Ravel #150 : le concerto en sol

Suite de cette série consacrée au sesquicentenaire de Ravel – né le 7 mars 1875.

Autre oeuvre célèbre s’il en est, son concerto pour piano en sol majeur, contemporain de son autre concerto « pour la main gauche« . L’oeuvre est créée le 14 janvier 1932 par sa dédicataire, Marguerite Long, le compositeur étant au pupitre de l’orchestre des Concerts Lamoureux.

On ne compte plus, depuis, les centaines de versions au disque et parmi elles, des références qui gardent leur statut au fil des ans.

Arturo Benedetti-Michelangeli (1920-1995)

Tout a été dit sur la perfection du jeu, la qualité du « pianisme » de l’interprète. En 1982, à Londres, avec Celibidache à ses côtés, il continue de fasciner.

Samson François (1924-1970)

L’autre miracle de cette époque, c’est la version plus fantasque, plus libre de Samson François.

Ensuite, il y a l’embarras du choix parmi les multiples versions de Martha Argerich. On l’avait entendue, admiratif comme toujours, au côté d’Emmanuel Krivine et de l’Orchestre national de France

Parmi les multiples versions qui existent au disque, la plus aboutie est aussi la plus récente, où Martha Argerich et Lahav Shani forment un duo de rêve

Réécoutant récemment la version ZImerman/Boulez, bénéficiaire de tous les éloges à sa sortie, j’ai été frappé par le statisme, l’immobilisme d’une version louée en son temps, qui paraît bien neutre, surtout en regard d’autres versions contremporaines

Me revient un souvenir, tard dans la nuit, sur une route de Belgique, nous revenions d’un concert, Louis Langrée et moi, et nous écoutions la rediffusion d’une émission de critique de disques de la RTBF, sur le concerto en sol de Ravel. Résonne alors une version magnifiquement captée – on pense justement à la récente version Zimerman/Boulez/Cleveland, et quand le producteur reprend la parole il annonce : « cette version qui recueille tous vos suffrages, c’est celle de Claire-Marie Le Guay et Louis Langrée avec l’Orchestre philharmonique de Liège ! »

Des disques et des critiques

Un début de mois c’est pour moi la lecture des mensuels de musique classique, ceux auxquels je continue d’être abonné à l’édition papier (BBC Music, Diapason, Classica). Dans chacun d’eux, en général, une discographie comparée, et souvent pour le lecteur, irritation ou frustration, parce qu’évidemment en cette matière il y a autant de critiques avertis que de lecteurs, comme il y autant de sélectionneurs que de spectateurs de matches de ligue 1 de football !

Chostakovitch, les oubliés

Diapason consacre tout un dossier à Chostakovitch, dont on commémorera le 9 août le cinquantenaire de la disparition. Il n’y a jamais besoin de prétexte pour évoquer le plus grand compositeur russe du XXe siècle (oui je sais, on va me rétorquer « Et Prokofiev alors? »). Ceux qui suivent depuis longtemps, c’est mon cas, l’auteur de ce dossier, Patrick Szersnovicz, connaissent ses dilections discographiques, son admiration sans réserve pour certains chefs d’orchestre (Karajan par exemple), mais sans dévoiler ses préconisations pour les symphonies de Chostakovitch, on peut regretter l’étroitesse de ses choix. Jamais un chef aussi important que Kirill Kondrachine (le créateur de la 4e symphonie notamment) n’est cité, aucun Russe en dehors de Mravinski et encore parcimonieusement. Mais c’est sa liberté.

Hautement recommandable aussi ce coffret patchwork à petit prix :

Les Anglais aiment les Français

Dans le numéro de février du concurrent de Gramophone, BBC Music Magazine, tout un papier consacré au « Lighter side of Ludwig » van Beethoven, en l’occurrence à sa 4e symphonie. Passionnante analyse, comme très souvent. Et des recommandations discographiques qui peuvent surprendre.

En numéro 1, la version de Hans Schmidt-Isserstedt à Vienne (dans le cadre d’une intégrale souvent louée).

Et la surprise vient du numéro 2, devant plusieurs illustres versions « authentiquement informées », Emmanuel Krivine et la Chambre Philharmonique ! Des disques qui manquaient à ma discothèque, sans doute disparus au cours d’un déménagement, et que j’ai retrouvés tout récemment d’occasion.

