Pierre Boulez (II) : un centenaire, des souvenirs

J’assistais ce matin à une partie du colloque que la Philharmonie de Paris organise à l’occasion du centenaire de Pierre Boulez (1925-2016).

Je n’ai rien appris de vraiment nouveau, mais l’animateur de la réunion, Christian Merlin, ami, confrère et auteur d’une somme passionnante (et sans équivalent à ce jour) sur le chef/compositeur, avait très bien fait les choses comme toujours.

Des souvenirs

Je ne vais pas réinventer des souvenirs, souvent très personnels, que j’ai de Pierre Boulez. Plutôt rassembler ici ceux que j’ai livrés au fil des ans dans plusieurs articles de ce blog.

En précisant ceci : je n’ai jamais eu, dans toute ma vie professionnelle, aucun lien de dépendance avec Boulez, je ne lui ai jamais rien dû, ni demandé. En revanche, comme en témoignent les extraits ci-dessous, il m’a toujours témoigné une bienveillance, voire un intérêt dont je n’ai jamais compris l’objet. A quoi je peux ajouter – ce que je n’ai encore jamais livré – un épisode qui révèle un aspect du Boulez « institutionnel » qui a été si souvent décrié ou craint. En septembre 2008 j’étais allé lui rendre visite à Lucerne. On m’avait prévenu – son secrétariat à Paris – qu’il ne recevait personne, et que ma demande d’une entrevue avait toutes les chances de ne pas aboutir. Moyennant quoi, moins de 48 h après mon appel, je reçus confirmation d’une date et d’une heure (« mais c’est parce que c’est vous! »). Or je n’avais plus eu, depuis 1995 et la journée anniversaire de ses 70 ans sur France Musique, aucun rendez-vous ni contact, autre que furtif, avec Pierre Boulez!

L’Orchestre de Paris

Au cours de cet après-midi dans sa chambre d’hôtel à Lucerne, je l’avais interrogé sur la succession du directeur général de l’Orchestre de Paris, puisque le microcosme parisien s’agitait et surtout que plusieurs musiciens amis de l’orchestre me poussaient à poser ma candidature. P.B. était alors membre du Conseil d’administration de l’Orchestre et chacun savait que rien ne se déciderait sans ou contre lui. Il me dit alors des choses très aimables, qui me remplirent de confusion, et dézingua en quelques mots les trois ou quatre noms qui postulaient (« médiocre », « pas au niveau »). Pour être complet, et c’était du pur Boulez comme l’ont connu ceux qui ont institutionnellement travaillé avec lui, il me fit comprendre que je ne serais pas le moins qualifié pour y aller, mais qu’il ne prendrait pas part aux travaux du conseil d’administration. Allons jusqu’au bout de l’histoire – il y a prescription ! – je fus invité par le comité de sélection (présidé par l’intransigeant Pierre Joxe) à exposer, en toute confidentialité, ma vision des choses, insistant sur la nécessité d’une direction unique et non d’un binôme artistique/administratif comme il y a en partout en France, je voyais que j’avais convaincu les personnalités du comité, à commencer par le président. Celui-ci me fit remarquer que ledit comité n’aurait sans doute pas la décision finale, puisque le CA était partagé à égalité entre les représentants de l’Etat et de la Ville de Paris. De fait, quelques semaines plus tard, c’est un binôme qui fut nommé, pour complaire aux deux tutelles !

Boulez 70 ans

Extrait de Boulez vintage :

« Je me rappelle, comme si c’était hier, une autre grande journée sur la même antenne, le 19 février 1995. Pour les 70 ans du maître !

Tout avait commencé quelques semaines plus tôt par un déjeuner, dans un restaurant des Halles, non loin de l’IRCAM, où Pierre Boulez avait ses habitudes. Hommage, anniversaire, journée spéciale, difficile de renouveler le genre à la radio. Je souhaitais quelque chose de plus original, une sorte de carte blanche, mais raisonnée à la manière du compositeur.

