu, j’ai cru lire ici et là que les commentateurs faisaient bien peu de cas de la musique, quand ils ne se trompaient pas lourdement sur les interprètes (Bryn Terfel présenté comme le plus célèbre « ténor gallois’ !). Sur les chaînes britanniques, BBC ou ITV, rien de tel sauf à brièvement expliquer ce qui se passait, mais sans avoir besoin de faire du remplissage bavard.

En attendant le roi

En prélude à la cérémonie, c’est l’octogénaire John Eliot Gardiner qui officiait avec son Monteverdi Choir and Orchestra :

  • Bach: ‘Magnificat anima mea’ extrait du Magnificat BWV 243
  • Bach: ‘Ehre sei dir, Gott, gesungen’ extrait de l’ Oratorio de Noël
  • Bach: ‘Singet dem Herrn ein neues Lied » extrait de la Cantate BWV 190
  • Bruckner: ‘Ecce sacerdos magnus« 

Puis l’un des organistes de Westminster, Matthew Joryses, joue l’Alla breve BWV 589 de Bach

Pour la cérémonie elle-même, c’est une formation de circonstance – le Coronation Orchestra – composée de musiciens de plusieurs orchestres londoniens, le Philharmonia, le Royal Philharmonic et Covent Garden notamment, sous la houlette d’Antonio Pappano, qui prend le relais. Avec, en ouverture, l’une des douze pièces commandées par le roi Charles à des compositeurs contemporains, ‘Brighter Visions Shine Afar » de la compositrice Judith Weir (1954), première femme à avoir été nommée Maître de Musique.. de la reine en 2016.

Suivent un extrait des célèbres Planètes – Jupiter – de Gustav Holst puis un intermède symphonique avec harpe (celtique) obligée : un chant populaire gallois arrangé par Karl Jenkins, Tros y Garreg’ (‘Crossing the Stone’), avec la harpiste Alis Huws et l’orchestre du Couronnement toujours dirigé par Antonio Pappano

C’est alors que la délicieuse Pretty Yende (Sud-Africaine de naissance) chante une nouvelle oeuvre de la compositrice anglaise Sarah Class : Sacred Fire. Comme on l’entend, rien de vraiment révolutionnaire dans ces « créations » de circonstance !

Vont suivre deux célèbres pièces d’orchestre typiquement « British », d’abord Crown Imperial de William Walton, écrite pour le couronnement de George VI en 1937, et le tube de Ralph Vaughan Williams, sa Fantasia on Greensleeves

L’orchestre entamera ensuite un triptyque Be Thou my Vision » dû à trois compositeurs irlandais Nigel Hess, Roderick Williams, Shirley J Thompson.

La pièce d’orgue de Iain Farrington ‘Voices of the World » – l’une des douze commandes – reflète les rythmes, les couleurs de plusieurs pays du Commonwealth.

C’est à Patrick Doyle, compositeur plutôt spécialisé dans le cinéma, le théâtre ou la télévision, qu’on doit la King Charles III Coronation March

Avant que le couple royal ne fasse son entrée dans Westminster, le Coronation Orchestra et Antonio Pappano auront encore le temps de jouer :

  • Purcell: Trumpet Tune arr. John Rutter (solistes Jason Edward et Matthew Williams)
  • Haendel: Arrival of the Queen of Sheba, extrait de  Solomon
  • Haendel: ‘Oh, had I Jubal’s lyre’ extrait de Joshua (soloist: Pretty Yende)
  • Haendel: ‘Care selve’ extrait de Atalanta (avec Pretty Yende)
  • Elgar: Nimrod arr. Farrington

Et l’organiste Peter Holder jouera encore :

  • Harris: Flourish for an Occasion
  • Vaughan Williams: Prelude on ‘Rhosymedre’ (inspiré d’un chant populaire gallois)

Pendant le couronnement

Durant la cérémonie du couronnement elle-même, c’est l’ensemble choral formé de plusieurs ensembles londoniens (Westminster, St James, Chapel Royal…) qui va intervenir, a capella, ou avec l’orchestre, en commençant par l’hymne d’Hubert Parry « I was glad »

En visitant le lendemain la crypte de la cathédrale St Paul (qui est un peu à Londres ce qu’est le Panthéon à Paris, à la grande différence près que les offices religieux s’y déroulent toujours), j’ai pu voir la tombe du compositeur, bien trop méconnu en France.