Depuis son retrait de la direction de l’Orchestre national de France, Emmanuel Krivine se fait discret, beaucoup trop discret.

Dans leurs discographies comparées, les rédacteurs de BBC Music Magazine indiquent toujours une version to avoid/à éviter. Ici la dernière version de Karajan avec Berlin pour DGG au début de l’ère digitale « en pilotage automatique »

Il aurait fallu tout de même ajouter que la version de 1962 est au contraire un concentré d’énergie.

Les Anglais toujours

Un passage chez Melomania et ce sont encore quelques trouvailles… venues d’Outre Manche

Rien d’inédit ni d’inconnu mais le vieux chef anglais surprend toujours en concert. On pourrait s’amuser à le comparer à lui-même…

Falling in love with Joan

Dieu sait que je ne suis pas un inconditionnel de celle que ses fans appelaient  » la stupenda« , mais quand Joan Sutherland s’amuse, ça vaut le coup d’oreille, surtout dans des viennoiseries chantées en anglais !

PS Deux enregistrements à rajouter à cette liste, et beaucoup d’émotion. A lire sur brevesdeblog

La Mer et les chefs

J’aurais préféré écrire une meilleure critique sur le concert auquel j’ai assisté jeudi dernier (le jour où on annonçait le nom du successeur de Louis Langrée à CincinnatiUne semaine pas très ordinaire). A lire sur Bachtrack : La Mer trop calme du National avec Cristian Măcelaru à Radio France.

La formule est schématique, mais elle traduit bien l’impression de statisme qu’on a éprouvée à l’écoute d’une interprétation qui ne manquait pas de qualités. Le National et son chef avaient déjà donné le triptyque debussyste en 2022 comme en témoigne cette captation :

J’ai pensé que c’était l’occasion de faire le point non pas sur la discographie de l’oeuvre – des centaines de versions ! – mais d’une part en comparant l’Orchestre national de France à lui-même sous les différentes baguettes qui l’ont dirigé, d’autre part en tirant de ma discothèque des versions qui m’accompagnent depuis longtemps

La Mer et le National

La fausse symphonie de Debussy est bien évidemment l’un des piliers du répertoire de l’orchestre radiophonique qui célèbre ses 90 ans d’existence cette année. Ce qui est doublement fascinant, c’est d’une part la constance dans les couleurs si françaises de « notre » Orchestre national, et d’autre part la marque qu’y impriment les différents directeurs musicaux, leurs tempéraments, et quelques invités prestigieux :

2018 : Emmanuel Krivine (2017-2020)

2012 Daniele Gatti (2008-2014)

Evgueni Svetlanov (1998) au festival Radio France Montpellier

1984 : Seiji Ozawa

1974 : Jean Martinon (1968-1973)

1956 : Charles Munch (1962-1967)

Je n’ai pas trouvé d’enregistrement disponible de La Mer sous la direction de Lorin Maazel et Charles Dutoit qui se sont succédé à la tête de l’Orchestre National entre 1977 et 2001.

Les chefs de La Mer

Souvent les versions citées comme des « références » perdent de leur superbe au fil des années et de l’accroissement de la discographie d’une oeuvre. En l’occurrence, pour La Mer de Debussy, ces fameuses références demeurent inchangées, voire insurpassées.

Ernest Ansermet (1883-1969)

On ne sait pas toujours que le chef suisse, fondateur de l’Orchestre de la Suisse romande, a non seulement connu Debussy, mais le jeune homme qu’il était alors s’était même permis de suggérer au compositeur quelques corrections dans sa partition ! Le lien entre Ansermet et Debussy était tel que le programme inaugural de l’orchestre genevois était tout entier dédié à Debussy

J’ai beau la connaître par coeur, la version d’Ansermet de La Mer me paraît indépassable. Quand je dis à propos du dernier concert du National que les tempi sont trop lents, ce n’est pas seulement affaire de métronome, mais aussi et surtout de mouvement. Et Ansermet savait de qui et de quoi il parlait !

Pierre Boulez (1925-2016)

Avec d’autres moyens, et un luxe orchestral supérieur, qu’Ansermet, Pierre Boulez réalise avec Cleveland, deux fois pour Sony et DG, une version passionnante.