Les archives du Centre Pompidou gardent la trace du déroulement d’une journée qui allait  dresser un portrait à multiples facettes d’un personnage clé du XXème siècle. Pierre Boulez décida très vite d’un ordonnancement qui n’avait rien de complaisant, et le confia à Laurent Bayle alors son bras droit à l’IRCAM : Boulez, années de jeunesse, Boulez chef d’orchestre, Boulez créateur et animateur d’institutions, Boulez entre théâtre et opéra, Boulez dans l’atelier du musicien, ses affinités littéraires, etc. Il souhaitait inviter des amis, des complices, des partenaires d’idées et de travail. C’est ainsi qu’on convia, entre autres, Patrice Chéreau, Gérard Mortier, Michel Tabachnik, et qu’un cocktail réunit en fin de journée autour de Jean Maheu, le PDG de Radio France et de Claude Samuel, le directeur de la musique, le Tout-Paris culturel et musical, Claude Pompidou en tête.

Deux souvenirs plus personnels d’une journée incroyablement intense, qui épuisa tout le monde.. sauf le principal intéressé !

A midi d’abord ce 19 février, on avait réservé une petite heure pour permettre à Pierre Boulez de se restaurer, je l’accompagnai à ce qui était alors la brasserie de l’hôtel Nikko en face de la Maison de la Radio. N’ayant jamais été d’aucun clan, je n’en étais que plus à l’aise pour interroger mon interlocuteur sur ces musiques et ces compositeurs qu’il était censé détester (Sibelius, Chostakovitch, Bruckner…). J’eus des réponses qui sortaient absolument des clichés et des a priori. Et preuve en fut donnée quelques années plus tard

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Je crois savoir qu’une Neuvième de Bruckner a été captée… mais jamais publiée !

Autre souvenir de ce 19 février : Pierre Boulez a tenu à être présent jusqu’au bout. Il est donc minuit lorsqu’il prend congé. Je lui propose une voiture pour le raccompagner. C’est mal le connaître, vif et alerte malgré l’heure avancée, il quitte à grandes foulées la Maison ronde, traversant le pont sur la Seine pour rejoindre son port d’attache dans les hautes tours du quai André Citroën.

L’été 1992

« Souvenir de l’été 1992 : Boulez dirigeait les Wiener Philharmoniker aux Prom’s à Londres. J’étais à la Radio suisse romande, au lieu des traditionnelles et encombrantes bandes que s’échangeaient les radios publiques, j’avais reçu ce concert capté par la BBC sur deux CD pour le diffuser sur les ondes de la RSR. J’ai gardé précieusement ce double CD..« 

Un certain Pierre Boulez

Le 6 janvier 2016, on apprend le décès du musicien, qu’on savait malade et diminué depuis des mois.

« L’homme que j’ai quelquefois approché était exactement l’inverse du personnage craint et redouté (parce que redoutable) qu’il s’était sans doute en partie forgé. D’une attention à l’autre, d’une écoute simple et lumineuse à qui venait lui parler, poser des questions, solliciter un conseil.

Je le voyais souvent furtivement à la fin d’un concert ou l’autre, nous n’échangions que quelques mots, mais jamais convenus, comme si le dialogue entrepris plusieurs mois, voire années, auparavant reprenait. Pierre Boulez était au courant de tout et de tous. Ainsi c’est lui qui annonça à des amis parisiens (qui ne manquèrent pas de me le rapporter… surpris que le Maitre ait porté attention à un fait aussi insignifiant !) que j’avais été nommé à la direction de l’orchestre de Liège fin 1999…« 

Lucerne 2008

Après le long entretien que nous avions eu dans sa chambre d’hôtel à Lucerne, Pierre Boulez dirigeait un programme-fleuve :

« Le soir même dans la nouvelle salle de concerts du festival de Lucerne, pas moins de trois créations, des pièces de Berio, Carter – la première partie atteignait les 90 minutes -et pour terminer l’exploit, le Sacre du printemps, plus sensuel, libre que jamais. Le retrouvant près de sa loge à l’issue du concert, frais et dispos, sans nulle trace de l’effort colossal qu’il avait accompli, il me dit simplement : « C’était pas mal non ? ». Que répondre, essayer de balbutier, quand on est encore sous le coup de l’émotion ? Je m’entends encore lui dire : « Pas mal en effet » ! Avec un sourire complice.