Le baryton (et non le « ténor » annoncé par les chaînes françaises) gallois Bryn Terfel entame ensuite le Kyrie du couronnement tout exprès composé, en langue galloise – une première pour un office à Westminster – par Paul Mealor .

Le choeur enchaînera avec deux pièces de William Byrd : ‘Prevent Us, O Lord’ et le Gloria de sa Messe à quatre voix

Suit l’Alleluia ,un gospel de Debbie Wiseman

Après le Veni Creator Spiritus attribué à Maurus, c’est au moment de l’onction du nouveau roi, le très attendu Zadok the Priest, l’un des célèbres Coronation Anthems composés par Haendel pour le couronnement de George II en 1727.

Un ensemble grec chante ensuite un psaume byzantin, puis, très étrangement, retentit la fanfare… des Wiener Philharmoniker, arrangée par Paul Mealor !

Puis du compositeur de la Renaissance Thomas Weelkes :  ‘O Lord, grant the king a long life’ (Psalm 61), tandis qu’après que Camilla a été couronnée, c’est  ‘Make a Joyful Noise’ du célèbre auteur de comédies musicales, Andrew Lloyd-Webber qui résonne dans la nef de Westminster

C’est ensuite un traditionnel des grands offices religieux qui est entonné : Purcell: Christ is made the sure Foundation

Le Sanctus est l »‘oeuvre de Roxana Panufnik, fille du compositeur d’origine polonaise Andrzej Panufnik (1914-1991) qui a longtemps vécu à Londres, où il est inhumé.

L’Agnus Dei est le fruit d’une commande à l’Anglo-Américain Tarik O’Regan..

Après l’hymne ‘Praise, my soul, the King of Heaven« , c’est de William Boyce, ‘The King shall rejoice’ » composé pour le couronnement de George III en 1761.

Autre couronnement plus récent, celui d’Elizabeth en 1953, et le Te Deum que William Walton composa pour l’occasion

Et bien sûr la cérémonie se conclut par un God Save the King repris par la famille royale et tous les invités

Pour accompagner la sortie du couple royal, on entendra successivement joués :

  • Elgar: Pomp and Circumstance March No.4
  • Parry: March The Birds

Les Pâques de Gardiner

Le coffret, commandé il y a plusieurs semaines, est arrivé ce vendredi, que les chrétiens célèbrent comme le Vendredi Saint, commémoration de la Passion du Christ.

Le « hasard » n’en est pas un, s’agissant d’un musicien qui a tant oeuvré pour Bach, donné certaines des plus grandes versions des Passions du Cantor de Leipzig. Je reviens souvent non seulement à ces enregistrements mais aussi à ce livre magnifique : Musique au château du ciel

Mais l’essentiel du legs discographique de Gardiner voué à Bach a été réédité dans le gros coffret Deutsche Grammophon qu’on a longuement évoqué ici : Le jardinier de la musique. DG avait pris un peu d’avance sur Warner pour fêter les 80 ans de Sir John Eliot… le 20 avril prochain !

Avant de passer chez Archiv et DGG, le jeune John Eliot Gardiner avait été repéré par Michel Garcin, infatigable découvreur de talents qu’il enrôlait chez Erato.

Rien de nouveau dans ce coffret qui n’ait déjà été réédité, mais un regroupement bienvenu (c’est toujours une économie de place dans une discothèque fournie !) par ordre chronologique d’enregistrement. Cette présentation a l’avantage de permettre à l’auditeur de suivre un parcours, d’emprunter les chemins de traverse d’un chef qui n’a jamais caché ses dilections, par exemple pour la musique française. Ainsi, dès 1978, après les plus attendus Purcell et Haendel de ses débuts chez Erato, Gardiner grave deux disques Massenet à Monte-Carlo, longtemps restés sans concurrence moderne.