Herbert von Karajan (1908-1989)

Les deux seules fois où j’ai eu le privilège d’entendre Karajan en concert, en 1974 à Lucerne et en 1985 à Genève, La Mer était au programme. C’est dire si le chef autrichien aimait l’oeuvre. Il en a laissé pas moins de trois versions officielles au disque.

Ma liste n’est évidemment pas exhaustive, mais il y a ici pour l’amateur quelques heures passionnantes d’écoute en perspective !

L’archet fougueux

Il a quitté le micro, mais heureusement ni la musique ni la vie, comme auraient pu le laisser penser les tombereaux d’hommages qui ont fleuri sur les réseaux sociaux à l’annonce de sa « retraite » ! Frédéric Lodéon animait son dernier Carrefour de Lodéon ce dimanche sur France Musique : Humeurs beethovéniennes

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Je ne vais pas, à mon tour, succomber aux formules convenues de l’hommage anthume, mais plutôt évoquer l’admiration que j’ai pour le formidable passeur de savoir… et le grand musicien que la carrière radiophonique a masqué.

L’homme de radio

Tous ceux qui ont suivi l’aventure de Frédéric sur France Inter d’abord, et plus récemment sur France Musique, savent son incomparable talent de conteur, de raconteur des petites et des grandes histoires de la musique et des musiciens, sa capacité de toujours valoriser l’autre, celui qu’il recevait à son micro, celui dont il accompagnait les premiers pas dans la carrière – un disque, un concert à signaler – Et comme il appartenait à cette espèce, de plus en plus rare, de ces « animateurs » qui savent de quoi ils parlent (heureusement que Frédéric Lodéon était là pour présenter Les Victoires de la Musique classique… jusqu’à 2018), chacune de ses interventions à la radio ou à la télévision fourmillait d’anecdotes éminemment cultivées.

img_4507(à Evian, le 24 février 2018, les dernières Victoires de la Musique classique présentées par Frédéric Lodéon)

Mais je peux témoigner, pour avoir participé à quelques-unes des émissions de Frédéric, que l’apparente facilité, parfois le sentiment d’improvisation qui passaient à l’antenne reposaient, en réalité, sur une préparation extrêmement minutieuse, une organisation très serrée des séquences de son émission. Tout était écrit… à la main ! Chapeau l’artiste !

L’archet fougueux

Avant d’être l’homme de médias admiré, aujourd’hui regretté, Frédéric Lodéon a été un fameux musicien, un violoncelliste de haute volée – Premier prix à 17 ans du Conservatoire de Paris, seul Français à avoir remporté, ex-aequo avec Lluis Claret,  le premier Concours Rostropovitch en 1977. La plupart des disques qu’il a gravés en soliste pour Erato sont devenus difficilement disponibles. Warner serait bien inspiré de les rassembler dans un coffret, tout comme les magnifiques moments de musique de chambre partagés avec ses compères et amis.

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C’est dans les souvenirs du pianiste Jean-Philippe Collard, récemment paru, que j’ai trouvé ces lignes qui éclairent la personnalité musicale de Frédéric Lodéon et les ressorts   d’une amitié au service de la musique.

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« Quand, de la manière la plus naturelle qui soit, la rencontre avec Frédéric Lodéon et Augustin Dumay s’est produite, il allait de soi que nous avions tous les trois le même objectif, le même désir d’en découdre musicalement parlant. Les chemins de solistes que nous avions empruntés jusqu’alors ne suffisaient plus à satisfaire nos appétits »

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« J’ai bien vite trouvé ma place centrale dans cet équipage impatient. Entre un violon royal  et un archet fougueux j’agissais comme une force d’équilibre…. La force qui nous unissait n’était pas seulement celle de jeunes cavaliers qui sortaient pour aller faire prendre l’air à un trio de Schubert, c’était l’alliage de trois compagnons avides de musique. »