Je l’ai revu ensuite à quelques concerts, l’un à Baden Baden, en 2009 je crois, puis soudain vieilli, hésitant à la première du Freischütz de Weber dans la version de Berlioz, à l’Opéra Comique, dirigé par John Eliot Gardiner (avec ma chère Sophie Karthäuser). C’était en avril 2011. Depuis lors je n’avais de nouvelles que partielles, de sources sûres, et les dernières n’étaient pas rassurantes.

Voilà le Pierre Boulez que j’ai un peu connu, l’homme et l’artiste qu’il m’a été donné de rencontrer par-delà le masque de la notoriété.« 

L’Amérique d’avant : Ives, Bolet, Stokowski

J’ai bien fait de faire un saut aux Etats-Unis il y a un an (New York toujours, Sur les rives de l’Ohio). Je ne suis pas près d’y retourner dans les quatre ans à venir…

Pour entretenir l’admiration que j’ai pour ce pays et sa culture, il y a heureusement la musique, et d’innombrables témoignages d’un glorieux passé, comme le prouvent trois superbes rééditions.

Charles Ives (1874-1955) le sesquicentenaire

Il n’y a pas eu beaucoup de précipitation chez les éditeurs pour célébrer le 150e anniversaire de la naissance du compositeur : « L’intérêt de Charles Ives pour le mélomane européen est qu’il n’entre dans aucune case, aucune catégorie pré-définie. Et s’il nous fallait simplement des oreilles neuves, débarrassées de références, de comparaisons, pour écouter une oeuvre disparate, audacieuse, singulière » (Ives l’Américain)

Sony vient de publier l’un des coffrets les plus intelligents et documentés qui soient, une « anthologie » d’albums enregistrés par et pour la Columbia entre 1945 et 1970. Avec une excellente présentation – en anglais – du compositeur, de ses oeuvres et de ses interprètes.

Pour un prix – pour une fois – très modique, c’est l’occasion ou jamais de pénétrer un univers surprenant, parfois déconcertant, toujours passionnant.

Ainsi son oeuvre chorale :

Charles Ives est encore admiré par les compositeurs d’aujourd’hui, comme ici Matthias Pintscher dirigeant l’Ensemble Intercontemporain dans ce qui reste l’une des oeuvres les plus jouées de l’Américain : Three Places in New England

Dans ce coffret, il y a du connu, les 4 symphonies – Bernstein, Ormandy, Stokowski pour la 4e – et les pièces d’orchestre connues (Central Park in the Dark, The unanswered question, les variations sur America), la musique de chambre peu nombreuse, le piano (les 2 sonates)

et surtout peut-être un extraordinaire bouquet de mélodies chantées par Evelyn Lear etThomas Stewart, excusez du peu !

De La Havane à la Californie

J’ai eu la chance de voir une fois en concert, à Genève, avec l’Orchestre de la Suisse romande, le pianiste cubain Jorge Bolet (1914-1990), né à La Havane, mort en Californie. En réalité, je le connais par le disque et quelques vidéos. Je lui ai toujours trouvé tant dans le port que dans son jeu une allure aristocratique, un faux air de colonel de l’armée des Indes.

Peut-être parce qu’ils avaient oublié le centenaire de sa naissance, les responsables de Decca sortent… pour ses 110 ans, une intégrale vraiment intégrale de ses enregistrements, déjà connus, souvent réédités (notamment un coffret Liszt). C’est un bonheur de retrouver cette noblesse, ce quelque chose qui nous paraît venu d’un temps oublié, où la chaleur du son, l’éloquence de la diction, imposaient une personnalité.