L’un de mes tout premiers albums haendeliens, l’un de ceux vers lesquels je reviens souvent, est la première gravure (1978) d’Israël en Egypte.

C’est aussi avec Gardiner que je découvris la sublime Messe des morts de Campra

Dans ce précieux coffret, quelques opéras et non des moindres : Tamerlano de Haendel, Scylla et Glaucus de Leclair, L’Etoile de Chabrier, Les Brigands d’Offenbach, Iphigénie en Aulide et Les Pèlerins de La Mecque de Glück, Fortunio de Messager etc.

Quelques curiosités aussi, un beau disque de mélodies de Berlioz (avec les Nuits d’été à plusieurs voix), en revanche de très évitables Ravel et Duparc par Barbara Hendricks, dont je n’ai jamais compris les raisons de la célébrité sauf à constater qu’un excellent marketing a pu masquer des moyens vocaux plus que modestes. Et un disque très inattendu : Steven Isserlis dans un bouquet de pièces concertantes pour violoncelle.

CD 1 Purcell Music for Queen Mary / Lott, Brett, Williams, Allen / Monteverdi Choir & Orchestra

CD 2 Haendel Dixit Dominus, Zadok the Priest / Palmer, Marshall, Brett, Messana, Morton, Thomson, Wilson-Johnson / Monteverdi Choir & Orchestra

CD 3 Rameau La Danse / Gomez, Rodde, Orliac / Monteverdi Choir & Orchestra

CD 4 Haendel The ways of Zion do mourn / Burrowes, Brett, Hill, Varcoe / Monteverdi Choir & Orchestra

CD 5-6 Massenet Scènes dramatiques, Scènes de féerie, Le dernier sommeil de la Vierge, Scènes alsaciennes, Scènes pittoresques, Don Quichotte interludes / Monte-Carlo

CD 7-8 Haendel Israel in Egypt / Knibbs, Troch, Stafford, Royall, Elliott / Monteverdi Choir & Orchestra

CD 9 Purcell The Tempest / Varcoe, Thomas, Earle, Hardy, Hall, Smith, Elwes / Monteverdi Choir & Orchestra

CD 10 Purcell The Indian Queen / Varcoe, Hill, Elwes, Hardy, Fisher, Thomas, Smith / Monteverdi Choir/ English Baroque Soloists

CD 11 Music of the Chapels Royal (Purcell, Locke, Blow, Humfrey) / Monteverdi Ch. EBS

CD 12 Campra Messe des morts / Nelson, Harris, Orliac, Roberts / Monteverdi Ch. EBS

CD 13-14 Haendel L’Allegro, il Penseroso ed il Moderato / Kwella, McLaughlin, Smith, Gian, Hill, Davies, Varcoe

CD 15-16 Bach Motets

CD 17 Haendel Concerti grossi op 3 / EBS

CD 18 Haendel Water Music / EBS

CD 19 Bach Cantates 4 et 131 / Kendall, Varcoe

CD 20-21 Haendel Semele / Burrowes, Kwella, Priday, Jones, Donley, Rolfe-Johnson, Davies, Lloyd, Thomas

CD 22 Gluck Don Juan / EBS

CD 23 Purcell Hail bright Caecilia / Smith, Stafford, Gordon, Elliott, Varcoe

CD 24 Monteverdi Balli e Balletti / Kwella, Rolfe-Johnson, Dale, Woodrow

CD 25 Rameau Dardanus suite / EBS

CD 26-28 Rameau Les Boréades / Smith, Rodde, Langridge, Aler, Lafont

CD 29-30 Bach Ouvertures 1-4 / EBS

CD 31-32 Purcell King Arthur / Smith, Fisher, Friday, Ross, Stafford, Elliott, Varcoe