« Bonjour les stars ! C’est ainsi que Maurice Fleuret, alors directeur de la musique au Ministère de la Culture, nous accueillit Frédéric Lodéon, Augustin Dumay et moi, au petit matin d’un rendez-vous que nous avions obtenu de haute lutte, pour défendre un projet qui nous tenait à coeur…. Abrités par de généreux châtelains dans leur domaine de Lascours, dans le sud de la France, nous avions conçu l’idée de stages d’été pour une dizaine de jeunes sélectionnés par nos soins, afin de leur offrir ce qui nous avait cruellement manqué dans nos parcours d’étudiants….. L’orchestre de chambre de Pologne, Emmanuel Krivine et Charles Dutoit avaient accepté de partager l’aventure… Le soir nous nous exprimions lors de concerts donnés dans la cour carrée du château, générations confondues, dans le silence de ces belles nuits d’été »

Echo de ces concerts, ce précieux témoignage filmé : le trio Dumay-Collard-Lodéon et Charles Dutoit dirigeant l’Orchestre de chambre de Pologne

« Méprisé par le représentant de l’Etat, ce bel élan fit long feu et consuma notre enthousiasme et notre audace » (Jean-Philippe Collard, Chemins de musique)

Audace, enthousiasme, fougue, générosité, voilà qui dessine un portrait fidèle de l’ami Frédéric Lodéon, qui n’est pas près de déserter le monde de la musique, et qu’on espère retrouver très vite pour de nouvelles aventures !

Montserrat avant Barcelona

 

Depuis qu’on a appris aux petites heures de ce samedi matin le décès de Montserrat Caballé, les médias ont semblé s’ingénier à aligner les pires poncifs : « la dernière diva », le « modèle d’Hergé pour sa Castafiore » (au mépris évident de toute vraisemblance historique) et surtout la « chanteuse devenue populaire depuis son duo avec Freddie Mercury « et la chanson Barcelona.

Sur les sites spécialisés, les éloges se mêlent aux dithyrambes, sans beaucoup de distance par rapport à la réalité d’une carrière qui s’est prolongée au-delà du raisonnable.

Mais on sait, une fois pour toutes, qu’il est malséant d’émettre la moindre critique, la moindre nuance sur un disparu célèbre.

Il est absurde de mettre en avant – comme je l’al lu – les « 50 ans de carrière » de la cantatrice catalane, quand chacun, pour peu qu’il soit doté de deux oreilles en bon état, peut entendre que, depuis la fin des années 80, la voix s’était irrémédiablement durcie, et que ce qui en avait fait la légende (les fameux aigus filés, un legato appuyé sur un souffle long, un timbre liquide) n’était plus que souvenir ou caricature.

Mais il reste tout ce qu’il y a avant le duo avec Freddie Mercury, les premiers enregistrements admirables. Contraste saisissant avec Maria Callas : dans les mêmes rôles, là où l’une incarnait, était le personnage au risque d’une mise en danger vocale, l’autre n’était que pure recherche du beau chant, sans souci excessif de caractérisation.

Quelques piliers de ma discothèque, où j’entends la seule Montserrat Caballé dont je veux garder le souvenir :

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« Un de ses plus beaux disques …
« Parigi o cara », elle y a pourtant si peu chanté, du moins à l’Opéra

La Caballé a 34 ans lorsqu’elle enregistre cette version mythique. Le moelleux de son timbre, son incarnation du rôle, ses sons filés sublimes (L' »Addio del passato », sans les coupures habituelles est beau à pleurer).

Avec la jeune Caballé l’émotion naît du souffle et de la simplicité de la ligne héritée de la tradition belcantiste. Carlo Bergonzi (avec son savoureux accent parmesan) est un Alfredo de rêve au style impeccable.

A la tête de l’Orchestre de la RCA Italienne (composé principalement des musiciens de l’Orchestre de l’Opéra de Rome), Georges Prêtre est un accompagnateur attentif et enthousiaste, constamment à l’écoute de ses chanteurs.
Un pur bonheur.

(François Hudry/QOBUZ)

Rien à rajouter à ces lignes de François Hudry, sauf pour rappeler que lors d’un Disques en Lice consacré à cette Traviata, c’est cette version qui était arrivée en tête.

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Quant à cette Lucrezia Borgia, on connaît l’histoire : en 1965, Montserrat Caballé y remplace Marilyn Horne à Carnegie Hall, où elle fait ses débuts. L’enregistrement suivra, inégalé, inégalable.