Peut-on mieux jouer ces pièces si célèbres qu’on ne les entend plus au concert….

Stokowski et l’Everest

Leopold Stokowski (1882-1977) est un sujet inépuisable de polémiques… et d’admiration. Encore récemment (Vive le live) j’évoquais la parution d’un coffret de prises de concert réalisées par la BBC avec le chef anglais (en dépit d’un patronyme qu’il tient d’un père aux ascendances polonaises, Stokowski n’a jamais été russe ni assimilé !). Et j’écrivais : On est à nouveau frappé par l’immensité du répertoire que Stokowski a abordé tout au long de sa carrière et jusqu’à un âge très avancé. Il a longtemps passé pour un chef excentrique, privilégiant le spectaculaire au respect de la partition. Stokowski vaut infiniment mieux que cette caricature. Stokowski a bénéficié d’un nombre impressionnant de rééditions, à la mesure d’une carrière et d’une discographie gigantesques.

J’ai dans ma discothèque bon nombre d’autres disques isolés, trouvés souvent par hasard lorsqu’il y avait encore, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, des disquaires spécialisés, et en France chez Gibert ou Melomania. Notamment pour des labels toujours tenus en très haute estime pour la qualité de ses prises de son.. Vanguard et Everest. Le label britannique Alto qui recycle nombre d’enregistrements, parfois devenus introuvables, a l’excellente idée de regrouper dans un coffret de 10 CD tout le legs Stokowski pour Everest.

Parmi les « spécialités » de Stokowski, il y avait outre ses arrangements spectaculaires de Bach, les suites symphoniques qu’il réalisait de grands opéras de Wagner ou… Moussorgski. Mais le chef fut surtout l’un des plus ardents promoteurs, voire créateurs, de la musique de son temps, de ses contemporains du XXe siècle. Témoins certaines des pépites de ce coffret :

Crépuscules : Pollini, Eötvös

J’ai pris quelques jours de vacances en me promettant de me tenir loin de l’actualité.

Le cas Pollini

Mais voilà qu’après avoir débarqué sur les rivages d’une mer calme après un heureux voyage je suis submergé par les hommages que je lis de tous côtés sur le pianiste Maurizio Pollini, mort ce 23 mars.

Comme pour Frédéric Mitterrand avant-hier mon premier réflexe est de me taire, de ne rien écrire ou dire de plus que le tombereau de tributs sous lequel le disparu est déjà enseveli. J’avais écrit naguère, après un récital du pianiste italien à la Philharmonie de Paris, un billet sobrement intitulé Crépuscule, qui m’avait valu tellement de reproches, voire de sarcasmes – comment osais-je critiquer une « légende » ? – que je vais m’en tenir là.

Maurizio Pollini 21 novembre 2019 / Philharmonie de Paris (Photo JPR)

Un jour, quand je ne serai plus en vacances, j’expliquerai peut-être pourquoi je n’ai jamais marché dans le « narratif » (c’est comme ça qu’on dit aujourd’hui !) élaboré autour du personnage et même de l’artiste. Entre-temps, je réécouterai sûrement quelques-uns de ses enregistrements (je précise, tout de même, que, tout critique que je sois à l’égard de Pollini, j’ai la totalité de ses enregistrements officiels dans ma discothèque et même quelques « live »)

Peter Eötvös (1944-2024)

Peter Eötvös (1944-2024)

Je ne peux pas dire que j’ai bien connu le chef et compositeur Peter Eötvös, qui vient de disparaître à tout juste 80 ans, mais les quelques rencontres que j’ai eues avec lui m’ont marqué, pour différentes raisons. Et sa disparition, même prévisible – la maladie l’avait empêché d’assister à l’hommage que Radio France voulait lui rendre pour son anniversaire en janvier dernier -, m’attriste.