CD 33 D.Scarlatti Stabat Mater, Cavalli Salve Regina, Gesualdo Ave dulcissima Maria, Clément O Maria vernans rosa

CD 34 Haendel Musique de ballet (Alcina, Terpsichore, Il Pastor fido) / EBS

CD 35-36 Chabrier L’Etoile / Alliot-Lugaz, Gautier, Bacquier, Raphael, Damonte, Le Roux / opéra de Lyon

CD 37-39 Haendel Tamerlano / Argenta, Findlay, Ragin, Chance, Robson, Schirrer

CD 40-42 Leclair Scylla et Glaucus / Brown, Yakar, Crook

CD 43 Schubert Symphonies 8 & 9 / opéra Lyon

CD 44 Bizet Symphonie, L’Arlésienne mus scène / opéra Lyon

CD 45-46 Berlioz L’Enfance du Christ / Von Otter, Cachemaille, Van Dam, Bastin, Rolfe-Johnson /opéra Lyon

CD 47-48 Messager Fortunio / Alliot-Lugaz, Dran, Cachemaille, Trempont, Dudziak / operą Lyon

CD 49-50 Glück Iphigenie en Aulide / Dawson, von Otter, Van Dam, Aler, Delere, Cachemaille, Schirrer / opéra Lyon

CD 51-52 Purcell Timon of Athens, Dioclesian / Fisher, Dawson, Elliott, Varcoe, George

CD 53-54 Offenbach Les Brigands / Raphael, Alliot-Lugaz, Raffalli, Trempont, Le Roux, Dran, Viala, Pisani / opéra Lyon

CD 55 Couperin Le Parnasse, Concerts

CD 56 Ravel Shéhérazade, Deux mélodies hébraïques, Vocalise en forme de habanera / Duparc mélodies / Hendricks / opéra Lyon

CD 57 Carissimi Jephté, Jonas, Judicium extremum

CD 58-59 Glück Orphée et Eurydice, version française révisée par Berlioz / Von Otter, Fournier, Hendricks / opéra Lyon

CD 60 Berlioz Nuits d’été, Mélodies, Aubade, la Mort d’Ophélie / Fournier, Robbin, Montague, Crook, Cachemaille / opéra Lyon

CD 61 Tchaikovski, Cui, Rimski-Korsakov, Glazounov oeuvres pour violoncelle / Steven Isserlis / Chamber Orchestra of Europe

CD 62-63 Glück Les pèlerins de La Mecque / Dawson, de Mey, Viala, Lafont, Cachemaille, Le Coz, Dubosc, Dudziak, Flechter / opéra Lyon

CD 64 Bande son du documentaire « England, my England » The Story of Henry Purcell, de Tony Palmer

Qui aime bien châtie bien

Trois raisons ce matin d’illustrer le proverbe médiéval Qui bene amat, bene castigat. À propos de trois pianistes.

Fazil Say l’intranquille

Ici même j’écrivais ce billet : Mes préférés : Fazil Say quelques semaines avant d’entendre, en juillet 2017, le récital du pianiste turc à Montpellier. Je lui avais demandé un programme tout Mozart, ce qui l’avait d’abord surpris (parce qu’on ne remplit pas une salle avec des sonates de Mozart ?), pour changer aussi les habitudes d’un public – celui du Festival Radio France – acquis d’avance depuis les débuts du pianiste vingt ans plus tôt.

J’assistais mercredi dernier à son récital au théâtre des Champs-Elysées. J’en ai fait le compte-rendu dans et pour Bachtrack : Au Théâtre des Champs-Elysées, Fazil Say l’intranquille.

La déception que j’ai éprouvée est à la mesure de l’admiration que je porte à l’artiste.