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A l’apogée de ses moyens vocaux (1965-1975), RCA lui fait enregistrer, outre ces opéras, une série d’airs peu connus de Donizetti, Rossini, Bellini, regroupés dans un coffret très précieux :

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Je découvrirai plus tard avec elle Les Puritains de Bellini dans l’enregistrement, pour moi insurpassé, de Riccardo Muti

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Plusieurs compilations EMI/Warner donnent un bel aperçu de l’art belcantiste de Montserrat Caballé :

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En cherchant dans les archives du Festival Radio France – où je savais que Montserrat Caballé s’était produite au moins une fois – je suis tombé sur cette vidéo de l’INA : René Koering, surfant sur l’incroyable succès du film Amadeus de Milos Forman, sorti en 1984, avait programmé Les Danaïdes de Salieri, avec dans le rôle-titre… Montserrat Caballé et pour diriger l’orchestre de Montpellier, Emmanuel Krivine !

Voir : Les Danaïdes à Montpellier

Rentrée

J’aime ces soirs de rentrée, le premier concert d’une saison. Comme hier soir à la Maison de la Radio à Paris, autour de l’Orchestre National de France (à réécouter sur France Musique)

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Un an après ses débuts comme directeur musical de la phalange, deux mois après une mémorable soirée Gershwin au Festival Radio Francec’est évidemment Emmanuel Krivine (voir La fête de l’orchestre) qui officiait. Avec un soliste attendu – Bertrand Chamayou avait déjà joué le 5ème concerto de Saint-Saëns en juillet 2016 au Festival Radio France – 

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Mais un programme intéressant, des musiciens de haut vol, ne font pas, à eux seuls, une rentrée réussie. Il y faut cette effervescence particulière qui caractérisait nos rentrées à l’école, au lycée ou à l’université, le plaisir de retrouver des visages amis dans le public ou parmi les personnalités invitées, mais aussi d’en découvrir de nouveaux, d’observer habitués ou novices, d’assister à des rencontres insolites. Bref, tout sauf un truc mondain, où il faut se montrer…

Et la soirée d’hier ne manquait d’aucun de ces ingrédients.

djjst26waaavtbsCertes, la ministre de la Culture – présente l’an dernier (comme le montre cette photo prise en septembre 2017)- manquait, de même que Mathieu Gallet, l’ex-PDG de Radio France, remplacé, comme on le sait, par Sibyle Veil, qui s’est acquittée parfaitement de l’exercice ingrat du mot d’accueil au public et aux auditeurs.

36957947_2114791482093176_3005064303477784576_n(Le 11 juillet dernier, Sibyle Veil, en sa qualité de co-présidente du Festival Radio France, assistait au concert d’ouverture du Festival 2018).

Au moment d’entrer dans la salle, j’apercevais une silhouette qui me semblait familière, même si une barbe fournie me faisait hésiter.

A l’entracte je n’eus plus de doute, c’était bien Daniele Gattile prédécesseur d’Emmanuel Krivine à la direction de l’Orchestre National, que je n’avais plus revu depuis son concert d’adieu en 2016 (lire Bravo Maestro), qui se trouve pris dans le tourbillon d’une « affaire » qui l’a privé, sans procès, sans explication, de son poste à la tête du Concertgebouw d’Amsterdam

Face à moi, un homme visiblement éprouvé, mais aussi touché par les témoignages qui n’ont pas manqué de la part de ses anciens musiciens et de ses amis parisiens, à qui j’ai répété ce que j’avais écrit et dit, et qui lui avait été transmis (lire Stupéfaction). On aimerait que les accusateurs, les procureurs auto-proclamés sur les réseaux sociaux et dans les médias se trouvent confrontés à ceux qu’ils clouent au pilori… et mesurent les conséquences (in)humaines de leurs dénonciations (cf. le suicide de l’époux d’Anne-Sofie von Otter). Chaleureuse embrassade avec Daniele Gatti, qu’on souhaite ardemment revoir très vite à Paris…

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Une autre figure que je ne m’attendais pas à croiser à ce concert, l’ancienne ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, aujourd’hui retirée de la politique active, auteur d’un roman à clés très remarqué en cette rentrée littéraire, Les Idéaux :

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Une femme, un homme, une histoire d’amour et d’engagement.
Tout les oppose, leurs idées, leurs milieux, et pourtant ils sont unis par une conception semblable de la démocratie.
Au cœur de l’Assemblée, ces deux orgueilleux se retrouvent face aux mensonges, à la mainmise des intérêts privés, et au mépris des Princes à l’égard de ceux qu’ils sont censés représenter.
Leurs vies et leurs destins se croisent et se décroisent au fil des soubresauts du pays.
Lorsque le pouvoir devient l’ennemi de la politique, que peut l’amour ? 
(Présentation de l’éditeur).