Le personnage était très attachant, exigeant mais jamais poseur, et il a sans doute fait beaucoup plus pour la « musique contemporaine » que nombre de ses collègues, parce qu’il avait le don de la pédagogie, y compris dans son écriture.

La dernière fois que j’ai eu l’occasion de faire oeuvre utile pour lui, c’était il y a neuf ans, dans mes fonctions d’alors de directeur de la musique de Radio France, comme je l’ai raconté dans un billet précédent (Suites et conséquences) :

« C’est ainsi qu’un magnifique projet de concerts et d’enregistrements fin 2014 autour de Peter Eötvös  avait  failli capoter, parce que la mise en place des répétitions et des concerts dans les deux toutes nouvelles salles de concert de la Maison de la radio (Studio 104 et Auditorium) s’avérait très compliquée du fait des effectifs requis. Il n’y avait pas de maison de disques partenaire à l’horizon.  A force de conviction, de persévérance, et de beaucoup de bonne volonté de la part de toutes les personnes impliquées, on a pu organiser les répétitions, les concerts, puis la collaboration entre Radio France et le label Alpha, membre du groupe Outhere (le même éditeur que le coffret Lalo des Liégeois !). Le disque vient de sortir, où ma préférence va, je l’avoue, à la prestation pyrotechnique de Martin Grubinger !

J’ajouterai à ce que j’écrivais en 2016 que l’organisation administrative qui régissait alors les services de Radio France mettait tous les freins possibles à ce qui ‘n’entrait pas dans les périmètres balisés des uns et des autres…

Je reviendrai plus tard sur d’autres souvenirs de cette lumineuse personnalité…

Découvrir Boulez

Mon titre surprend ? Y a-t-il encore des choses à découvrir sur le compositeur, chef d’orchestre disparu en janvier 2016 ?

Réponse : oui. En visitant la passionnante exposition proposée dans la Galerie des donateurs de la Bibliothèque Nationale de France, à partir du fonds déposé à la BNF par la succession de Pierre Boulez.

Nombre de documents – lettres, articles, partitions, photos, pochettes de disques – jusqu’alors inaccessibles au public, et qui révèlent, pour ceux qui auraient une image réductrice ou caricaturale de Boulez, l’envergure intellectuelle, mais aussi la bienveillance à l’égard de ses contemporains, dans ses années de maturité.

Pierre Boulez et Roger Désormière au cimetière d’Auvers-sur-Oise sur la tombe de Van Gogh ! Que faisaient-ils là ?

Photos d’enfance et cette carte de Marcelle Boulez, la mère du compositeur, qui se félicite du succès de la création du Visage Nuptial !
La couverture du disque enregistré chez Vega : les quatre premiers concertos de Mozart avec Yvonne Loriod en soliste. Etonnant pour le moins…
Olivier Messiaen, Yvonne Loriod et Pierre Boulez

Chant funèbre, poème extrait des rites des tribus du Haut-Abanga (1943)

Une photo émouvante, surtout après les récentes déclarations de Daniel Barenboim sur son état de santé. On reconnaît à droite le grand flûtiste Jean-Pierre Rampal.
Un manuscrit de György Kurtag (1985) : Kafka Fragmente op.24, Der wahre Weg (hommage-message à Pierre Boulez)
Au moment où se conçoit l’ensemble qui va naître au parc de la Villette – le Conservatoire, la Cité de la Musique, puis la Philharmonie – la réflexion de Pierre Boulez prend tout son sens.
Retour où tout a commencé pour le jeune homme de 21 ans, dans la fosse de la compagnie Renaud-Barrault.