Remarque à l’attention des responsables du Théâtre des Champs-Elysées (mais cela vaut pour quasiment toutes les salles de concert que je fréquente !) : les minutages indiqués sont toujours faux pour le public. Si l’on en croit le panneau électronique dans le hall du théâtre mercredi dernier, la première partie se terminait au bout de 35 minutes. Or ces 35 minutes ne sont que l’addition – approximative d’ailleurs – des durées des trois oeuvres, et ne tiennent évidemment pas compte de ce qui se passe sur scène, des allers-retours du pianiste, des applaudissements, etc… Mieux encore, le minutage de la seconde partie fait l’impasse sur les bis. Résultat, un récital qui devait s’achever selon cette annonce à 21h35, s’est achevé à 21h55 !

J’avais coutume de demander, à Liège ou à Montpellier, où le public voulait surtout savoir vers quelle heure s’achèverait le concert, qu’on rajoute 20 minutes au minutage strict du programme. Et ça tombait toujours juste !

Les petits marteaux de Gavrilov

Je me réjouissais de retrouver la totalité des enregistrements réalisés par le pianiste suisse d’origine russe Andrei Gavrilov, mon quasi contemporain, pour Deutsche Grammophon, republiés dans la collection Eloquence (petit conseil en passant : le site anglais Prestomusic propose le coffret de 10 CD à 25 € de moins que la FNAC !)

CD 1

JOHANN SEBASTIAN BACH (1685–1750)
Goldberg Variations, BWV 988                                                                                                                                         

CDs 2–3
JOHANN SEBASTIAN BACH (1685–1750)
French Suites Nos. 1–6                                                                                                                                                        

CD 4
FRANZ SCHUBERT (1797–1828)
Impromptus, D.899 & 935                                                                                                                                                  

CD 5
FRÉDÉRIC CHOPIN (1810–1849)
Piano Sonata No. 2 in B flat minor, Op. 35
Four Ballades 

CD 6
EDVARD GRIEG (1843–1907)
Lyric Pieces (selection)

CD 7
SERGEI PROKOFIEV (1891–1953)
Piano Sonata No. 3 in A minor, Op. 28
Piano Sonata No. 7 in B flat major, Op. 83
Piano Sonata No. 8 in B flat major, Op. 84

CD 8
SERGEI PROKOFIEV (1891–1953)
Ten Pieces for Piano from Romeo and Juliet, Op. 75                                                                                              
Suggestion diabolique, Op. 4 No. 4                                                                                                                                
Prelude in C major, Op. 12 No. 7                                                                                                                                     

MAURICE RAVEL (1875–1937)
Gaspard de la nuit                                                                                                                                                                           
Pavane pour une infante défunte                                                                                                                                   

CD 9
BENJAMIN BRITTEN (1913–1976)
Friday Afternoons, Op. 7
Sailing, Op. 5 No. 2 (Holiday Diary)
The Ballad of Little Musgrave and Lady Barnard                                                                                                      
Night, Op. 5 No. 4 (Holiday Diary)
The Golden Vanity, Op. 78                                                                                                                                                 
Gernot Fuhrmann, Mark Bittermann, Michael Matzner, trebles
Thomas Weinhappel, Wolfgang Wieringer, boy altos
Wiener Sängerknaben · Jaume Miranda, chorus master
Chorus Viennensis · Peter Marschik, chorus master

CD 10
IGOR STRAVINSKY 
(1882–1971)
Scherzo à la Russe                                                                                                                                                                 
Concerto for Two Pianos                                                                                                                                                     
Sonata for Two Pianos
Le Sacre du printemps
Vladimir Ashkenazy, piano (II)

La quasi totalité de ces gravures date du tournant des années 90, à une époque où le jeune virtuose flamboyait, impressionnait par sa technique d’acier.

C’est peu dire qu’on est surpris par des Bach qui semblent singer Glenn Gould, des petits marteaux sans âme. Mais le même phénomène se retrouve dans une oeuvre où, a priori, le pianiste moscovite devrait être plus à son aise, le Roméo et Juliette de Prokofiev. C’est mieux, beaucoup mieux même, dans Chopin, Grieg, les sonates de Prokofiev, le duo avec Ashkenazy dans Stravinsky et cette étrangeté Britten.