L’agrégée de lettres classiques retrouve une langue et un style qu’on avait déjà admirés dans Les derniers jours de la classe ouvrière

Nous nous reverrons à Montpellier en octobre pour la 40ème édition de Cinémed, ce beau festival de cinéma tourné vers la Méditerranée, qu’Aurélie Filippetti préside depuis deux ans.

Moins inattendue, la présence du toujours fringant Ivan Levaidont l’épouse, Catherine, travaille à Radio France. Avec Ivan, c’est inévitablement – et pour mon plus grand bonheur – un livre ouvert de souvenirs, d’anecdotes, de témoignages de première main. Et je le crois, une amitié réciproque. À trois mètres de la présidente de Radio France – mariée à l’un de ses petits-fils – la conversation roula presque naturellement sur Simone Veil (lire La vie de Simoneet son mari Antoine, entrés au Panthéon le 1er juillet dernier, un couple étonnant dont le journaliste a été l’un des plus proches.

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Confidences très émouvantes sur les dernières années de Simone Veil…

La veille, mercredi après-midi, une autre circonstance m’avait conduit au 22ème étage de la tour de la Maison de la Radio, d’où l’on a l’une des plus belles vues sur Paris. Une sorte de pré-rentrée. La remise des insignes de chevalier des Arts et Lettres à François-Xavier Szymczak, aujourd’hui l’une des voix emblématiques de France MusiqueFrançois-Xavier tenait à ma présence à cette réunion plutôt intime, il se rappelait qu’un jour de 1996 – il avait 22 ans – je lui avais fait confiance pour travailler sur la chaîne (lire L’aventure France Musiqueet – ce que j’avais oublié – j’avais organisé ses interventions à l’antenne pour qu’elles soient compatibles avec ses obligations militaires ! .

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Je raconterai sûrement, en dévidant le fil de mes souvenirs (L’aventure France Musique : l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarettes), quand et comment François-Xavier Szymczak et ceux qui l’entouraient mercredi, Lionel Esparza, Laurent Valéro, Arnaud Merlin, et d’autres comme Anne-Charlotte Rémond, Anne Montaron, Bruno Letort, j’en oublie, ont rejoint l’équipe de France Musique

 

 

 

 

La fête de l’orchestre

Semaine faste pour les amoureux de l’orchestre à Paris. Et dans les trois salles de concert de la capitale.

Samedi dernier l’orchestre philharmonique de Berlin et Simon Rattle à la Philharmonie de Paris (lire Berlin à Paris)

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Jeudi soir, à l’auditorium de la Maison de la radio, concert doublement inaugural : le premier de la saison 17/18 de Radio France, et surtout le premier d’Emmanuel Krivine comme directeur musical de l’Orchestre National de France. Le public du Festival Radio France avait déjà eu comme un avant-goût de la relation très forte qui s’est nouée entre le chef français et le « National » (Salut les artistes)

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Programme emblématique de la ligne artistique qu’entend promouvoir le premier chef français de l’ONF depuis Jean Martinon. Webern (Passacaille), Richard Strauss (Vier letzte Liederet la Symphonie de Franck.

Un long mariage après la lune de miel décrite par Diapason ? On l’espère, on le souhaite.