Ce ne sont que quelques éléments d’une exposition qui n’est pas considérable, mais où chaque document captive, retient l’attention. Une exposition à voir absolument – entrée libre et gratuite – à la Bibliothèque nationale de France – François Mitterrand : J’ai horreur du souvenir

La Scala et Tartuffe

Non, la Scala de Milan ne s’est pas mise à concurrencer la Comédie-Française. Il se trouve que j’ai enchaîné samedi dernier deux spectacles, deux temps forts, qui se donnaient à quelques dizaines de mètres l’un de l’autre.

D’abord le week-end inaugural d’un nouveau lieu de création à Paris, un ancien café-concert fondé en 1874, devenu un cinéma, spécialisé dans le porno à partir de 1970, au 13 boulevard de Strasbourg, en face des théâtres Comoedia et Antoine : La Scala

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Formidable pari de Mélanie et Frédéric Biessy (lire leur interview dans Le Monde : Les amoureux de La Scala), un lieu d’emblée sympathique, un environnement sonore exceptionnellement réussi, signé Philippe ManouryEt même si ce n’est pas l’essentiel, un bar et un petit restaurant très agréables – félicitations à la jeune équipe et au chef, ex-patron du restaurant strasbourgeois Zimmer, père de Mélanie Biessy, pour une belle carte de beaux produits frais, légumes et fruits, à prix très modéré, et un service parfait, rapide et souriant !.

Tout le week-end était intitulé Aux Armes, Contemporains, sept concerts destinés à tester les capacités et qualités de cette salle de 550 places, à mesurer l’accueil que les publics lui réserveraient. J’avais choisi l’un d’eux, samedi après-midi, qui semblait un résumé, un « best-of » des esthétiques musicales développées depuis vingt ans : Aperghis, Boulez, Romitelli, Harvey, Mantovani, etc.

42399305_10156653781008194_2578771817049096192_nQuatre chanteuses de l’ensemble Les Cris de Paris dans une démonstration un peu longuette de l’éventail des possibles pour un quatuor vocal prêt à toutes les expériences.

42366808_10156653780823194_3585373891939270656_nLe clarinettiste Jérôme Comte, membre de l’Ensemble InterContemporain, époustouflant dans Bug, une pièce de jeunesse de Bruno Mantovani

42303206_10156653781728194_5482831859958153216_nGaspard Dehaene donnait Une page d’éphéméride, une des toutes dernières oeuvres de Pierre Boulez

C’est à l’excellent Rodolphe Bruneau-Boulmier (bien connu des auditeurs de France Musique) qu’a été confiée la programmation musicale contemporaine du nouveau lieu, et c’est lui qui présentait les concerts de ce week-end- d’ouverture.

Longue vie à ce nouveau lieu, qui n’a pas d’équivalent dans Paris, moins intimidant que la Philharmonie, l’IRCAM ou les studios de Radio France, idéalement situé au coeur de Paris, et qui surtout propose un très beau mélange de théâtre, danse, cirque, musique, poésie.

J’ai ensuite fait faux bond à La Scala pour me rendre au théâtre de la Porte Saint-Martin où se donne une nouvelle production du Tartuffe de Molière. L’an dernier, le duo Michel Bouquet – Michel Fau tenait la vedette, je n’avais pas assisté à ce spectacle et les échos que j’en avais eus étaient pour le moins contrastés, comme devait l’être d’ailleurs le jeu des deux acteurs, aussi dissemblables que possible.

La nouvelle mise en scène est due à Peter Steinl’un des maîtres du théâtre allemand, et la distribution est nettement plus classique que la précédente. Une pièce qu’on connaît par coeur, dont on attend les répliques culte, le risque d’être déçu par des interprètes qui jouent les vedettes. Ou, au contraire, ce qui arriva, la chance d’être conquis par une troupe qui restitue avec gourmandise un texte qui n’a rien perdu de sa force, autant tous les citer : Pierre Arditi, Jacques Weber, Isabelle Gelinas, Manon Combes, Catherine Ferran, Bernard Gabay, Félicien Juttner, Jean-Baptiste Malartre, Marion Malenfant, Loïc Mobihan, Luc Tremblais.

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