J’ai retrouvé sur YouTube un récital donné par Gavrilov à la même époque, dans une rue d’Amsterdam (!) : Chopin et Prokofiev au programme :

J’avais évoqué ici l’étrange bouquin – autobiographie ? mémoires ? – publié à compte d’auteur (Tchaikovski, Fira et moi, Scènes de la vie d’un artiste) où Gavrilov raconte sa jeunesse moscovite et l’amitié particulière qui le lia à Sviastolav Richter.

Je n’ai personnellement jamais entendu Gavrilov en concert, je pensais même qu’il avait renoncé à jouer en public. Et puis j’ai trouvé ce récital récent, il y a deux ans au Japon. Le jeune chien fou des débuts est devenu poète, malgré des moyens affaiblis mais encore impressionnants.

Le piano d’un dandy

Piano Classics ressort en 4 CD l’intégrale de l’oeuvre pour piano de Reynaldo Hahn (1874-1947) gravée il y a une dizaine d’années par un jeune pianiste italien, 35 ans, Alessandro Deljavan, demi-finaliste du concours Van Cliburn en 2013.

Je n’ai pas le souvenir d’avoir jamais vu son nom à l’affiche des salles de concert françaises.. malgré nombre de critiques favorables à propos de ses disques, notamment des Chopin très intéressants.

J’ai chroniqué pour un site de vente en ligne cette réédition Reynaldo Hahn, une somme de petites pièces d’un goût toujours sûr, même si elles ne sont pas essentielles. Lire ici

Tout Roger

J’ai à plusieurs reprises évoqué ici mes quelques rencontres avec le chef anglais Roger Norrington (88 ans !). Extraits choisis :

Avec l’Orchestre de chambre de Paris (28 mai 2015)

Ce n’était pas la foule des grands soirs mais le programme autant que les interprètes justifiaient qu’on soit présent au Théâtre des Champs Elysées ce mardi soir. Très british indeed !

Roger NorringtonIan BostridgePurcell (la suite Abdelazer or the Moor’s Revenge, dont le rondeau a servi de thème à Britten pour son fameux Young person’s guide to the orchestra), Britten justement et son Nocturne, pour ténor et orchestre, d’un accès moins aisé que la Sérénade antérieure, la sublime Fantaisiede Vaughan Williams sur un thème de Thomas Tallis, et last but non least la 103eme symphonie de Haydn qui s’ouvre par un spectaculaire « roulement de timbales »

Beethoven, Haydn et Disques en Lice

L’autre souvenir est lié à l’émission Disques en lice, fondée en décembre 1987 sur Espace 2, la chaîne musicale et culturelle de la Radio suisse romande, par François Hudry, à laquelle j’ai participé sans interruption jusqu’à mon départ de la Suisse pour France Musique (à l’été 1993).

La grande affaire de ces années-là avait été l’intégrale très admirée et très controversée des symphonies de Beethoven que Roger Norrington avait réalisée pour EMI avec les London Classical Players. Norrington avait devancé Harnoncourt et Gardiner dans cette entreprise, il prétendait se fier strictement aux indications métronomiques de Beethoven lui-même. Quel décrassage, quel dégraissage pour nos oreilles ! Et voici qu’un jour (pour la centième de l’émission ?) François Hudry avait invité Norrington à venir lui-même parler de ses interprétations, en l’occurrence de la 6e symphonie « Pastorale » de Beethoven

Et l’émission et le repas qui suivit furent bien trop courts… Sir Roger étant un formidable personnage, savant, gourmand, jouissant de la musique comme des farces qu’il fait aux musiciens et au public.

Je me rappelle alors lui avoir demandé s’il comptait graver Haydn. Il se tâtait encore, connaissant la difficulté de l’entreprise. La réponse vint quelques années plus tard, pour ce qui est des symphonies « londoniennes » et tout récemment pour le cycle des « parisiennes« . Evidemment indispensable !