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DJJst26WAAAVTbS(Emmanuel Krivine salué par Françoise Nyssen, ministre de la Culture, et Mathieu Gallet, PDG de Radio France à l’issue du concert du 7 septembre)

La fête de l’orchestre se poursuivait hier soir, dans le nouvel auditorium de la Seine Musicalele vaste paquebot arrimé à l’île Seguin à Boulogne, inauguré en avril dernier (voir La Seine Musicale inaugurée)Une salle qui confirme ses qualités acoustiques, précision, chaleur, malgré l’effectif orchestral imposant du programme choisi par Louis Langrée et le Cincinnati Symphony Orchestra pour l’avant-dernier concert de leur triomphale tournée européenne : On the Waterfront de Bernstein, le Lincoln Portrait de Copland (une oeuvre créée par l’orchestre de Cincinnati et donnée ici dans sa version française avec Lambert Wilson comme récitant) et la Cinquième symphonie de Tchaikovski.

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Bonheur évidemment de retrouver Louis Langrée avec « ses » musiciens américains, curiosité aussi. Comment cette phalange si typiquement chaleureuse, dense et ronde, moins brillante – d’autres diraient moins clinquante – que certaines de ses concurrentes, allait sonner sous la houlette d’un chef qu’on a tant fréquenté et entendu avec des formations européennes (Liège, Paris, Berlin, Vienne, Londres, etc.) ? Comme toujours avec Louis Langrée, la partition même la plus connue (Tchaikovski) semble (re)naître, des traits, des lignes mélodiques, des détails rythmiques nous sont révélés, mais insérés dans une grande arche, un mouvement inépuisable, irrésistible.

IMG_2035(Paul Meyer, Pascal Dusapin et Florence Darel impatients de découvrir l’acoustique de l’auditorium de la Seine Musicale et d’entendre le Cincinnati Symphony et Louis Langrée)

Le concert avait commencé par Bernstein, les musiciens américains et leur chef l’ont terminé par Bernstein, et son ouverture de Candide

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Salut les artistes !

D’abord salut respectueux à un artiste parfait, admirable et admiré dans tout ce qu’il a joué, Claude Rich

Retour sur une première partie de Festival qui, depuis son ouverture polyphonique à Pibrac (Révolutionsemble séduire des publics de plus en plus nombreux. Et salut à tous ces amis musiciens qui, de concert en concert, enchantent nos oreilles et…frustrent le directeur que je suis et qui n’a pas le temps de suivre tous ces concerts, surtout lorsqu’ils se déroulent simultanément en plusieurs lieux du grand territoire de l’Occitanie.

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Première revue de détail non exhaustive.

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(Jean Paul Gasparian sur une place noire de monde de Saint Jean de Védas le 12 juillet)

IMG_0235(Edgar Moreau et Andris Poga avec l’Orchestre national du Capitole de Toulouse le 17 juillet)

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IMG_0251(Frederik Steenbrink et Isabelle Georges le 17 juillet après un bouleversant Happy End)

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Retrouvailles avec Renaud Capuçon et Emmanuel Krivine après un magnifique concert de l’Orchestre National le 19 juillet.

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Un trio de choc et de grâce avec Marc Bouchkov, Christian-Pierre La Marca et Philippe Cassard (ici un extrait du mouvement lent du 1er trio de Mendelssohn)

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(Répétition du poème symphonique (1912) Aux Heures de la nouvelle lune de Nikolai Roslavets) Alexandre Bloch  aux commandes de l’Orchestre National de Lille en grande forme dans un programme idéal pour le Festival : De Moscou à Rome

Tous les concerts du festival à écouter ou réécouter sur Francemusique.fr et toutes les vidéos du Festival à retrouver sur la chaîne Youtube #FestivalRF17

La bonne nouvelle

L’horreur étreint et paralyse. Depuis la tuerie d’Orlando hier, qu’écrire, que dire ? Analyses et commentaires ne ressusciteront pas les innocents massacrés.

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Silence, recueillement, compassion, après la révolte.

Et puis la vie prend le dessus, chacun nos activités. La bonne nouvelle est tombée ce début d’après-midi, elle n’a surpris personne de ceux qui avaient de longue date milité pour, puis permis que le projet se réalise. L’Orchestre National de France, l’une des deux deux grandes phalanges symphoniques de Radio France, 44 ans après Jean Martinon, aura un directeur musical français à compter du 1er septembre 2017 : Emmanuel Krivine.