Roger Norrington et François Hudry (Photo F.H.)

Sans attendre son 90ème anniversaire, et parce que le chef a lui-même annoncé mettre un terme à sa carrière, Erato (Warner) réédite tout ce que Norrington a enregistré avant qu’il ne prenne la direction de l’orchestre de la radio de Stuttgart (et qu’il regrave une grande partie de son répertoire pour Hänssler avec des bonheurs plus fluctuants !)

Rien d’inconnu dans ce coffret, mais des versions qu’on avait parfois oubliées. La presque totalité enregistré avec l’ensemble London Classical Players, fondé par Roger Norrington en 1978 et dissous en 1997, regroupant des musiciens participant à d’autres formations, comme The Orchestra of the Age of Enlightenment.

Contenu du coffret Warner/Erato :

Beethoven : Symphonies + concertos clavier (Melvyn Tan)

Berlioz : Symphonie fantastique + Ouverture Les Francs-juges

Brahms : Symphonies + Variations Haydn + Ouverture tragique + Requiem allemand

Bruckner : Symphonie 3

Haendel : airs d’opéras (David Daniels) + Water Music, Royal Fireworks

Haydn : Symphonies 99-104

Mendelssohn : Symphonies 3 et 4

Mozart : Symphonies 38-41 + concertos 20/23/24/25 (Melvyn Tan), concerto 16 (Knauer) + Requiem

Mozart : Don Giovanni

Mozart : la Flûte enchantée

Purcell : The fairy queen

Gala Rossini + ouvertures

Schubert : Symphonies 4,5,6,8,9, ouverture Die Zauberharfe

Schumann : Symphonies 3,4, ouverture Genoveva

Smetana : Ma Patrie

Wagner : ouvertures

Weber : Symphonies 1 et 2, Konzertstück (Melvyn Tan)

Ferveurs

Juste à la veille de ce « pont » de Toussaint, reçu deux coffrets commandés dès leur publication annoncée. Le collectionneur que je suis ne pouvait y résister, le mélomane et discophile que je suis aussi se demandait s’il n’allait pas être déçu, parce qu’on a toujours tendance à embellir le souvenir de ce qui a accompagné vos premiers pas, vos premières découvertes, ou tout simplement d’artistes qui vous ont marqué.

Michel Corboz ou la ferveur intacte

Michel Corboz est mort l’an dernier. Je n’ai pas un mot à retirer à l’hommage ému que je lui avais rendu : Michel Corboz (1934-2021)

Bien au contraire, le premier coffret qu’Erato (Warner) lui consacre – un autre est annoncé pour janvier avec le répertoire classique, romantique et XXe siècle – ne fait qu’aviver les souvenirs, et démontrer, au-delà des querelles d’écoles ou de chapelles, des comparaisons avec d’autres « inventeurs » du répertoire baroque, Michel Corboz c’est d’abord une ferveur rayonnante, une joie communicative de faire découvrir ou redécouvrir des chefs-d’oeuvre (Monteverdi, Ingegneri, Carissimi), de faire entendre un Bach si profondément humain (trois versions de la Messe en si, et ses Saint-Jean et Saint-Matthieu, compagnes de tant d’écoutes en concert ou au disque.

I Musici ou toutes les saisons de la musique

Ma première version des Quatre saisons de Vivaldi ce fut la leur, enfin l’une des leurs, la première en stéréophonie, en 1959, avec le prodigieux violon de Felix Ayo.

Oh bien sûr, tous les baroqueux ont bousculé parfois jusqu’à l’absurde ces tempi apaisés, cette lumière si puissante et douce, lorsque le soir tombe sur Venise. I Musici n’ont jamais oublié de chanter éperdument dans tous les répertoires qu’ils ont abordés. La perfection instrumentale de l’ensemble n’allait jamais sans cette élégance qui n’est qu’aux Italiens.

On reviendra bien sûr sur le contenu de ces deux malles aux trésors si précieux !