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Mon admiration pour le chef n’est pas récente : le premier concert symphonique que j’ai entendu à la Maison de la radio, encore adolescent, c’est lui qui le dirigeait, à la tête du NOP, le Nouvel Orchestre de Philharmonique de Radio France comme on disait alors. Depuis il y eut beaucoup d’occasions, la plus récente pour moi (Capiteux) remontant à novembre dernier, et désormais nombre de beaux projets (Les Français enfin).

Bonne nouvelle pour la vie musicale, le public et les musiciens, parce qu’Emmanuel Krivine n’a jamais versé dans le consensuel, le moyen de gamme. Certains traits de sa personnalité ou de son comportement lui ont sans doute coûté jadis des postes prestigieux. Comme le souligne Le Monde, la maturité qu’il revendique aujourd’hui n’en sera que plus profitable à sa relation avec un orchestre qui attend beaucoup de lui.

Dans la  belle discographie d’Emmanuel Krivine, ce choix qui ne doit rien au hasard. C’est Karine Deshayes, interprète idéale de Shéhérazade de Ravel, qui ouvre dans moins d’un mois le 32ème  Festival de Radio France à Montpellier avec cette même oeuvre (#LeVoyagedOrient)

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Capiteux

La vie du mélomane est faite d’enthousiasmes et de déceptions, comme la vie d’artiste. Il y a des soirs avec et des soirs sans.

Hier c’était avec ! Je suis sorti de l’auditorium de la Maison de la radio la tête encore pleine des mélodies capiteuses d’une oeuvre qui me fascine depuis longtemps : Die Seejungfrau (La petite sirène) de Zemlinsky.

J’attendais ce programme (je n’y étais à vrai dire pas totalement étranger) : en première partie Chasse royale et orage, un extrait symphonique des Troyens de Berlioz, le 2ème concerto de Chopin (avec Louis Lortie) et ce somptueux Zemlinsky en seconde partie. Emmanuel Krivine retrouvait l’Orchestre National de France, qu’il avait déjà mené au triomphe au festival de Montreux en septembre dernier.

En général on sait dès les premières minutes si le concert sera ou non réussi, si le couple chef/orchestre va fonctionner. Je soupçonne le cher Emmanuel Krivine d’avoir choisi ce Berlioz à dessein: un début pianissimo casse-gueule au possible, changements incessants de rythmes et de couleurs. Aucun doute hier soir, un National très concentré, chaleureux, visiblement heureux de suivre la baguette la plus précise et inspirée qui soit.

Chopin, peu de chefs aiment diriger le premier ou le second concerto, il n’y a « rien à faire », c’est « mal orchestré » – les poncifs ont la vie dure ! -. Krivine lui prend du plaisir à donner du relief à ce qui est un véritable écrin pour la virtuosité et la poésie du pianiste. Le jeu du soliste canadien, Louis Lortie, m’a toujours semblé un peu froid, neutre même, mais dans Chopin ce n’est pas forcément un défaut, ça nous épargne les mièvreries, les relucades de telle star chinoise.

Venons-en donc à Zemlinsky. J’avais une petite idée en suggérant que Krivine dirige cette Sirène plutôt qu’un Brahms ou un Tchaikovski : je voulais retrouver – et faire partager au public de l’Auditorium – l’incroyable émotion que j’avais ressentie le 18 juillet 2000 en découvrant… à Montpellier (le Festival déjà !) cette somptueuse fresque symphonique dirigée par…Emmanuel Krivine prenant congé de l’Orchestre national de Lyon (dont il avait été le directeur musical depuis 1987). Par deux fois plus tard je programmerais Die Seejungfrau à Liège (d’abord avec Armin Jordan, puis avec Pascal Rophé). Et à chaque fois j’entendrais public et musiciens comblés, ensorcelés, par cette sirène !

Nul mieux que Krivine aujourd’hui ne maîtrise cette partition qui fait scintiller tous les pupitres du grand orchestre, qui fait circuler de sublimes motifs, des Leitmotive presque, parmi les trois mouvements de l’oeuvre. Les alliages de timbres, l’allure, la souplesse si viennoises, montrent un Orchestre National et des solistes (le cor d’Hervé Joulain, le violon de Sarah Nemtanu, mais tous les autres sont à citer !) des très grands jours. On espère que l’histoire aura une suite…

La discographie de Zemlinsky n’est pas encore pléthorique, mais Chailly n’est pas le plus mauvais choix.

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